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| Albert Cossery [Egypte] | |
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Auteur | Message |
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kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
| Sujet: Albert Cossery [Egypte] Ven 27 Juin 2008 - 12:25 | |
| - Citation :
- Albert Cossery (Le Caire, 3 novembre 1913 - Paris, 22 juin 2008) était un auteur francophone et parisien de nationalité égyptienne.
Source: Wikipedia ° j'avais lancé au Café Littéraire la demande si quelqu'un connaissais cet auteur, mais pour l'instant il ne semble pas être connu parmi les Parfumés. Mais tout ce que je viens de lire dans les journaux ces derniers jours m’a donné encore plus envie de découvrir cet auteur. Donc, j’ouvre son fil – et vais revenir le moment que j’ai lu un de ses livres que je veux acheter/commander ce weekend. Si d’autres Parfumés connaissent déjà– n’hésitez pas de nous faire part de votre avis sur ce fil. ° bien qu’il a vécu pendant plus de 60 ans à Paris, je mets son fil pour l’instant à l’endroit qui correspondant avec sa nationalité – et d’autant plus que tous ses romans se déroulent apparemment aussi en Egypte.
Dernière édition par kenavo le Mer 24 Mar 2010 - 9:38, édité 1 fois | |
| | | kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
| Sujet: Re: Albert Cossery [Egypte] Ven 27 Juin 2008 - 12:25 | |
| - Citation :
- Cossery l'Egyptien, écrivain malgré lui
par Georges Henein
Avec Albert Cossery, nous sommes dans un grand embarras, car nous avons affaire au type même de "l'écrivain malgré lui". Par référence à l'image du mécanicien, on serait plutôt fondé à le considérer comme la "lanterne rouge" du convoi. Il laisse courir son oeuvre avec une surprenante désinvolture, lâche ses personnages sans s'inquiéter outre mesure de leurs besoins, se désintéresse de la phrase, ignore délibérément les chances que lui offrirait une langue mieux étudiée, une imagerie plus tendue. En vérité, l'on pourrait désigner Albert Cossery du titre de l'un de ses livres. Le Fainéant dans la vallée fertile, c'est lui. Cette paresse originelle à laquelle il s'arrache, de temps à autre, pour composer un ouvrage, lui est précieuse à plus d'un titre. C'est elle qui l'autorise à juger le monde de l'activité comme incohérent, cocasse, factice, et pour finir comme ridiculement criminel. Qu'on ne s'y trompe pas. Ce jugement constitue le point focal - la constante de la vision de Cossery. A travers l'intraduisible buée de la sieste orientale, ses personnages portent sur l'organisation humaine, sur l'agitation toute mécanique de la cité, un regard d'aimable mépris. Le mouvement est un complot contre l'homme. Toute sollicitation d'ordre utilitaire met en péril sa paix intérieure. On rencontre dans l'oeuvre d'Albert Cossery des agents de la malfaisance et du bruit dont la seule apparition appelle la colère des justes. Que l'on se souvienne de l'étonnante silhouette du facteur dans Les Hommes oubliés de Dieu. Ce malheureux fonctionnaire, du fait de son intrusion quotidienne dans la vie de sa clientèle, se trouve exposé à des sévices et à des représailles sans nombre. Le facteur incarne - à son corps défendant - un principe d'organisation sociale, c'est-à-dire une valorisation du temps, et cet attribut fait de lui un objet d'exécration pour les habitants d'une durée immobile. A la question : "Qu'est-ce que le temps ?", les personnages de Cossery s'accorderaient sans doute pour répondre : "Le temps est notre forme d'abondance ; tout le reste est comptabilisé. Laissez-nous un temps vierge, une durée fraternelle où se répercute et s'éternise le keif de l'instant."
Le "sérieux" de la vie sociale, qui pose un masque de tristesse sur le visage de l'homme moderne, est une chose moins encore inaccessible qu'inintelligible pour les créatures de Cossery. On peut se laisser dépouiller de tous les biens matériels, accepter le dénuement le plus extrême, cependant s'arc-bouter à cette dernière possession, à ce pacte avec le temps grâce à quoi l'on se donne le sentiment d'apprivoiser la seule vraie force consumante de l'existence.
Les mérites d'Albert Cossery sont nombreux. Le plus grand, à mon sens, est d'avoir surmonté la tentation du pittoresque, et de nous avoir épargné les inévitables scènes folkloriques auxquelles croient devoir sacrifier les écrivains qui traitent de l'Orient. Lorsque Cossery parle de quelqu'un qui fume la ghoza, il ne cherche pas à centrer l'attention sur ce détail ni à en tirer une diversion distrayante ; on peut impunément remplacer le mot ghoza par le mot pipe sans rien changer à la tonalité du récit. Aucun folklore ne conduit au secret des êtres. Il faut, pour y atteindre, saisir l'homme en ses moments sacrés, au moment de l'orgasme ou de la révolte ! (...)
L'espèce de scepticisme amusé dont Albert Cossery a toujours fait preuve à l'égard des théories et des doctrines - quel que soit le nom qu'elles portent - l'a heureusement détourné de cette orthopédie littéraire qui consiste à plier l'oeuvre à des finalités qui lui sont étrangères. Albert Cossery laisse passer le torrent. Il donne libre champ à l'irrationnel, à l'imprévu, à l'ironie, à la folie, aux paysages dédoublés de la drogue. Mais il y a autre chose que ce désordre, et c'est en quoi Cossery est digne d'éloge. Par-delà l'écran du pittoresque, Cossery atteint à l'expression d'un sentiment que l'on peut désigner de noms différents - dérision, humiliation, détresse humaine - mais que je préfère nommer "le désarroi de l'individu devant l'hostilité de la vie". Plus la vie se fait insensible, froide, distante et sans recours, et plus ce désarroi prend une forme poétique qui, par endroits, devient bouleversante. Qu'il me suffise d'évoquer ici cet épisode des Hommes oubliés de Dieu où l'on voit un enfant, le fils d'un balayeur des rues, rêver au mouton de la fête - au mouton qu'il sait ne pouvoir obtenir, car il a déjà mesuré l'immensité et l'opacité d'une misère qui ne lui concède que le droit de rêver. Mais voilà que cet enfant se cramponne à une botte de bersim, qu'il s'accroupit sur une botte de bersim, et que cette humble possession le rapproche mystérieusement du mouton, et, du même coup, soutient son désespoir et attiédit son âme. Ainsi également de Foulad - dans Mendiants et orgueilleux - qui, sans l'ombre d'une prétention amoureuse, glisse un poème sous les pas d'une jeune fille hautaine, à la fragile lueur d'un réverbère. Les personnages de Cossery sont tenaillants parce que, n'ayant pas accès au bonheur, appartenant à une humanité d'exclus et de hors-la-joie, ils inventent - avec une conscience candide de l'inanité de leurs inventions - des substituts de bonheur. (...)
On a parlé de processus dostoïevskien. Cela n'est vrai qu'à moitié, car si le besoin d'une fraternité nouvelle se manifeste chez Cossery à la façon d'un courant souterrain, l'idée de culpabilité, par contre, est totalement absente de son oeuvre. Gohar est un métis de la misère et de la poésie. Il a commencé par prendre de la distance - par s'exclure des habituelles raisons de vivre. On le croit désarmé parce qu'on l'aperçoit errant à la dérive, à la recherche d'une once de drogue. Pourtant, il faut nous convaincre qu'il appartient à une race invulnérable qui subsiste par la grâce d'une innocence et d'une malice confondue, dans un même regard - et ce regard est de ceux que le monde adulte et tout-puissant est bien trop faible pour soutenir. (...)
Avec des phrases mal taillées, avec des personnages voûtés qui se meuvent dans des ruelles sordides, avec des décombres et des gravats, Albert Cossery forge une matière durable et des images tenaces. Dans chaque aspect particulier des choses, il perçoit et isole le germe d'une vision ample, plus essentielle. Peut-être son inattention est-elle plus feinte que réelle, car s'il néglige, çà et là, son devoir d'écrivain, il ne dérobe pas à sa fonction qui consiste à arracher à la nuit des figures qui eussent pu demeurer à jamais fantomatiques - de les promouvoir de palier en palier, pour enfin les marquer d'une signification universelle.
-------------------------------------------------------------------------------- Georges Henein est poète et journaliste égyptien (1914-1973). Source: Le Monde | |
| | | kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
| Sujet: Re: Albert Cossery [Egypte] Dim 6 Juil 2008 - 17:47 | |
| Les hommes oubliés de Dieu - Citation :
- Résumé
Dans ce recueil de cinq nouvelles, les personnages d'Albert Cossery survivent dans le plus total dénuement. Mais ils sont aussi extraordinaires par le regard qui leur donne la vie. On a rarement lu dans la littérature contemporaine des descriptions aussi aigues, émouvantes, dramatiques de la pauvreté et de la misère mais toujours abordées avec humour et dérision. Je dois dire que j’avais un peu de mal au début d’entrer dans les nouvelles de ce livre. Pas à cause de l’écriture, mais à cause de la réalité qu’il nous décrit. Je m’ai dû demander la question si je ne voulais pas voir cela, ne pas faire la connaissance du malheur de ses personnages. Et tout comme je « demande » d’un auteur qu’il prend position point de vue aspects politiques, je dois aussi reconnaître si quelqu’un met la cause des gens pauvres sur sa liste de priorités. - Citation :
- Aucun écrivain vivant n’a décrit de façon plus poignante et plus implacable la vie de ceux qui, dans le genre humain forment l’immense foule engloutie… Pour moi, le livre fut une surprise complète.
Henry Miller À partir de ce moment il serait un peu inopportun de dire que je me suis réjouie en lisant ce livre – mais j’ai vraiment passé un très bon moment de lecture et je vais continuer à découvrir d’autres livres d’Albert Cossery. À retenir aussi que ces nouvelles étaient publiées pour la première fois en 1941 et encore aujourd’hui il existe des gens pareils dans des situations pareilles un peu partout dans le monde. Point de vue actualité un livre qui n’a (malheureusement) pas perdu sa vérité.. Extraits … c’était la sortie des spectacles. Que venaient donc faire ici ces invertis de balayeurs avec leurs sales revendications ? Des passants repus et bien au chaud dans leurs pardessus furent saisi de dégoût devant cette horreur. Ils perdirent leur optimisme au moins pour quelques jours. Le coiffeur a tué sa femme
On eût dit que la rue s’était tuée à force de souffrance, et qu’elle venait seulement de murir après une longue agonie. Elle était vieille, la rue, et boiteuse, et toute tordue par l’âge. Quelques-unes de ses maisons tombaient déjà en ruines. Des années durant, elle avait abrité la vie médiocre des hommes. Et maintenant, les hommes l’avaient choisie pour exprimer toute leur lassitude. Nue sous l’énorme clarté de la lune, elle disait tout ce que les hommes cachaient au fond d’eux-mêmes : des espoirs tellement petits et des haines tellement grandes. Elle ne pouvait plus rien cacher ; elle criait sa misère par tous les coins. Les affamés ne rêvent que de pain | |
| | | Aeriale Léoparde domestiquée
Messages : 18120 Inscription le : 01/02/2007
| Sujet: Re: Albert Cossery [Egypte] Lun 7 Juil 2008 - 9:10 | |
| Je ne connaissais pas cet auteur, jusqu'à sa mort récente (le 22 juin dernier) à Paris mais je suis tombée sur des articles le concernant depuis. Parti d'Egypte à l'age de 18 ans, il vivait depuis lors à Paris dans la même chambre d'hotel du quartier de Saint germain où il menait une vie de dandy, écrivant peu tout en peaufinant son style. Il fut aussi l'ami d'Albert Camus et d'Henry Miller dit-on. - Citation :
- je suis et reste un Egyptien de culture et de langue française, .C'est pour celà que mes livres ne font reference qu'à mon pays natal.
Lu dans un quotidien - Citation :
A force de ne rien faire d’autre que rêvasser et de se préserver du vacarme du monde, Cossery était traversé d’étranges prémonitions.
Un auteur qui m'inspire en tout cas. Pour ses thèmes un peu décalés et le recul qu'il semble avoir sur les choses Je note le roman dont tu parles Kenavo, merci pour ce fil en tout cas | |
| | | kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
| Sujet: Re: Albert Cossery [Egypte] Mar 8 Juil 2008 - 11:30 | |
| - aériale a écrit:
- Je ne connaissais pas cet auteur, jusqu'à sa mort récente (le 22 juin dernier) à Paris mais je suis tombée sur des articles le concernant depuis.
Je notais pour la première fois son nom lors de la parution de ses oeuvres complètes en 2005 (Dans Le Monde LIVRES il y avait à ce moment un article intéressant sur lui et ses écrits) - mais malheureusement il a fallut qu'il meurt pour que je me suis mise à la lecture - aériale a écrit:
- Un auteur qui m'inspire en tout cas. Pour ses thèmes un peu décalés et le recul qu'il semble avoir sur les choses
oui.. ce premier livre m'a aussi donné envie de continuer... | |
| | | Julia Envolée postale
Messages : 128 Inscription le : 02/03/2008 Localisation : Quelque part dans l'univers
| Sujet: Re: Albert Cossery [Egypte] Dim 13 Juil 2008 - 19:42 | |
| Kenavo et Aeriale, je suis heureuse d'avoir pu lire ce que vous avez indiqué sur Albert Cossery.
J'ai acheté de lui le livre : "Mendiants et orgueilleux". Je le lirai pendant les vacances. | |
| | | kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
| | | | Julia Envolée postale
Messages : 128 Inscription le : 02/03/2008 Localisation : Quelque part dans l'univers
| Sujet: Re: Albert Cossery [Egypte] Lun 14 Juil 2008 - 10:33 | |
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| | | rivela Zen littéraire
Messages : 3875 Inscription le : 06/01/2009 Localisation : Entre lacs et montagnes
| Sujet: Re: Albert Cossery [Egypte] Jeu 26 Fév 2009 - 19:03 | |
| Kenavo, une vidéo de Cossery http://archives.tsr.ch/player/litterature-cossery | |
| | | kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
| | | | kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
| Sujet: Re: Albert Cossery [Egypte] Sam 4 Avr 2009 - 23:42 | |
| Mendiants et Orgueilleuxj'en parle un peu plus sur cette B.D. ici | |
| | | Arabella Sphinge incisive
Messages : 19316 Inscription le : 02/12/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Albert Cossery [Egypte] Ven 29 Mai 2009 - 18:10 | |
| Mendiants et orgueilleux
Le plus essentiel dans ce court roman sont les personnages, il n’y a pas d’intrigue au sens strict du terme, mais plutôt une galerie de personnages que nous suivons pendant quelques jours. Au premier chapitre, nous découvrons Gohar, ancien universitaire, qui a abandonné la littérature et la philosophie. Il vit au jour le jour, dans une chambre misérable, il y a petit travail pour la tenancière d’un bordel, mais en réalité il survit grâce aux gens qui lui fournissent le peu nécessaire à sa subsistance. Et en tout premier lieu, Yéghen, qui lui fournit la drogue dont il ne peut se passer. Yéghen lui-même est un autre de ces mendiants orgueilleux du titre, subsistant grâce à divers subterfuges et refusant d’occuper une place quelconque dans le jeu social, se contentant de savourer des instants privilégiés, et ne voulant surtout pas être complice de la machine sociale et de ses injustices. Leur route va croiser celle de Nour El Dine, un policier, et remettre en cause ses choix de vie, mettre en évidence les raisons du malaise qui ne le quitte pas. Albert Cossery a une écriture bien à lui, quelque peu anachronique, mais qui glisse avec beaucoup de douceur tout au long du récit. L’univers qu’il décrit est dur, celui des pauvres et délaissés, même si dans ce roman, il s’agit de pauvres en partie volontaires, et d’une philosophie en dehors de toute aspiration au pouvoir, de toute compétition, des apparences sociales. Mais tout autour grouillent des pauvres qui n’ont pas choisis de l’être et pour qui la misère est la seule existence qu’ils ne connaîtront jamais. La description de la société égyptienne de l’époque est terrible, d’autant plus que je ne suis pas sûre que les choses aient vraiment beaucoup changées entre temps. - Citation :
- Devant toutes ces barrières accumulées sur son chemin, Gohar se sentit pris de vertige. Il n’arriverait jamais à se frayer une voie dans cette masse compacte plus irréductible qu’une chaîne de hautes montagnes. Mais la pensée de la drogue et la crainte de manquer Yéghen lui firent surmonter sa défaillance. Il s’agissait pour lui d’une question vitale ; aussi, sans plus attendre, il s’élança comme un aveugle et continua d’avancer sans se soucier des cris et des malédictions qu’il suscitait sur son passage. Il avait seulement l’impression que l’air s’alourdissait autour de lui, et que les débris humains qui lui barraient la route étaient animés d’une malveillante nonchalance. La maison close n’était pas très loin, mais il semblait à Gohar que la distance à parcourir s’allongeait d’une façon étrange. Il avançait comme un somnambule, une main agrippée à sa canne, l’autre tendue en avant dans un geste puéril de défense. Un vendeur de radis l’appela par son nom et l’invita à se servir avec des paroles chargées de noblesse. Gohar n’y fit point atttention ; il avait autre chose à faire que de manger des radis. Dans sa hâte de retrouver Yéghen, il en arrivait à oublier sa courtoisie habituelle.
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| | | Arabella Sphinge incisive
Messages : 19316 Inscription le : 02/12/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Albert Cossery [Egypte] Ven 29 Mai 2009 - 18:20 | |
| Les hommes oubliés de Dieu
Kenavo en a déjà parlé, je ne vais donc qu'évoquer très brièvement ce livre. Il s'agit d'un recueil de 5 nouvelles, très noires car évoquant une misère extrême, et là au contraire des Mendiants et Orgueilleux, en aucun cas choisie par les protagoniste. Comme celle de ce petit garçon qui comprend que son père ne pourra pas acheter le mouton de la fête car il est trop pauvre, que la fête ce sera pour les autres et pas pour eux, et qui suffoque écrasé par cette injustice imméritée. C'est aussi la misère de ces balayeurs des beaux quartiers dont les salaires ne suffisent pas pour vivre et qui tentent de se révolter avant d'être écrasés. Misère extrême, mort qui rôde, c'est très noir, mais jamais écrasant ni complètement sans lueur d'humanité, grâce à l'écriture d'Albert Cossery, et grâce à son regard tendre et compatissant, même s'il n'est pas complaisant sur ces déshérités. | |
| | | Arabella Sphinge incisive
Messages : 19316 Inscription le : 02/12/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Albert Cossery [Egypte] Sam 30 Mai 2009 - 15:27 | |
| La maison de la mort certaine
Au centre du livre une maison au bord de l'écroulement achetée par un bonhomme désirant faire un profit facile sur le dos de pauvres gens, parce malgré l'état de décrépitude du lieu, et du danger que courent les habitants , il louent les appartements en se refusant aux travaux indispensables. Et les habitants n'osent pas déménager de peur de se voir réclamer au départ les arriérés de loyer. Albert Cossery nous dresse un portrait riche en couleurs des différents habitants. Il ne les idéalise pas, ce n'est pas parce qu'ils sont pauvres qu'ils sont généreux ou parés de toutes les vertus, au contraire, la misère a aussi pour effet d'émousser un certain nombre de qualités, de rendre mesquin et indifférent aux autres, dans une vie difficile, ma moindre frustration peut vite devenir insupportable et produite des manifestation d'intolérance et de violence gratuite vis à vis des autres. Un petit extrait : - Citation :
- Les enfants aiment beaucoup Ahmed Safa. Il les charme par des récits fantastiques. Comme eux, il vit en enfant. Il n'a pas les soucis des adultes ; ces soucis, lourds et puants. Le hachâche n'a pas honte de sa misère. Il n'a pas cette dignité idiote qu'ont les autres, lorsqu'il s'agit de mendier. Car le plus terrible ce n'est pas d'être pauvre, c'est d'avoir honte de l'être. Heureusement, les enfants ont une conscience pure, non encore pétrifiée par l'usage de la morale. Leur seule noblesse est dans la hardiesse de leur vie. Ahmed Safa les rassemble parfois chez lui, pour discuter certains coups qui demandent beaucoup d'initiative et d'audace.
Le plus clair de leur temps, les enfants le passent hors de la maison. Dans la venelle et les environs, ils organisent les jeux, les rapines et les bagarres. Leur journée est bien remplie. Quand le soir tombe, ils rentrent chez eux exténués, pour subir la vigueur des imprécations maternelles. Puis ils dorment tranquilles, ayant payé leur tribut à la vie. Ils ne se plaignent jamais. L'homme, lui, se plaint, parce qu'il a compris qu'il est un esclave. | |
| | | Arabella Sphinge incisive
Messages : 19316 Inscription le : 02/12/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Albert Cossery [Egypte] Sam 30 Mai 2009 - 15:43 | |
| Un complot de saltimbanques
Teymour, un jeune homme issue d'une famille aisé revient dans sa ville natale, ville dont le nom ne sera jamais précisé. Tout ce que nous savons, c'est que c'est une ville de province, de taille moyenne, et n'ayant pas le prestige de la capitale , ni encore moins de l'étranger, dont justement revient Teymour. Il est sensé y avoir suivi des études, et exhibe un diplôme d'ingénieur chimiste. Mais le diplôme est un faux acheté à prix d'or, et Teymour n'a pas fait d'études. Il a utilisé l'argent de son père pour prendre du bon temps, et il est très malheureux de revenir dans la petite et minable ville de son enfance, loin des plaisirs des grandes métropoles. Mais très rapidement il rentre en contact avec son ami Medhat, qui estime qu'aller ailleurs n'a aucun intérêt. Les hommes sont les même partout, et partout, on peut s'amuser et profiter de la vie, à condition de le vouloir. Il initie Teymour aux plaisir de sa ville, intrigues amoureuses, beautés cachés, farces joués aux importants et riches personnages de la ville. L'existence est plaisir du moment où l'on adopte le bon point de vue. Et le plus important est de refuser de participer à la farce sociale, en premier lieu en ne travaillant pas, ou alors de de façon épisodique et en se moquant de l'employeur. Car la machine sociale est profondément injuste, elle écrase les plus faibles, nie l'individu, et il faut à tout prix refuser son jeu, et surtout n'avoir aucune ambition ou envie de tenir une place. C'est un livre très jouissif, dans lequel nous voyons un esprit anarchiste souffler sur une petite ville pourtant terriblement conventionnelle, et semble-t-il très peu ouverte à la subversion. Le malheureux chef de police qui voit dans ces jeunes iconoclastes de dangereux révolutionnaires en puissance, ne réalise pas que leur esprit de subversion va encore plus loin qu'il ne l'imagine, en effet, ils en sont au point ou toute forme d'action leur paraît dénuée de sens, parce que la société est irréformable. C'est vraiment une jolie lecture, et un livre assez différent des autres que j'ai lu de l'auteur, qui montre aussi qu'il a su varié son oeuvre et ses sources d'inspirations, et j'ai du coup envie de continuer à lire ses autres ouvrages. | |
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