Laurent Gaudé

tom léo a écrit:

J'ai tant aimé "Le soleil des Scorta"! Et maintenant j'ai terminé avec mon deuxième Gaudé "La mort du roi Tsongor" avec un sentiment légèrement plus mélangé.

L'histoire me laisse perplexe: est-ce que bien "raisonnable", tout ces combats? Quelle idiotié... Sentiment de fatalité: on peut faire ce qu'on veut, ils sont tous voués à la mort. Plusieurs fois l'impression d'avoir du - moi - changer d'opinion en cours de lecture: d'apprendre un élément qui change la donne. Déroutant.

Je suis rendu au milieu du livre. Je crois qu'il faut se mettre dans la peau du personnage pour comprendre. (Dans mon cas) Je deviens l'instant du moment le personnage qui est décrit. Ce royaume fût acquis par la guerre fait par le roi Tsongor sur son passage. Maintenant ils se disputent la fille et le royaume,dus-moins ce qu'il en reste. (C'est l'incendie au village).

J'ai terminé La mort du Roi Tsongor.
Un chemin de guerre tout au long de l'aventure.

mimi a écrit:

J'ai découvert Laurent Gaudé cet été avec "la mort du roi Tsongor" et vous informe que j'ai apprécié.
J'ai dévoré ce livre qui m'a emportée loin. Un grand auteur et un grand conteur, sans nul doute. L'écriture est fluide et intemporelle. Difficile d'en parler après coup mais il me reste des images (oui des images !) et l'envie d'y retourner dès que l'occasion se représentera .

J'ai surtout aimé le passage de Souba et sa recherche pour construire ses tombeaux. Et quand il s'aperçoit que son père finalement a pillé tout sur son passage pour acquérir sa puissance. Il perd un peu de son plumage vis-a-vis son fils. Ce père dont il ne connaissait pas grand chose finalement. J'ai apprécié aussi, l'ami fidèle Katabolonga, qui pourtant malgré l'affront fait à sa famille. il s'est lié d'amitié avec le Roi Tsongor. Jusqu'à mourir près de lui.

Lecture du Soleil des Scorta

1 - Eldorado
2 - Dans la nuit Mozambique (2 récits)
3 - Cris
4 - La mort du Roi Stongor
5 - La porte des enfers

Bulle, tu est en train de devenir une vraie spécialiste de Gaudé !!

J'ai aussi relu ce fil hier soir après les commentaires de Tom et de Armor. C'est intéressant d'avoir des retours différents de notre propre ressenti. J'ai recherché le livre avant de me rappeler que je l'avais emprunté à la biblio pour en revoir le style haché. Je n'ai pas le souvenir d'avoir été gêné par la ponctuation.

J'ai retrouvé des extraits sur le net :

« Dis-leur que je suis mort parce que je n’ai pas voulu choisir entre eux. Dis-leur que ce mariage est maudit parce qu’il a fait couler mon sang et qu’il faut y renoncer. Que Samilia reste vierge encore un temps. Puis qu’elle se marie avec un troisième homme. Un homme humble de Massaba. (…) Qu’ils repartent l’un et l’autre d’où ils viennent et choisissent une autre vie à mener. » (page 44 et 45)

« Katabolonga pleurait toujours. Il ne comprenait pas. Il n’avait plus le temps de penser. Tout se bousculait en lui. Il sentait le sang du roi lui baigner les pieds. (…) Alors, dans les dernières minutes de cette grande nuit de Massaba, Katabolonga hurla. (…) il continua à hurler jusqu’à ce que le soleil se lève sur ce premier jour où il serait seul. À jamais seul. Et plein d’effroi. » (page 48 et 49)

"Un palais ouvert aux vents du monde. il construirait ce palais et peut-être, un jour, Samilia entendrait-elle parler de ce lieu qui porterait son nom. C'était le seul espoir qui lui restait. Qu'elle en entende parler et vienne à lui. Il construirait un palais pour appeler sa soeur. Et tant pis si elle était déjà trop loin. Hors des limites du monde. Tant pis si elle devait ne jamais revenir. Le palais serait là. Pour honorer le souvenir de Samilia et offrir, à jamais, à ses soeurs errantes, l'hospitalité."

C'est vrai que les phrases sont courtes. Mais j'ai trouvé qu'elles ne desservaient pas la fluidité du texte mais lui donnaient une forte puissance évocatrice car proche de la parole ou de la pensée intime un peu bousculée. Quand je pense, je ne me dis pas : Un palais ouvert aux vents du monde et quand il construirait ce palais, peut-être, un jour, Samilia entendrait-elle parler de ce lieu qui porterait son nom car c'était le seul espoir qui lui restait.

Gaudé à vraiment un énorme talent à mes yeux. Je me souviens d'un temps où j'étais en panne d'images quand je lisais et de mon étonnement face à Queenie (et d'autres) qui "voyaient" ou gardaient des images en tête lorsqu'elle évoquait un livre. Je crois et je peux dire que Gaudé à contribué à me réouvrir les yeux en quelque sorte

Non quand je parle et improvise ou quand je pense mes phrases sont un peu destructurées, un peu à l'avenant et sans calcul non pas dictées par l'urgence mais presque car les pensées et phrases se bousculent un peu et risquent de s'emmêler ou se perdre. Quand je suis excitée, je parle plus vite et plus fort. D'autres fois encore, je cherche mes mots et fait des pauses plus ou moins longues entre mes phrases.

Je pense que Gaudé utilise ici des phrases courtes pour suggérer l'oralité. Les phrases sont brèves et les pauses nombreuses mais permettent aux images de prendre forme. "Des phrases souvent très courtes, artificiellement courtes" dit Tom. Oui c'est artificiel au sens non péjoratif. C'est tout le travail de l'écrivain de créer cet artifice et Gaudé est un grand qui sait jouer apparemment car les 2 livres que j'ai lu de lui sont très différents quoique portant sa marque.

Armor : Au lieu de cela, je ne voyais plus que des points, des points, toujours des points, et je guettais la moindre phrase un peu longue pour avoir la sensation de respirer enfin !
Ce que tu dis est paradoxal car les phrases courtes permettent de respirer justement, non ? Et de faire des pauses, de reprendre son souffle. Est-ce que tu n'as pas eu envie de lire un tout petit extrait à haute voix ?

Votre rapprochement avec Duras m'étonne un peu. Il est vrai que Duras avait une écriture hâché (dans le livre que j'ai lu) mais je crois que c'est tout ce que je trouve qui puisse rapprocher le style Duras et Gaudé.

Au hasard, un extrait de Duras qui n'a pas ici un style haché dans Moderato Cantabile que je n'ai pas lu :
"L'enfant poussa la grille, son petit cartable bringuebalant sur son dos, puis il s'arrêta sur le seuil du parc. Il inspecta les pelouses autour de lui, marcha lentement, sur la pointe des pieds, attentif, on ne sait jamais, aux oiseaux qu'il aurait fait fuir en avançant. L'enfant le suivit des yeux pendant un moment, le temps de le voir se poser sur un arbre du parc voisin, puis il continua son chemin jusqu'au-dessous d'une certaine fenêtre, derrière un hêtre. Il leva la tête. A cette fenêtre, à cette heure-là de la journée, toujours on lui souriait. On lui sourit."

pff c'est magnifique. Il faut absolument que je lise ce "petit" livre (au programme du fiston).
Le style est au service de ce que l'écrivain veut suggérer. Dans cet extrait de Duras, il est au service de l'action et des désirs du personnage. Pas la moindre violence hargneuse d'ailleurs.

mimi a écrit:

J'ai aussi relu ce fil hier soir après les commentaires de Tom et de Armor. C'est intéressant d'avoir des retours différents de notre propre ressenti.

Et c'est là le vrai intérêt d'un forum?!
Merci pour tout ton commentaire!

Par rapport de la langeur des phrases: on peut le ressentir différemment. Si c'est TROP court on ne peut pas respirer commodement, car le rythme devient "saccadé".
On perçoit, vit différemment ce qu'on entend sous "fluidité"...

mimi a écrit:

Bulle, tu est en train de devenir une vraie spécialiste de Gaudé !!

J'ai aussi relu ce fil hier soir après les commentaires de Tom et de Armor. C'est intéressant d'avoir des retours différents de notre propre ressenti. J'ai recherché le livre avant de me rappeler que je l'avais emprunté à la biblio pour en revoir le style haché. Je n'ai pas le souvenir d'avoir été gêné par la ponctuation.

Merci mimi, oui chacun en sors différamment, après sa lecture.

Spoiler:

Toujours dans la lecture de - Le soleil des Scorta à vivre en pensées le soleil, la chaleur, l'odeur d'huile d'olives.

Citation :

'' Tu vois. (disait Giuseppe à Raffaele) Après une vie entière, c'est le souvenir le plus beau de tous. Est-ce que cela ne fait pas de moi le plus misérable des hommes? '' Raffaele avait écouté avec douceur. La voix de son frère lui avait fait revovre ce repas. Il avait revu, lui aussi, la congrégation joyeuse des Scorta. Les plats qui passaient de main en main. Le bonheur de manger ensemble. '' Non, Peppe, dit-il à son frère, tu as raison. Qui peut se vanter d'avoir connu pareil bonheur? Nous ne sommes pas si nombreux. Et pourquoi faudrait-il le mépriser? Parce que nous mangions? Parce que ça sentait la friture et que nos chemises étaient mouchetées de sauce tomate? Heureux celui qui a connu ces repas-là. Nous étions ensembre. Nous avons mangé, discuté, crié, ri et bu comme des hommes. Côte à côte. C'étaient des instants précieux, Peppe. Tu as raison. Et je donnerais cher pour en connaître à nouveau la saveur. Entendre à nouveau vos rires puissants dans l'odeur du laurier grillé.''

Citation :

Raffaele dit à Élia: '' Nous n'avons été ni meilleurs ni pires que les autres, Élia. Nous avons essayé. C'est tout. De toutes nos forces, nous avons essayé. Chaque génération essaie. Construire quelque chose. Consolider ce que l'on possède. Ou l'agrandir. Prendre son des siens. Chacun essaie de faire au mieux. Il n'y a rien à faire d'autre que d'essayer. Mais il ne faut rien attendre de la fin de la course. Tu sais ce qu'il y a, è la fin de la course? La vieillesse. Rien d'autre. Alors Élia, il faut profiter de la sueur. C'est ce que je dis, moi. Car cesont les plus beaux moments de la vie. Quand tu te bats pour quelque chose, quand tu travailles jour et nuit comme un damné et que tu n'as plus le temps de voir ta femme et tes enfants, quand tu sues pour construire ce que tu désires, tu vis les plus beaux moments de ta vie.

Citation :

Carmela: Le vent emporte mes mots. Je ne sais pas où il les déposera. Il en parsème les collines. Mais vous veillerez à ce que certains d'entre eux au moins lui parviennent. Je suis si vieille, don Salvatore. Je vais me taire maintenant.

Que quelques pages encore. Et cette belle histoire de familles au pays du Soleil se terminera. Encore de belles choses sorte du livre de Monsieur Gaudé. Il sait nous saisir, pour donner aussi un sens à notre vie.

Après 6 lectures de Laurent Gaudé,
mon palmarès vient comme suit:

1 - Eldorado
2 - Le soleil des Scorta
3 - Dans la nuit Mozambique (2 récits)
4 - Cris
5 - La mort du Roi Stongor
6 - La porte des enfers

Ah, bulle, je vois maintenant en te lisant par rapport de "Soleil des Scorta" ta citation sur le repas... et je veux simplement dire que pour moi ce repas est au coeur de ce livre! C'est là, dans un moment apparemment si éphémère, si passager, que l'essentiel est pressenti, vécu, donné.
Cela rapelle d'autres repas célébres de la littérature (ou de la spiritualité...).

tom léo a écrit:

Ah, bulle, je vois maintenant en te lisant par rapport de "Soleil des Scorta" ta citation sur le repas... et je veux simplement dire que pour moi ce repas est au coeur de ce livre! C'est là, dans un moment apparemment si éphémère, si passager, que l'essentiel est pressenti, vécu, donné.Cela rapelle d'autres repas célébres de la littérature (ou de la spiritualité...).

Le partage d'un bon repas avec des gens aimés.
N'est-ce pas là le bonheur.

bulle a écrit:

Après 6 lectures de Laurent Gaudé,
mon palmarès vient comme suit:

1 - Eldorado
2 - Le soleil des Scorta
3 - Dans la nuit Mozambique (2 récits)
4 - Cris
5 - La mort du Roi Stongor
6 - La porte des enfers

Le quarté gagnant pour moi est :

1. Le soleil des Scorta.
2. La mort du roi Tsongor.
3. Eldorado.
4. Cris.

Il me reste les deux autres à lire. Un auteur que j'aime beaucoup, discret, humble lors des interviews.

Eve Lyne a écrit:

Le quarté gagnant pour moi est :

1. Le soleil des Scorta.
2. La mort du roi Tsongor.
3. Eldorado.
4. Cris.

Il me reste les deux autres à lire. Un auteur que j'aime beaucoup, discret, humble lors des interviews.

Et si tu as envie de découvrir son théâtre, lis Les sacrifiées.

Merci Coline. Tu as tout à fait raison de rappeler qu'il a aussi écrit des pièces de théâtre. J'ai un peu tendance à l'oublier.