[Comic] Alan Moore

C'est surtout très subjectif, tu sais.
On ne peut pas reprocher le choix de ses dessinateurs à un scénariste alors qu'il s'agit de choix pensés, d'une démarche. Ce choix fait partie de la réflexion de l'œuvre dans son ensemble.
Moore a quand même la réputation d'avoir une très grosse réflexion formelle derrière chacun de ses projets (étant lui même à la base un illustrateur, c'est comme ça qu'il a commencé à gagner sa croute d'ailleurs). Alors certes ses choix ne plaisent pas à tous, mais qu'importe, il n'a pas non plus à choisir des artistes qui plaisent forcément aux lecteurs. Le principal c'est la cohérence de l'œuvre, aux lecteurs ensuite de faire un minimum d'effort d'immersion.
En plus, je suis désolé, mais moi je trouve globalement très justifiée et cohérente cette osmose entre écriture et graphisme. Je suis très fan du travail graphique et de la couleur sur Watchmen, j'adore le dessin de Lloyd sur V, et progressivement je trouve que les recherches graphiques de Gebbie (la femme de Moore) sur Filles Perdues sont vraiment dans la lignée du propos de Moore.
Dans la BD dite indépendante il y a des tonnes de styles assez difficiles d'accès, c'est vrai, mais j'aurais tendance à dire que c'est tant mieux, ça fait sortir le lecteur de ses habitudes en le faisant entrer dans des univers bien plus personnels.
Mais bon, moi non plus je n'accroche pas à tout, simplement je sais que c'est parce que je ne suis pas réceptif avant tout, la faute n'est pas réellement imputable aux auteurs ;-)))))

C'est pas ma faute à moi, non plus.



N'empêche que d'après ce que tu dis, j'ai un peu raison : ne pas trop se figer sur le dessin ce n'est pas évident, et surtout... d'après tes dires, ce serait carrément passer à côté d'une œuvre, ou du moins de la vision que l'auteur-dessinateur avait de cette œuvre.
T'as pas à être désolé de trouver le tout cohérent et bon. Au contraire.
Peut-être qu'il me manque une fenêtre sur un aspect de l'œuvre Moore qui m'empêche de baver de délices autant que les couleurs pour Watchmen par exemple.

Honnêtement, je peux comprendre que des lecteurs n'accrochent pas parce que ses choix ne sont pas toujours très "consensuels". Simplement, comme il se dirige depuis quelques années vers des projets de plus en plus indépendants et libérés de toutes contraintes, ses choix se portent donc vers des artistes qui lui parlent à lui, qui résonnent avec son projet, donc qui ne vont pas forcément dans le sens du lectorat qui ne connait pas trop sa démarche. Au contraire de ce qu'il publiait quand il bossait encore jusqu'à très récemment chez DC (même Watchmen était très cadré éditorialement, il faut juste remettre ça dans le bon contexte, le milieu des années 80, les couleurs en aplat, une équipe d'anglais aux manettes et un travail très appuyé sur les ambiances...).
Après, si tu n'accroches pas plus que ça, pourquoi pas, il n'y a rien d'universel là dedans. C'est juste que j'estime que ça vaut l'effort de parfois dépasser le petit à priori qui peut freiner la découverte ;-)

Citation :

Elles se nomment Alice, Wendy et Dorothy. A travers leurs aventures au Pays des Merveilles, dans le monde Peter Pan, et au Royaume du Magicien d'Oz, les lecteurs du monde entier les connaissent... ou croient les connaître. Car l'heure est venue pour elles de nous dévoiler la face cachée de leur histoire. Loin des mondes imaginaires, c'est en Europe, à l'aube du XXe siècle, qu'elles ont vécu les moments les plus marquants de leur existence. Voici comment trois ingénues, guidées par l'éveil de leurs sens, stimulées par des expériences sans tabou, sont devenues trois Filles Perdues.

Je vais faire un résumé rapide, j'ai faim. Donc Alice, Wendy et Dorothy se rencontrent dans un hotel.
Deux d'entre elles sont mal accompagnées, la dernière est seule, toutes s'ennuient terriblement.
Alors comment passer le temps quand on a chacune un et 3 paires de ?
Les 3 femmes se rapprochent donc, et racontent, tour à tour les traits marquants de leur histoire, permettant de combreuses combinaisons de . Rapidement, le ton est donné... au fil des 300 pages de et de les limites sont progressivement repoussées (ce qui fait qu'on ne peut pas conseiller la BD à n'importe qui, certains sujets sont plus que sensibles).

Les référrence littéraires sont nombreuses, on n'échappe pas non plus à un grain d'humour (le gameux chapitre avec les ombres qui font des choses coquines tandis que le couple s'ennuie). Et certaines planches sont tout simplement terribles (ô pauvre Alice !).

Au premier abord (qui a duré 3 ans ... ), les dessins ne me disaient rien.. mais très rapidement,
je me suis laissée portée par ses couleurs vives, qui rappellent un monde merveilleux des livres des enfants
sauf que dans celui-ci, on voit plein de et de toutes .

En tout cas, c'est autre chose que cette de "fraise et chocolat"....

Ah ben tiens, même Maryvonne se censure maintenant.
C'est con, c'est pas une BD que tu peux feuilleter chez quelqu'un après l'avoir trouvé dans sa biblio...

Alan Moore, une biographie illustrée

Citation :

Alan Moore, l’auteur de V pour Vendetta, Watchmen, From Hell, Batman : The Killing Joke, La Ligue des gentlemen extraordinaires, Tom Strong, Filles Perdues, Promethea...

Génie de la bande dessinée moderne, Alan Moore est la référence absolue pour plusieurs générations de scénaristes, de romanciers, d’illustrateurs et ou de cinéastes. Riche de nombreux documents rares ou inédits provenant des archives d’Alan Moore et de ses grands collaborateurs, cette première biographie officielle dévoile tous les secrets d’une œuvre exceptionnelle, mélant écriture, dessin, musique et magie. Inclus : un cd de 19 titres par Alan Moore et le meilleur de la scène underground britannique.

Je l'ai feuilleté et il a l'air très complet et très bien fourni. Reste le prix plutôt prohibitif glups. Bref je l'ai redéposé sagement mais pas certaine de ne pas y revenir prochainement.

Paru 10/2011

En tout cas j'aime la couverture !

colimasson a écrit:

En tout cas j'aime la couverture !

Il s'agit d'une couverture exclusive pour la France signée par Frank Quitely, de son vrai nom Vincent Deighan, un artiste d'origine écossaise faisant partie des dessinateurs de comics les plus en vue depuis presque 20 ans (The Authority, All-Star Superman, Batman & Robin).

Idem : ça donne envie et quelle chouette couv' (merci pour les infos Senti !)

Je confirme très bon bouquin, on comprend que Moore brasse large. Il y a même un cd qui s'écoute plutôt bien. Personnellement je cherchais des infos sur son "graal" abandonné, big numbers (et le dessin de Bill Scienkiewicz...soupir amoureux... !).

Swamp Thing, la Créature du Marais, ou comment une histoire plutôt banale de monstre vert feuillu se transforme en un opéra baroque lorsqu’Alan Moore s’empare de la série… Commandé par Len Wein, à l’initiative du titre paru en 1971, Alan Moore s’attèle, dans la suite des épisodes, à revenir sur les origines de la créature…
Alan Moore n’est pas coupable du motif de départ de la série : Alec Holland, scientifique victime d’un attentat dans son laboratoire perdu en pleine brousse, est projeté par le souffle d’une bombe dans un marais croupi. Le temps que cela mijote, il en surgit bientôt une créature verdâtre « plantureuse », dont la carrure et les attributs végétaux peu rassurants ne tardent pas à faire frissonner les alentours. Classique et se distinguant peu des autres productions du même acabit, Alan Moore rapplique dès 1982 pour relever le niveau de la série. Après l’attentat à Holland, attentat à Len Wein : toute la base de l’intrigue est anéantie par un retournement de situation très risqué. Alan Moore a joué gros et risqué de perdre son lectorat, mais il s’en sort avec tout le brio qui incombe à son audace. A partir du revirement qu’il choisit de mettre en place, la série prend une tournure exceptionnelle et les évènements se déchaînent dans un ballet cosmique irréel.
L’imagination d’Alan Moore paraît sans limites. Les dessins aux couleurs acides deviennent des fresques psychédéliques oscillant entre extase et mauvais trip. La poésie surgit des textes au détour d’illustrations glauques et à la thématique noire… Aucun soubassement de la psychologie des personnages n’est laissé pour compte, et la folie dont ils s’approchent et s’éloignent sans cesse trouve un écho évident à la propre démence déployée par Alan Moore dans sa reprise de Swamp Thing. Le délire de l’imagination qui fait perdre les pédales redonne la vie à une série qui se serait fanée si Alan Moore n’avait rien fait pour l’extirper de sa triste banalité.
La créature du marais, bien qu’elle ne soit qu’une plante, emmène son lecteur sur des chemins de traverse fantastiques. Toute aventure est une allégorie qui répond à des fondements métaphysiques plus profonds qu’elles ne le laisseraient supposer de prime abord. Dans des références nombreuses aux plus grands noms de la littérature, qu’elles soient directes ou implicites, Kafka, Freud, Lovecraft ou Poe se retrouvent et apparaissent dans un miroir déformant. Leurs esprits planent au-dessus d’histoires à la fois effroyables et d’une douceur velouté… Les frères « mystère » et « secret » nous engloutissent dans leurs châteaux respectifs, pour nous expliquer par l’allégorie l’existence d’un humanoïde dont la subsistance se constitue des terreurs de chacun. A quelques pas de là, l’errance d’extraterrestres pacifiques permet de confronter la créature des Marais à l’autodestruction généralisée de tous les êtres de l’univers. La cruauté, la peur, la culpabilité et même l’amour trouvent des réponses originales que la créature des marais amène avec toute l’humanité dont elle avait cru être la détentrice. Mais la profonde particularité de son matériel génétique lui confère un regard oblique, non pas fou mais halluciné, qui fait de cette série une œuvre marquante dans le tas foisonnant des comics américains.

Citation :

Il y a les gens. Il y a les histoires. Les gens croient donner forme aux histoires, mais l’inverse est souvent le plus proche de la vérité. Les histoires sculptent le monde. Elles existent indépendamment des gens et dans des endroits vides de vie humaine, il peut exister des mythologies. Les glaciers ont leurs légendes, les fonds océaniques leurs propres romances. Et même ici… Même ici, au cœur de ces fourrés froids et bourbeux qui n’ont d’autres témoins que les crapauds somnolents, chacun accroché à son caillou tel un fœtus extraterrestre, même ici, il y a des histoires. Des histoires qui poussent comme des arbres aux racines enchevêtrées formant un puzzle tourmenté, tortueux, aux ramifications de lierre. Les histoires, ici, ont fleuri de façon difforme, nourries par un sol curieux.

Du kitsch à souhait...
Beau.

Des planches, des extraits...

Citation :

Des insectes ! Il l’avait vu bouger et le croyait encore vivant… Mais il était juste plein d’insectes. Depuis tout ce temps, ce n’étaient que des insectes.

Citation :

Dans la vie de chaque enfant, riche ou pauvre, il y a un instant de fuite dans l’obscurité. Et il n’y a pas de mots pour rassurer un enfant. Nul pour le comprendre si le mot existait. Nul pour l’entendre s’il était prononcé. Que Dieu sauve les petits enfants. Ils tiennent bon malgré tout.

Citation :

Il y a un monde rouge et colérique où arrivent des choses rouges. Un monde qui dévore votre femme, dévore vos amis, dévore toutes ces choses qui vous rendaient humain. Alors vous devenez un monstre. Et le monde continue de dévorer.

Citation :

Submergé par des sensations étrangères, des perceptions nouvelles, un sentiment de fraîcheur brûlante… Mes racines boivent par des filaments assoiffés… Le goût piquant des phosphates… Le ballet langoureux des courants dans l’eau… Je suis une plante… Et par-delà la plante ? Je sens…autre chose… D’autres consciences qui se pressent… L’herbe au-dehors… Un millions de brins pointant vers la lune et… Les arbres ! Je suis les arbres… Un boa de mousse pend de mes épaules… Je sens le génie intriqué des lianes… La sagesse géante, millénaire, des séquoias ?

Citation :

Il ne fait plus qu’un avec le marécage. Il ressent ce que le marais ressent, sait ce qu’il sait. A quoi cela peut-il ressembler ? De se répandre dans le filet dense des jacinthes d’eau… De partager les rêves des souches moussues…

Citation :

Quand elle était enfant, il lui arrivait de se réveiller dans l’obscurité de sa chambre, sachant que quelque chose était tapi derrière elle. Une chose à l’haleine lourde, aux ongles recourbés, au cœur grouillant d’asticots. Elle restait allongée un cri bloqué dans la gorge, à l’écouter glouglouter doucement. Et parfois, quand la terreur surpassait toute réalité, elle ouvrait les yeux. Et regardait. Et il n’y avait personne.

Le dialecte des extraterrestres pacifiques :

Citation :

Toute la bestiolité confraternisait paisiblement et aucune sorte ne lançait de frappe présomptive contre une autre. Nous ne montrions aucune néglitude envers notre dame, et réciproque-versa. Mais il y eut une tribu de misanthropomorphes qui refusa de convivier avec les autres. Ils constrictèrent leur propre incivilisation en exclusifiant tout autre sorte de les rejoindre. Ils étaient des animaux très solitudaires. Ils nous prirent notre dame… Et depuis toutes ces longuesécularités, nous questons une nouvelle dame avec des étendues tranquaquatiques assez profondes pour y plonger nos radicules.

Citation :

Le florindigène resta là, debout, attentif. Je doute que ça ait été comprémorable à ses yeux. Ensuite, je l’ai remercié pour son attitude sincéritable.

Comme d'hab' : les citations, bouts de textes et d'histoires me plaisent, mais alors les dessins... Pourquoi mais pourquoi ! J'aimerais tant parvenir à passer outre.
Mais là... J'ai vraiment du mal à faire le lien entre l'univers poisseux, sombre, mélancolique, et les couleurs criardes.

Queenie a écrit:

Comme d'hab' : les citations, bouts de textes et d'histoires me plaisent, mais alors les dessins... Pourquoi mais pourquoi ! J'aimerais tant parvenir à passer outre.
Mais là... J'ai vraiment du mal à faire le lien entre l'univers poisseux, sombre, mélancolique, et les couleurs criardes.

Au vu des planches, oui, c'est vraiment moche ! Ils ne savent pas bien se servir de photoshop, les deux dessinateurs dont les noms sont en petit et tout en bas de la couverture ? On croirait presque qu'ils se cachent les deux noms, comme s'ils avaient honte.
Ils ont dû avoir un prix spécial du Jury au Concours National des Dessins Criards !

C'était déjà le cas avec Watchmen : lorsqu'on ouvre l'album pour la première fois, on reçoit un choc en se disant que ça ne le fera jamais. Puis on s'embarque tellement dans l'histoire qu'on finit par complètement passer outre les couleurs criardes, on ne les voit même plus je dirais. Faut peut-être juste se plonger une bonne fois dedans pour voir ou plutôt ne plus voir les détails qui tuent au premier coup d'oeil ?