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Messages : 1775 Inscription le : 22/07/2008 Age : 75 Localisation : Picardie
Sujet: Re: Orson Welles Dim 6 Sep 2009 - 20:17
Je crois qu'aucun film ne peut percer le mystère et le charisme du jeune Welles qui lui-même se définissait surtout comme un magicien(et un menteur).Il y avait quand même dans Ed Wood une jolie apparition de Vincent d'Onofrio dans le rôle de Welles.Tiens ça fait du bien de parler de lui.
animal Tête de Peluche
Messages : 31548 Inscription le : 12/05/2007 Age : 43 Localisation : Tours
Sujet: Re: Orson Welles Dim 4 Oct 2009 - 13:12
Le Criminel (The Stranger)
La poursuite d'un criminel de guerre nazi passé aux états unis et tentant de se refaire une existence sous anonymat... en attendant mieux ? mais les gens, l'homme chargé de cette poursuite est rusé et retrouve sa trace en laissant filé un de ses anciens subordonnés...
Une petite ville américaine au pittoresque clocher, un peu de neige... le décor de cette histoire où tout le suspens a été arraché du scénario pour habiller les personnages et surtout LE personnage, le criminel, l'étranger, l'allemand : Franz Kindler/Charles Ranklin interprété par Orson Welles.
Des effets un peu gros dans la réalisation mais diablement efficaces, des vues en plongée à gogo et la joie de scruter un arrière plan où se trament beaucoup de choses... ici et là des jeux de lumière qui cartonnent... spectateur maintenu en éveil avec de réelles raisons d'être content de spectater !
La suite du bonheur c'est dans les fissures des personnages surtout le salaud de service qui laisse assez vite son côté sympa au placard... et un peu malgré lui. Un vrai jeu d'apparences qui se fendillent et de doutes, on a beau se douter de l'histoire, de la suite et de la fin, ça marche très bien et c'est franchement emballant. Quelques scènes assez dures qui assombrissent encore un peu un principe de diffusion du mal, la "bonne" fin n'empêche pas le doute sur les limites de l'humanité.
la copie fait ce qu'elle peut pour donner ce bon moment de cinéma démonstratif et assez tordu.
ma curiosité pour Orson Welles que je connais incroyablement peu grimpe une poignée d'échelons sur son échelle mal assurée !
et meurci eXPie
Bellonzo Sage de la littérature
Messages : 1775 Inscription le : 22/07/2008 Age : 75 Localisation : Picardie
Sujet: Re: Orson Welles Dim 4 Oct 2009 - 13:23
Welles,protéiforme,excessif,menteur,génial.Kane reste indéboulonnable du haut de Xanadu.Mais je ne suis pas objectif sur lui.
animal Tête de Peluche
Messages : 31548 Inscription le : 12/05/2007 Age : 43 Localisation : Tours
Sujet: Re: Orson Welles Sam 10 Oct 2009 - 23:05
je viens de regarder Othello, qui a un goût d'apocalyptique bircolage, des personnages secondaires pas tous très consistants, mais de ces vacheries de passages où tout est à bloc image, texte et personnage (dans le désordre ?), il en fait des tonnes avec des effets, sa voix... mais c'est magnétique. Huhu, et une intro qui fait se demander une fois de plus à quoi ça sert de faire des millions de petits pâtés de bonzhommes en numérique pour faire grandiose (seigneur des anneaux ? )
ça fait du bien, l'impatience d'en voir plus ne fait qu'empirer...
Bellonzo Sage de la littérature
Messages : 1775 Inscription le : 22/07/2008 Age : 75 Localisation : Picardie
Sujet: Re: Orson Welles Dim 11 Oct 2009 - 8:29
Les films de Welles sont peu nombreux mais on peut les revoir bien des fois.Je les ai toujours trouvé "interactifs".
Bellonzo Sage de la littérature
Messages : 1775 Inscription le : 22/07/2008 Age : 75 Localisation : Picardie
Sujet: Re: Orson Welles Dim 29 Nov 2009 - 8:31
Les carillons de minuit
Sous ce titre j'aborde un film dont j'ai déjà un peu devisé mais j'ai eu le plaisir de le présenter en ma bonne ville picarde pour l'Université du Temps Libre et c'est avec beaucoup de joie que j'ai pu le faire découvrir.L a richesse de Falstaff est telle que chaque vision en renforce la beauté.Si Macbeth en 48 trahissait encore une assez forte théâtralité,si Othello en 52 pouvait apparaître remativement décousu(mais là je chipote) Orson Welles réussit en 65 avec Falstaff,Chimes at midnight,la meilleure adaptation de l'univers de Shakespeare,définitive et qui éclate à tout moment dans ce qui était au départ un bricolage hallucinant à partir de quatre pièces du grand Will.Falstaff,seul rôle comique de l'acteur Orson Welles transcende les genres pour aboutir à cette tragédie bouffonne où le héros,pleutre pitoyable et menteur mais surtout homme tout de bonté échappe à Hamlet et Othello ces géniaux archétypes d'une totale noirceur.Falstaff c'est Rabelais,c''est la vie et la poésie qui veulent sauver encore l'Old Merry England,celle des Joyeuses commères de Windsor,celle de ripaille et de liberté, de truculence et de nostalgie.
Pourtant Falstaff n'est qu'un personnage secondaire dans Henry IV,Henry V,Richard II,les pièces de Shakespeare amalgamées par Orson Welles.Le gros homme,bouffon à la panse énorme et au verbe haut devient plus que l'alter ego de Welles.C'est maintenant un caractère magnifique et poétique à sa manière,loin des princes shakespeariens et plus enore des Quinlan ou Arkadin,autres démesurés wellesiens.Sous le corps obèse et aggravé par les cadrages,bouffi et plein d'alcool perce un esprit fin et ouvert,un philosophe dont la liberté nous émeut.
Welles recrée en Andalousie l'Angleterre élisabéthaine pour cet adieu à l'enfance qui verra le joyeux Jack falstaff mourir de chagrin lorsque le prince Hal devenu Henry V se détournera de son ami,son mentor ès freudaines de jeunesse.Le prologue hivernal où l'on entend le juge Shallow,crécelle,et Falstaff,bourdon est déjà un modèle d'utilisation du son au cinéma.Si la première partie de Falstaff est encore très farce et libertaire dans cette campagne anglaise riante et arrosée toutes les scènes où le pouvoir en place apparaît(John Gielgud,grande figure shakespearienne dans le rôle de Henry IV) nous ramènent à la dureté de la pierre des palais et à l'écrasante difficulté de régner.Scènes verticales,de murs et de lances,par opposition aux espaces pastoraux et végétaux où 's'ébrouent Falstaff et ses amis.Mais je n'en finirais pas de décrire les enchantements des Carillons de minuit.
Je ne dirai que quelques mots de plus sur la plus belle bataille du cinéma malgré la rude concurrence d' Alexandre Nevski.Cette bataille de Shrewsbury contre les rebelles est importante dans l'histoire de l'Angleterre.17 minutes de bruit et de fureur,presque sans paroles,un tiers de la totalité des plans du film et la silhouette ronde de Falstaff,trouillard et combattant de la dernière heure,courant de ci de là comme un personnage d'animation.Extraordinaire.On pense à Eisenstein déjà cité,à Griffith,à Ford.La bataille,épuisée,se ralentit.Les cavaliers sont de venus piétaille,la piétaille s'est couchée.Règne la boue.Le pouvoir légal a gagné.Le roi est mort.Vive le roi.Le jeune roi Henry V va renier le gros homme compagnon des vertes années,tout à sa tâche de maître du pays.Simplement Falstaff le bouffon,meurt d'aimer.
Images
animal Tête de Peluche
Messages : 31548 Inscription le : 12/05/2007 Age : 43 Localisation : Tours
Sujet: Re: Orson Welles Dim 14 Mar 2010 - 20:14
Macbeth
Diversement cheap (c'est pas des cailloux de luxe les murs de sa grotte), très théâtral (pas un reproche) et filmiquement efficace (ou grassement efficace)... très sombre dans l'image, et très vivant... surtout lui !
Ce qui frappe d'abord c'est que c'est un bonheur à écouter (les voix des sorcières !) et que la démesure qu'on est en droit d'attendre est servie malgré les petits moyens. Oui avec pas grand chose une grande image reste une grande image, c'est pour ça que c'est chouette les films. Et quand on sait faire de beaux et subtils (ou moins subtils) jeux de lumières... le spectateur a le droit de profiter.
Une double découverte qui se poursuit pour moi avec cette "version intégrale" : Orson Welles acteur et réalisateur et Shakespeare. C'est intense et souvent magnétique. Cinématographiquement probablement plus libre, ou sauvage, que beaucoup de réalisations modernes et le propos ne risque pas de se démoder. L'envie, la violence et le remord...
Et l'impression de la création de quelque chose de plus grand... et les visages de la folie, de la peur, de soi, des autres, du destin... inquiétant et jubilatoire...
animal Tête de Peluche
Messages : 31548 Inscription le : 12/05/2007 Age : 43 Localisation : Tours
Sujet: Re: Orson Welles Lun 5 Avr 2010 - 20:00
Le Procès
L'histoire est celle de Joseph K., qui est un jour arrêté dans son lit, sans qu'on lui explique de quoi il est suspecté. On l'ignorera pendant toute la durée du film.
Adaptation du roman de Kafka.
Comme un parfait épisode de la Quatrième dimension, sans pause, sur deux heures, écrasant, double et désespéré, injuste. Les décors sont monstrueux (gare d'Orsay... et il parait que tout le bric-à-brac présent est naturel !) le casting au poil, très très bon Anthony Perkins en tête. Hallucinant, un véritable jeu de l'esprit (et du montage) sans hésitation... tout ce qui cloche est en fait normal. Toujours servi par des contrastes puissants, bavard et inquiet mais sans surcharge... tordu et merveilleux. Monstrueux film !
Un bonus sur le dvd et internet disent qu'Il a doublé 11 acteurs... dont des répliques du rôle principal. Les décors ne sont pas ceux prévus initialement.
C'est dingue comme tous les effets et les bricolages (féroces) passent avec facilité dans ce résultat presque contre nature.
Musique extra par dessus le marché.
Et un jeu sur les regards et des mélanges de tension et d'attirance.
- -
Dommage qu'internet propose peu d'images montrant les décors, je me retiens de remettre le disque pour aller chercher... je n'en sortirai jamais !
Queenie ...
Messages : 22891 Inscription le : 02/02/2007 Age : 44 Localisation : Un peu plus loin.
Sujet: Re: Orson Welles Mar 6 Avr 2010 - 8:24
Ah le procès !!!! Il est extrêmement terrible ce film ! Faudrait que je m'en refasse une petite séance !
animal Tête de Peluche
Messages : 31548 Inscription le : 12/05/2007 Age : 43 Localisation : Tours
Sujet: Re: Orson Welles Sam 4 Déc 2010 - 20:04
Une histoire immortelle
Citation :
Un riche et vieux marchand est fasciné par une légende qui court parmi les marins : un jeune marin aurait été payé par un riche vieillard pour donner un héritier à la femme de ce dernier. Désirant donner vie à cette légende, il paie un jeune marin danois pour coucher avec sa femme, qui est en fait la fille d'un associé qu'il a autrefois conduit au suicide. L'évènement se produit et, incapable de supporter l'accomplissement de son ultime rêve, le vieil homme meurt.
avec Jeanne Moreau ! (et musique d'Erik Satie)
des effets qui rappelleraient du western spaghetti, un maquillage à finir fou dans un Kurosawa et un texte aussi puissant que cette réalisation un peu sauvage. Plusieurs sentiments se mélangent de façon subtile, des rapports de force, des rapports amoureux et l'amour et la vieillesse... Il y a les "grands effets" de Welles qui contribuent à déréaliser l'histoire, le trait forcé ne faisant que la rendre plus présente... et il y a une magie très subtile, très en retenue, très sensuelle, qui est moins immédiatement dans l'image pourtant éthérée par moments. c'est un petit ovni qui s'approche d'une beauté intense.
et le film est servi par un lien musical miraculeux.
bonne petite surprise enregistrée dans la tv (heureusement qu'il y a des parfumés pour éplucher le programme !)
générique
eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
Sujet: Re: Orson Welles Dim 5 Déc 2010 - 15:19
animal a écrit:
et le film est servi par un lien musical miraculeux.
bonne petite surprise enregistrée dans la tv (heureusement qu'il y a des parfumés pour éplucher le programme !)
générique
Orson Welles voulait adapter le texte de Karen Blixen depuis des années, c'était un de ses livres préférés ; il en a eu l'occasion pour la télévision française... Et c'est quasiment son seul film en couleurs.
Onuphrius Main aguerrie
Messages : 551 Inscription le : 29/10/2010 Age : 35 Localisation : Seine-Maritime
Sujet: Re: Orson Welles Jeu 23 Déc 2010 - 11:33
Dossier secret
Le synopsis est une sorte de dérivé de Citizen Kane : un homme très puissant, Gregory Arkadin, engage un "aventurier" - petite crapule pour enquêter sur son passé. En effet, Arkadin se dit amnésique; la première chose dont il se rappelle est qu'un jour de 1927, il se retrouva dans la rue avec une valise contenant 200.000 francs suisses, base de sa fortune. Le titre "dossier secret" vient du dossier que doit doit constituer Guy van Stratten, qui au départ veut se servir d'une information à lui donnée par un homme agonisant, Bracco, après qu'on lui a tiré dessus.
Eh oui, difficile de faire un résumé d'un film de Welles qui une fois de plus imbrique les scènes et donne à la narration l'aspect d'une enquête policière. Corruption, pouvoir, assassinats, mégalomanie... de nombreux aspects rappellent en Arkadin le personnage de Kane.
Les acteurs, eux aussi, sont pour la plupart très intéressants. Forcément, c'est une fois de plus Orson Welles lui-même qui sort du lot, grimé en magnat de l'armement :
Sinon, côté technique, c'est encore un grand festival de Welles. Jeu avec les ombres (les images sur le port sont remarquables), plongées, contre-plongées... J'ai à chaque fois le même sentiment : ce type était un génie!!
Et là encore, la petite histoire du film est intéressante. Ne trouvant pas beaucoup d'argent, il ne peut engager les acteurs qu'il voulait : Michel Simon, Marlène Dietrich... Et puis la production est cauchemardesque : un ami lui crée une société au Maroc avec des investissements suisses, auxquels s'ajoutent des fonds espagnols. Mais Welles a l'obligation de tourner des scènes en Espagne, ce qui fait que le carnaval vénitien prévu devient un grand bal masqué où l'on se déguise "à la Goya", empruntant aux toiles du maître ses personnages bouffons et grotesques. Les machinistes espagnols ne peuvent suivre Welles, qui pour des raisons financières pique les décors d'autres films, profitant du fait qu'il n'y ait pas de tournage à ce moment-là. On imagine de nouveau un grand n'importe quoi qui accouche d'un très grand film!
Queenie ...
Messages : 22891 Inscription le : 02/02/2007 Age : 44 Localisation : Un peu plus loin.
Sujet: Soif du mal Lun 13 Juin 2011 - 15:56
animal a écrit:
Wahou !
je rajoute Charlton en beau gosse latino... éclipsé par la personnalité du Capitaine Quinlan. Et le mouvement, ou les mouvements qui accompagnent tout le film (depuis une fichue intro qui n'en finit pas de bouger !), de longs déplacements qui suivent comme le vent qui balaye le décor et remue l'atmosphère oppressante de l'ensemble, comme quand il y a de l'air qui surtout ne rafraîchit pas. Ce qui est fort c'est qu'on saute une possible étape de "trop", presque de cabotinage, pour se laisser bouffer par l'ambiance corruptrice. massivement corruptrice et inquiétante.
ambiance qui dure, qui fait le film au delà de ses évidences. ça m'a rappelé mes grands bonheurs de découverte des vrais bons polars de hong kong, où l'univers est trouble. c'est un peu voir à l'envers, c'est aussi un parcours de spectateur heureux dans ses sensations (retrouvées) de spectateur.
Pour en revenir au film, ça se tient d'un bloc et ça avance, comme un gros type qui va jouer de son gabarit pour vous faire du mal... avec une certaine idée de la justice.
Les mouvements de voitures sont extrêmement réussis.
merci bien pour cet avis déclencheur
C'est exactement ça.
Incroyable comme il nous balade avec sa réalisation : on a l'impression d'être sans arrêt en mouvement, entouré de plein de gens (dont il faut certainement se méfier... mais lesquels ?), des ombres qui grimpent sur la lumière et s'agrippent aux pas des personnages, pour tenter de les aspirer. C'est un foutu bordel excessivement bien maîtrisé. On ne sait plus où donner de la tête. On est obligé de les suivre, d'être attentif, d'être victime. Comme ce Vargas et sa femme, balottés dans tous les sens, pendant que Quinlan l'inspecteur massif, s'impose de sa présence et de son regard enfoncé dans ses bajoues pleines de sueur et de malheurs.
Bellonzo souligne l'aspect géographique : la frontière Etats-Unis/Mexique. Et c'est vrai que la façon dont tout est filmé donne à ce lieu une espèce d'aura de no man's land, de lieu de tous les dangers, de toutes les possibilités, où la justice s'inverse.
Un film impressionnant, qui réclame forcément plusieurs visionnages pour se décanter les yeux de toutes les informations et les beautés il nous renvoie.
Queenie ...
Messages : 22891 Inscription le : 02/02/2007 Age : 44 Localisation : Un peu plus loin.
Sujet: Re: Orson Welles Lun 13 Juin 2011 - 15:57
animal a écrit:
- -
La double vie de David Pujadas.
colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
Sujet: Re: Orson Welles Lun 10 Oct 2011 - 9:36
Le procès(1962)
Citation :
Joseph est réveillé à l'aube par des policiers présents dans son appartement. Ni une ni deux, il est embarqué et traîné devant un tribunal sans savoir ce qui lui arrive. Ce fonctionnaire pris dans les rouages d'une société tentaculaire et absurde va tout faire pour s'en sortir...
« S’il m’a été possible de faire ce film, c’est parce que j’ai fait des rêves récurrents de culpabilité toute ma vie : je suis en prison, je ne sais pas pourquoi. C’est quelque chose qui me touche de près. »
Le Procès est une adaptation merveilleuse du roman éponyme de Kafka par Orson Welles. Tout en s’inspirant de la trame de l’histoire originale, en reprenant sa logique absurde, son atmosphère malsaine et son inhumanité, Orson Welles a su construire une œuvre qui se fait également personnelle et qui traduit des angoisses qui semblent le hanter depuis longtemps et qui n’ont attendu que l’occasion de ce film pour se faire entendre.
Kafka et Welles ont beau avoir connu deux destinées différentes, ils semblent unis, à travers ce film, par une même obsession, d’autant plus dérangeante qu’elle n’est jamais explicitement dénoncée mais toujours sous-entendue. Elle flotte comme une menace entre les décors grandiloquents et dans les propos décousus et dérangeants des personnages qui croisent la route de Joseph K. Lui-même, d’ailleurs, n’est pas une personne sur qui l’on peut compter. On le croit attaché à sa voisine, et il se laisse séduire par la première rencontrée. On le croit prêt à lutter contre l’acharnement judiciaire dont il fait l’objet, mais il se rend lui-même aux auditoires qui lui sont imposés, poussant le vice jusqu’à faire le déplacement même lorsqu’il n’y est pas convié.
On retrouve ici les particularités qui faisaient déjà le charme du Procès de Kafka. Le talent d’Orson Welles est d’avoir su rajouter de la folie et de l’originalité à une base qui n’en était déjà pas dépourvue. Là où les pages de Kafka alternaient entre narration et description, la forme même du film permet à Orson Welles de transformer ses personnages en monstres avides de paroles. Ils parlent, parlent, parlent sans cesse, tiennent des propos qui sont parfois difficiles à suivre, qui sont souvent étonnants voire dérangeants, et qui semblent seulement vouloir combler le vide et l’absurdité sans noms dans lesquels est plongé Joseph K. Il règne également une atmosphère d’érotisme sans cesse renouvelée par chaque nouvelle rencontre de Joseph K. avec une femme. Ici encore, il me semble qu’Orson Welles a renforcé cette impression que l’on ne trouvait que de manière amoindrie dans le livre de Kafka avec succès. On est perturbé de voir Joseph K. se laisser aller aussi docilement, comme il se laisse faire par les juges, par son oncle et par son avocat, et le malaise s’accentue encore.
Les décors sont baroques et grandiloquents, que ce soit dans leur dénuement, comme les terrains vides que traversent Joseph K. et l’amie de Mlle Bürstner, ou au contraire dans leur richesse, comme dans la maison de l’avocat. Toujours oppressants, ils rajoutent une dose de fantastique à l’histoire de Joseph K. Et d’ailleurs, si je ne devais retenir qu’une seule qualité à ce film, c’est la force avec laquelle il a su me faire voyager dans un monde étrange et absurde qui partage pourtant un nombre incroyable de similitudes avec le nôtre.
Le procès d’Orson Welles est pour moi une réussite totale. Adaptation d’une grande œuvre, elle réussit à s’approprier une identité propre tout en renforçant l’intérêt pour le roman original. Ce film est un conte merveilleux et terrible à la fois qui me laisse une forte impression.