Henry de Montherlant

Arabella a écrit:

Je suis très ambivalente devant Montherlant. J'ai dévoré tout son théâtre au lycée, fascinée par cette écriture. Et puis après je lu d'autres choses. Les jeunes filles (les 4 tomes), j'ai été complètement prise par cette lecture, une fois encore à cause de l'écriture, que j'ai trouvé géniale. Mais après cela m'a laissé comme un mauvais goût, une forte gêne, parce qu'il y développe des idées qui sont pas très sympathiques, c'est d'une misogynie répugnante en fin de compte.

Alors je ne sais pas trop quoi en penser.

Après "le démon du bien " qui fait partie de cette tétralogie des jeunes filles , je ne peux que te rejoindre
Une écriture vraiment plaisante , au style vif alternant avec habileté dialogues et réflexions diverses de l'auteur qui sont fort intéressantes sur le mariage, la vie de couple, la création, etc...
Donc le charme de la lecture l'emporte sur toutes les insanités que peut proférer le héros Costals, un écrivain qui n'a qu'une peur , que son âme soit engloutie par une femme qui veut l'épouser, vaille que vaille, même si celui-ci pose des conditions drastiques à ce mariage (divorce quand il voudra, 3 mois d'absence du mari pour faire ce que bon lui semble, pas d'enfant bien sûr, droit à des maîtresses....)

Bref que du bonheur pour cette sotte de Solange qui continue à s'accrocher désespérément à cette idée de mariage avec ce gougeat de première catégorie, qui finira par la rejeter pour finir son oeuvre, hahahahaha grand bien lui fasse aie-je envie de dire.

Et pourtant une succession de réflexions bien cyniques sur le quotidien et sur la vie de couple qui ne manquent pas de piquant

La vie à 2 consiste presque essentiellement à attendre l'autre. Solange n'étant pas prête, Costals était descendu et s'était installé dans l'auto de louage qui devait les mener à San Cassiano. Le village de San Cassiano est un but d'excursions, c'est à dire un lieu sans aucun intérêt, puisque l'unique objectif des excursions est d'essayer de tuer le temps

autre extrait

On prétend que les querelles entre amants ressoudent l'amour. En réalité elles créent des fêlures que rien ne ressoude. Quand on cherche dans son passé, on trouve que les êtres qu'on a profondément aimés, ce sont ceux avec qui l'on n'a jamais eu un accrochage. Et il y en a: ce miracle existe.

et puis comment résister à un roman qui commence ainsi:

Scorononcolo, donnez moi mon manteau de lumière. Je veux me promener dans un jardin, dont l'ombre m'agrandisse les yeux. Surtout je ne veux pas travailler. A aucun prix.

darkanny a écrit:

Et pourtant une succession de réflexions bien cyniques sur le quotidien et sur la vie de couple qui ne manquent pas de piquant

La vie à 2 consiste presque essentiellement à attendre l'autre. Solange n'étant pas prête, Costals était descendu et s'était installé dans l'auto de louage qui devait les mener à San Cassiano. Le village de San Cassiano est un but d'excursions, c'est à dire un lieu sans aucun intérêt, puisque l'unique objectif des excursions est d'essayer de tuer le temps

autre extrait

On prétend que les querelles entre amants ressoudent l'amour. En réalité elles créent des fêlures que rien ne ressoude. Quand on cherche dans son passé, on trouve que les êtres qu'on a profondément aimés, ce sont ceux avec qui l'on n'a jamais eu un accrochage. Et il y en a: ce miracle existe.

et puis comment résister à un roman qui commence ainsi:

Scorononcolo, donnez moi mon manteau de lumière. Je veux me promener dans un jardin, dont l'ombre m'agrandisse les yeux. Surtout je ne veux pas travailler. A aucun prix.

Hé hé, tu me donnes bien envie de poursuivre l'exploration de l'oeuvre de Montherlant !

Tant mieux !
Je vais reprendre la série depuis le 1er livre, c'est une écriture qui me plaît et les idées développées méritent qu'on s'y intéresse.

Je pense qu'il vaut mieux les lire dans l'ordre, en effet. C'est incontestablement une lecture à faire. Et malgré le nombre de pages, cela se lit vraiment très rapidement.

Les jeunes filles

Montherlant prend ses précautions :



On comprend qu'il cherche à se préserver : le personnage Costal hésite entre le cynisme






… le machisme misogyne,







(et cela sur des pages entières)

…et le racisme.



Mais il faut bien reconnaître qu'on s'y tromperait volontiers, et que quand l’auteur/commentateur prend la parole, il ne laisse pas sa part au chien. Toutes ces généralités, ces propos péremptoires sur « les femmes » ou « la femme », c'est tellement pontifiant, tellement d'une autre époque : on a le choix entre fulminer et rire  (jaune). Même si l'on est dans un jour de bonté, on a du mal à entrer en empathie avec le pauvre Costal, enfermé dans son carcan de préjugés, infatué de lui-même et fier de mépriser le bonheur.

Quel beau salaud quand même. Et face à lui, l’amoureuse rejetée, une sacrée folle. Deux beaux portraits , Une belle tragédie parisienne, avec ses petites intrigues, ses grands sentiments, ses amours et ses détestations.

Il faut donc prendre le livre en acceptant qu'il développe des idées, des opinions, des comportements assez infâmes, ou sinon, le laisser de côté. Ce «détail » accepté,  c‘ est fort bien écrit, dans un classicisme austère et brillant avec ce mélange de récit et de lettres qui devait, je suppose, être assez moderne l'époque, avec un sens certain de la formule.




Le propos gêne aux entournures, mais la prose est brillante et l’histoire de cette pauvre femme, complètement pathétique face à son héros fanatiquement égocentré est  prenante au final. Voilà il suffit de prendre ce livre pour le portrait d’Andrée et non celui d’un homme exécrable, pour qu’il passe beaucoup mieux.

Encore une petite citation pour la route?

Citation :

Les jeunes filles sont comme ces chiens abandonnés, que vous ne pouvez regarder avec un peu de bienveillance sans qu'il croient que vous les appelez, que vous avez les recueillir, et sans qu’ils vous mettent en frétillant les pattes sur le pantalon.

 

Ah oui quand même !

Si ça te fait rire, il y a des pages et des pages poilantes comme ça. Montherlant s'en retournerait dans sa tombe de savoir que son œuvre fait rire.

Je me souviens de cet aspect là. Je l'ai lu très jeune, cet auteur.

"Les femmes qui se disent incomprises sont des femmes en qui il n'y a rien à comprendre !".

Bizarrement, je ne me souviens d'aucun thème, d'aucune intrigue.
Une belle langue, je crois.

tina a écrit:

Une belle langue, je crois.

Sinon ça serait insupportable.

topocl a écrit:

Si ça te fait rire, il y a des pages et des pages poilantes comme ça. Montherlant s'en retournerait dans sa tombe de savoir que son œuvre fait rire.

J'ai déjà l'intention de découvrir Montherlant et si c'est comme ça tout du long, je vais bien rigoler.

Oui, moi aussi Kannskia. On m'a prévenue qu'il faut savoir remarquer et apprécier le second degré pour le lire. Normalement, j'y arrive, on verra bien si ce M. Costals me sera sympathique ou pas du tout !

J'ai de quoi faire puisque je dispose de la Pléiade et j'ai voulu commencer par ses poèmes, attirée comme je l'étais par le titre sous lequel il sont regroupés : Encore un instant de bonheur.

Franchement, c'est vraiment très beau. Je posterai des extraits. Montherlant prosateur ? je ne sais pas encore, mais Montherlant poète, ça vaut le coup d'œil !

Ses pièces de théâtres valent aussi le détour.  

Ha, cette non suggestion de lecture ignoble était une très bonne idée. Il va falloir que je m'approvisionne pour lire la suite.

Je reviens plus en détails bientôt.

C'est clair qu'il faudrait se lever de très très bonne heure, et encore, pour le trouver agréable ce Costals mais il y a pas mal de choses dans cette lecture avec ce personnage.

Arabella a écrit:

Ses pièces de théâtres valent aussi le détour.  

 

 Personne n'a l'air de me vouloir de mon non suggestion.

Pourquoi de cette façon cela fonctionne mieux qu'une suggestion ?