Jean-Baptiste Del Amo

Histoire de remonter le fil :

Steven a écrit:

Citation :

Le Goncourt 2009 du premier roman salue Jean-Baptiste Del Amo
Paris
- Le prix Goncourt du premier roman 2009 a été attribué à Jean-Baptiste
Del Amo pour son roman "Une éducation libertine" (Gallimard). Le
lauréat, né en 1981 à Toulouse, a déjà reçu en 2006 le Prix du jeune
écrivain.

Très bien accueilli par la critique, l'ouvrage
figurait déjà dans la dernière sélection du Goncourt 2008. Il s'agit du
récit impudique des aventures amoureuses et sociales d'un jeune
provincial sans scrupules fraîchement débarqué à Paris. L'action débute
en 1760.

En 2008, le Goncourt du premier roman avait été décerné à Jakuta Alikavazovic pour "Corps volatils".

Une éducation libertine

Dans ce roman, dont le thème - un provincial, Gaspard, d'origine sociale modeste, monte à Paris pour réussir, quel qu'en soit le prix ! - est somme toute classique, je trouve une présence permanente : la mort.
La mort comme acte fondateur d'une émancipation familiale et géographique, mort parfois symbolique, mais pas ici ; la mort omniprésente dans le Paris du dix-huitième siècle, tour à tour incarnée par le fleuve ou par le grand froid ; la mort redoutée, mais aussi bienvenue lorsqu'arrivant à point nommé, elle sert les intérêts de Gaspard ; la mort finalement espérée lorsque la faute initiale se révèlera être un trop lourd fardeau.

Un homme sans vertu, sans conscience, tel sera l'homme qui "éduquera" Gaspard, le mettra sur le chemin de la "réussite".

Je trouve également, quel que soit le milieu où évolue Gaspard, une prégnance des odeurs. Ces effluves le bercent d'illusions mais finissent toujours par le ramener à sa condition de mortel parmi les mortels. Le fleuve présent du début à la fin charrie son lot d'odeurs... et de "fantasmes".

Il y a dans ce livre une série de scènes incroyablement bien décrites, avec talent, virtuosité presque, provoquant les émotions visées sans faillir ; telle la fin d'Emma, dans sa misérable chambre ; telles les descriptions du fleuves, des bois et des vies qu'il charrie ; telles les scènes de désespoir de Gaspard au fond de sa cave ; telles les scènes de mutilation.

J'ai trouvé ce roman très abouti, l'auteur manie très bien les temps faibles et les temps forts du récit pour au final nous livrer son "éducation libertine".
Une éducation qui ne résulte que d'un seul acte du Comte de V.

Tu sais désormais ce en quoi tu excelles.

Gaspard le sait, il persévèrera et réussira... pour un temps.

Une éducation libertine de Jean-Baptiste del Amo.

Quel talent ! Un style extraordinaire, plein de rythmes, de beauté et de poigne, le lecteur est précipité dans le Paris du XVIIIème siècle avec sa misère, ses odeurs, son Fleuve (omniprésent dans le roman, il est avec Gaspard le personnage principal).
Cette éducation libertine est donc l'ascension (puis la chute) d'un jeune homme de province qui arrive dans la capitale avec la seule richesse de son coeur et de son ambition.
L'écriture saisissante oscille entre celle du Sébastien Mercier des Tableaux Parisiens et la puissance évocatrice d'un Zola...
mais...
car hélas il y a un mais... la forme magnifique ne parvient pas à masquer la vacuité du fond. L'histoire tient à un fil et ne rend pas vraiment passionnant ce roman si bien écrit. Quel dommage ! Tant d'art pour si peu d'intérêt. Chaque scène est superbement écrite mais elle n'ouvre sur aucune originalité et les romans d'apprentissage sont si nombreux que finalement le propos se perd dans le néant.
Pourtant certaines pages étourdissantes me resteront sans doute... pour leur rythme et leur envergure et j'avoue être curieuse de savoir ce qu'offrira del Amo en pâture dans son prochain ouvrage.

Il me reste que des bribes de ce livre. Je me demande si ce n'était pas un coup d'esbrouffe.
Et comme tu le dis Shanidar :

Citation :

Chaque scène est superbement écrite mais elle n'ouvre sur aucune originalité et les romans d'apprentissage sont si nombreux que finalement le propos se perd dans le néant.

Et oui, attendons le prochain.

Queenie a écrit:

Il me reste que des bribes de ce livre. Je me demande si ce n'était pas un coup d'esbrouffe.
Et comme tu le dis Shanidar :

Citation :

Chaque scène est superbement écrite mais elle n'ouvre sur aucune originalité et les romans d'apprentissage sont si nombreux que finalement le propos se perd dans le néant.

Ce qui me gêne avec ce genre de "jugement" un peu définitif c'est qu'il se contente de s'énoncer de lui-même sans proposer de développement pour dire en quoi il est justifié. Je trouve au contraire que ce roman montre beaucoup de choses (j'en ai dit quelques unes en début de fil) au-delà de son style brillant. Del Amo le résume un peu en disant qu'il parle d' "un homme sans vertu, sans conscience, sans morale, un pur prédateur pour qui les corps ne sont jamais un chemin vers l’âme, mais la voie de l’or et de l’ordure, une ascension d’autant plus vertigineuse qu’elle se fait en s’enfonçant en soi toujours plus bas "

C'est le début d'un parcours d'autodestruction d'un jeune homme qui fuit une histoire familiale traumatique pour chercher un sens à sa vie. Parcours initiatique donc mais très tortueux. Il croit trouver l'amour mais n'est qu'un objet de désir assujéti à une âme damnée qui le pervertit. Tout ce qui se passe vers la fin pose de véritables questions métaphysiques dans son rapport au corps justement. On en a évoqué certains prolongement sur ce fil. Je ne pense pas que ce soit un livre révolutionnaire mais passionnant et formidablement écrit jsuqu'à l'asphyxie (recherchée). Dire que c'est vide me parait très injuste.

En même temps, c'est difficile d'expliquer avec de chouettes phrases et les bons concepts pourquoi on a tel ou tel ressenti par rapport à une histoire.

Les trucs initiatiques des fois ça passe des fois ça passe pas. Je ne pense pas que ce soit dû au fond finalement... peut-être que la forme est trop systématique, redondante... Je ne sais pas... Du coup, ça fait creux, et répétitif par rapport à tout ce qu'on a pu lire avant.

Queenie a écrit:

Les trucs initiatiques des fois ça passe des fois ça passe pas. Je ne pense pas que ce soit dû au fond finalement... peut-être que la forme est trop systématique, redondante... Je ne sais pas... Du coup, ça fait creux, et répétitif par rapport à tout ce qu'on a pu lire avant.

ça je le comprends mieux. Il se régale et se complait peut-être un peu trop dans ce cloaque même s'il y a une évolution, un "projet". Pour ce qui est de la subjectivité du ressenti je la respecte. C'est juste que c'est quand même intéressant de pouvoir débattre et d'approfondir un peu. Et puis parfois on s'enthousiasme excessivement ou au contraire on dénigre parce qu'on n'a pas vu ou su voir ce qu'il y avait à trouver. Pour ce qui est de ce roman j'ai l'impression qu'il apporte quelque chose de neuf tout en étant très référencé.

Tu as raison Marko, dans la mesure où j'ai été très déçue. Je m'attendais à un livre aussi poignant, étouffant que le Parfum de Süskind, auquel il est fait souvent référence et je n'ai pas retrouvé la force du propos dans le roman de Del Amo. Sans doute mes mots ont été un peu rudes pour définir ce livre, qui est indéniablement très bien écrit.
Le rapport au corps, le questionnement sur la chair, la violence du contact à l'autre qui pousse à se venger sur soi-même sont en effet très bien décrits dans ce roman, mais il ne m'a pas ému, il ne m'a pas envouté, il ne m'a pas forcé à regarder ma peau et à y voir un instrument (chose que le Parfum avait éveillé en moi).
Oui, Del Amo a énormément de talent, il sait le rythme de la phrase, le mot juste, mais pour moi la narration s'est perdue dans le plaisir du son et je n'y ait pas trouvé la transcendance que j'espérais. Je m'y suis même un peu ennuyée... j'aurais sans doute voulu qu'il soit révolutionnaire, qu'il ouvre sur les décapitations à venir, sur les marées de revendications que le peuple de Paris régurgitera avec tant de violence et je suis restée sur ma faim.
Mon jugement n'a rien non plus de définitif, il est même empreint de beaucoup de respect pour le talent stylistique de Del Amo et je le répète j'attends avec impatience son prochain livre. J'espère seulement qu'il saura nous surprendre... encore...

shanidar a écrit:

j'aurais sans doute voulu qu'il soit révolutionnaire, qu'il ouvre sur les décapitations à venir, sur les marées de revendications que le peuple de Paris régurgitera avec tant de violence et je suis restée sur ma faim.
Mon jugement n'a rien non plus de définitif, il est même empreint de beaucoup de respect pour le talent stylistique de Del Amo et je le répète j'attends avec impatience son prochain livre. J'espère seulement qu'il saura nous surprendre... encore...

Ce qui t'a manqué finalement c'est un prolongement historique, social, un déplacement de l'intime vers le collectif? Tu as sans doute raison et c'est probablement que je suis plus sensible à l'épure abstraite, détachée du réel. Il est resté au niveau de l'intime c'est vrai.

Attendons le prochain!

oui, un prolongement historique ou un peu plus de mystère. La dissection de l'intime est si pointue, si palpable, si organique dans ce roman qu'il m'a sans doute manqué un peu de l'énigme du monde (je pense à Bataille et à son non-savoir), ici la narration est si 'dévoilée' que je n'arrive pas à y mettre la part de mystère dont j'aime à recouvrir le monde...

shanidar a écrit:

oui, un prolongement historique ou un peu plus de mystère. La dissection de l'intime est si pointue, si palpable, si organique dans ce roman qu'il m'a sans doute manqué un peu de l'énigme du monde (je pense à Bataille et à son non-savoir), ici la narration est si 'dévoilée' que je n'arrive pas à y mettre la part de mystère dont j'aime à recouvrir le monde...

C'est sûr que si tu le compares à Bataille il lui manque encore un peu de bouteille! En tout cas rien que pour l'expérience "sensorielle" qu'il nous propose ce livre est un vrai tour de force.

Son nouveau roman "Le sel" sort le 19 Août...

Marko a écrit:

Son nouveau roman "Le sel" sort le 19 Août...

cool...
un autre livre qui vient s'ajouter à ma -déjà- longue liste... ici