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| Henri Bosco | |
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Auteur | Message |
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églantine Zen littéraire
Messages : 6498 Inscription le : 15/01/2013 Age : 59 Localisation : Peu importe
| Sujet: Re: Henri Bosco Mer 30 Juil 2014 - 10:11 | |
| Hyacinthe Est -ce un roman ? Un conte , Un récit initiatique ? Peu importe à dire vrai , l'essentiel c'est de trouver la ou les petites clés pour pénétrer l'univers ténébreux de Bosco et d'y prendre ses aises et ses malaises ! L'histoire ? Le narrateur est un homme venu habiter une immense demeure dans un pays perdu nommé "le plateau de Gabriel " ( tiens pas innocent déjà la référence à Gabriel ) .En quête d'une vérité , à la recherche de quelque "soi suprême"...... - Citation :
- Plus que jamais , je voulais vivre , jouir de moi , me poursuivre , m'atteindre , me saisir à pleins bras , me serrer durement contre moi et m'immobiliser , ne fut-ce qu'un instant , pour me voir , et peut-être pour me hair ; mais aussi , peut-être , pour m'aimer .
L'athmosphère est lourde , pesante , évanescente quelquefois , on plonge dans les ténébres du temps et de l'espace , on émerge , on s'accroche à un bout de lumière pour repartir sur quelques lisières obscures et dangereuses , bizarrement si rassurantes ..... Une lampe comme unique constance , en guise de phare presque pour laisser un seul repère au lecteur et nourrir l'âme de l'homme , chercheur de vérité .... - Citation :
C'était certainement une simple petite lampe comme on en voit dans les cuisines de campagne ; une lampe de cuivre posée sur le coin d'une table et qui fournit une lumière médiocre ; la lampe des travaux domestiques et des prières bien dites , la lampe habituelle de l'hiver ; et , dans les métairies où l'on veille un peu , celle qu'on pend à un crochet , au dessus de l'âtre , quand on veut jouir à la fois de la chaleur du foyer et de la lumière . C'était bien celle-là qu'il me fallait .Sans éclat , elle m'enseignait l'attention , la tranquillité .Dès lors ce n'était plus , pour moi , simplement une lampe rustique , mais un état d'âme modeste. Toute une religion familière et patiente vivait dans le rond de la clarté . Là on ne cherchait plus son âme : elle y était car les âmes aiment ces simples lampes sous lesquelles l'on sait souffrir , regretter et attendre .
Autour tout n'est que mouvance ,à travers ces forces cosmiques et terrestres , le temps lui même n'existe plus , les limites sont abolies , et l'identité recherchée au départ par le narrateur semble multiple et par là même chimère ......... Jouissance de l'instant où la conscience flirte avec le rêve ,ou l 'irréel , Plénitude dans l'inconfort de l'inquiétude , Recherche kaleidoscopique de la perception pour le plaisir de se perdre ... Désir de vie et de mort atteignant des sommets paroxystiques pour replonger dans l'entre-deux de l'état de convalescence libérant l'âme et promesses de félicités hallucinatoires ...... A travers Hyacinthe , Bosco ne s'adresse qu'au lecteur en partance pour ce voyage vers d'autres paysages intérieurs et extérieurs , dans l'abstraction de toutes formes de repères créés par l'homme .......Libre à nous de nous glisser entre les lignes , dans l'abandon , avec quelques petites références mythologiques et bibliques ou pas et de se laisser emporter par la prose magique de Bosco d'un onirisme puissant ! Un texte rythmé , musical , dense et sec , d'un souffle ravageur et imposant des images à jamais inscrites dans l'imaginaire du lecteur ! Bref : j'ai adoré , j'adore et j'adorerai car une lecture ne suffit pas : une oeuvre aux richesses infinies , aux messages sans cesse renouvelés , aux voiles suffisamment nombreux pour laisser une grande place aux mystères et offrir au lecteur un grand espace de liberté et de rêverie , une oeuvre obsédante et envoûtante : voilà le genre de littérature qui possède multiples clés et qui n'abandonne pas son lecteur une fois la dernière page refermée ....
Dernière édition par églantine le Mer 30 Juil 2014 - 14:53, édité 7 fois | |
| | | Bédoulène Abeille bibliophile
Messages : 17270 Inscription le : 06/07/2007 Age : 79 Localisation : Provence
| Sujet: Re: Henri Bosco Mer 30 Juil 2014 - 10:20 | |
| je te lirai plus tard quand j'en aurai fait la lecture | |
| | | domreader Zen littéraire
Messages : 3409 Inscription le : 19/06/2007 Localisation : Ile de France
| Sujet: Re: Henri Bosco Mer 30 Juil 2014 - 14:43 | |
| Après un premier contact avec Bosco à travers l'âne culotte, ton commentaire ne peut que m'encourager à poursuivre ! | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Henri Bosco Jeu 31 Juil 2014 - 1:04 | |
| - Bellonzo a écrit:
- Il y a dans Parfum de Livres des choses que j'aime beaucoup et d'autres que j'aime...moins.Il en est ainsi pour chacun.Mais parmi celles que j'aime se trouve le plaisir de voir ressortir un auteur complètement oublié,depuis assez longtemps.C'est le cas de Bosco et ça me donne très envie de retourner voir chez lui.
C'était sur la page 1 de ce fil que s'exprimait ainsi Bellonzo...Et ce fil comporte combien de pages (enthousiastes) aujourd'hui? De même pour Ramuz...et d'autres sans doute... | |
| | | pia Zen littéraire
Messages : 6473 Inscription le : 04/08/2013 Age : 56 Localisation : Entre Paris et Utrecht
| Sujet: Re: Henri Bosco Jeu 31 Juil 2014 - 10:11 | |
| Et bien tu me donnes envie de découvrir Hyacinthe encore plus! | |
| | | Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
| Sujet: Re: Henri Bosco Jeu 31 Juil 2014 - 14:12 | |
| C'est vrai que je me réjouis de voir cet auteur prendre une belle place sur parfum et de pouvoir partager la beauté et la magie de cette prose à part. Ton commentaire sur Hyacinthe, Eglantine, est très sensible et lui rend justice. Merci à tous de votre curiosité et de votre enthousiasme | |
| | | Sigismond Agilité postale
Messages : 875 Inscription le : 25/03/2013
| Sujet: Re: Henri Bosco Jeu 21 Aoû 2014 - 0:24 | |
| Hyacinthe (1940, 230 pages environ, 8 parties). Passer après Eglantine, Bix, Coline et Marko, dont les commentaires sont différents et très complémentaires, est assez ardu, d'autant que je souscris a à peu près tout ce qu'ils disent ! Enfin, je me jette à l'eau (non, pas dans les étangs situés après Saint-Gabriel !), en essayant de ne pas m'appesantir sur ce qu'ils ont, chacun, amené de façon "bien vu !", splendide quoi, sinon ça n'apporte pas grand'chose de plus comme eau à l'étang. - églantine a écrit:
- Hyacinthe
Est -ce un roman ? Un conte , Un récit initiatique ? Peu importe à dire vrai , l'essentiel c'est de trouver la ou les petites clés pour pénétrer l'univers ténébreux de Bosco et d'y prendre ses aises et ses malaises !
- Spoiler:
L'histoire ? Le narrateur est un homme venu habiter une immense demeure dans un pays perdu nommé "le plateau de Gabriel " ( tiens pas innocent déjà la référence à Gabriel ) .En quête d'une vérité , à la recherche de quelque "soi suprême"...... - Citation :
- Plus que jamais , je voulais vivre , jouir de moi , me poursuivre , m'atteindre , me saisir à pleins bras , me serrer durement contre moi et m'immobiliser , ne fut-ce qu'un instant , pour me voir , et peut-être pour me hair ; mais aussi , peut-être , pour m'aimer .
L'athmosphère est lourde , pesante , évanescente quelquefois , on plonge dans les ténébres du temps et de l'espace , on émerge , on s'accroche à un bout de lumière pour repartir sur quelques lisières obscures et dangereuses , bizarrement si rassurantes ..... Une lampe comme unique constance , en guise de phare presque pour laisser un seul repère au lecteur et nourrir l'âme de l'homme , chercheur de vérité .... - Citation :
C'était certainement une simple petite lampe comme on en voit dans les cuisines de campagne ; une lampe de cuivre posée sur le coin d'une table et qui fournit une lumière médiocre ; la lampe des travaux domestiques et des prières bien dites , la lampe habituelle de l'hiver ; et , dans les métairies où l'on veille un peu , celle qu'on pend à un crochet , au dessus de l'âtre , quand on veut jouir à la fois de la chaleur du foyer et de la lumière . C'était bien celle-là qu'il me fallait .Sans éclat , elle m'enseignait l'attention , la tranquillité .Dès lors ce n'était plus , pour moi , simplement une lampe rustique , mais un état d'âme modeste. Toute une religion familière et patiente vivait dans le rond de la clarté . Là on ne cherchait plus son âme : elle y était car les âmes aiment ces simples lampes sous lesquelles l'on sait souffrir , regretter et attendre .
Autour tout n'est que mouvance ,à travers ces forces cosmiques et terrestres , le temps lui même n'existe plus , les limites sont abolies , et l'identité recherchée au départ par le narrateur semble multiple et par là même chimère ......... Jouissance de l'instant où la conscience flirte avec le rêve ,ou l 'irréel , Plénitude dans l'inconfort de l'inquiétude , Recherche kaleidoscopique de la perception pour le plaisir de se perdre ... Désir de vie et de mort atteignant des sommets paroxystiques pour replonger dans l'entre-deux de l'état de convalescence libérant l'âme et promesses de félicités hallucinatoires ...... A travers Hyacinthe , Bosco ne s'adresse qu'au lecteur en partance pour ce voyage vers d'autres paysages intérieurs et extérieurs , dans l'abstraction de toutes formes de repères créés par l'homme .......Libre à nous de nous glisser entre les lignes , dans l'abandon , avec quelques petites références mythologiques et bibliques ou pas et de se laisser emporter par la prose magique de Bosco d'un onirisme puissant ! Un texte rythmé , musical , dense et sec , d'un souffle ravageur et imposant des images à jamais inscrites dans l'imaginaire du lecteur ! Bref : j'ai adoré , j'adore et j'adorerai car une lecture ne suffit pas : une oeuvre aux richesses infinies , aux messages sans cesse renouvelés , aux voiles suffisamment nombreux pour laisser une grande place aux mystères et offrir au lecteur un grand espace de liberté et de rêverie , une oeuvre obsédante et envoûtante : voilà le genre de littérature qui possède multiples clés et qui n'abandonne pas son lecteur une fois la dernière page refermée .... - bix229 a écrit:
- HYACINTHE
C' est une histoire opaque et souvent oppressante. On avance dans ce livre comme dans une foret obscure et qu' on ne connait pas.
- Spoiler:
Et c' est ainsi que le narrrateur de cette histoire la percoit aussi... Elle baigne tout entière dans un climat d' attente, de mystère et d' envoutement. Cette histoire se présente sous la forme d' un journal. Dans un état de vide intime, le narrateur s' est retiré dans la solitude d' une grande batisse qu' on peut situer dans le Lubéron, et qui ' s' appelle La Commanderie. Au fil de ses investigations intimes, ses impressions varient et modifient sa vison des choses. Les rares, très rares personnes qu' il voit, observent le meme silence que lui, mais des signes invisibles s' échangent quand meme. Et meme des signaux, comme cette lampe qui s' allume toutes les nuits dans la grande maison silencieuse qui lui fait face, la Geneste. Des forces obscures s' affrontent au dehors, mais aussi dans la tete du narrateur. Et la solitude qu' il avait choisie a raison de lui. Et aussi cette angoissante sensation de vide qu' il éprouve, et qui est proche du néant. Que dire de plus ? Rien ! c' est déjà assez difficile ainsi ! Il faut lire cette histoire lentement et découvrir la vérité en meme temps que le narrateur. C' est une histoire saturée de bruits et de silence, d' odeurs, de couleurs... D' émotions, d' impressions, d' interrogations. Bosco essaie de suggérer l' inexplicable, l' indicible, le mystère, la pression incessante des forces cosmiques exacerbées par le silence. Le style narratif de Bosco est lyrique, une prose dense aux phrases brèves et d' une grande force poétique. Ce livre est à la limite de l' excès : presque trop dense, trop énigmatique.
- Spoiler:
Bosco a fait le pari obscur d' expliquer l' amnésie de ses deux protagonistes, amoureux depuis l' enfance, par l' envoutement, la sorcellerie d' un illuminé qui veut inventer un contre monde destiné à faire vivre ceux qu 'il a choisis pour le peupler. Mais son univers est aussi flou que pervers et finalement glacial. J' avoue que la création de ce personnage m' a géné et aussi cette tentation mystique qui est très éloignée de moi. C' est une critique de détail. Le livre se prete à d' autres lectures. Ouf !
- coline a écrit:
- Allez...dans la foulée...et sans trop réfléchir...mon commentaire de Hyacinthe...A chaud!...pas évident...
HYACINTHE
- Spoiler:
Dans vos évocations des œuvres de Henri Bosco vous avez beaucoup parlé du Lubéron…Or je viens de lire Hyacinthe et je n’y ai pas trouvé la « couleur locale » de la région ou si peu...
En fait, si le récit part bien de la description d’un lieu de là-bas sans doute (imaginaire ?), le plateau de Saint-Gabriel, il est moins un décor qu’un cadre prêtée à une histoire mystérieuse au centre de laquelle sont placées sur le paysage deux maisons presque voisines et pourtant repliées chacune dans leur isolement. Dans l’une, appelée La Commanderie, le narrateur. Dans l’autre, La Geneste, le mystère d’une lampe allumée qui fascine le voisin. « J’y voyais la lampe : c’est elle qui me retenait. Je la regardais maintenant avec une sourde tendresse. On l’avait allumée pour moi : c’était ma lampe. L’homme, qui veillait dans la nuit, si tard, sous sa tiède lumière, j’en vins à me le figurer pareil à moi. Quelquefois emporté au-delà de cette ressemblance, c’était moi-même que j’imaginais, attentif à quelque méditation qui cependant me demeurait impénétrable, derrière cette fenêtre de la Geneste où brûlait la seule étoile de l’hiver. Un moi, mais un moi inconnu et qui commençait à me passionner. »
Entre les deux maisons, le silence…Parfois le bruit feutré des pas d’un visiteur mystérieux et furtif.
Plusieurs fois dans la semaine, une femme, Mélanie Duterroy, vient apporter à La commanderie des provisions nécessaires à celui qui l’habite et ranger la maison. L’homme a choisi la solitude et ne quitte jamais le plateau ; il s’arrange même pour ne pas croiser la femme. « Cette retraite, ne l’avais-je pas cherchée en désespoir de cause pour me retrouver ? »
Tout autour, la nature, vers laquelle le narrateur va diriger ses pas, jour après jour de l’automne, jusqu’au bord des étangs. Et le voilà entraîné, au contact de la nature, dans des rêveries d’abord à la lisière du réel, puis lui permettant de pénétrer profondément au coeur même des éléments naturels qui l’environnent, jusqu’à abandonner son être apparent pour rejoindre celui qui est en lui, celui qui espère et attend, celui qui peu à peu se souvient … Il se souvient d’ Hyacinthe…le choc de leur séparation, dans l’enfance (c’est ce que j’y ai vu)…Hyacinthe qui revient…Mais revient-elle vraiment ?...
Je suis certes bonne cliente sur le marché du rêve…Mais ce récit infiniment poétique et envoûtant m’a transportée et tenue en haleine de la première à la dernière ligne… Je n’ai pas cessé d’en souligner ou surligner des passages puissants et magnifiques marqués du passage des saisons, de l’omniprésence de la nuit, imprégnés de solitude (combien de fois le narrateur dit-il « je suis seul » ?) et de silence…Les dialogues y sont rares, les êtres rencontrés des taiseux…
Il y a longtemps que je n’avais pas lu de récit de ce genre. En ai-je jamais lu d’ailleurs ?...Des passages un peu semblables peut-être, mais clairsemés, ponctuels, des instants au cœur d’autres récits…Celui-ci, comme une transe qui emporte avec le narrateur , est tout chargé de symboles : si j’ai pu en saisir quelques uns, je suis sans doute passée à côté de beaucoup par méconnaissance ou parce que j'étais happée par le récit…Mais point n’est besoin de connaître tous les symboles pour goûter au merveilleux de cette histoire palpitante …
- Spoiler:
Je voudrais ne rien révéler du mystère…si tant est que je puisse en révéler quelque chose. Ce ne serait évidemment que ma perception à moi, en ce moment … Je fais un peu le lien entre ce type de lecture et un film comme Mulholland Drive où chacun, faisant preuve d’une attention soutenue, et après avoir vu et revu le film, pense tenir à un moment donné une parcelle de vérité qui aussitôt échappe ou peut être contredite…
Est-ce qu’un compte-rendu comme celui-là est assez motivant pour vous amener à lire ce roman (mais est-ce bien un roman ?)?... Je ne sais, mais ne peux en faire d’autre…Et voudrais tellement vous transmettre pourtant le bonheur que j’ai eu à sa lecture… Merci à Marko qui m’a conduit à lui…puis redonné l’envie d’aller plus loin dans l’œuvre de cet auteur méconnu finalement ( on l’aborde bien trop tôt à l’école pour pouvoir mesurer l’ampleur de son imaginaire, la profondeur de sa pensée, auxquels donne accès une écriture simple et pourtant si poétique…)
Redécouvrez Henri Bosco!
- Marko a écrit:
Hyacinthe (1940) « Nous voulons donc mener nos songes en suivant l’inspiration d’un grand songeur. En suivant Bosco, nous pouvons découvrir la profondeur des rêveries d’une enfance maintenue en ses songes. Nous entrons avec Bosco dans le labyrinthe où se croisent les souvenirs et les songes ». Gaston Bachelard
- Spoiler:
Dans son dernier ouvrage "La flamme d'une chandelle" qui est un essai sur le pouvoir du rêve et de l'imagination, Gaston Bachelard fait régulièrement référence à l'œuvre d' Henri Bosco et notamment à Hyacinthe qu'il considère comme son livre le plus étrange et le plus beau. Cet essai est un hommage d'un poète à un autre poète. Et son titre fait référence au début de Hyacinthe qui décrit une lampe qui s'allume et que Bachelard considère comme "le premier mystère d'un roman psychologiquement mystérieux".
http://noelpecout.blog.lemonde.fr/2008/09/01/cosmogonie-doc-la-flamme-qui-eclaire-les-jours-anterieurs-a-nos-jours/ Extrait de Malicroix et la symbolique du feu
Résumé du livre (site sur Henri Bosco):
"Hyacinthe a été enlevée et élevée par un mystérieux vieillard, dans l'isolement d'un paradis qu'il essaie de recréer. Un jour, elle s'enfuit pour trouver l'homme qu'elle aime, Constantin. Ce livre est plus qu'un récit, plus qu'un roman, c'est une incantation qui reflète toutes les nuances du rêve. Qu'est-ce que Hyacinthe sinon le symbole de l'impossible et nécessaire amour, secret des hommes et de Dieu, mystère de l'être sans lequel aucune vie ne possède de réalité ?"
Hyacinthe est le second volet d'un cycle qui porte son nom et qui commence avec L'âne Culotte puis se poursuit avec Le jardin d'Hyacinthe et se termine avec Mon compagnon des songes. Mais il est certainement le plus beau, le plus magique. Il se lit comme de la pure poésie et il y a tout un sous-texte symbolique qui renvoit à la mythologie des Templiers, à La Bible, aux révélations magique de l'Orient.
Je recommande de lire le cycle dans sa continuité pour s'attacher aux personnages et suivre leur aventure. Encore une fois on peut faire totalement abstraction des références mythologiques multiples et le lire comme un roman d'apprentissage très divertissant. Les quatre premières parties sont parfois longuettes, toujours tortueuses, méandreuses, très introspectives. L'écriture réclame une grande disponibilité, beaucoup d'attention. Je suis content d'avoir lu cet ouvrage après L'enfant et la rivière, L'âne-culotte, Malicroix. Ils forment un tout, je compte d'ailleurs lire l'ensemble du cycle de Hyacinthe. On trouve sans même chercher maintes occurrences et récurrences. Tandis que, par exemple, Le mas Théotime est totalement déconnecté par rapport à ces ouvrages-là. Exemples ? On retrouve -parfois les aperçoit-on juste- des personnages (Gadzo celui de L'enfant et la rivière ??), M. Cyprien, Constantin et bien sûr Hyacinthe, tous trois de L'âne-culotte. Bien sûr les Caraques (ou Bohémiens, ou Nomades) de L'enfant et la rivière et de L'âne-culotte. Bien sûr l'eau ( L'enfant et la rivière, Malicroix), et en fait l'ensemble des références au Sceau de Salomon dont l'occultisme fait ses choux gras (donc les quatre éléments, air-terre-eau-feu). Au reste, n'est-il pas curieux que la première partie soit intitulée "Le plateau de Saint-Gabriel" (donc la terre), la seconde "Les étangs" (donc l'eau), la troisième "Le feu" ? Sans (trop de) surprise on retrouve l'espèce de collision magico-religieuse que, depuis une intervention de Marko sur ce fil, je situe mieux: Un assemblage syncrétique très personnel à l'auteur, composé d'ésotérisme, de chrétienté et du culte ancien de Mithra. Venons-en tout de suite aux symboles, disons de type héraldique, répétés avec insistance dans ce livre, et dont il faut imaginer comme un blason qui grouperait l'ensemble des trois: Sceau de Salomon Mufle de taureau Et, plus difficile à figurer, une "croix tordue, évoquant la svatiska" (rien que ça !) j'imagine pour ma part et en référence à l'ouvrage et à ce qui est dit de la maison du narrateur, son nom (La Commanderie) et son passé, plutôt une Croix des Templiers, que vous pouvez éventuellement tordre à plaisir grâce à l'un de vos logiciels préférés: Je crois qu'on ne relèverait pas dix pages sans aucune référence à l'un des quatre éléments. Et les astres eux-mêmes sont abondamment surlignés, surtout sur le final. Ajoutez à cela la longue et très fouillée, brillante, introspection languissante du narrateur, empreinte de souffrance, d'une poétique sans doute (voir Malicroix pour ce frappant aspect introspectif): Très bien décrite et évoquée par les Parfumés qui m'ont précédé au commentaire de cet ouvrage, cette dimension-là, je n'insiste pas et vous engage à vous reporter à leurs interventions ! Son curieux dédoublement de la personnalité, son mutisme (partagé - par Mélanie Duterroy, par Hyacinthe elle-même, et que dire du "Maître de la Geneste" - dont je ne dévoile pas l'identité, et j'ose: mutisme aussi de la part du chien Ragui, un "personnage" de toute importance, ce chien, plus j'y réfléchis (là aussi, sur l'aspect mutique, ainsi d'ailleurs que pour le rôle du chien, voir encore et toujours Malicroix). La maladie/convalescence alitée (une partie entière se nomme "Convalescence" et est dédiée à l'état faible et fébrile) est aussi un thème qui revient ostinato dans les livres de Bosco ( L'âne-culotte, Malicroix). Petit focus sur le narrateur: quel est son rôle ? Il est très central, c'est celui par lequel tout se déclenche, à bien y regarder. C'est Mélanie Duterroy qui m'y a fait songer. On a l'impression, très subtilement rendue par l'auteur, qu'elle sait pourquoi le narrateur est là, depuis le début, et se tait. La rencontre fortuite du narrateur avec le vieillard du lac - ne pas ouvrir si vous comptez lire ce livre:
(et avec le personnage-titre, Hyacinthe mais ça nous le saurons plus tard)
est un premier sauvetage "déclenchant", que dire du second accident, très symbolique, avec le trou noir dans la neige blanche, le cellier - la cave, le bas-fond- et l'étrange péripétie, floue, qui permet qu'il en réchappe et fasse irruption dans un endroit dont nous finirons par savoir qu'il s'agit de - ne pas ouvrir si vous comptez lire ce livre:
La Geneste
? Enfin les deux parties terminales ( "Le jardin" et "Lui") résolvent en partie la question du rôle du très étrange narrateur, contemplatif hors pair, aux étonnants troubles de la personnalité mêlés à une capacité introspective des plus rares, elles fournissent au moins cette clef-là. Mais après tout, et si nous restions encore dans l'abîme des profondeurs de ce livre, tout perplexes et méditatifs, en attendant de retrouver nos chers personnages boscoïens dans de nouvelles histoires ? Souhaitons, sans avoir la moindre raison d'en douter, qu'elles soient toujours de cette trempe littéraire-là ! | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Henri Bosco Jeu 21 Aoû 2014 - 12:24 | |
| - Sigismond a écrit:
Hyacinthe (1940, 230 pages environ, 8 parties). Passer après Eglantine, Bix, Coline et Marko, dont les commentaires sont différents et très complémentaires, est assez ardu, d'autant que je souscris a à peu près tout ce qu'ils disent !
Enfin, je me jette à l'eau (non, pas dans les étangs situés après Saint-Gabriel !), en essayant de ne pas m'appesantir sur ce qu'ils ont, chacun, amené de façon "bien vu !", splendide quoi, sinon ça n'apporte pas grand'chose de plus comme eau à l'étang.
[...] Mais après tout, et si nous restions encore dans l'abîme des profondeurs de ce livre, tout perplexes et méditatifs, en attendant de retrouver nos chers personnages boscoïens dans de nouvelles histoires ? Souhaitons, sans avoir la moindre raison d'en douter, qu'elles soient toujours de cette trempe littéraire-là ! Merci Sigismond, ton commentaire est très fouillé, très éclairant encore en complément de ce que nous avions pu écrire à propos de Hyacinthe. Tu t'es jeté à l'eau et tu as "brassé" large!... Merveille que ce roman! | |
| | | Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
| Sujet: Re: Henri Bosco Jeu 21 Aoû 2014 - 12:49 | |
| Très intéressants prolongements. Dans les romans de Bosco il y a souvent interpénétration de la réalité et du rêve. Alors qu'ici Hyacinthe m'a semblé de bout en bout être à la fois une méditation et une rêverie d'un personnage qui serait le jeune Constantin devenu adulte et se souvenant avec nostalgie de la disparition de Hyacinthe enlevée par Cyprien dans L'âne Culotte. Une sorte de voyage mental qui permettrait d'atteindre l'inaccessible, de lui redonner vie. Comme on rencontrerait en rêve un être cher décédé ou disparu avec le désir de le ramener à la réalité avec nous. Et ce rêve est en même temps une fois de plus initiation où les personnages concrets et immatériels seraient en même temps des abstractions, des symboles de forces antagonistes s'affrontant avec des réminiscences orphiques.
C'est vraiment une parenthèse dans la cheminement romanesque du cycle. Un pur moment de poésie où le pouvoir incantatoire des mots n'a jamais été aussi magique. On se sent en connexion avec les éléments, la nature, la pensée. Un sortilège particulièrement envoûtant et intense. | |
| | | Sigismond Agilité postale
Messages : 875 Inscription le : 25/03/2013
| Sujet: Re: Henri Bosco Jeu 21 Aoû 2014 - 15:15 | |
| - coline a écrit:
- Merveille que ce roman!
Merci Coline ! - Marko a écrit:
- Alors qu'ici Hyacinthe m'a semblé de bout en bout être à la fois une méditation et une rêverie d'un personnage qui serait le jeune Constantin devenu adulte et se souvenant avec nostalgie de la disparition de Hyacinthe enlevée par Cyprien dans L'âne Culotte.
Merci, Marko ! - ne pas ouvrir si vous comptez lire ce livre:
le Maître de La Geneste est Contantin, et est celui qui allume la lampe tous les soirs - pour le cas où Hyacinthe viendrait, en toute hypothèse - Constantin et le narrateur parviennent à se confondre dans le délire et le trouble de dédoublement de la personnalité du narrateur, c'est ce qui se trame dans la partie "Convalescence".
J'ai écarté sans doute un peu trop vite "Le mas Théotime": une référence que l'on retrouve aussi dans "Hyacinthe" est celle des maisons qui ont leur propre vie, auxquelles l'être humain s'adapte plutôt qu'il ne les modèle ou qu'il ne les transforme: pas très contemporain comme acception des termes "foyer" et "domicile", ou "demeure". Vaut surtout les habitations anciennes, multiséculaires. On rencontre cette même notion (ou plus exactement ce même phénomène), exprimée avec grande acuité chez des auteurs comme Jean Giono ou Charlotte, Emily et Anne Brontë, par exemple. Voir aussi, pourquoi pas, le Herman Melville de la veine de "Moi et ma cheminée", sûrement entre bien d'autres auteurs. | |
| | | églantine Zen littéraire
Messages : 6498 Inscription le : 15/01/2013 Age : 59 Localisation : Peu importe
| Sujet: Re: Henri Bosco Dim 31 Aoû 2014 - 9:59 | |
| Malicroix . C'est une oeuvre tellement dense qu'il faudrait y consacrer une étude complète pour en souligner chaque strate . Pas vraiment un roman , ni un conte, ....à mi chemin entre les deux avec une forme poétique puissante qui ne faiblit à aucun moment tout le long du livre ! Et qui a le goût des mots n'aura de cesse de souligner , voire de procéder à quelques lectures à voix haute pour en tirer toute la saveur littéraire ! Malicroix ? Bosco y aborde tous les thèmes récurrents dans l'ensemble de ses écrits mais cette fois ci , il semble au plus près de lui-même et à travers Martial , personnage principal , il emportera son lecteur dans les mouvances intérieures d'un homme à la recherche de lui-même s'appuyant sur ces racines terriennes et claniques pour trouver l'harmonie . Dans une dualité omniprésente entre deux liens de sang puissants ,entre une envie de prendre racine et une soif d'élévation spirituelle , entre un caractère puissamment doux et enclin à la joie de vivre et une force ténébreuse violente s'opposant avec vigueur et danger , Martial traversera une incontournable période probatoire tourmentée , en proie aux forces occultes les plus redoutables incarnés par quelques personnages clés , pour enfin ressurgir des entrailles de la terre et se relier au ciel et aux hommes ! Bosco nous livre ici un récit introspectif qui rejoindrait presque les les grands écrits spirituels des plus grands mystiques : la dimension la plus profonde de cette oeuvre .... Mais en deçà , c'est aussi une analyse psychologique d'une subitilité sans contexte , c'est aussi un regard sociologique sur les grandes lignées de terroirs , c'est une réflexion sur l'héritage culturel et la transmission génétique , c'est la description saisissante d'un chemin initiatique , et plus légèrement c'est un hymne à la nature d'un lyrisme envoûtant .... Mais Une lecture qui pourrait être vécue comme oppressante , sous tension , destabilisante pour qui refuse de se laisser guider vers l'inconnu , l'insaisissable , le magique ; une lecture agaçante pour ceux à qui insupportent les ruminations introspectives et l'absence d'action ....Mais accepter de se laisser porter dans l'univers unique de ce magicien des mots , c'est partir pour un voyage intérieur d'une rare intensité ! Quel écrivain : porté par une flamme incandescente ( d'ailleurs on retrouve ici encore cette lampe , objet symbolique déjà présent et rythmant le roman Hyacinthe ) qui semble orienter l'ensemble de son oeuvre vers des profondeurs rarement atteintes dans l'histoire littéraire .... Je suis subjuguée ! | |
| | | Bédoulène Abeille bibliophile
Messages : 17270 Inscription le : 06/07/2007 Age : 79 Localisation : Provence
| Sujet: Re: Henri Bosco Dim 31 Aoû 2014 - 10:15 | |
| Bosco va faire partie de tes préférés, il me semble ! merci pour ton commentaire enflammé ! | |
| | | églantine Zen littéraire
Messages : 6498 Inscription le : 15/01/2013 Age : 59 Localisation : Peu importe
| Sujet: Re: Henri Bosco Dim 31 Aoû 2014 - 13:45 | |
| - Bédoulène a écrit:
- Bosco va faire partie de tes préférés, il me semble !
Aujourd'hui OUI : sans nul doute il est mon écrivain préféré , je me sens en totale harmonie avec ses écrits, je me glisse voluptueusement dans sa prose , son monde toujours oscillant entre le rêve et la réalité avec une souplesse dansante , j'admire ses descriptions de nature d'un lyrisme sans retenue , je souris souvent lorsqu'il dépeint la société rurale pour laquelle il exprime un profond attachement tout en soulignant avec quelques subtils traits d'ironies ses failles et faiblesses et le rejoins sur l'insistance qu'il accorde au patrimoine génétique auquel il est difficile d'échapper , je m'identifie souvent à ses personnages solitaires mais paradoxalement fortement reliés à toutes les formes de vie , et je le suis sans réserve dans tous ses délires hallucinatoires dans lequel il aime se perdre pour mieux se retrouver avec un plaisir presque sensuel .... Mais aussi , Bosco écrit pour aller au delà des mots et c'est cette dimension mystique mais sans caractère ascétique et rigide qui me séduit !
Dernière édition par églantine le Dim 31 Aoû 2014 - 16:07, édité 1 fois | |
| | | Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
| Sujet: Re: Henri Bosco Dim 31 Aoû 2014 - 14:31 | |
| Ça résume bien le bonhomme | |
| | | Sigismond Agilité postale
Messages : 875 Inscription le : 25/03/2013
| Sujet: Re: Henri Bosco Mar 9 Sep 2014 - 0:46 | |
| Un rameau de la nuit (1950), 500 pages environ, 7 chapitres (ou parties) Deux commentaires très enthousiastes, disons-le tout de suite, je ne suis pas en reste de louanges: - Flibustière a écrit:
- Un rameau de la nuit
- Spoiler:
Je suis très contente d'avoir, grâce à Marco, découvert Bosco ! Quel beau livre que ce Rameau de la nuit, indescriptible. Je ne vais donc pas décrire le livre ni le résumer, mais donner mes impressions. L'écriture est magnifique, poétique, la nature est sublimée. Sensation de sérénité, de paix sous les forces naturelles et surnaturelles de la terre ; impression seulement ! sous la plume de Bosco, car y règne une épouvantable angoisse qui monte paisiblement, la crainte de voir à chaque instant surgir de nulle part quelque chose ou quelqu'un, une âme ou une Ombre, un double... La mort rode aussi, un enfant est malade, un homme est souffrant... La nuit est magnifiée, effrayante aussi, palpable car opaque et dense. S'y aventurer c'est risquer de se confondre et de se fondre en elle. Le jour, c'est la Haute-Provence, Gèneval, petit village perdu, silencieux avec ses rares habitants. C'est la maison de Loselée, emplie de mystère, avec son jardin et au-delà, son parc, où Meyral demeure dans une chambre qui recèle des secrets. Secrets des morts, secrets des amours prêts à surgir eux aussi de la nuit.- Spoiler:
J'ai été plus particulièrement sensible à cette époque où Meyral s'installe et va vivre à Loselée, plutôt qu'à l'époque antérieure où il erre sur les quais pour rejoindre l'Altaïr, l'épave au large de Marseille, lieu confiné où les expériences oniriques se confondent avec la vie même. Ce livre est tellement riche que le résumer ou donner ses modestes impressions c'est lui enlever sa part de mystère car les mots pour le décrire seront toujours trop terre à terre. Je prévois une autre lecture de cet auteur,
je suis conquise ! - coline a écrit:
- UN RAMEAU DE LA NUIT
- Spoiler:
Je suis sans doute passée à côté de beaucoup d’éléments liés aux symboles que je ne connais pas dans ce récit. Il n’empêche que ma lecture au premier degré (jusqu’au second peut-être) m’a tout de même comblée. Séduite par la poésie et la sensualité du texte, je n’ai pas été gênée par ses mystères et ses énigmes, et je me suis abandonnée avec délices au rêve où ce roman envoûtant m’a entraînée. Bien ancré dans la terre, tout près des fontaines, sous des ciels écrasants de soleil ou merveilleusement étoilés, l’histoire qui est racontée ici fait vivre au héros, Meyrel ( un homme qui traduit des textes grecs ) une étrange expérience, extraordinaire, une passion violente, dans une maison solitaire du sud que les oiseaux et les anciens habitants avaient abandonnée et qu’ils reviennent fréquenter en sa présence… Est-ce la vie ? Est-ce la mort ?...Est-ce la réalité ? Est-ce un rêve ? Un conte fantastique ? Les personnages autour de lui se comportent comme des fantômes. Tout devient magique, secret, inquiétant, palpitant et pourtant lent, effrayant ou magnifique… C’est fort en émotions de tous ordres…L’imaginaire de Bosco ne connaît pas de limites et son œuvre ne peut être comparée à aucune autre. Est-ce que je vous ai déjà dit que vous devriez absolument lire Henri Bosco et que c’est une injustice qu’il soit aussi méconnu ?…(surtout des Parfumés). Tout dans la nature est pour lui présence, il perçoit l’intangible et nous donne accès à la vie secrète des éléments. A force de silence et d’attention il nous met en relation avec le cosmos, nous fait pénétrer dans l’esprit de la terre, mais aussi en nous-même…Et ça ne rend pas fou !... J’aime infiniment la nuit et la lumière chez Bosco, les arbres et les sources…
« La nuit me prit. Elle était là vraiment chez elle ; une nuit étouffante, qui s’était élevée du sein des arbres et que les murs de Loselée contenaient avec une extraordinaire puissance. Car c’était leur nuit, la nuit su sol qu’ils entouraient, la nuit particulière aux créatures de ce lieu étrange qui créait lui-même ses ombres. Ailleurs, il semblait que la terre n’eût en partage que l’obscurité. Là elle avait la nuit ; elle possédait la nuit même, ce qu’on nomme la nuit, ce qui l’est : un être. »
Henri Bosco( Un rameau de la nuit) En effet on retrouve pas mal d'éléments, récurrents ou obsessionnels, chez Bosco: le trouble-dédoublement de la personnalité, aucun des ouvrages précédents de Bosco qu'il m'a été donné de lire (mais il en reste pas mal !) ne va aussi loin dans ce domaine. Dans ce "Rameau de la nuit" nous assistons à un véritable combat spirituel (je ne pense pas que le terme soit trop fort). Pour schématiser, l'on part de la séparation du corps et de l'âme. Le postulat est qu'une âme, sous circonstances favorables, pourrait échoir -donc continuer sa vie terrestre, en somme - dans un corps propice. On retrouve l'eau, lourde et grasse, morbide, dans le bassin à flot de l'Altaïr et dans les gouffres sans fonds qui engloutissent Marie-Josépha; mais l'eau-vie aussi, à travers les sources qui abondent, vraiment sans cesse, dans cette histoire, plus qu'un gros élément de décor. Et l'eau canalisée (miroir humain ?) du bassin de la terrasse de Loselée. On retrouve la maladie, je n'ai pas souvenir d'un livre de Bosco, parmi ceux que j'ai lu (mais il m'en reste beaucoup à lire !) où la maladie ne s'invite pas; et elle n'est jamais nommée. Il s'agit, en général, de fièvres accompagnées de délire et de déprise avec le réel, l'entourage. La maladie, chez Bosco, a un rôle chamanique, de passage, de communication avec ce qui est caché, éventuellement presque spirite, avec l'au-delà révolu, trépassé. Ici, au final, elle est particulièrement présente, entre celle (juste suggérée, mais on la remet en perspective une fois le livre entièrement lu) de Marie-Josépha, celle de Frédéric Meyrel (le narrateur) après l'incident de l'Altaïr, l'agonie de l'abbé Burguel et surtout la maladie de Marcellin, l'enfant; lui est véritablement chamane lors de ses fièvres. Un mot sur celui-ci: encore un enfant malade et "voyant", ça ne vous rappelle rien, parmi les personnages de Bosco les plus connus ? On retrouve le mélange savamment dosé du songe, voire du rêve, et du réel, le tout parfois imbriqué si fermement dans le même passage que l'on ne les distingue qu'à grand peine. On retrouve une (très brève, cette fois-ci) évocation de jardin édénique, inconnu ou oublié des êtres humains d'alors. On retrouve les maisons, les demeures plutôt anciennes et "chargées", qui influent véritablement sur leurs hôtes ou leurs habitants permanents, jusqu'à les dominer parfois - non seulement Loselée et Fontanelle, mais je crois bien qu'il faut inclure l'église et le café du Souvenir. On retrouve la campagne provençale, et ces superbes et souvent brefs traits descriptivo-narratifs très caractéristiques du style de Bosco, je ronronne à chaque fois... En sus, on a les oiseaux, les arbres, et surtout la nuit: voir le titre ! Au jugé, j'affirme que plus de la moitié, tendant sur les trois-quarts du roman se déroule de nuit. Pas une nuit éclairée à la Broadway ou à la Las Vegas, non, une nuit dans laquelle on distingue entre peu et rien. Voir par exemple la scène précédant celle de l'Altaïr, ainsi que la scène de l'Altaïr proprement dite bien sûr, et surtout les nuits de Loselée, la pénombre à ce point soulignée qu'elle devient invraisemblable (ceux qui ont erré longuement de nuit hors sentiers dans un sous-bois peu connu sans aucune lumière me comprennent, le halo de lune cher à Bosco n'y pénètre guère plus loin que la cime des arbres !). La nuit, c'est le royaume des ombres, le domaine des âmes. Le terrain propice au déroulé de toute cette histoire. Alors je ne défendrais pas trop vivement Bosco, si quelque lecteur estime qu'il en fait peut-être des tonnes parfois sur la nuit, même si c'est extrêmement brillant sous sa plume, car je pense que la répétition, un procédé littéraire connu et efficace, a pour défaut principal qu'elle peut conduire un peu trop l'attention du lecteur et le détourner des autres éléments primordiaux, nombreux pourtant. Le roman démarre par une plutôt joyeuse randonnée pédestre dans l'arrière-pays provençal. Un village, perdu, oublié, pas vraiment riant toutefois, mourant d'exode rural (déjà presque passé de communauté vivante à communauté morte, c'est important), Géneval. Une halte prolongée, de plusieurs jours, dans le Café du Souvenir, tenu par Rose Manet, qui élève son neveu, Marcellin. Puis on passe à Marseille, le quartier du Vieux-Port, dans l'appartement du narrateur, un érudit ès-langues anciennes. Après que nous soit décrit son cercle d'amis, on arrive à la scène incroyable, sans nul doute une des plus prodigieuses de Bosco dans ce que j'ai lu (apparemment elle a fait le même effet à Flibustière et à Coline), de l'Altaïr, trois-mâts barque remisé dans un bassin à flot et se couchant un peu sur le flanc, en attendant une future mise en cale-sèche. Le narrateur y frôle la mort, a une longue convalescence, aspire à se retirer à la campagne, fait la connaissance de Drot, qui tire quelques grosses ficelles pour le décider d'opter pour Loselée, qui s'avère être sur la commune de...Géneval ! Petit à petit, Frédéric Meyrel est conduit à prendre possession de l'âme de Bernard, homme qui apparaît plutôt pur et droit, oiseleur et même un peu plus: charmeur d'oiseaux sauvages. Bernard est défunt et demi-frère de Drot, il a perdu sa fiancée Marie-Josépha en mer au large des Maldives, voguant sur l'Altaïr. Outre Drot, la nièce Clotilde de Queyrandes, propriétaire de Loselée, entend vérifier via Meyrel si Bernard en était amoureux... - ne pas ouvrir si vous comptez lire ce livre:
Drot et Clotilde composent, désolé pour la reductio, le clan du "mal", mais aussi des forts, des dominants, je garde les guillemets, c'est en fait bien plus sophistiqué. Le personnel de Loselée (Valérie, l'impeccable servante sourde) et Mus (le jardinier regardé comme fou), Rose, Marcellin, l'abbé Burguel et l'un des derniers entrants, un saint homme du nom d'Elzéar, compose(raie)nt le clan du "bien". Les vielles dames de Grangeon (Madame Millichel & consorts) sont à peu près insituables, et leur présence dans le roman, si elle sert une scène presque délectable, s'arrête un peu là.
Ah, aussi: il faudrait parler de l'église désertée, qu'on peut voir comme une perte du centre du camp des anges "bons", si vous me permettez cette image, et toujours si celle du combat spirituel n'est ni trop forte, ni erronée: Quelques pages de haute volée à propos de cette église, de son occupant central et de ses rarissimes ouailles sont à découvrir, ainsi que l'appréciation détonante qu'en fait Elzéar. A propos d'Elzéar: Son prénom, comme le fait qu'il fasse le bien tel un saint homme, qu'il soit infatigable et poursuive obstinément son but désintéressé, qu'il vive en marge dans une ruine, dont il ne se soucie pas de connaître les éventuels propriétaires, retapée par ses soins, qu'il vive en solitaire et de peu -presque de rien - me fait penser que Giono a pu s'en inspirer, et même pas qu'un peu, pour le personnage d'Elzéar Bouffier dans " L'homme qui plantait des arbres": je me demande si quelque "expert" (critique, commentateur, universitaire etc...) l'a relevé, quelques Parfumés érudits sauraient-ils me renseigner ? Sans oublier le mix paganiste habituel à Bosco, cette fois-ci sur les antiques sources consacrées de l'antiquité méditerranéenne... Allons-y pour le tout petit bémol, promis il reste mineur à l'aune du roman entier: La chute, le final, j'ai peu apprécié, comme si Bosco, à l'issue d'une telle construction, débarrassait aisément la table, éradiquait commodément ce curieux, patient et pesant échafaudage, peut-être l'a-t'il considéré comme étant trop pondéreux (?) justement. On est loin, très loin de l'élégance des fins de Hyacinthe, de L'âne-Culotte, de L'enfant et la rivière, lesquelles, toutes portes ouvertes laissées, permettaient une continuation, des hypothèses, et laissaient espérer une suite. On est loin du brio terminal de Malicroix. On est loin de l'achèvement constructif du Mas Théotime, etc... | |
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