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| Joseph Conrad | |
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Auteur | Message |
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eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Joseph Conrad Jeu 9 Jan 2014 - 19:38 | |
| Au Coeur des Ténèbres (1899). Nouvelle traduction par Odette Lamolle. Postface par Sylvère Monod. Editions Autrement Littératures. 174 pages. Le livre (qui porte la bizarre indication "roman" sur la couverture) comporte deux nouvelles : Au Coeur des Ténèbres et Un Avant-Poste du progrès. 1/ Au Coeur des Ténèbres ( Heart of Darkness, 1899 ; 126 pages). Le texte commence ainsi (au passage, voici une petite comparaison avec une autre traduction) : Texte original | Version Lamolle | Version J-J Mayoux (GF Flammarion) | "The Nellie, a cruising yawl, swung to her anchor without a flutter of the sails, and was at rest. The flood had made, the wind was nearly calm, and being bound down the river, the only thing for it was to come to and wait for the turn of the tide. The sea–reach of the Thames stretched before us like the beginning of an interminable waterway. In the offing the sea and the sky were welded together without a joint, and in the luminous space the tanned sails of the barges drifting up with the tide seemed to stand still in red clusters of canvas sharply peaked, with gleams of varnished sprits." |
À bord, un groupe d'hommes attend. - Citation :
- "Pour une raison ou une autre, nous ne commençâmes pas la partie de dominos envisagée. Nous étions songeurs, et seulement bons à garder ouverts des yeux placides. Le jour se terminait dans la sérénité d'une calme et délicate luminosité." (page .
Un homme, un certain Marlow, se met alors à parler. - Citation :
- "C'était un marin, mais aussi un voyageur, alors que la plupart des marins mènent, si l'on peut dire, une vie sédentaire. Leur esprit est de nature casanière, leur maison ne les quitte pas, c'est leur navire ; de même pour leur patrie : la mer. Un navire ressemble beaucoup à un autre navire, et la mer reste toujours la mer." (page 10).
Depuis tout petit, Marlow avait eu une fascination pour les cartes, et surtout pour les espaces vides, les régions inexplorées... Un jour, des années plus tard, il est fasciné par le dessin d'une grande rivière puissante, en Afrique. Se rappelant qu'il y avait un gros comptoir d'une compagnie commerciale, il parvient à s'y faire embaucher. Il va donc en Afrique pour piloter un bateau et remonter le fleuve Congo. Station belge sur le fleuve Congo, 1889. Quelqu'un dit à Marlow : - Citation :
- "« Dans l'arrière-pays vous rencontrerez certainement Mr. Kurtz. » Je lui demandai qui était Mr. Kurtz, et il me répondit que c'était un agent de première catégorie ; et, me voyant déçu par cette information laconique, il ajouta sans hâte, après avoir posé sa plume : « C'est un personnage très remarquable. » Sur de nouvelles questions de ma part, il précisa que Mr. Kurtz dirigeait actuellement un comptoir commercial très important, dans la véritable région de l'ivoire, « au fin fond du pays. Il nous envoie à lui seul autant d'ivoire que tous les autres réunis... »" (page 32).
Ce Mr Kurtz est le personnage central, en quelque sorte le but du texte. - Citation :
- "Remonter le fleuve, c'était revenir aux premiers jours de la création, quand la végétation s'épanouissant sur la terre et quand les grands arbres étaient des rois. Une rivière déserte, un profond silence, une forêt impénétrable. L'air était chaud, épais, lourd, visqueux. Il n'y avait nulle joie dans l'éclat du soleil. Les longs bras de la voie d'eau coulaient, dans la monotonie des lointains surchargés d'ombre. Sur les berges argentées, des hippopotames et des alligators se doraient au soleil côté à côté." (pages 57-58).
La remontée du fleuve (très symbolique) est lente et pénible... Le Roi des Belges (1889), bateau commandé par Conrad pour l'Etat Indépendant du Congo. "Au coeur des ténèbres constitue accessoirement un virulent pamphlet contre l'impérialisme et le colonialisme.", écrit Sylvère Monod dans sa postface, page 172. C'est sûr. - Citation :
- "Six Noirs avançaient en file indienne, peinant sur le chemin montant. Ils marchaient lentement, très droits, balançant sur leur tête des petits paniers remplis de terre, et le cliquetis rythmait leur marche. [...] On voyait toutes leurs côtes, les articulations de leurs membres ressemblaient aux noeuds d'une corde ; ils avaient un collier de fer autour du cou et étaient tous reliés par une chaîne qui se balançait entre eux et cliquerait en mesure." (page 27)
- Citation :
- "Ils mouraient à petit feu ; c'était flagrant. [...]
Puis je baissai les yeux et vis un visage tout près de ma main. le squelette se déploya complètement, une épaule appuyée contre l'arbre, les paupières se soulevèrent lentement et les yeux enfoncés se levèrent sur moi, vides et immenses, avec une sorte de lueur blanche aveugle au fond des orbites, qui s'éteignit lentement. L'homme paraissait jeune, presque un enfant, mais, avec eux, vous savez, on ne peut pas trop se rendre compte. Je ne trouvai rien d'autre à faire que de lui tendre un des biscuits du navire de mon bon Suédois, que j'avais en poche. Les doigts se refermèrent dessus et le gardèrent ; il n'y eut pas d'autre mouvement, pas d'autre regard." (page 30). C'est un texte vraiment étrange, dense, métaphorique, très sombre, étouffant. Il a inspiré Apocalypse Now (1979), le film de Francis Ford Coppola, avec Marlon Brando. | |
| | | eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Joseph Conrad Jeu 9 Jan 2014 - 19:38 | |
| Le deuxième texte du recueil est Un avant-poste du progrès. (An Outpost of Progress, 1897), 34 pages. Tout comme Au Coeur des Ténèbres, il se déroule au Congo. On y trouve également une critique du colonialisme. Mais le style est très différent. - Citation :
- "Il y avait deux Blancs pour s'occuper du comptoir commercial. Kayerts, le chef, était petit et gros ; Carlier, l'assistant, était grand, avec une grosse tête et un torse puissant perché sur deux jambes maigres. Le troisième homme de l'équipe était un Noir de la Sierra Leone, qui prétendait s'appeler Henry Price." (page 135).
Ces deux hommes, on pourrait dire qu'il s'agit de Bouvard et Pécuchet. - Citation :
- "C'étaient deux individus parfaitement incapables et insignifiants, d'un type dont l'existence n'est possible que grâce à la haute organisation des masses civilisées. Peu d'hommes se rendent compte que leur vie, l'essence même de leur personnalité, leurs aptitudes et leurs audaces ne sont que l'expression de leur foi en la sécurité de leur environnement. [...] Mais le contact soudain avec la sauvagerie pure et intégrale, avec la nature primitive et l'homme primitif, jette un trouble profond dans le coeur." (page 138).
Le style est simple, efficace, ironique (le titre !): par moments, on croirait lire un conte tragique. Le bateau, sur lequel les deux hommes sont venus, repart. Ils sont laissés à eux-mêmes. Ecoutons le directeur, qui se trouve justement sur le bateau : - Citation :
- "- Regardez ces deux imbéciles !... Il faut qu'ils soient devenus fous, au pays, pour m'envoyer de tels échantillons. J'ai dit à ces gars de se faire un potager, de construire d'autres entrepôts et des clôtures, ainsi qu'une aire de débarquement. Je suis certain que rien de tout ça ne sera fait ! Ils ne sauront pas par quel bout commencer. J'ai toujours trouvé cette station inutile, et ils s'harmonisent bien avec elle !" (page 137).
Bien sûr, tout va très mal se passer. Un texte sans doute moins profond que Au Coeur des Ténèbres, mais très efficace, très amusant (d'une certaine façon...) et en même temps assez horrible. | |
| | | Heyoka Zen littéraire
Messages : 5026 Inscription le : 16/02/2013 Age : 36 Localisation : Suède
| Sujet: Re: Joseph Conrad Jeu 9 Jan 2014 - 20:50 | |
| - eXPie a écrit:
- C'est un texte vraiment étrange, dense, métaphorique, très sombre, étouffant.
Je le mets sur mon plan prévisionnel de l'année 2014. | |
| | | eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
| | | | Arabella Sphinge incisive
Messages : 19316 Inscription le : 02/12/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Joseph Conrad Jeu 9 Jan 2014 - 22:39 | |
| Un nouveau concept vient de voir le jour, et qui s'ajoute aux PAL et LAL. | |
| | | Heyoka Zen littéraire
Messages : 5026 Inscription le : 16/02/2013 Age : 36 Localisation : Suède
| | | | Bédoulène Abeille bibliophile
Messages : 17270 Inscription le : 06/07/2007 Age : 79 Localisation : Provence
| Sujet: Re: Joseph Conrad Ven 10 Jan 2014 - 0:00 | |
| Arabella n'en manque pas une ! Expie et comment fait-on pour savoir qui est la plus juste traduction ? il suffit de bien maîtrisé l'anglais ou bien même pas ? | |
| | | eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Joseph Conrad Ven 10 Jan 2014 - 8:23 | |
| - Bédoulène a écrit:
- Arabella n'en manque pas une !
Expie et comment fait-on pour savoir qui est la plus juste traduction ? il suffit de bien maîtrisé l'anglais ou bien même pas ? Je me demande... Les termes marins, c'est quand même pointu. Ceci dit, j'ai préféré le texte en français d'Odette Lamolle, qui colle pourtant moins au texte anglais que l'autre traduction, celle de J-J Mayoux... (je n'ai pas lu les deux versions, mais je zieutais de temps en temps, et quand je m'interrogeais, j'allais voir le texte anglais). On en revient à l'éternel problème : qu'est-ce qu'une bonne traduction ? | |
| | | Arabella Sphinge incisive
Messages : 19316 Inscription le : 02/12/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Joseph Conrad Ven 10 Jan 2014 - 9:54 | |
| Je trouve qu'il y a deux dimensions importantes et parfois divergentes dans la qualité d'une traduction.Bien sûr la fidélité à l'original, si la traduction trahit la pensée de l'auteur, s'il y a des contre sens ou des erreurs, ce n'est pas une bonne traduction. Mais il y a aussi le résultat final, la qualité du texte, le plaisir qu'il va procurer au lecteur. Une traduction fidèle et exacte peut être indigeste. Ne vaut-il pas mieux être fidèle à l'esprit qu'à la lettre ? Mais c'est évidemment toujours une question d'appréciation, de subjectivité. La traduction idéale n'existe pas, on peut toujours en refaire une autre. | |
| | | shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
| Sujet: Re: Joseph Conrad Ven 10 Jan 2014 - 12:16 | |
| J'ajoute aux deux traductions proposées par eXPie, celle de Claudine Lesage (Editions des Equateurs, 2009), que j'ai lu et que j'ai trouvé très réussie (d'ailleurs le titre n'est plus Au cœur des ténèbres mais Cœur des ténèbres, c'est un peu comme pour le volcan de Lowry, une manière de se démarquer mais aussi de rappeler que le titre a son importance). Je rappelle au passage que Goldschmidt (traducteur de Handke et écrivain) dit qu'une traduction doit être proposée environ tous les 50 ans, car les vocabulaires et les esprits changent. C'est déroutant puisque le texte original lui ne change pas, théoriquement. Seulement il est évident qu'en lisant aujourd'hui un classique du XVIIIème siècle, même si les mots sont un inchangés, la compréhension et l'assimilation du texte seront fort différentes. Bon traduction de Claudine Lesage : - Citation :
- La Nellie, une yole armée pour la croisière, évita sur son ancre et mit en panne sans même un frémissement de ses voiles. Le flot était passé, le vent presque tombé et, comme il lui fallait descendre le fleuve pour rejoindre la mer, elle n'avait d'autre solution que de mouiller en attendant la prochaine marée.
Cette portion de la Tamise qui s'étendait devant nous semblait le point de départ d'une voie navigable qu'on aurait pu croire sans fin. Au large, la ligne qui séparait la mer du ciel avait disparu, donnant naissance à un espace lumineux où les voiles tannées des barges, qui remontent habituellement l'estuaire avec la marée, formaient comme des bouquets rouges et immobiles tout en dressant vers le ciel leurs livardes pointues et luisantes de vernis
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| | | topocl Abeille bibliophile
Messages : 11706 Inscription le : 12/02/2011
| Sujet: Re: Joseph Conrad Ven 14 Mar 2014 - 14:03 | |
| TyphonA bord du Nan-Shan, le Capitaine MacWhirr, son second Lukes, et tout l’équipage affrontent la plus inimaginable tempête qu’il ait jamais été donné à aucun de ces hommes de rencontrer. - Citation :
- Le Capitaine MacWhirr avait navigué sur les océans comme d'autres hommes glissent pendant des années à la surface de l'existence pour ensuite sombrer doucement dans une tombe douillette, ignorant tout de la vie jusqu'à la fin, et sans que jamais l'occasion leur eût été donnée de savoir ce qu’elle peut comporter de perfidie, de violence et de terreur. Il y a sur l’eau et sur la terre des hommes qui ont cette chance – ou qui sont ainsi négligées par le destin ou par la mer.
Dans la cale, des Chinois qui rentrent chez eux au terme de 7 ans de contrat de travail : passagers ou marchandise à 100 têtes, on ne sait jamais trop. - Citation :
- Un tremblement de terre, un glissement de terrain, une avalanche prennent leurs victimes incidemment, d'une certaine manière - sans passion. Mais le vent en fureur s'attaque à l'homme tel un ennemi personnel. Il essaie de lui saisir bras et jambes, de s'emparer de son esprit, il cherche à lui voler son âme.
Curieusement, pendant ma lecture, quoique convaincue de la beauté de l’écriture, je m’en fichais un peu. Puis, peu à peu, le couple de ce capitaine, ordinaire à en pleurer, mais qui révèle peu à peu une certaine grandeur caché, et Lukes, le second droit et fidèle, s’accrochant l’un à l’autre, a fait son chemin en moi. Pfff... Je suis tout dépitée car je n'avais ni la traduction de Gide en 1918, ni celle de François Maspero en 2005 mais celle de Jean-François Ménard en 1983. . | |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Re: Joseph Conrad Ven 14 Mar 2014 - 14:30 | |
| Topocl, quitte à etre contredit, Typhon n' est pas le meilleur Conrad, traduction de Gide ou pas. | |
| | | topocl Abeille bibliophile
Messages : 11706 Inscription le : 12/02/2011
| Sujet: Re: Joseph Conrad Ven 14 Mar 2014 - 14:39 | |
| Alors, quel est ton meilleur Conrad? | |
| | | swallow Sage de la littérature
Messages : 1366 Inscription le : 06/02/2007 Localisation : Tolède. Espagne.
| Sujet: Re: Joseph Conrad Ven 14 Mar 2014 - 16:42 | |
| - Topocl a écrit:
- "Un tremblement de terre, un glissement de terrain, une avalanche prennent leurs victimes incidemment, d'une certaine manière - sans passion. Mais le vent en fureur s'attaque à l'homme tel un ennemi personnel. Il essaie de lui saisir bras et jambes, de s'emparer de son esprit, il cherche à lui voler son âme." ( traduction de J F. Ménard).
et maintenant voici- par curiosité- ce que Gide fait du même passage de Conrad: " Un tremblement de terre, un éboulement, une avalanche s´attaque à l´homme incidemment pour ainsi dire sans colère. L´ouragan, lui, s´en prend à chacun comme son ennemi personnel, tâche à l´intimider, à le ligoter membre à membre, met en déroute sa vertu." | |
| | | topocl Abeille bibliophile
Messages : 11706 Inscription le : 12/02/2011
| Sujet: Re: Joseph Conrad Ven 14 Mar 2014 - 18:05 | |
| Merci swallow. j'aurais peut-être mieux fait de trouver Gide, finalement. | |
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| Sujet: Re: Joseph Conrad | |
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