Carlos Reygadas

coline a écrit:

Voilà de la matière pour que je puisse rêver en attendant de (espérant tout au moins) voir ce film! Merci Marko.

Il est sorti dans vraiment très peu de salles en France. Quel dommage! En tout cas il poursuit après la projection. Je n'avais pas ressenti ça depuis Oncle Boonmee.

Post Tenebras Lux

Le Miroir version fest-mex ? Passée la curiosité des 3 ou 5 maxi premières minutes qui ne sont pas non plus écrasantes de présence ou de beauté on se retrouve dans une tambouille pas très habitée en cul-de-bouteillo-vision assez pénible pour avoir l'air pompeux... comme l'essentiel du film. Parce qu'une narration ou non narration emmêlée sous couvert de poésie ou de monde personnel de la pensée ce n'est pas systématiquement une qualité ou de quoi sauver les meubles d'un propos un peu pompeux lui aussi (pareil pour les extraits d'interview d'ailleurs). ça lorgne tellement du côté de Tarkovski en plus...

Un parfait exemple de film calibré pour festival (une autre manière de formater le cinéma et de le cloisonner) ?

Et, ils auraient pu finir l'effet spécial déjà mauvais du diable rouge (en plus du globalement mal fait il n'y a pas de lumières/reflets sur la caisse à outils dans la première séquence, ça devait très intéressant).

Pour moi la lumière est vraiment ailleurs (et on se dit qu'il y a tellement de vrais bons films qui disparaissent sous ceux là...).

Même impression l'autre personne présente dans la salle (on était deux).

ça aurait pu s'appeler "ennui mortel" ou "vivement la sortie" (pour garder l'idée de la lumière à la fin).

Bigre, je partais pourtant assez confiant !

Point positif au moins : les chiens ont des bonnes bouilles.

Pour l'interview je te suis, il vaut parfois mieux se passer de l'explication par le principal intéressé, si le film (ou le livre) ne dit pas pas les choses, des explications sont forcément de trop.

Mais en ce qui concerne le film, et bien le panda a la dent très dur. Même si le diable rouge est hideux et superflu. Le désespoir de cet homme qui a perdu sa famille et tué son ami, elle est parfaitement suggérée dans la scène avec les deux enfants, puis sa maison vide. De même le fait que l'enfant ignore ce qu'est le mal, il parle de la mort de son père d'une façon tellement spontanée et sans se rendre compte de la véritable signification. Alors rajouter la scène de l'auto-décapitation dessus, c'est emphatique et redondant. Comme les arbres qui tombent, alors que les scènes de la coupe sont déjà présentes avant, et la fin leur donne leur plein sens, sans avoir besoin de rajouter, au cas où le spectateur n'aurait pas compris. Même si cela donne des images spectaculaires.

C'est presque dommage de finir dessus, parce qu'il y avait tellement de belles choses avant....

possible que j'ai la dent dure sur ce coup là mais il n'amène pas grand chose dans la façon de dire les désespoirs ou l'innocence et la présence des gamins a aussi je trouve quelque chose de facile du côté de l'émotion. et puis innocence, bien, mal, etc... ce sont des ingrédients omniprésents dans le cinéma (et pas que) et qui s'accordent aussi de nuances même si très énoncés de façon très explicite. De même pour les éléments clés de la défonce et de la perdition ça ressemble à du cataloguage qui se perd parfois en route.

et puis j'ai pensé à des films comme Jour de pêche en Patagonie tellement plus beau, et des tas d'autres. Globalement je crois que je ne suis pas très client de la sursignification "éclairée", je ne sais pas trop comment le dire.

edit : quelque part aussi je trouve ça extrêmement narcissique comme exercice de style, après pourquoi ça passe parfois et d'autres non... peut-être qu'un film comme Le Miroir implique plus d'images que de discours et que si les images nous sont étrangères ce n'est pas grave ou tant mieux dans la mesure ou c'est un fait qu'elles nous sont étrangères et que ce qu'elles racontent est précis pour l'auteur mais mouvant avant même d'arriver au spectateur, il y a des tensions et des pulsions humaines mais elles ne sont ni sûres ni résumées. ?

Comment dire, ce sont toujours un peu les mêmes ingrédients depuis presque toujours dans la littérature, le cinéma...L'important c'est plutôt la façon de les utiliser qui compte. Tu n'es visiblement pas sensible à cette façon-là. Pour ma part j'ai marché dans l'émotion et dans une certaine forme de beauté formelle. Même si le film aurait gagné à être plus simple, moins film pour un festival international si tu veux.

Chacun aura son ressenti et je ne m'aventurerai pas (plus) dans le débat. Je savais qu' Andréa Arnold et surtout Raoul Peck avaient contribué à convaincre l'ensemble de Jury de donner le prix de la mise en scène à Post Tenebras Lux et j'ai trouvé l'extrait de la conférence de presse du Jury post-palmarès qui en rend compte. Je partage le sentiment de Raoul Peck (réalisateur, président de la FEMIS et ancien ministre de la culture de la République d'Haïti). J'y vois la même force, la même sincérité et la même tendresse.

Lien: Jury de Cannes 2012 sur le film de Reygadas

je ne dis pas non à la sincérité et à la tendresse, je ne pense pas non plus qu'elles excluent une certaine recherche formelle... je suis vraiment déçu par ce film et aussi par ce qu'il représente (au détriment d'un autre cinéma).

Je crois qu'on peut aimer différentes formes de cinéma qui ne s'excluent pas les unes des autres. J'ai aimé le clacissisme de Mud par exemple et j'aime aussi le langage de Reygadas qui, paradoxalement, derrière sa recherche plastique et son abstraction, ses artifices, me paraît toucher à quelque chose de plus authentique et de plus vrai finalement. ça me touche beaucoup et ça me transporte. L'émotion y est moins immédiate que dans Mud mais elle est plus durable et plus marquante. C'est un film qui me poursuit et qui me hante comme les films de Tarkovski peuvent le faire. Tu as raison de souligner leur parenté et ce n'est pas nécessairement péjoratif ou dévalorisant. Reygadas se revendique de Bresson et de Tarkovski mais il invente son propre langage qui évolue et se transforme de film en film. Alors formaté ou pas pour les festivals ça ne signifie pas grand chose. Il se trouve que les festivals aiment ces cinéastes qui cherchent et inventent des formes. Tant mieux.

Marko a écrit:

Carlos Reygadas s'est longuement expliqué sur les tenants et aboutissants de Post Tenebras Lux. Une sorte de mode d'emploi pour les pharisiens, euh, spectateurs, qui n'auraient pas tout compris ou, pire, qui auraient jugé qu'il n'y avait rien à comprendre. Les éclaircissements du cinéaste sont fort intéressants, cependant, y compris dans leur prétention puisque l'on a bien assimilé qu'il s'agit d'une oeuvre d'art véhiculant une brassée de messages et de sensations et pas d'un film de consommation courante (euphémisme). Il y a des idées, une mise en scène impressionnante et des images très chiadées dans Post Tenebras Lux. Et une vision sociale, ontologique et diabolique, aussi. Des scènes vaines ? Oui, également (le rugby, la partouze), que Reygadas se fait un plaisir de justifier mais on a aussi le droit d'en rire ou de trouver l'argumentation fumeuse. Du cinéma pour Happy Few ? En tous cas, une certaine propension à pousser le cinéma auteuriste à son extrême jusqu'à en perdre littéralement la tête.

La scène de partouze est très belle plastiquement (un côté Ulrich Seidl que Reygadas admire et auquel il a du penser) et très étrange, presque onirique avec ces personnages figés et en attente. Idem pour l'equipe junior de Rugby qui est filmée d'une manière très singulière. Les 2 me semblent à leur place dans ce flux de pensée agonisante. Artificiel et arty? À ce moment la que dire du Miroir de Tarkovski ?? Il faut bien des cinéastes avec une ambition et une haute idée du cinéma pour faire des œuvres d'art. Reygadas a un talent fou... Et alors?

Le DVD/bluray en vostr anglais est disponible sur amazon.co.uk. Pas de sortie française annoncée pour l'instant. Autant dire que je l'ai déjà commandé. Je vais pouvoir le revoir tranquillement. C'est finalement le film qui me laisse la plus forte impression de l'année écoulée.