Frédéric Beigbeder

Franchement, quand on a des BHL, Finkielkraut, Bruckner, Roudinesco, &co, parmi les intellectuels, on peut sans problème y ajouter Beigbeder...

Il faut juste se mettre d'accord sur ce qu'est un intellectuel, et de la définition découlera qui on peut/veut y mettre ou non.
J'ai des vieux souvenirs de philo : à propos de la "passion" Kant et je-ne-sais-plus-qui étaient en désaccord : l'un trouvait la passion positive, parce que sans passion, on ne fait pas de grandes choses ; et l'autre disait que ce n'est pas bien, en prenant l'exemple d'un avare, passionné d'argent avec toutes les dérives.
C'est sans doute caricatural de ma part, mais l'essentiel est là : chacun pourra dire qui il met ou pas dans la case "intellectuel". Tant qu'on ne saura pas ce que c'est qu'un intellectuel, est-ce que ça a vraiment un sens ?

Si on oppose intellectuel à manuel, Beigbeder est un intellectuel. Mais c'est une opposition qui n'a pas de sens, vu qu'on peut être les deux.
Finalement, Beigbeder est Beigbeder, et puis voilà : aucun nom propre n'est réductible à un nom commun, je crois.

Je suis surpris de ce débat. Intellectuel ? Qui utilise son intellect ? J'écoutais hier une émission à la radio qui portait sur André Gorz ( mort en 2007, journaliste, écrivain, essayiste, ami de Sartre puis fondateur de l'écologie politique). L'animateur s'interrogeait : "Qui connait encore André Gorz ?" Pourtant il est à l'origine d'un courant de pensée fort, visionnaire.. Intellectuel, il l'était indéniablement mais ne le revendiquait pas. Beigbeder je ne sais pas si il le revendique, je ne crois pas. Levy (pas Marc) lui le clame haut et fort et a tous les micros ouverts pour le faire. Comme dans d'autres domaines, la télévision impose le goût et la mode, je le regrette.

Petits extraits d'une interview parue dans le n°52 de Transfuge...

Celui-ci plutôt drôle sur la façon dont Beigbeder a choisi ses critères pour Dernier bilan... :

Citation :

Vous établissez dans votre introduction des critères pour évaluer les 100 romans que vous avez choisis. Vous semblez vous en amuser…

Mais je pense que mes critères sont très sérieux ! Ils ont l’air comme ça humoristiques mais la tronche de l’auteur, par exemple, qui est un de mes critères, ce n’est pas anodin. On ne lit pas un livre sans savoir à quoi ressemble l’auteur. On ne lit pas Rimbaud de la même manière que Paul Guth, en sachant tout ce qu’on sait de lui, son départ, sa jeunesse, son mystère. Le corps de l’auteur déteint sur notre lecture, et aujourd’hui plus que jamais. L’érotisme est un autre critère : est-ce que le livre me fait bander ou pas ? La colère : est-ce que le livre m’énerve ou pas ? C’est très important d’être agacé, j’adore être agacé par un livre. […] J’ai donc sélectionné ma liste de cent, et après j’ai fait : « bon alors, Pacadis il a combien en tronche ? » Il a une très très bonne note en tronche, une très bonne note en énervement, il est arrogant et antipathique. Est-ce qu’il me fait bander ? Non, pas du tout, le type qui vomit à chaque page, l’érection est très moyenne ! Non seulement ces critères sont sérieux, mais ils sont même scientifiques. Oui, mon livre est scientifique !

Et celui-ci où il donne une vision que je trouve extrêmement juste de l'oeuvre de Bret Easton Ellis :

Citation :

Ellis est un nihiliste, comme Houellebecq…

Oui. Vous savez, Transfuge est une des causes de ce livre [Dernier Bilan]. Je vous confie quelque chose : c’est vrai, vous avez fait cette série d’articles sur « Qu’est-ce que le roman après Houellebecq ? Où va la littérature… ? » Alors il y a eu la réponse de François Bégaudeau, celle de François Meyronnis. Ce qui m’a frappé, c’est qu’ils parlaient du nihilisme comme si le nihilisme était l’ennemi. Et au fond, peut-être à cause de vous, j’ai mis American Psycho en premier justement pour répondre à cette espèce d’anti-nihilisme et pour dire : attendez, le nihilisme, ce n’est pas le terrorisme, c’est une philosophie antique, et la littérature peut prendre en compte le monde très creux dans lequel nous vivons. Et un livre comme American Psycho est un roman qui nous dit que nous allons tous nous suicider si nous continuons à vivre comme des débiles. Ce n’est pas un livre qui prône le nihilisme, mais il me semble important de décrire la situation qui consiste à vivre dans un monde qui s’autodétruit dans la joie et la bonne humeur.

Merci pour ces extraits !

J'adore ^^

Au fond je n' étais pas si à coté de la plaque dans mes propos.

En somme, Beigbeder c'est Luxe, came et volupté.

Polarber a écrit:

jérémiades d'un pauvre enfant riche

Ah non il ne fallait pas dire ça...

Les va-nu-pieds détiendraient donc le monopole exclusif des jérémiades ? Un enfant riche ne peut, par définition, absolument pas être pauvre ? Ni physiquement, ni intellectuellement, ni moralement, ni affectivement …ect… ? Un enfant riche a juste le droit d'être heureux et de la fermer ? C'est magique, tu illustres le propos de Beigbeder en 5 mots... La pauvreté s'étend bien au-delà des frontières financières, il existe une multitude de façons d'être pauvre. Je suis pauvre en sourire là maintenant mais à la fin de ce commentaire, je redeviendrai riche. Je n'ai jamais catalogué Beigbeder dans la catégorie bourgeois geignard mais je le voyais comme un bobo nombriliste, c'est vrai. Et c'est toujours le cas. Il est d'ailleurs le premier à l'admettre et c'est ça qui me plait : sa lucidité, son franc-parler et son "élégance dans l'auto-flagellation" (© Traversay) !  

coline a écrit:

Comme je ne l'ai pas lu et que je ne le lirai pas, je ne peux pas me prononcer sur le roman largement autobiographique de Beigbeder... [...] C'est donc son histoire ...La lira-t-on pour son universalité (ça m'étonnerait) ou par délectation de savoir tout sur l'enfance Beigbeder ? Je ne pense pas qu'elle ait quoi que ce soit d'exceptionnel, et d'enrichissant pour le lecteur (pour l'auteur, si, certainement que ce sera enrichissant car, en plus de l'avoir écrite, il passe dans toutes les émissions et les journaux lui font des articles à tout va...Il va donc vendre...).

Je ressens la même amertume dans tes dires que dans ceux de Polarber. Pour répondre à ton interrogation, je me contrefiche royalement de tout savoir sur l’enfance de Beigbeder. Vous connaissez mon amour immodéré pour la presse people... Lui ou un autre, c’est la même chose. Que l’auteur soit Casimir ou (par le plus grand des hasards) Jaumé Cabré, une autobiographie est avant tout une introspection. Tout l'intérêt est là. Et si le lecteur est renvoyé à sa propre histoire,  ça devient exceptionnellement enrichissant.

Nathria a écrit:

J’ai aimé le lire, je l’ai trouvé humble et touchant.

Steven a écrit:

Bref, j'ai beaucoup aimé ce roman, sa construction, la réalité d'une garde à vue noire lorsqu'on reprend peu à peu pied dans la réalité et qu'on s'aperçoit la noirceur qui nous entoure [..] De cette noirceur, Beigbeder crée une lueur, une lueur dont je le croyais incapable, laissant de côté l'artifice et les faux semblants.

Oui, il y a dans ce livre une vraie construction, un recul et un travail d’analyse sur soi. On le prend comme sincère ou fallacieux, c’est au choix, mais les mots sont là et ils ont un pouvoir de résonance qui ne se feint pas.

Malgré quelques différences de vues fondamentales, que tu as relevées, Heyoka, il m'avait assez plu ce roman français, écrit par un gars, qui comme les autres, a bien le droit d'avoir été paumé dans sa jeunesse.

Merci Heyoka.

(J'aimerais bien le lire celui-ci, je le met sur ma liste)

J'avais bien aimé aussi, et malgré tout le côté horripilant du personnage, j'ai hâte de lire son prochain (qui tarde un peu d'ailleurs).
Son Premier bilan avant l'apocalypse était assez drôle aussi.

Queenie, si tu veux Un roman français, ça peut se faire

Dans ma tentative de découverte des écrivains à succès contemporains, je viens de lire les Nouvelles sous ecstasy de Beigbeder...
J'ai trouvé ça creux, presque sans intérêt. Apparemment le référent littéraire de Beigbeder est Easton-Ellis, et je comprends maintenant pourquoi, encore que ce dernier lui est quand même supérieur dans le vide astral des pauvres bobos en mal d'existence.
Il y a quelques idées intéressantes dans ce recueil de nouvelles, des passages un peu marrants, mais il y a tellement mieux à lire!
Bref ça m'a suffit, comme Nothomb, dont j'ai lu son premier roman, c'est pas mal, mais bon... Pas envie d'y retourner.