Daniel Kehlmann [Allemagne]

Je ne voudrais pas jouer l’empêcheur pour tourner en rond, mais Daniel Kehlmann est à mon avis un auteur très surévalué.

Alors que j’ai encore apprécié son roman « Moi et Kaminski » assez léger et surréel en même temps, j’ai totalement disjoncté avec l’hymne généralisé pour « Les arpenteurs du monde ». Voici un roman dont je n’ai fini la lecture que parce que j’espérais un mieux tout au long du texte. Mais tout restait superficiel, l’écriture manquait de rigueur, de profondeur, d’humour…

Vient la sortie de « Gloire » et j’ai au moins réussi de finir les neuf nouvelles qui constituent le livre. Quelques débuts prometteurs mais ensuite je me suis bien posé la question du pourquoi du fil conducteur. Pourquoi ne pas approfondir l’une ou l’autre histoire ? C’est bien de faire joujou avec les idées postmodernes mais il faut savoir les gérer. Enfin, après avoir assisté à une lecture avec DK je suis restée sur l’impression d’un insupportable ‘know it all’ dont je ne vais pas reprendre de bouquin de si tôt.

Maline a écrit:

mais Daniel Kehlmann est à mon avis un auteur très surévalué.

tout comme toi, j'ai été convaincue après Moi et Kaminski, mais ses apparitions en public ne me disaient pas trop et je voulais me faire une opinion "de près" lors du Festival à Saint Malo où on l'avait annoncé - mais il n'y est jamais venu
Mon amie qui est en principe assez sévère concernant les éloges en littérature, était enthousiasmée après la lecture de Gloire, donc je voulais en tout cas lui donner encore cette chance
je vais attendre le poche

Comme Maline, Les arpenteurs du monde m'a déçu. Pour ce qui est de Gloire, les récits, certes inégaux, témoignent d’un vrai malaise existentiel dans nos sociétés, constat contrebalancé par un humour salutaire de l’auteur, cynique à l’occasion, qu’il emploie également à son encontre dans une forme suprême d’auto-dérision.
Mais bon, j'ai toujours l'impression qu'il se la joue grand écrivain et ça m'agace. Vision toute personnelle, cela va sans dire.

traversay a écrit:

Mais bon, j'ai toujours l'impression qu'il se la joue grand écrivain et ça m'agace. Vision toute personnelle, cela va sans dire.

Ce n'est pas mon impression. Il me semble avoir un certain humour, très visible dans "Gloire".

ah, ça j'adore.. en français on va sortir le poche plus tôt qu'en allemand.. bon.. le moment de le lire en français




dommage qu'ils ont gardé cette couverture assez... moche

Comment ça, ils ont gardé...Ce n'est pas la couverture du livre allemand et heureusement !

C' est une bonne nouvelle, la parution de La Gloire !
Je n' ai jamais eu l' impression non plus que Kehlmann se prenait aus sérieux. Mais tout lecteur
est subjectif autant le reconnaitre !

Les Arpenteurs du monde

Quel bonheur !

Arpenter le monde en compagnie d'Humboldt et compter les étoiles par-dessus l'épaule de Gauss ! Voilà ce que nous propose Daniel Kehlmann avec un livre léger, bourré d'un humour chatouilleur et d'une manière de présenter la science loin de la pesanteur qu'on lui reproche parfois.

Les commentaires très complets de la première page me font passer directement à une pensée qui m'est venue au cours de la lecture :

Le contre-pied.

Là où peut-être Kehlmann aurait pu choisir la lourdeur de discours scientifiques (comme ceux qui émaillent les textes de Pynchon), l'auteur allemand choisit de montrer la science des deux grands penseurs comme une aventure pleine de rebondissements et surtout de prises de risque (en tout cas pour Humboldt). En effet ce dernier n'hésite jamais à tester lui-même les substances étrangères qu'il rencontre lors de ses voyages, ô combien dangereux, ainsi on le voit ivre de curare et en proie à des hallucinations psychédéliques, ou bien, gagné par le mal des montagnes, lui et son compagnon, saignant du nez et des gencives se voient accompagnés par des fantômes dont ils ne peuvent se débarrasser qu'en redescendant au plus vite, ou bien encore tenter de comprendre la conductivité de l'électricité en se faisant à soi-même ce que l'on fait sur les grenouilles (Humboldt allant même jusqu'à se faire inciser le dos pour que le courant le traverse et en éprouvant presque une forme de plaisir). La science alors se fait expérience vivante, rencontre inévitable entre le corps et l'expérimentation en une danse un peu folle voir furieusement dangereuse.

C'est ainsi que s'invente la science naturaliste à la charnière du XVIIIème et du XIXème siècle, et cette manière est non seulement extrêmement réjouissante mais aussi particulièrement vivante. Tout l'art de Kehlmann est de rendre ces deux personnages attachants en les rendant humains, parfois même trop humain, tel Gauss, insupportable vieillard, aigri, médisant, misanthrope, qui lorgne les jeunes femmes d'un œil envieux et gifle son fils qu'il juge idiot. Et malgré le tableau de cette vieillesse décrépie, je n'ai pu m'empêcher de m'enthousiasmer pour l'étrange folie des nombres qui habite l'esprit de ce grand mathématicien, m'enthousiasmer pour sa fidélité sans faille à la science (il renonce à breveter sa trouvaille du télégraphe sous prétexte que cette découverte n'est pas digne de lui) et d'anecdotes en anecdotes, par petites touches drôles et sensibles, Kehlmann parvient à offrir au lecteur ravi (en tout cas je le suis), le portrait d'un génie, avec ses failles, ses horripilants défauts et sa fulgurance, son énergie.

Et sa persévérance. Car s'il fallait retenir une leçon de la vie de ces deux hommes c'est bien leur volonté, leur capacité à travailler des heures, des nuits, des semaines durant pour découvrir, calculer, compiler le monde. A travers cette vision d'un univers encyclopédique qui pourrait être contenu dans un livre, on atteint ici une forme d'utopie qui rejoint sans doute celle d'un Diderot capable d'écrire sur les techniques les plus précises, de faire l'éloge des acteurs ou d'écrire des dialogues philosophiques. L'homme total du XVIIIème siècle retrouve sous la plume de Kehlmann son authenticité mais surtout son originalité, son goût pour la répartie, son savoir éloquent.

Un livre qui ne se prend pas au sérieux malgré les connaissances qu'il dispense, un livre qui est construit surtout autour des anecdotes (réelles ou inventées) qui émaillèrent la vie des deux chercheurs et qui les rendent tout particulièrement attachant. Un livre qui met d'abord en opposition ses deux grandes figures allemandes (l'un est riche l'autre pauvre, l'un est voyageur l'autre casanier, l'un vit seul l'autre fonde un foyer) pour finir par les rassembler dans une vision commune d'un monde dont ils voudraient décrire toutes les ph(r)ases...

Un pur régal.

Ca a l'air bien !

Les bonnes comme les mauvaises critiques de ce livre m'intriguent. Je le note dans un petit coin.