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 Goliarda Sapienza [Italie]

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sousmarin
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MessageSujet: Goliarda Sapienza [Italie]   Goliarda Sapienza [Italie] EmptyVen 28 Mar 2008 - 17:17

Goliarda Sapienza [Italie] Sapien10

Citation :
Comédienne et auteure italienne née à Catane (en Sicile) en 1924 et morte à Rome en 1996, Goliarda Sapienza est née dans une famille socialiste anarchiste. Son père, avocat, fut une figure importante du socialisme sicilien jusqu'à l'arrivée des fascistes et sa mère était directrice du Grido del popolo (Le Cri du peuple), le journal de de la section turinoise du Parti socialiste dont Antonio Gramsci était un des rédacteurs.
En 1940, une bourse d'étude permit à Goliarda Sapienza d'entrer à l'Académie d’Art Dramatique à Rome. Dans les années qui suivirent, elle se produisit régulièrement sur les scènes de théâtre, entre autres dans des pièces de Luigi Pirandello. Tardivement, elle enseigna la comédie au Centre Expérimental de Cinématographie de Rome.
Son roman L'Art de la Joie, écrit entre 1967 et 1976, est considéré comme une œuvre majeure de la littérature italienne contemporaine. Il suscita pourtant énormément de réticence de la part des éditeurs italiens pour son contenu contestataire et féministe. Il ne fut publié en italien qu'en 1998, après la mort de son auteure.
(Source wikipedia)

L'Art de la Joie (premier aperçu)

Ca commence très fort, en quelques 30 pages (il y en a plus de 800), une fillette de 5 ans apprend le plaisir sexuel en entendant sa sœur handicapée gémir de peur dans les toilettes ; elle demande alors des conseils à un garçon d’une douzaine d’années, qui finit par lui faire un cunnilingus…ensuite, elle est violée par son père et trucide volontairement sa sœur et sa mère…voilà !
Ah oui, elle simule des crises d’hystérie pour s’enfoncer dans la poitrine confortable de la religieuse qui a sa garde mais également pour éviter les interrogatoires suspicieux des gendarmes.
Mon résumé étant très parcellaire…

Inutile de vous dire que ce n’est pas politiquement correct mais fort bien écrit.
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sousmarin
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MessageSujet: Re: Goliarda Sapienza [Italie]   Goliarda Sapienza [Italie] EmptyMar 15 Avr 2008 - 1:27

Arrivé à mi-parcours des plus de 800 pages, je vous livre un extrait :
Citation :
Et voyez, me voici à quatre, cinq ans traînant un bout de bois immense dans un terrain boueux. Il n’y a pas d’arbres ni de maisons autour, il n’y a que la sueur due à l’effort de traîner ce corps dur et la brûlure aiguë des paumes blessées par le bois. Je m’enfonce dans la boue jusqu’aux chevilles mais je dois tirer, je ne sais pas pourquoi, mais je dois le faire. Laissons ce premier souvenir tel qu’il est : ça ne me convient pas de faire des suppositions ou d’inventer. Je veux vous dire ce qui a été sans rien altérer.

Donc, je traînais ce bout de bois ; et après l’avoir caché ou abandonné, j’entrai dans le grand trou du mur, que ne fermait qu’un voile noir couvert de mouches. Je me trouve à présent dans l’obscurité de la chambre où l’on dormait, où l’on mangeait pain et olives, pain et oignon. On ne cuisinait que le dimanche. Ma mère, les yeux dilatés par le silence, coud dans un coin. Elle ne parle jamais, ma mère. Ou elle hurle, ou elle se tait. Ses cheveux de lourd voile noir sont couverts de mouches. Ma sœur assise par terre la fixe de deux fentes sombres ensevelies dans la graisse. Toute la vie, du moins ce que dura leur vie, elle la suivit toujours en la fixant de cette façon. Et si ma mère – chose rare – sortait, il fallait l’enfermer dans les cabinets, parce qu’elle refusait de se détacher d’elle. Et dans ces cabinets elle hurlait, elle s’arrachait les cheveux, elle se tapait la tête contre les murs jusqu’à ce qu’elle, ma mère, revienne, la prenne dans ses bras et la caresse sans rien dire.

Pendant des années je l’avais entendue hurler ainsi sans y faire attention, jusqu’au jour où, fatiguée de traîner ce bois, m’étant jetée par terre, je ressentis à l’entendre crier comme une douceur dans tout le corps. Douceur qui bientôt se transforma en frissons de plaisir, si bien que peu à peu, tous les jours je commençai à espérer que ma mère sorte pour pouvoir écouter, l’oreille à la porte des cabinets, et jouir de ces hurlements. Quand ça arrivait, je fermais les yeux et j’imaginais qu’elle se déchirait la chair, qu’elle se blessait. Et ce fut ainsi qu’en suivant mes mains poussées par les hurlements je découvris, en me touchant là d’où sort le pipi, que l’on éprouvait ainsi une jouissance plus grande qu’en mangeant le pain frais, les fruits. Ma mère disait que ma sœur Tina, “la croix que Dieu nous a justement envoyée à cause de la méchanceté de ton père”, avait vingt ans ; mais elle était grande comme moi, et si grosse qu’on aurait dit, si on avait pu lui enlever la tête, la malle toujours fermée de mon grand-père : “Un damné, plus encore que son fils…”, qui avait été marin. Quel métier c’était que celui de marin, je n’arrivais pas à le comprendre. Tuzzu disait que c’étaient des gens qui vivaient sur les bateaux et allaient sur la mer … mais qu’est-ce que c’était que la mer ?


Et quelques impressions :
L’héroïne voit le jour le 1er janvier 1900 et nous la suivons en Sicile dans le siècle déroulant. Devenue, grâce aux mensonges, aux tricheries et aux meurtres, le « Maître » (avec le titre de princesse) d’une famille noble, elle règne et prend sa jouissance quand elle le veut (parfois le peut) et fait, en toutes circonstances, de l’insoumission son préalable au bonheur…

Elle n’est pourtant ni antipathique, ni amorale, elle protége sa famille, aide ses amis, les venge même en mettant sa situation en péril. Elle réagit souvent avec passion…néanmoins, c’est un personnage complexe et se remettant en cause ; une vraie Pasionaria qui, après nous avoir fait traverser le début du siècle régit par la noblesse et l’église, nous entraîne dans l’aventure mussolinienne…que va-t-elle devenir avec ses sympathies socialistes (ses amis mourants à la pelle) et sa position de princesse ?

Une écriture très centrée sur le personnage (dénommée Modesta) et parlant en son nom. Nous suivons ses pensées, son schéma de réflexion et sans minimiser ses défauts.
Un personnage très construit, bien encadré par les personnages secondaires ; une écriture tout à son service, fluide mais dense.
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Bédoulène
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MessageSujet: Re: Goliarda Sapienza [Italie]   Goliarda Sapienza [Italie] EmptyMar 15 Avr 2008 - 21:56

je suis tes impressions pour cet épais livre.

Des thèmes intéressants à ce que je comprends.

merci
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MessageSujet: Re: Goliarda Sapienza [Italie]   Goliarda Sapienza [Italie] EmptyMar 22 Avr 2008 - 19:38

Voici un livre que l'on m'a offert il y a deux ans. J'ai vraiment aimé les deux tiers du livre, et ce personnage féminin hors du commun, vraiment superbe - mais ensuite j'ai lu en diagonale jusqu'à la fin le dernier tiers, avec baillements et tout. Trop long....ou trop de longueurs sur des sujets qui ne m'accrochaient plus ou alors des redites.
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sousmarin
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MessageSujet: Re: Goliarda Sapienza [Italie]   Goliarda Sapienza [Italie] EmptySam 3 Mai 2008 - 1:38

La dernière partie, rédigée bien plus tard par l’auteur, fait un peu l’effet de rajout pas vraiment utile. Comme tu le dis, dès le début du dernier tiers d’ailleurs, le roman perd en intensité.

Il faut dire qu’il part sur les chapeaux de roues et qu’il maintient un rythme impressionnant pendant plus de 500 pages alors on lui pardonnera cette petite faiblesse.
On lui pardonnera aussi les quelques fautes de traduction (tournures de phrases et mots inappropriés).

Pas un grand roman mais un excellent roman, un peu trop didactique mais intelligent, un peu trop manichéen mais avec nuance.
Et surtout, sa première et sa grande qualité est son souffle…qui, conjugué avec celle de son héroïne, balaie tout sur son passage malgré la fragilité et l’apparente force de cette dernière…à moins que cela ne soit le contraire… jemetate

Le lecteur ne peut s’empêcher de s’identifier à Modesta qui, pour le meilleur et pour le pire, nous apparaît telle qu’elle est : exceptionnellement humaine !
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MessageSujet: Goliarda Sapienza   Goliarda Sapienza [Italie] EmptySam 3 Mai 2008 - 1:47

Assez d'accord avec l'analyse de Sousmarin. A didactique, j'ajouterai

rhétorique. Un peu déçu par ce livre dont j'attendais beaucoup et sans

doute trop !
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MessageSujet: Re: Goliarda Sapienza [Italie]   Goliarda Sapienza [Italie] EmptySam 17 Mai 2008 - 22:33

Il me reste envrion 200pages et je ressens comme toi Sousmarin.

Le début est très bon, voire excellent, puis ça devient un peu fouillis, tous les thèmes sont abordés (psychanalsye, histoire, sexe...).
Je crois qu'effectivement, il y a des pages en trop mais j'aime beaucoup quand même.
J'en reparlerai plus longuement quand je l'aurai terminé.
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MessageSujet: Re: Goliarda Sapienza [Italie]   Goliarda Sapienza [Italie] EmptyVen 23 Mai 2008 - 6:07

Ca y est je l'ai terminé et je dirais que mon avis d'humble lectrice est positif.

C'est une vraie saga qui se déroule sur plusieurs décennies, avec un personnage principal, Modesta, personnage hors normes, que certains lecteurs ont détesté. Moi, je ne l'ai pas particulièrement appréciée car c'est une femme trop ambitieuse, égoïste mais libre de ses gestes et des pensées.

Ce qui m'a intéressée, davantage que Modesta et son caractère, ce sont les personnages secondaires, le contexte historique.

La 1ère moitié du livre (400 pages quand même) m'a passionnée, la seconde moitié nettement moins car les longueurs y étaient nombreuses, les sujets et dialogues confus; j'avais parfois du mal à savoir qui parlait,à qui, pourquoi, combien de temps se passait entre différentes scènes (d'une heure à plusieurs années, tout dépendait, et ce fut parfois difficile à suivre).

N'empêche que j'ai aimé et Goliarda Sapienza est une femme qui m'intrigue car elle semblait être de la trempe de son héroïne.
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MessageSujet: Goliarda Sapienza   Goliarda Sapienza [Italie] EmptySam 20 Déc 2008 - 19:22

LE FIL D' UNE VIE. récit autobiographique. - Viviane Hamy, 2 008.

Contrairement à L'Art de la joie qui est un roman, ces récits autobiographiques ne sont en rien emphatiques.
Mais au plus près de la vie d'une femme complexe, partagée , douloureuse,
en quete d'identité.... Déchirée mais vivante.

Elle analyse les difficultés d' etre femme en Sicile.
Difficulté d'etre fille de militants politiques de gauche dans les années sombres du fascisme, où les résistants utilisaient parfois les memes armes que
l'adversaire pour simplement se défendre... Mais aussi dans leur vie.

Difficulté de ne pas etre simplement écrasée par la personnalité trop forte des parents.

Elle en parle avec force, honneteté et courage.

Les femmes s'y reconnaitront peut etre. Et les hommes apprendront surement quelque chose qui leur est étranger.
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MessageSujet: Goliarda Sapienza   Goliarda Sapienza [Italie] EmptyLun 29 Déc 2008 - 22:10

J' ajoute que les citations extraites du livre pour le le fil :

Au fil de nos lectures peut faire penser hors contexte, que ce livre est morbide...
Il n'en est rien. Goliarda Sapienza a connu de grandes difficultés dans sa vie. Elle a failli y laisser la raison et meme la vie.
Mais elle les a surmontées, et ce livre est au contraire un livre de vie et
d' espoir.
Un livre plutot exceptionnel...
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MessageSujet: Re: Goliarda Sapienza [Italie]   Goliarda Sapienza [Italie] EmptyVen 3 Avr 2009 - 9:55

"L'art de la joie"

Elle s'appelle Modesta et elle est née le 1er Janvier 1900 quelque part dans la campagne sicilienne.
Elle grandit dans la misère, entre une mère taciturne et une sœur, Tina, handicapée mentale. Son seul univers, c'est une bicoque sombre, envahie de nuées de mouches.
Un jour, alors qu'elle n'est encore qu'une enfant, un homme qui prétend être son père se présente. Il enferme la mère et la sœur de Modesta dans le cabanon qui sert de toilettes, et viole la petite fille. Le lendemain, on retrouvera la mère et la sœur massacrées à coups de couteau.

Modesta sera recueillie par des religieuses et va grandir au sein d'un couvent dirigé par une abbesse férue d'astronomie, mère Leonora. Les années vont passer dans le calme de cet univers clos et Modesta , qui auparavant ne savait ni lire ni écrire, va découvrir la bibliothèque. Une boulimie de savoir va s'emparer d'elle et l'emploi du temps de ses journées sera partagé entre l'étude et ses conversations avec le jardinier Mimmo, seul individu masculin autorisé à entrer dans le couvent.

Mère Leonora, dont la santé s'est aggravée, va s'attacher à la jeune fille, au point de lui léguer sa rente quand viendra l'heure de sa mort. Elle souhaite que Modesta devienne religieuse elle aussi, mais au préalable, elle lui donne le temps de réfléchir et de faire l'expérience du monde extérieur afin de fortifier sa foi et de comprendre à quoi elle doit renoncer.

Un étrange accident va précipiter la mort de mère Leonora et Modesta va être envoyée, conformément aux dispositions testamentaires de l'abbesse, dans la famille de celle-ci, une famille de l'aristocratie sicilienne, les Brandiforti. Là, elle va découvrir un monde complètement inconnu auparavant. Elle va s'intégrer à cette famille dirigée d'une main de fer par la principessa Gaia et se lier d'amitié avec Béatrice, une jeune fille de son âge qui va lui faire découvrir les nombreuses pièces de la maisonnée, pièces habitées par le plus souvent par les ombres des jeunes hommes disparus lors de la première guerre mondiale.
Un seul endroit restera pendant longtemps un mystère pour Modesta : les appartements où vit reclus Ippolito, aussi appelé « La Chose », le prince héritier, atteint de mongolisme. Béatrice et Modesta, au delà de leur complicité, vont également apprendre l'amour dans les bras l'une de l'autre et devenir inséparables.
Modesta entretiendra également une relation avec Carmine, le garde-champêtre et intendant du domaine. Mais c'est sa rencontre avec Ippolito, « La Chose » qui va tout changer. Habituée à vivre – puisque sa sœur l'était – avec des trisomiques, Modesta va se charger de devenir l'infirmière d'Ippolito. Celui-ci, malgré son handicap, n'en est pas moins un homme, et il s'éprend très vite de la jeune femme. Sous la pression du médecin de famille, du prêtre et de la princesse Gaia, Modesta se voit contrainte d'épouser « La Chose ». Ce qui, pour toute autre qu'elle pourrait ressembler à un cauchemar, ne va en fait que lui assurer une nouvelle forme de liberté. En épousant Ippolito, elle devient une Brandiforti et prend le titre de principessina.

Lorsque Gaia mourra, Modesta deviendra la princesse Brandiforti, chef de la famille, et libre de mener sa vie comme elle l'entend.
C'est d'ailleurs ce qu'elle va s'évertuer à faire tout au long de sa vie, créant autour d'elle une sorte d'Abbaye de Thélème où hommes et femmes seront égaux, où les discussions porteront sur la philosophie, la politique et la littérature. De politique, il en sera beaucoup question, en cette époque d'entre-deux guerres où le fascisme mussolinien s'étend sur l'Italie.
Modesta, conquise par les idées de l'Internationale Socialiste, apportées par Carlo, un jeune médecin qui deviendra son amant puis le mari de Béatrice, secouera tous les préjugés de la haute société et viendra en aide à tous ceux qui luttent contre l'emprise du fascisme. Cette attitude lui vaudra d'ailleurs d'être emprisonnée pendant la deuxième guerre mondiale.
C'est ainsi que, à travers le regard de Modesta, nous allons traverser une bonne partie de la première moitié du XXe siècle, de la première guerre mondiale à la défaite du fascisme. De la misère la plus noire de son enfance à l'aisance que procure un titre nobiliaire, Modesta jouera un grand rôle auprès de ses proches afin de leur insuffler l'amour de la liberté. Elle luttera sans cesse contre les préjugés sociaux et religieux de son époque, contre toutes les formes de totalitarisme politique, et luttera pour l'émancipation des femmes, la liberté d'expression et le droit à l'orientation sexuelle de chacun.

Tout en clair-obscur, « L'art de la joie » de Goliarda Sapienza pourrait bien un jour devenir un classique de la littérature italienne, au même titre que « Le guépard » de Lampedusa. Servi par une écriture exigeante dont la narration oscille entre la première et la troisième personne, mais aussi par une grande profusion de dialogues et de personnages. Le lecteur s'y perd d'ailleurs un peu, dans toute cette famille Brandiforti à laquelle viennent s'agglomérer au fil des années hommes et femmes de rencontre. Difficile de s'y retrouver également dans la généalogie des uns et des autres, tant les enfants et petits-enfants, adoptés ou nés suite à des liaisons hasardeuses, y sont nombreux.

Fruit de dix ans d'écriture, édité presque vingt ans après son achèvement, « L'art de la joie » ne fut publié qu'après la mort de son auteure. Ce roman, qui n'est aucunement autobiographique, contient cependant dans chacun de ses personnages, une petite part de Goliarda Sapienza, chacun exprimant une partie de ce qu'elle était ou de ce qu'elle aurait voulu être. Modesta, son personnage principal, dont elle réfutait qu'elle fut son double, résume à elle seule tous les espoirs et toutes les aspirations de ces femmes qui ont eu à lutter pour leurs droits en ce XXe siècle éclairé par tant de progrès et assombri par tant de tragédies.
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MessageSujet: Re: Goliarda Sapienza [Italie]   Goliarda Sapienza [Italie] EmptyVen 3 Avr 2009 - 14:36

Intéressant...
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MessageSujet: Re: Goliarda Sapienza [Italie]   Goliarda Sapienza [Italie] EmptyLun 20 Aoû 2012 - 19:51

J'ai lu ce bouquin en avant-première et j'ai beaucoup aimé, un réel coup de coeur.
Moi, Jean Gabin

Traduction Nathalie Castagné
Editions Attila
162 pages
ISBN : 9782917084502


En recevant ce livre, très belle couverture au demeurant, un instant de doute m’envahit. Ce livre parlerait de Jean Gabin et sur la photo…. une petite fille déguisée en marquise. Les traits fins ne peuvent appartenir qu’à une petite fille. Heureusement, la 4ème de couverture m’en dit un peu plus.

Moi qui ai appris de Jean Gabin à aimer les femmes, je me trouve maintenant avec la photographie de Margaret Thatcher devant moi…. C’est important une première phrase et celle-ci me plait.
Goliarda, c’est son enfance qu’elle nous raconte, va nous promener au rythme de ses longues déambulations dans la Catane de son enfance.
Seule déambulant d’un pas court et énergique éclatant de courage altier, j’adaptais mes petits pieds à la démarche pleine d’autosuffisance virile de Jean Gabin, en fixant les yeux ténébreux de ma casbah de lave et la métamorphosant instantanément en l’enchevêtrement d’une resplendissante clarté de sa casbah à Lui.

Goliarda va calquer sa vie, sa façon d’être en fonction de ce qu’elle ressent en regardant les films de son acteur chéri, Jean Gabin. Lorsqu’elle se bat, voici ce qu’elle répond à son père : « Gabin aurait fait la même chose ».

Mais, parlons de la famille Sapienza. Sa mère, socialiste convaincue, féministe de la première heure et son père avocat ne s’occupant que de la cause des petites gens, n’éduquent pas leurs enfants dans la foi chrétienne et leur laissent une grande liberté. J’avais été élevée de façon moderne, moi, et je savais, je n’étais pas l’une de ces petites bécasse abruties par l’opium du mensonge qui pullulaient sur les chemins du monde, du moins selon ce que disait le professeur Jsaya. Goliarda avait sept demi-frères et sœurs, du côté de sa mère, et son père avait eu un fils, mort très jeune, Goliardo, dont elle porte le prénom, un prénom lourd à porter quelque fois. Les entourent Tina, Zoé sauvées de la prison par son père et dévouées à la famille. Et puis, il y a les oncles Nunzio, Giovanni qu’elle adore bien qu’il n’ait pas voulu lui apprendre le métier de cordonnier. Lorsqu’il veut lui donner de l’argent elle réplique : je suis venue chercher du travail, pas l’aumône.

Goliarda adore sa famille, admire ses parents : Moi, au moins, j’avais un père rebelle, même s’il n’était pas de la stature de Jean, et une mère aussi, qui, ce n’est pas pour dire, avait également été –et va plusieurs reprises – en prison pour le bien des pauvres et des opprimés.

Si Goliarda a besoin d’argent, elle doit le gagner. Les sous, c’est vraiment étrange, tant qu’on les garde entiers ils peuvent durer un mois, mais si on les change en un tas de petite monnaie qui sur le moment paraît une montagne, ils se volatilisent en un clin d’œil ; phrase que l’on répète souvent en craquant nos billets de 20 euros !!!

L’école…. Elle y va en pointillé. Son frère Ivanoe est, dans la fratrie celui qui est chargé de son éduction, pour ne pas fréquenter l’école fasciste. A8 ou 10 ans, elle a lu Diderot, Voltaire... Elle va seule au cinéma et rentre le soir tard. Les repas pris ensemble sont très rares, pourtant cette famille respire l’amour et la cohésion malgré les tempéraments de feu siciliens.


Elle fréquente beaucoup de monde. Dans l’atelier du commendator Insanguine, marionnettiste, elle répare et recoud les hardes des marionnettes «Nous reprisons point après point les déchirures des captes provoquées par la grande querelle du soir précédent. J’avais appris de maman Insanguine cet art de soigner les plaies ouvertes dans les robes, les capes…
». qui lui apprend la patience. Dans la rue, très populaire, elle est la demoiselle de l’avocat, elle aime à discuter avec « les femmes et les hommes qui font commerce d’eux-mêmes –on ne dit pas putain, c’est méprisant, c’est un métier comme un autre, vieux comme le monde »

Les fascistes sont là avec la peur et cette petite fille, nourrie de liberté, de socialisme, de philosophie, d’anarchie demande à son père « Promets-moi que même si le fascisme devient le plus puissant des puissants des puissants, tu lutteras toujours pour les pauvres, qu’eux aussi ils puissent faire des études comme moi et n’être plus humiliés par les autres. »

Puis, il y a sa rencontre avec Jean, attention à ne pas confondre, ce n’est pas "son Jean", mais une américaine réfugiée chez les Sœurs françaises à Rome. Elles sont là, cachées pour échapper aux SS et qu’elle retrouvera plus tard.

A travers les souvenirs de son enfance, Goliarda nous raconte la vie de son quartier populaire avec la grâce sautillante et rieuse de la petite fille qu’elle fut. Les tirades percutantes et définitives montrent combien son éducation anarchiste mais rigoureuse voire rigide l’a marquée, son respect pour les petites gens et sa morgue à l’encontre des bourgeois et autres arrivistes, je ne parle même pas des fascistes, est très vivace. De temps à autre, il faut revenir en arrière pour retrouver une filiation, certains passages sont touffus, mais il y a ce petit quelque chose de musical qui trotte dans la tête, de tempérament de feu qui vous enflamme.
J’ai noté l’Art de la joie pour une prochaine lecture.

L’appendice en fin de livre est une biographie succincte mais très renseignée de la vie de l’auteure. Son sentier d’enfance a été déterminant pour continuer la route de sa vie d’adulte. Goliarda a gardé ses fêlures, ses convictions, sa liberté. Les photographies montrent une belle femme au regard puissant et mélancolique.
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MessageSujet: Re: Goliarda Sapienza [Italie]   Goliarda Sapienza [Italie] EmptyLun 20 Aoû 2012 - 20:17

Goliarda Sapienza se raconte de livre en livre et forcément se répète parfois. Et à ce jeu-là, je préfère Le Fil d' une vie. En tout cas, elle vaut le détour et sa vie mérite vraiment d' etre connue. Complètment hors du commun. Je note Moi, Jean Gabin.
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MessageSujet: Re: Goliarda Sapienza [Italie]   Goliarda Sapienza [Italie] EmptyLun 20 Aoû 2012 - 21:30

Bix, je le note également et je verrai celui qui est à la bibliothèque, j'achèterai l'autre
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