Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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Marie
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MessageSujet: Re: Au fil de nos lectures   Au fil de nos lectures - Page 4 EmptyMar 8 Avr 2008 - 1:12

Je préfèrerais n'écrire que de la poésie, mais je n'ai aucun talent.
Lorca a des pages incomparables; Cernuda aussi me plait beaucoup, quoiqu'il soit plus cérébral. Lorca a une tonalité fraîche et juvénile qui m'enchante; il réveille la jeunesse qui est en moi. Il y a un côté adolescent dans tout ce qu'il fait qui est très séduisant.
Stevenson, qui était un homme très intelligent, a dit: " Un livre qui n'a pas de " charme" ne vaut rien." Et moi je me dis : " Je m'y suis pris plus tard qu'eux, et je suis parvenu à faire, beaucoup plus tard, et peut-être moins bien qu'eux, ce qu'ils ont réussi de façon lumineuse."


Conversations avec Antonio Lobo Antunes-
Maria Luisa Blanco
p 160

Les fermiers, nos hôtes pour les deux semaines à venir, s'appellent von Leibnitz, ce qui ne me paraît pas très écossais. Pourquoi n'avoir pas plutôt choisi , dans la brochure, une ferme exploitée par un McAllister, un Macbeth, un McCormack,un McDade, un McEwan,un McFadde- voire même un MacLeibnitz?
Nous apprenons plus tard que Mr von Leibnitz ( Heinrich) était un prisonnier de guerre allemand,qui, envoyé pour travailler dans cette ferme, avait fini par épouser la veuve du fermier, Aileen Mcdonald ( actuelle Mrs von Leibnitz)après que celui-ci eut été tué en Afrique du Nord. La chose, jointe au fait que Mrs von Leibnitz venait à l'origine d'Aberdeen, avait contribué à les faire considérer comme de parfaits étrangers à Och-na-cock-a-leekie, ce qui expliquait peut être leur côté rébarbatif et austère. Même Bunty pouvait passer pour pleine 'humour à côté de nos hôtes, qui semblent unir la mélancolie prussienne à la sévérité presbytérienne.


Dans les coulisses du musée
Kate Atkinson p236
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Marie
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MessageSujet: Re: Au fil de nos lectures   Au fil de nos lectures - Page 4 EmptyMar 8 Avr 2008 - 1:29

Je veux tout savoir sur cette femme, avait-il déclaré, puis il s'était repris, enfin, non, pas vraiment tout, peut-on savoir tout sur un être, je veux des détails plutôt, des détails minuscules, insignifiants en apparence, mais pourtant typiques, ce genre de détail qui vous fait dire, c'est elle, oui, c'est elle....nous disions donc des détails, même s'ils vous paraissent futiles, notez-les, ne les perdez pas, saisissez la plus petite observation, le presque rien de sa vie, le presque oublié de sa vie, son enfance par exemple, ce qui surnage de son enfance est peut être du plus haut intérêt, soyez avec elle comme un naturaliste devant un phénomène merveilleux et inexplicable, entendons-nous bien, je parle d'un naturaliste du siècle dernier bien sûr, les seuls, les vrais naturalistes, ceux qui mélangeaient encore l'analyse et la passion, la science et l'art littéraire..

Petit précis de distance amoureuse
L'invitation au voyage

François Emmanuel p23
En exergue: " On voudrait que tout soit encore à dire" Louis Calaferte
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mimi
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MessageSujet: Re: Au fil de nos lectures   Au fil de nos lectures - Page 4 EmptyMer 9 Avr 2008 - 23:05

Dès que se pose la question du temps de lire, c'est que l'envie n'y est pas. Car, à y regarder de près, personne n'a jamais le temps de lire. Ni les petites, ni les ados, ni les grands. La vie est une entrave perpétuelle à la lecture.
- Lire ? Je voudrais bien, mais le boulot, les enfants, la maison, je n'ai plus le temps...
- Comme je vous envie d'avoir le temps de lire !
Et pourquoi celle-ci, qui travaille, fait des courses, élève des enfants, conduit sa voiture, aime trois hommes, fréquente le dentiste, déménage la semaine prochaine, trouve-t-elle le temps de lire, et ce chaste rentier célibataire, non ?
Le temps de lire est toujours du temps volé. (Tout comme le temps d'écrire, d'ailleurs, ou le temps d'aimer.)
Volé à quoi ?
Disons, au devoir de vivre.
C'est sans doute la raison pour laquelle le métro -symbole rassis dudit devoir- se trouve être la plus grande bibliothèque du monde.
Le temps de lire, comme le temps d'aimer, dilate le temps de vivre.
Si on devait envisager l'amour du point de vue de notre emploi du temps, qui s'y risquerait ? Qui a le temps d'être amoureux ? A-t-on jamais vu, pourtant, un amoureux ne pas prendre le temps d'aimer ?
Je n'ai jamais eu le temps de lire, mais rien, jamais, n'a pu m'empêcher de finir un roman que j'aimais.
La lecture ne relève pas de l'organisation du temps social, elle est, comme l'amour, une manière d'être.
La question n'est pas de savoir si j'ai le temps de lire ou pas (temps que personne, d'ailleurs, ne me donnera), mais si je m'offre ou non le bonheur d'être lecteur.

Daniel Pennac - Comme un roman


Dernière édition par mimi le Mer 9 Avr 2008 - 23:39, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Au fil de nos lectures   Au fil de nos lectures - Page 4 EmptyMer 9 Avr 2008 - 23:38

Voilà, je navigue "à l'ouïe" dans la sombre rumeur du monde, tandis que d'autres y louvoient à vue. Mais je n'ai personne avec qui discuter, et ma propre voix s'amenuise, s'érode dans la solitude ; mes pensées sont de plus en plus parsemées de points de suspension et d'interrogation, elles s'effilent en soupirs. De temps à autre, j'échange quelques mots avec un habitant du village monté sur le plateau, ou un salut avec des randonneurs. Le peu que je prononce, c'est à l'adresse des poules, de la chèvre, des ânes, ou des chiens des troupeaux venus en pâture ; à l'adresse des oiseaux aussi, des aigles et des milans dont certains ont peut-être été nourris de la chair de Martin. Et des arbres.
Quand bien même je recevrais soudain de la visite, je n'aurais rien à dire. J'ai perdu ce plaisir de bavarder que m'avait révélé Philomène, puis que Fanfan, Dâmaso et Anthim avaient avivé.
Oui, même si ces derniers surgissaient sous mon toit, je ne saurais vraiment pas quoi leur raconter. Comment raconter le vent, les remous de la lumière dans le ciel et ses flux poudroyants sur les versants de la montagne, ses chatoiements sur l'herbe et les feuillages, ses éclaboussures or, mauves, ambrées, rosées ou argentées sur les roches ? Comment raconter l'eau des torrents à la beauté aussi insaisissable et fugace que celle de la lumière, toujours en mouvement, en élan et en effervescence ? Comment raconter le souffle, l'odeur tiède et pénétrante des bêtes ruminant tout le jour des touffes d'herbes infusées de pluie, de vent, de soleil, de neige ? Je ne suis pas poète.

Chanson des mal-aimants - Sylvie Germain

.
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MessageSujet: au fil de nos lectures   Au fil de nos lectures - Page 4 EmptyJeu 10 Avr 2008 - 1:07

"Je songeais que quand on a laissé passer le bon moment, quand on a trop longtemps refusé quelque chose, ou que quelque chose vous a trop longtemps été refusé, cela vient trop tard, meme lorsqu'on l'affronte avec force ou qu'on le reçoit avec joie.
A moins que le "trop tard" n'existe pas, qu'il n'y ait que le "tard", et que ce "tard", soit toujours meilleur que "jamais" ?
Je ne sais pas."

Bernhard Schlink. Le liseur.
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MessageSujet: Re: Au fil de nos lectures   Au fil de nos lectures - Page 4 EmptyJeu 10 Avr 2008 - 15:50

Les marins ligures aiment plus que quiconque leurs jardins et leurs vignes. Je ne fais pas exception. Ces zones de terre sèche, au-dessus de la mer, il faut les fendre à coups de pic : l’azur vous pénètre jusqu’au fond des yeux tandis que vous vous penchez entre vos oignons et vos laitues. Il y a des figuiers géants semblables au mien, des néfliers, des pêchers. Ces petites vignes, presque creusées dans la roche, fournissant peu de vin, et il a un arrière-goût à la fois âpre et doux. Voilà l’endroit où j’ai trouvé refuge, et d’où je vous raconte cette histoire.
Les grappes pendent à des sarments tout couverts de poussière, décharnés par des mois de totale sécheresse. Elles donneront un vin fort. Si elles en produisent – et si je veux le boire.
Je me suis installé dans un coin qui offre une vue panoramique : personne ne peut me surprendre en arrivant à l’improviste, ni de la mer ni des sentiers qui parcourent la colline. Quel pays nous habitons ! Partout la mer, où nous risquons de nous engloutir. Il suffit d’un faux pas pour dégringoler. Cette vigne, ces murets qui soutiennent les deux terrasses sont en équilibre instable. On les croirait plus proches de la voûte céleste que de la surface de la terre. Je me demande comment mes ancêtres ont réussi à la planter si haut.

L'Homme qui voulait tuer Shelley Guiseppe Conte
p.16-17
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MessageSujet: au fil de nos lectures   Au fil de nos lectures - Page 4 EmptyVen 11 Avr 2008 - 1:48

"Le langage est inutilisable quand il s'agit de dire la vérité, de communiquer quelque chose, il ne laisse que l'approche à celuiqui écrit, ne lui laisse
toujours que l'approche désespérée de l'objet, qui doute toujours d'arriver,
ce qui la rend tout simplement douteuse, le langage ne reproduit qu'une authenticité falsifiée, que la chose affreusement déformée, quels que soient les efforts de celui qui écrit."

Thomas Bernhard. Le froid
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MessageSujet: Re: Au fil de nos lectures   Au fil de nos lectures - Page 4 EmptyVen 11 Avr 2008 - 8:27

Au jardin du Gouverneur nous nous assîmes pas loin d’un monument délabré où l’on voyait deux personnages en conversation courtoise, l’un habillé à la XIIIème , avec pourpoint et culotte bouffante, l’autre en costume et nœud papillon, ils étaient tous deux décapités. Je repris doucement ma question. Il hocha la tête en silence. J’ai fait la cartographie des sources de Downton Vancouver, dit-il. J’ai commis une cartographie des silences de Londres .Une partie de mon travail ressemblait au vôtre, quadriller chaque petit carré ,prendre note de la nuisance acoustique, la reporter sur une carte. Plus de cent décibels, c’est rouge, moins de vingt, c’est rose très clair. Autant dire qu’il y avait très peu de rose, à peine quelques taches, au centre de Kensington’s Gardens ou dans l’une ou l’autre suite insonorisée du Claridge. Tout cela devait servir à un topoguide méditatif de la ville, mais l’éditeur a fait faillite.

Il me fixait avec un amusement croissant.

Je ne sais plus si je dois vous croire, dis-je.

Pensez ce que vous voulez. Notre terrain d’investigation n’est sans doute pas le même. Vous travaillez en surface, moi en profondeur. La cartographie des profondeurs est une science totalement inexacte. Souvenez-vous par exemple de la carte des souterrains d’Arras pendant la Première Guerre mondiale. Les galeries s’abouchent dans de grandes chambres auxquelles par commodité il faut donner un nom. Une vieille tradition anglaise aime donner des noms de villes aux installations militaires. Voici donc à dix mètres sous terre la géographie qui s’affole, Liverpool jouxte Edimbourg, le Kent côtoie le Pays de Galles, et le hasard y imbrique ça et là un nom de général mort, de télégraphiste électrocuté, ou pourquoi pas, un prénom de femme qui fait rêver les soldats. C’est cette cartographie-là qui m’attire, elle est saugrenue mais tellement humaine. C’est un peu comme une carte des rêves, le réel s’y trouve ramassé, déformé, ou subitement illuminé. Surimposez-y la carte des lieux-dits de surface et vous découvrez des écarts brutaux, d’étranges accointances. Et que dire des fastes enfouis de Babylone ou de Byzance, de Nemetocenna sous Nemacetum, des sanctuaires païens sous les cathédrales. La science des cartes de la surface devient à la longue aussi ennuyeuse que la photographie appliquée. Je suis d’ailleurs certain que vous y perdez votre temps. Faites pour moi un petit exercice. Regardez n’importe quelle carte et essayez d’en trouver la carte souterraine. Travaillez sans méthode, soyez instinctif comme ceux qui débrouillent les âmes des écritures.


La danse du cartographe- L'invitation au voyage

François Emmanuel p63-64

En exergue: " Qu'est ce qu'une frontière? Nos livres nous apprennent que c'est un songe enfanté par l'union de la géographie et de l'histoire"
Bertrand Visage

NB L'homme qui voulait tuer Shelley, c'était déjà noté..
Bix, que conseilles tu de lire de Thomas Bernhard? Pas trop compliqué, à mon niveau!!! Merci! J'ai Extinction dans mes armoires...
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MessageSujet: Re: Au fil de nos lectures   Au fil de nos lectures - Page 4 EmptyVen 11 Avr 2008 - 15:45

y'a des jours où on se dit qu'il y a pas beaucoup de choses qui changent...

Citation :
« J'attaquais mon escalier. Je sonnais à la première lourde et puis à une autre... Par exemple où ça gazait plus, brusquement c'était pour répondre aux questions... S'ils me demandaient mes références ?... ce que je voulais faire dans la partie ?... mes véritables aptitudes ?... mes exigences ?... Je me dégonflais à la seconde même... je bredouillais, j'avais des bulles... je murmurais des minces défaites et je me tirais à reculons... J'avais la panique soudaine... La gueule des inquisiteurs me refoutait toute la pétoche... J'étais devenu comme sensible... J'avais la panique des fuites de culot. C'était un abîme !... Je me trissais avec ma colique... Je repiquais quand même au tapin... J'allais resonner un autre coup dans la porte d'en face... c'était toujours les même « affreux »... J'en faisais comme ça, une vingtaine avant le déjeuner... »

Louis-Ferdinand Céline, Mort à Crédit
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MessageSujet: Au fil des lectures   Au fil de nos lectures - Page 4 EmptyVen 11 Avr 2008 - 18:57

Marie, arrete de jouer les modestes !

Je ne suis pas conseilleur... Et surtout pas avec Thomas Bernhard, qui
n'est pas un auteur aimable. Il est meme méchant. Carrément méchant
comme Ivy Compton Burnett (et qui lit Ivy Compton Burnett à part un
vieux grognon comme moi ?).
Il n'aimait pas l'Autriche, son pays, pour le role détestable qu'il avait
joué aux cotés des nazis. Et meme le célèbre prix Buchner ne put
l'amadouer.
Mais il appréciait quand meme Ingborg Bachmann, poète et romancière de qualité avec qui il partageait les memes détestations...

Pour mon compte, de Bernhard, je préfère ses écrits autobiographiques, c'est à dire : L'origine, La cave, Le souffle,
Le froid, Un enfant. Et aussi Le neveu de Wittgenstein.
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MessageSujet: Re: Au fil de nos lectures   Au fil de nos lectures - Page 4 EmptyVen 11 Avr 2008 - 20:03

Au bout d'un quart d'heure, elle sut que Julienne ne viendrait pas. Les minutes étaient tombées, d'abord l'égères, puis suspendues, puis intolérables. 6h15, 6h30, 7h... Les minutes n'appartenaient plus au temps mais à l'enfer

7h15, je suis dans la rue. Julienne n'est pas. Julienne n'existe pas. Je ne peux, ne pourrai pas le supporter. Encore une rue et une autre rue et Julienne n'est pas.

Le monde s'effritait. Elle s'appuya contre un mur pour souffrir. Un passant la regarda, hésité, puis passa. Il se retourna plusieurs fois, introgué, peut-être appitoyé.

Va t'en. Va t'en!

Que pouvait un passant? La receuillir, l'emmener à l'hopital? Nulla âme charitable n'aurait pu comprendre l'absence de Julienne. Une femme qui perd son mari, un homme qui tombe d'un échafaudage, on les plaint. Pourquoi? Parce qu'ils souffrent? Non. Seulement parce qu'ils ont officiellement le droit de souffrir.


Evelyne Mahyere, Je jure de m'éblouir

Je connais cet extrait par coeur, je le trouve magnifique, et plus que ça.
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MessageSujet: Re: Au fil de nos lectures   Au fil de nos lectures - Page 4 EmptySam 12 Avr 2008 - 1:18

Isidore Ducasse a écrit:
Au bout d'un quart d'heure, elle sut que Julienne ne viendrait pas. Les minutes étaient tombées, d'abord l'égères, puis suspendues, puis intolérables. 6h15, 6h30, 7h... Les minutes n'appartenaient plus au temps mais à l'enfer

7h15, je suis dans la rue. Julienne n'est pas. Julienne n'existe pas. Je ne peux, ne pourrai pas le supporter. Encore une rue et une autre rue et Julienne n'est pas.

Le monde s'effritait. Elle s'appuya contre un mur pour souffrir. Un passant la regarda, hésité, puis passa. Il se retourna plusieurs fois, introgué, peut-être appitoyé.

Va t'en. Va t'en!

Que pouvait un passant? La receuillir, l'emmener à l'hopital? Nulla âme charitable n'aurait pu comprendre l'absence de Julienne. Une femme qui perd son mari, un homme qui tombe d'un échafaudage, on les plaint. Pourquoi? Parce qu'ils souffrent? Non. Seulement parce qu'ils ont officiellement le droit de souffrir.


Evelyne Mahyere, Je jure de m'éblouir

Je connais cet extrait par coeur, je le trouve magnifique, et plus que ça.

superbe, c'est vrai. et je ne connais ni l'auteur ni le livre...
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MessageSujet: Re: Au fil de nos lectures   Au fil de nos lectures - Page 4 EmptyLun 14 Avr 2008 - 12:53

Mille feuilles

Cette mort de l’affiche n’est pas une mort. L’affiche n’est presque jamais arrachée, défaite. Elle a si peu souvent le temps de s’estomper sous l’éclat du soleil, ou même d’être arrachée par les bourrasques de la pluie. Mais elle est recouverte. Le concert rock dépasse sous le festival de musique baroque, résiste encore un peu sous les tracts révolutionnaires collés à la sauvette. Qui est allé le 28 octobre à dix-huit heures à la Mutualité ? Sûrement pas les mêmes qui se sont décidés à venir écouter les Narcissic Lovers à la Maroquinerie le 10 novembre. Mais la plupart de ceux qui ont croisé le regard des affiches n’ont même pas imaginé qu’elles pourraient infléchir une soirée de leur vie. Pourtant, ils on à peu près déchiffré les noms, les dates, les messages, surtout si le trajet leur était familier. Pourtant, cela leur a fait du bien que ces propositions soient jetées dans l’air de la ville – ils étaient au-dessus, puisqu’ils pouvaient s’en dispenser.
Toutes ces virtualités effacées d’un battement de paupière font la marche plus désinvolte, le chemin plus léger. On a une vie, puisqu’on n’obéit pas à ceux qui voudraient la remplir autrement. La supplication muette des affiches n’aborde même pas les terres du possible. Elle reste dans l’éventuel, et caresse imperceptiblement l’amour-propre dans le bons sens du poil. Qui, vous faites partie des gens que tout cela pourrait séduire. Et c’est bien pour cela que vous ne serez pas tenté.
Parfois cependant l’affiche se décolle. Elle devient plus triste, et cet envers blanc froissé qui bat au vent d’automne parle de solitude, de silence. Juste en dessous, les dates périmées témoignent d’un temps lointain qu’on n’aura pas vécu. Tiens,je n’étais pas là, j’y serais bien allé.

Philippe Delerm Traces
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MessageSujet: Re: Au fil de nos lectures   Au fil de nos lectures - Page 4 EmptyLun 14 Avr 2008 - 16:25

bix229 a écrit:
"Le langage est inutilisable quand il s'agit de dire la vérité, de communiquer quelque chose, il ne laisse que l'approche à celuiqui écrit, ne lui laisse
toujours que l'approche désespérée de l'objet, qui doute toujours d'arriver,
ce qui la rend tout simplement douteuse, le langage ne reproduit qu'une authenticité falsifiée, que la chose affreusement déformée, quels que soient les efforts de celui qui écrit."

Thomas Bernhard. Le froid
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Nous en faisons souvent la douloureuse expérience...

J'ai lu le froid et ce passage (j'ai dû surement le souligner moi aussi...). J'ai beaucoup d'admiration pour Thomas Bernhard. Merci de me le rappeler!
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MessageSujet: Re: Au fil de nos lectures   Au fil de nos lectures - Page 4 EmptyLun 14 Avr 2008 - 17:49

Puisque Bleu Conrad est pour le moment aussi sur notre portail, encore un petit extrait de ce livre drunken

Seul, solitaire. À l’évidence isolé – isolato en italien, isulatu en langue corse – autrement dit, c’est clair, séparé comme une île, isola ou encore isula. En latin, insula. En effet, insulaire. Et exilé. Une insulomanie, une souffrance spirituelle, telle la figure libre de son destin ? « Je souffre de la sensation du vide, avoue-t-il dans une lettre. Peut-être pas celle du Vide éternel, encore que passé soixante ans, il soit légitime d’y penser, mais celle d’un vide intérieur.
[...]
Errance du marin, errance de l’écrivain. Une identité flottante. Une solitude assumée parmi l’affairement de ses semblables.

Maddalena Rodriguez-Antoniotti, Bleu Conrad
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