Henry Bauchau [Belgique]

Stell_A a écrit:

Un livre passionnant et profond.
Un livre qu'on n'oublie pas.

Je suis justement en train de le lire...et oui, c'est un livre très profond...qu'on n'aborde pas pour se divertir...

Ecouter Henri Bauchau: clic

Merci pour ta participation à ce fil Stell_A, c'est toujours agréable de lire les commentaires des autres lecteurs

J'écouterai ce soir Coline

La lecture d'un roman de Henri Bauchau est de celle qui se mérite

Edit : pour rappel, Le boulevard périphérique est disponible dans le cadre du cerclage !

sentinelle a écrit:

Edit : pour rappel, Le boulevard périphérique est disponible dans le cadre du cerclage !

Je vais me porter candidate...
Edit:
mais je ne l'ai pas trouvé...

coline a écrit:

sentinelle a écrit:

Edit : pour rappel, Le boulevard périphérique est disponible dans le cadre du cerclage !

Je vais me porter candidate...
Edit:
mais je ne l'ai pas trouvé...

il est bien dans ma récap' mais la dernier fois que j'en ai entendu parlé, il partait chez Marie....

Marie était overbookée, donc il est toujours chez moi et attend preneur(se)

Je n'ai pas encore rassemblé mes idées sur ce livre dense et fort, mais je vais tâcher de le faire bientôt.
Je pense que tu résumes assez bien l'impression globale Sentinelle

Citation :

J'ai aimé ce livre mais je vais avoir beaucoup de mal à expliquer le pourquoi du comment.
Difficulté à mettre des mots là où j'ai ressenti de l'émotion

J'ajouterai que par endroits ce roman m'a mise mal à l'aise (la personnalité trouble et perverse de Shadow, les rapports entre Stéphane et lui) et à d'autres il m'a bouleversée.

Donc, un roman particulier, sensible et déroutant, mais qui ose aller plus loin et ne laisse absolument pas indifférent.

sentinelle a écrit:

Marie était overbookée, donc il est toujours chez moi et attend preneur(se)

Tu as preneuse...

Je précise que je suis un grand admirateur de l'oeuvre de Bauchau. Et pourtant Le Boulevard périphérique m'inquiète. Mais est-ce encore possible d'émettre des réserves sur un livre accueilli partout avec une admiration aussi unanime ?
Par son récit qui relève en partie de l'autobiographie, Henry Bauchau nous renvoie immanquablement à sa propre histoire de 40-44. Mais qui s'en souvient ? Et pourquoi y revient-il alors qu'elle fut si décevante pour lui ?
Quoi qu'il en soit, une phrase parmi d'autres, celle-ci se trouve pages 59-60, me fait trembler :
" ...mais eux, les Waffen SS, les soldats d'une caste, se sentaient encore vainqueurs... Ils passaient et, tout en les détestant, je ne pouvais m'empêcher de les admirer. "

J'ai trouvé L'enfant bleu
Pour Le boulevard périphérique, oui, je suis toujours preneuse, mais après mes prochaines vacances..

Citation :

Mais est-ce encore possible d'émettre des réserves sur un livre accueilli partout avec une admiration aussi unanime ?

tout à fait, et heureusement. Et tous n'étaient pas si unanimes, en particulier dans l'émission littéraire de France Culture, Jeux d'épreuves.
Et les réserves que tu émets, c'est à cause de cette ambiguité à l'égard des Waffen SS? Ou autre chose?

Merci, Marie, de me signaler l'émission de France-Culture. Je vais tenter de la retrouver.
Quant à mes réserves, j'avouerai que j'ai quelque réticence à les formuler, tant l'oeuvre d'Henry Bauchau, dans son ensemble, me fascine. Et l'auteur lui-même est un personnage très attachant, du moins tel qu'il se livre dans ses différents journaux. Il faut dire aussi, que nous avons, en Belgique, des exégètes particulièrement compétents et pointus pour tout ce qui concerne Henry Bauchau.
Première réserve au chapitre IV où figure ce morceau d'anthologie, cité par beaucoup de commentateurs, qui raconte l'intervention de femmes lors d'une rafle de jeunes gens emmenés en Allemagne. Bien sûr, une fiction n'est pas une oeuvre historique et un écrivain est toujours libre d'inventer. Mais lorsque la plus grande part d'un récit reprend des événements et des personnages qui n'ont rien de fictif, c'est plus qu'ambigu, me semble-t-il, d'introduire une narration totalement imaginaire (voir les historiens). C'est favoriser un confusionisme historique très délicat. Evidemment, cette part fictionnelle répond au dessein de l'auteur. Les exégètes ont relevé à ce sujet le rôle salvateur des femmes dans la société. Page 22 d'ailleurs, Henry Bauchau avait déjà écrit : " Jamais je n'ai compris comme en cet instant combien l'homme, le mâle, est gratuit en somme, fait pour le jeu, la guerre. La femme, l'enfant l'entraînent vers le travail,vers la civilisation. " Quel est ce clivage binaire entre les humains ? Est-ce vraiment constitutif de la sexuation ?
Autre point : le personnage de Shadow, ce SS plus qu'imaginaire, apparaît tout aussi invraisemblable que le Max Aue des Bienveillantes. La charge négative que l'auteur impose est énorme. j'évite d'entrer dans les détails de cette description caricaturale et délirante.
D'autres points faibles pourraient être encore relevés. Ce sera pour plus tard peut-être.
Dernier détail : je ne vois aucune ambiguÏté ldans le fait qu'un auteur aitécrit qu'il éprouve de l'admiration pour des soldats SS conquérants.

Citation :

La femme, l'enfant l'entraînent vers le travail,vers la civilisation. " Quel est ce clivage binaire entre les humains ? Est-ce vraiment constitutif de la sexuation ?

Hum.... Je ne vais pas me relancer dans un débat, mais il se trouve que mon mari a fait une étude pour sa thèse sur ce sujet ( celui des comportements d'un groupe d'hommes en situation isolée sur une longue durée - en l'occurrence aux Iles Kerguelen- ), et qu'il n'était pas loin d'aboutir aux mêmes conclusions.. C'était bien sûr il y a quelque temps déjà, et les hommes sont devenus beaucoup plus spontanément "civilisés" depuis.. Beaucoup, beaucoup plus Je passe...

Je ne pourrais pas répondre au sujet des personnages du livre de Bauchau , puisque je ne l'ai pas encore lu, mais vous rejoins , Cascade , au sujet du personnage de Aue. A ce propos, avez vous lu le livre -essai de Littell sur Léon Degrelle, qui lui aurait servi de soit disant "modèle" pour le personnage des Bienveillantes, Le sec et l'humide?

Je n'ai pas lu "Le sec et l'humide" et je ne le lirai probablement pas. Non seulement personnage malfaisant mais en même temps tellement grotesque, Degrelle ne mérite en rien l'intérêt que Jonathan Littell lui porte.

L'enfant bleu

« En arrivant je vois, affiché sur le mur par le professeur d’art, un dessin qui m’enchante et s’accorde à la détresse bien cachée que j’éprouve. C’est une très petite île, une île bleue, entourée de sable blond et couverte seulement de quelques palmiers. Cette île, son ciel, sa lumière, sa minuscule solitude protégée par une mer chaude expriment le désir, la douleur d’un cœur blessé. Le dessin naïf, d’une manière fruste, toute pénétrée de rêve, me fait sentir avec force le silence, l’exil terrifié, la scandaleuse espérance dont il est né.
On me dit que c’est l’œuvre d’Orion, un garçon de treize ans, en qui alternent l’application, de fortes inhibitions et des crises de violence. Sans savoir son nom, je connais Orion car aux interruptions de cours il vient toujours se coller à la porte de la salle des profs pour solliciter protection contre les provocations de ses camarades. Pâle, les cheveux longs, l’air souvent égaré, serrant étroitement contre lui son cartable que les autres cherchent à lui arracher, il me fait penser à un suppliant.
Le lendemain, je m’approche de lui : “J’ai vu ton dessin de l’île, il est très beau, je l’aime beaucoup.” Il me regarde l’air effrayé et heureux, je poursuis : “Tu as beaucoup de talent.” Il sourit encore mais son regard s’assombrit, serait-ce de perplexité ? Est-ce qu’en quatrième il pourrait ne pas comprendre le mot talent ? J’ajoute vite : “C’est un dessin qui fait du bien.” Son visage s’éclaire à nouveau : “Oui, dessiner une île, ça fait du bien.”
L’heure du retour en classe sonne, il s’en va sans dire au revoir, poussé, happé par les autres, mais avant de prendre le couloir qui mène vers sa classe il se retourne et me fait de la main un petit signe timide. »

Véronique est psychanalyste dans un hôpital de jour à Paris. Orion, adolescent psychotique, va lui être confié. En période de crise, Orion est la proie du « démon de Paris » qui lui envoie de terribles rayons. Il dit que seuls les trois cents chevaux blancs qui certaines nuits galopent dans les rues de Paris peuvent le repousser.
Véronique se dit:
"Trois cents chevaux blancs qui poursuivent le démon de Paris, celui qui a vu cela a reçu un don, un rayon de douleur, un rayon de lumière. C'est peut-être un artiste? C'est peut-être sa voie, s'il en a une?"

Et sentant qu’il il est doué d'une imagination puissante, Véronique l'oriente vers le dessin puis la sculpture.
"C'est mieux de casser sa gueule en dessin que dans le vrai" dit Orion.

" Pour se déployer son imagination a besoin de quelqu'un qui l'écoute, qui croit en lui et dont la confiance suscite l'énorme effort qu'il doit fournir pour aller de l'avant et se libérer du banal."
Alors douce , ferme et persévérante, « la psycho-prof un peu docteur »accompagnera Orion sur le chemin de la création, tout en l’aidant de plus en plus à gérer les crises qui l’assaillent. C’est lent, il y a des rechutes. Mais Orion en sera peut-être «résurrectifié».

L’enfant s’exprime par le dessin et fait aussi le récit de ses peurs en dictant à Véronique ses « dictées d’angoisse ».
Elle apprend ainsi qu’il a été opéré du coeur à 4 ans et qu’à ce moment-là le démon est entré plus encore dans sa vie, l’attaquant de ses rayons. A ce moment-là aussi, un jeune garçon, « l’enfant bleu » a veillé sur lui à l’hôpital.

Je me suis demandé au début de ma lecture si j’allais pouvoir apprécier ce roman parce que je craignais qu’il me manque les connaissances médicales. Mais très vite je me suis attachée totalement à Orion, l’enfant en souffrance, « brigandoragé dans sa tête », le poète, l’artiste.
J’ai été saisie par son intelligence, touchée par sa sensibilité, étonnée de son merveilleux langage " chambardifié », émue par son besoin d’être aimé et bouleversée par sa souffrance.
Ce livre est le récit d’une cure, certes, mais il est aussi un roman admirablement écrit. Henry Bauchau a travaillé dans un hôpital d'adolescents psychotiques . Il parle donc d’expérience, mais en littéraire.

Initialement, L’enfant bleu devait s’intituler Le Peuple du désastre.
A un moment Véronique dit :
« Orion et moi, nous sommes du même peuple. Quel peuple ? Le peuple du désastre ».
Le peuple des handicapés, « les « presque finis »

Orion dit :
« Une œuvre, quand elle est presque finie, on sent une chaleur, un début de rayon pour qu’on ne finisse pas. Moi, on est une espèce de presque, de pas fini. Etre comme les autres, est-ce que c’est être fini ? On voudrait et le presque ne veut pas. On souffre pour finir les œuvres, on aimerait mieux faire des œuvres brûlées. Toi, Madame, tu es une presque ou une finie ? »

Véronique est un peu poète mais pas tout à fait…
Son mari, Vasco, ingénieur peine à mettre au grand jour ses talents de musicien…
Tous deux, pris par leur quotidien , sont comme Orion des « presque finis » …
« Ainsi va l’art, ainsi va l’écriture, toujours combattant la mort, toujours vaincus et reprenant d’âge en âge le combat ».

Un livre exceptionnel!

Cascade a écrit:

Quoi qu'il en soit, une phrase parmi d'autres, celle-ci se trouve pages 59-60, me fait trembler :
" ...mais eux, les Waffen SS, les soldats d'une caste, se sentaient encore vainqueurs... Ils passaient et, tout en les détestant, je ne pouvais m'empêcher de les admirer. "

Je n’ai pas lu ce livre mais ce qu’admire le narrateur semble être la puissance qu’ils dégagent et non ce qu’ils représentent (cela il le déteste)…et il est loin d’être le seul à éprouver de l’admiration, voire de la vénération, pour la puissance…malheureusement…

Cascade a écrit:

Page 22 d'ailleurs, Henry Bauchau avait déjà écrit : " Jamais je n'ai compris comme en cet instant combien l'homme, le mâle, est gratuit en somme, fait pour le jeu, la guerre. La femme, l'enfant l'entraînent vers le travail,vers la civilisation. "

On pourrait penser, ce qui semble être le cas du narrateur, que cette fascination n’existe pas ou existe moins chez les femmes ; personnellement je ne le crois pas mais il est clair qu’elle se traduit de façon différente pour plein de raisons, principalement culturelles.

Cette admiration, souvent mêlée à de la peur, est génératrice de l’obéissance qui fait que des régimes, tel que celui des nazis, s’imposent auprès de population, même éduquée, dans certaines circonstances.
Par contre pour « mettre la main à la patte » à l’ignominie, il faut autre chose que de la peur, ou même de la vénération, il faut une structure mentale (maladie ?) qui vous prépare à l’accepter. D’ailleurs, l’acceptation est progressive et l’on remarque que les pires ignominies des nazis sont arrivées plutôt vers la fin.
C’est pour cela que je ne trouve pas le personnage de Max Aue (livre que j’ai lu - voir le fil de Littell) invraisemblable…particulier certes, mais très logique dans son système de pensées, "progressivement" et, malheureusement, "humainement" monstrueux.