Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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MessageSujet: Re: Au fil de nos lectures   Au fil de nos lectures - Page 3 EmptyJeu 27 Mar 2008 - 21:07

IL est dans mes prévisions de lecture grâce à mon défi lecture 2008 miammiam
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MessageSujet: Re: Au fil de nos lectures   Au fil de nos lectures - Page 3 EmptyJeu 27 Mar 2008 - 21:09

"Dans l'or du temps" Claudie Gallay

"On a ramené un caillou chacun. Après les filles ont voulu leur glace et on les a achetées comme on avait dit,cassis-fraise pour Anna, vanille-pistache pour moi et les filles tout chocolat. (...) Le lendemain, on a placé les cailloux côte à côte sur la terrasse. Le mien à côté de celui d'Anna et ceux des filles, l'un au-dessus de l'autre. Les filles ont voulu qu'on prenne des photos. Les cailloux seulement et puis une autre avec les cailloux et nous. Pour les cailloux et nous, Anna a dû mettre sur automatique et revenir en courant." (p 86)


"J'ai poussé l'autre porte. Je ne sais pas pourquoi j'ai fait ça. La curiosité, sans doute. Derrière, ça sentait bizarre. J'ai cherché l'interrupteur. Du plat de la main. Sur la droite. Le long du mur. La lumière a jailli, violente. La pièce était grande, les murs recouverts de bois. Un lustre de cristal pendait au plafond. La lumière venait de là. Sous le lustre, une grande table. Sur cette table, une nappe et des couverts. Une vingtaine et puis des chandeliers. Je me suis avancé. Il y avait du pain dans les corbeilles, des tranches sèches et grises. Je les ai touchées, on aurait dit de la pierre. Une carafe. Vide. Des traces de dépôt à l'intérieur. Certaines chaises étaient normalement placées derrière chaque assiette et d'autres dans un désordre qui laissait à penser que des gens s'étaient trouvés ici et qu'ils en étaient brusquement partis. Un foulard sur un dossier. Une veste. Un ours en peluche. En me détournant, j'ai vu qu'il y avait un sapin dans le fond de la pièce. Des guirlandes. Quelques boules." (p 193)

"Et là dans un coin d'herbes tellement à l'ombre qu'il y faisait encore nuit, j'ai vu les petites lumières. Des lumières presque bleues. je me suis levé. Les lumières ont disparu alors j'ai repris ma place sur le banc et je les ai vues à nouveau. J'ai fait cela plusieurs fois. Et à chaque fois que je voulais m'approcher, les lumières disparaissaient. C'étaient des lucioles.(...) Je les ai regardées. Longtemps. Je les ai regardées jusqu'à ce qu'il me soit impossible de les voir. Leur lumière de lucioles progressivement absorbée par la lumière plus forte du jour. Et même quand il me fut impossible de les voir. Parce que je savais qu'elles étaient là. Petites lumières tenaces." (p 296)
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MessageSujet: Re: Au fil de nos lectures   Au fil de nos lectures - Page 3 EmptyVen 28 Mar 2008 - 17:23

Par un matin de février, lorsqu’un front est en approche au-dessus de Pacifique, lorsque les vents soufflent en bourrasque, que les nuages défilent et qu’un crachin vient de temps à autre assombrir les briques de la terrasse, le coin ne correspond à aucun des clichés qui alimentent les publicités vantant la Californie, ses villes ensoleillées, son climat estival. Point de ciel clément, point de matinée fraîche sous un azur pommelé, point de calmes après-midi finissant en soirées agréablement frisquettes. Ici, nous avons un temps de mer du Nord. Les cieux bouillonnent de nuages, le soleil montre de temps à autre un œil maussade, tel un malade abruti de médicaments ; le bref éclair d’intelligence qu’il darde illumine les collines et, dans le lointain, transforme un pan de paysage en une vue de Tolède.
Wallace Stegner
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MessageSujet: Re: Au fil de nos lectures   Au fil de nos lectures - Page 3 EmptyDim 30 Mar 2008 - 8:14

Joe demanda à son fils de faire, sur place , un état des lieux de la mine. Cet hiver 41-42,le plateau du Larzac, gercé par les vents, était une si fidèle évocation de la Sibérie que des soldats allemands y subissaient les hors- d’œuvres du froid. Les Russes leur serviraient sur place le reste du menu. On descendait au fond de la mine par une succession d’escaliers-passerelles fixés sur les parois du puits. Le charbon, du flambant, un succédané d’anthracite qui encrassait les cheminées, partait quand même directement sur Limoges, qui achetait toute la production. Les mineurs travaillaient dans plusieurs centimètres d’eau en permanence. Et au pic et à la pelle. Un gros treuil remontait le charbon en surface.
Ils étaient une trentaine. Des Espagnols réfugiés depuis la fin de la guerre d’Espagne. La France avait bouclé tous ces brigadistes dans des camps et ils n’en sortaient que munis d’un certificat de travail. Pour faire tous les sales boulots. Sur les visages du mauvais sort les yeux sont toujours trop grands.
Joe, au lieu de recevoir de son fils un rapport utile, reçut des phrases de révolte suscitées par les conditions de vie des réfugiés espagnols. Lilie y décela du « Zola » additionné des « Deux orphelines « et Joe se retrouva en face de la grande scène du deux. Il lui avait parlé, pour José, d’un poste de directeur d’une mine de charbon et voilà qu’il n’était question que de partager le sort de ce monde ouvrier « pour avoir le droit de le regarder en face ». Et si José allait faire quelque bêtise en devenant le chef de « cette bande » ? Car Lilie n’avait jamais pu s’empêcher de parer les « cols blancs » de toutes les délicatesses et « les mains sales de l’ouvrier » de toutes les dérives assassines.
Joe, en souvenir des bûcherons italiens de sa jeunesse réfugiés à Rogliano et humiliés par la population, écrivit à son fils une lettre larmoyante pour lui donner raison de faire corps avec ces malheureux.
Nous aurions dû, pour cette fois, nous rapprocher à cette occasion, mais les termes par trop dégoulinants de la lettre de mon Père me laissèrent une impression poisseuse, que j’identifiais à une peur bourgeoise de la colère des opprimés. Je lui avais préféré la réponse de ma mère, plus nette, plus débarrassée de toute sensiblerie. « Le travail de la mine était dur, mais n’avait-il- pas sorti ces hommes de leur camp d’internement ?... Ils devaient peser le pour et le contre. » Elle voulait surtout éviter que je ne culpabilise et que je ne déraille avec un Père assez inconscient pour venir sabrer le champagne au fond de la mine.
La petite exploitation dont Philibert avait confié la vente à Joe alimenta un sujet de discorde . Joe parlait même d’en devenir actionnaire et Lilie ne voulait que récupérer ma présence.
La fréquentation de ces anciens brigadistes rouges espagnols préparait à mon insu une époque-bascule de ma vie. A peine deux années plus tard, Tatave, un autre rescapé de la guerre d’Espagne, m’initiera à la facilité de tuer des hommes, quand ils sont de nationalité allemande. Ce furent les récits de la guerre d’Espagne entendus dans cette mine qui incitèrent Tatave à me considérer comme un des siens.
Rien ne se perd. Chaque seconde est une parcelle de tissage de ce qui formera finalement une existence. A l’image des fils qui s’entremêlent, les secondes, ces miettes de la mémoire, dépendent les unes des autres et n’appartiennent qu’à chacun. Personne d’autre ne connaîtra la multitude de petits faits qui conduisent à l’acte qu’on prétendra juger…

Il avait dans le coeur des jardins introuvables
José Giovanni p235-236
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MessageSujet: Re: Au fil de nos lectures   Au fil de nos lectures - Page 3 EmptyDim 30 Mar 2008 - 9:12

Marie a écrit:
Rien ne se perd. Chaque seconde est une parcelle de tissage de ce qui formera finalement une existence. A l’image des fils qui s’entremêlent, les secondes, ces miettes de la mémoire, dépendent les unes des autres et n’appartiennent qu’à chacun. Personne d’autre ne connaîtra la multitude de petits faits qui conduisent à l’acte qu’on prétendra juger…

Il avait dans le coeur des jardins introuvables
José Giovanni p235-236
Merci pour la mise en bouche Marie...ça m'a l'air pas mal!
Cela fait partie de mes prochaines lectures et ça se passe encore au fond d'un trou à ce que je vois ( n'est-ce pas Animal Wink )
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MessageSujet: Re: Au fil de nos lectures   Au fil de nos lectures - Page 3 EmptyDim 30 Mar 2008 - 21:45

Citation :
Toi, qu’est-ce que tu veux faire plus tard ? Ses parents les premiers ont posé la question. Et puis l’institutrice. Et après au collège le conseiller d’éducation.
Même les camarades de classe, même les copains de la rue ça les prenait. Qui disaient, Moi quand je serai grand je ferai. Ceci ou cela. Ou encore. Qui demandaient, Et toi ?
Il veut jouer avec le sable, le laisser glisser entre ses doigts, contempler le flot des grains minuscules. Serrant la main sur une autre poignée de sable rose et léger lui redonner à volonté une solidité passagère.
Qu’est-ce que tu veux faire plus tard ? Moi ? Quand ? Plus tard c’est quand ? C’est tellement loin.
Il veut jouer avec l’eau. L’eau de la cuvette, à défaut d’une mare, d’un lac, à défaut d’une mer. Il veut de sa main mouillée caresser le visage de Christa la petite fille cueillant les fleurs du jardin d’à côté. Il veut faire couler l’eau en perles contre sa peau et puis sous son tee-shirt et elle dira que c’est frais c’est bon ça chatouille.

Ceux qui démêlent la laine à Kustanay
Ceux qui fabriquent des roues de bicyclette
Ceux qui castrent les maïs
Ceux qui distillent le vétiver
Ceux qui pêchent le thon à Traparu
Ceux qui lavent les vitres à Chicago
Ceux qui chargent les valises à Bangkok
Ceux qui bradent des tapis à Créteil
Ceux qui ont construit le canal du Rajasthan, long
de neuf cents kilomètres

Le Lait est un liquide blanc (Annie Saumont)
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MessageSujet: Re: Au fil de nos lectures   Au fil de nos lectures - Page 3 EmptyMar 1 Avr 2008 - 3:30

A Denia, la vie était trop simple , une pauvreté sans poésie, privée du moindre soupçon d’épopée ; les dépotoirs, les plages sales, les pages maculées des illustrés que nous récupérions pour les lire, contrairement aux gitans qui les revendaient, les bouteilles de pénicilline dont le contenu avait été injecté et que nous gardions pour emprisonner les insectes ou en faire des instruments polyvalents dans des jeux plus excitants ou plus troubles. Rochers caressés par la mer entre lesquels naissaient les posidonies tels des cheveux de noyé que le va-et-vient des vagues agite, excroissances, êtres au croisement de l’animal, du minéral et du végétal, rugueux escargots couverts de mousses vertes, de l’intérieur desquels surgissent des pattes nerveuses qui se mettent à courir sur les pierres glissantes, elles-mêmes couvertes d’oscillantes et gélatineuses chevelures ; êtres que la nature semble avoir vêtus pour un bal costumé ;plages couvertes d’algues et d’éponges sèches où courent les insectes et sur lesquelles se promènent les chiens abandonnés, plages de galets, cavités dans lesquelles l’eau plante des échos, plate-formes rocheuses que peuplent des colonies d’oursins noirs, verdâtres, rosâtres, bleutés, soul le drap d’eau calme et transparente comme de l’huile qui,soudain, se ride, puis peu à peu s’agite et devient furieuse ; sables jaunes, terres rougeâtres, ensanglantées par la rouille :champs, vignes, orangers, touffes de fenouil le long du chemin ; pêcheurs, paysans, modestes commerçants ; évidemment : la caserne de la garde civile sur la façade de laquelle Pedrito avait proposé de peindre la faucille et le marteau ( nous n’avons jamais osé). Trop simple, cette pauvreté, pour engendrer une révolution, même s’il restait sur la façade de l’église les restes d’un graffiti contre les curés que quelqu’un avait essayé d’effacer en vain : la pierre grattée et la couche de goudron n’empêchaient pas d’y lire les mots, LES C RES SONT DES CA AILLES. Le souvenir perdurait chez nous de l’homme qui avait peint ces insultes et de comment il avait été arrêté après, peut-être fusillé, murmures à la maison. Souvenirs d’une guerre : murs en ruine à l’arrière du port, bâtiments sans toit, aux fenêtres ouvertes comme des yeux d’insomniaque. Madrid, autre dimension : ouvrier dans des bidonvilles, au sud ; surtout au sud, à partir d’Atocha vers le bas. S’y installer, se prolétariser, rôder entre les baraques avec des brochures de Lénine coincées dans la ceinture entre la chemise et le ventre ; monter sur les échafaudages dans le froid brouillard des matins de décembre, un halo autour des réverbères pas encore éteints. Sentir la faim, la fatigue, le froid ; manger avec les mains, couper le pain avec les mains et piquer avec la pointe du couteau un morceau de chorizo qu’on partage avec les camarades. Justice, égalité. Révolution, chercher obstinément la souffrance qu’on n’a pas. Nous sommes allés à Madrid. Nous avons échangé Denia contre Madrid…


Apprendre, variante parmi les variantes de la voracité contemporaine, non plus synonyme de savoir, mais besoin d’accumulation, d’avoir plus que, d’être au –dessus de. Elvira boit de la camomille, elle boit de la littérature, elle boit de l’art. Savoir vite : non plus besoin de savoir, mais besoin de manger et de boire, de vivre plusieurs vies, de dévorer la vie des autres, dévorer, vampiriser, communier…


Les vieux amis
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MessageSujet: Re: Au fil de nos lectures   Au fil de nos lectures - Page 3 EmptyMer 2 Avr 2008 - 20:46

"J'aime les gens qui fréquentent les livres et qui ne peuvent vivre sans eux. Je crois que cela leur donne une humanité que les autres n'ont pas."


(si seulement!)

Philippe Claudel
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MessageSujet: Re: Au fil de nos lectures   Au fil de nos lectures - Page 3 EmptyMer 2 Avr 2008 - 20:54

"Cétait le moment, repérable, où le vent cessait de siffler pour passer à une vitesse proprement inhumaine, insupportable même aux pierres, même aux buis. le son perdit son ciselage aigu, sortie de la cinquième forme et devint ce qu'aucun hordier ne pouvait effacer de sa mémoire physique, une fois entendue, cette effroyable torche de terre raclée qui s'appelait le furvent. L'onde de choc fut audible à une centaine de kilomètres en amaont, au tonnerre projeté et à ce moment-là, même habitué, même en face du cinquième furvent comme je l'étais, une terreur froide me monta à travers l'axe de la colonne vertébrale et le réflexe immédiat, impossible à contrer, inutile à acquérir..." (p 672)

"La horde du contrevent" de Damasio
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MessageSujet: au fil de nos lectures   Au fil de nos lectures - Page 3 EmptyMer 2 Avr 2008 - 22:38

"Qu'est ce qui a changé en 3O ans ? La fraternité est elle moins désirable ,
L'égalité des etres humains est elle devenue une idée moins noble ?
Non, ce qui a changé tient en une proposition : il semble qu'il n'existe plus guère de chances pour que ces rèves deviennent réalité."

Michel Butel. L'autre livre
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MessageSujet: Re: Au fil de nos lectures   Au fil de nos lectures - Page 3 EmptyJeu 3 Avr 2008 - 21:08

Mauricio le Seigneur me le disait quand je lui ai passé les premiers feuillets que j'ai écrits, bourrés de sentimentalisme et de passion révolutionnaire: " La pitié s'évapore avec le temps . Les jeunes, vous êtes désireux d'aider, d'intervenir. Vous risquez votre vie pour une idée, pour un ami; vous vous tueriez pour prouver à quelqu'un votre amour , sans vous rendre compte que la vie, c'est ce qu'il y a de plus facile à donner; que c'est le quotidien qui est difficile, qui brûle, qui transforme tout en néant. A soixante ans, la pitié n'est qu'un geste de politesse, comme celui qu'on fait en cédant sa place dans le métro, en s'effaçant à la porte devant quelqu'un qui est chargé de paquets.
Mécanique. Les émotions s'usent, l'homme n'a pas un capital inépuisable d'émotions, pas du tout. Les scientifiques ont peut-être des explications pour ça, question de terminaisons nerveuses. Toi, qui veux être écrivain, tu dois apprendre à te méfier des adultes qui s'émotionnent après cinquante ans, c'est impossible: les poètes sur le retour qui lisent du haut d'une estrade , qui larmoient et sanglotent en lisant leurs vers, même quand ils sont en tournée et lisent depuis dix ou quinze jours les mêmes poèmes pour un public identique: professeurs, étudiants, retraités, bonnes femmes qui trouvent dans les livres l'électricité que la vie leur refuse; solitaires. Ils les lisent, sanglotent et bavent sur leurs propres poèmes. Méfie-toi. Ce ne sont pas des poètes. Ce sont des acteurs. Des acteurs d'eux-mêmes, de ce qu'ils ont été autrefois. Ils représentent le moment, sûrement déjà lointain, où ils ont été poètes.De temps en temps, au cours de l'une de ces soirées, ils pleurent peut être vraiment, mais il s'émotionnent alors et pleurent sur eux, de vraies larmes, amères, parce qu'ils ne pleurent pas comme des poètes, mais comme le commun des mortels, par avarice, parce qu'ils voient qu'ils ont misé gros sur la vie et ont peu reçu. Méfie toi de la littérature écrite pour te faire pleurer."


Les vieux amis
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MessageSujet: Re: Au fil de nos lectures   Au fil de nos lectures - Page 3 EmptyDim 6 Avr 2008 - 16:00

Quand je suis rentré chez moi ce soir-là, j'ai sorti l'étui à cigarettes du pilote anglais. Je l'ai ouvert, j'ai pris la cigarette, la dernière qui était restée dans l'étui pendant toutes ces années. Les brin roux et marron de Virginia sont tombés en pluie fine sur mes genoux. J'ai cessé de fumer, mais j'ai allumé la cigarette et tiré une bouffée. Naturellement, elle n'était pas bonne tellement le tabac était sec. J'ai tenu la cigarette entre mes doigts et j'ai contemplé la fumée qui montait dans l'air comme un ruban transparent et s'enroulait en spirales et en boucles dans les reflets du soleil couchant.

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MessageSujet: Re: Au fil de nos lectures   Au fil de nos lectures - Page 3 EmptyDim 6 Avr 2008 - 23:53

Ce n'est pas tous les jours que Philippe Claudel me fait sourire, alrros voici l'extrait qui m'a amusée:

Il parle d'un de ses rêves:

"J'étais à quelques semaines du tournage et Jacques Chirac, qui était encore président de la République, me recevait à l'Elysée et me demandait d'être son Premier ministre. J'étais paralysé. J'avais beau lui dire que je n'avais aucune compétence pour cela, il me raccompagnait, en me rassurant, me tapait sur l'épaule, m'offrait une boîte de chocolats et me disait qu'il était sûr que je ferais cela très bien car, au fond, ce n'était pas très compliqué. Ensuite, il me faisait monter dans une voiture et ses derniers mots étaient "Vous commencez demain!".


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MessageSujet: Re: Au fil de nos lectures   Au fil de nos lectures - Page 3 EmptyLun 7 Avr 2008 - 13:41

Dans le délicieusement drôle et intelligent Je suis un écrivain japonais, de Dany Laferrière:

Citation :
Adolescent, j'étais tombé sur un de ses romans au fond de la vieille armoire en même temps qu'une bouteille de rhum. D'abord une longue coulée de feu. J'ouvre ensuite le livre (Le Marin rejeté par la mer) et un essaim de voyelles et de consonnes survoltées me sautent au visage. Cela faisait longtemps qu'elles attendaient de la visite. Et dans ce cas-là, on ne fait pas le tri. On ne regarde pas à la couleur. Le livre de Mishima s'est pas dit "tiens, voilà un bon vieux lecteur japonais". Et moi, je n'ai pas cherché un regard complice, des couleurs reconnaissables, une sensibilité commune. J'ai plongé dans l'univers proposé, comme je le faisais si souvent dans la petite rivière pas loin de chez moi. J'ai à peine fait attention à son nom, et ce n'est que bien longtemps après que j'ai su que c'était un Japonais.
[...]
Je suis étonné de constater l'attention qu'on accorde à l'origine des écrivains. Car, pour moi, Mishima était mon voisin. Je rapatriais, sans y prendre garde, tous les écrivains que je lisais à l'époque. Tous. Flaubert, Goethe, Whitman, Shakespeare, Lope de Vega, Cervantès, Kipling, Senghor, Césaire, Roumain, Amado, Diderot, tous vivaient dans le même village que moi. Sinon, que faisaient-ils dans ma chambre? Quand, des années plus tard, je suis devenu moi-même écrivain et qu'on me fit la question: "Etes-vous un écrivain haïtien, caribéen ou francophone?" je répondis que je prenais la nationalité de mon lecteur. Ce qui veut dire que quand un Japonais me lit, je deviens immédiatement un écrivain japonais.
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MessageSujet: Re: Au fil de nos lectures   Au fil de nos lectures - Page 3 EmptyLun 7 Avr 2008 - 18:51

Nezumi a écrit:
Dans le délicieusement drôle et intelligent Je suis un écrivain japonais, de Dany Laferrière:
cet extrait me donne encore plus envie de découvrir, merci
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