Un bon début, ça aide...

J'ai remarqué en parcourant le forum que les lecteurs affirmaient
que la première phrase d'un roman leur donnait souvent l'envie de connaitre la suite. La première ou les premières...
Une phrase au début, ce n'est pas forcément déterminant, mais ça aide...

J'imagine que Marcel Proust y avait pensé en écrivant la sienne, fameuse phrase :
"Longtemps, je me suis couché de bonne heure".
...Et de les embarquer dans les milliers de pages de La recherche du temps perdu...

Pourquoi ne pas en noter quelques unes de temps en temps... Si le coeur
vous en dit.
Les premières phrases des derniers romans de Powers sont alléchantes en effet...
En voici une ou deux de romans qui se me tombées sous les yeux en cherchant un peu au hasard :

A cette époque-là, c'était toujours fete. Il suffisait de sortir et de traverser la rue pour devenir comme folles, et tout était si beau, spécialement la nuit, que, lorsqu'on rentrait mortes de fatigue, on espérait
encore que quelque chose allait se passer, qu'un incendie allait éclater,
qu'un enfant allait naitre dans la maison ou meme, que le jour allait venir
soudain et que tout le monde sortirait dans la rue et que l'on pourrait marcher, marcher jusqu'aux champs et jusque de l'autre coté des collines.

Cesare PAVESE - Le Bel été.

Ou encore :

Ceci se passa pendant un été torride et hallucinant, alors que Frankie avait douze ans.
Cet été pendant lequel elle n'était membre d'aucun club, ni de rien,
Frankie était devenue une isolée qui flanait devant les portes et elle avait
peur.

Carson McCULLERS - Frankie Addams.

Ah oui, Bix, je trouve que les phrases du début sont primordiales. D'ailleurs, le " Longtemps je me suis couché de bonne heure", j'ai du le lire au moins 10 fois..le problème c'est que je m'endormais très vite, mais bon..
J'aime aussi beaucoup lire les phrases mises en exergue, tiens je ferai un autre fil!

Citation :

"Au commencement était le Sexe. Sauveur. Chargé d'immortalité. Il y a la bête. Héroïque. Puissante. Et au-deà de la bête il n'y a rien. Rien sinon Dieu lui-même. Magnifique et pesant. Avec on oeil de glace. Rond. Statique. Démesurément profond. Fixe jusqu'à l'hypnose. Tragique regard d'oiseau. Allumé et cruel. Impénétrable de détachement. Rivé sur l'infini d'où tout arrive."

Septentrion. Louis Calaferte.

Mais bizarrement je n'ai pas commencé par le début. J'ai ouvert le livre vers la page 150 et après avoir lu la suite et la fin, j'ai pu lire le début.

En effet Bix, tu as bien fait d'ouvrir un tel fil - les premières phrases sont pour moi aussi souvent 'décisives'.. je vais revenir sur ce fil - puisque mes livres ne sont pas près de moi pour en citer tout de suite

chrisdusud a écrit:

Mais bizarrement je n'ai pas commencé par le début. J'ai ouvert le livre vers la page 150 et après avoir lu la suite et la fin, j'ai pu lire le début.

je connaissais cette manière de lecture chez ma mère en ce qui concerne journaux.. mais livres????

Chouette idée ce fil

Le début du roman Les intermittences de la mort de José Saramago

Citation :

Le lendemain, personne ne mourut. Ce fait, totalement contraire aux règles de la vie, causa dans les esprits un trouble considérable, à tous égards justifié, il suffira de rappeler que dans les quarante volumes de l'histoire universelle il n'est fait mention nulle part d'un pareil phénomène, pas même d'un cas unique à titre d'échantillon, qu'un jour entier se passe, avec chacune de ses généreuses vingt-quatre heures, diurnes et nocturnes, matutinales et vespérales, sans que ne se produise un décès dû à une maladie, à une chute mortelle, à un suicide mené à bonne fin, rien de rien, ce qui s'appelle rien. Pas même un de ces accidents d'automobile si fréquents les jours de fête, lorsqu'une irresponsabilité joyeuse et un excès d'alcool se défient mutuellement sur les routes pour décider qui réussira à arriver à la mort le premier.

kenavo a écrit:

En effet Bix, tu as bien fait d'ouvrir un tel fil - les premières phrases sont pour moi aussi souvent 'décisives'.. je vais revenir sur ce fil - puisque mes livres ne sont pas près de moi pour en citer tout de suite

chrisdusud a écrit:

Mais bizarrement je n'ai pas commencé par le début. J'ai ouvert le livre vers la page 150 et après avoir lu la suite et la fin, j'ai pu lire le début.

je connaissais cette manière de lecture chez ma mère en ce qui concerne journaux.. mais livres????

Je m'ennuyais à mourir (quelle chance j'avais !) et je n'avais rien à lire. Je n'avais pas du tout accroché avec Septentrion mais je savais que c'était un bon lire alors par hasard je l'ai ouvert au milieu et j'ai commencé...
Voilà !


J'ai hate de lire "tes débuts" et j'ai bien aimé celui de Sentinelle...

Merci chrisdusud

J'aime beaucoup le début du roman Le rapport de Brodeck de Philippe Claudel :

Citation :

Je m’appelle Brodeck et je n’y suis pour rien.
Je tiens à le dire. Il faut que tout le monde le sache.
Moi je n’ai rien fait, et lorsque j’ai su ce qui venait de se passer, j’aurais aimé ne jamais en parler, ligoter ma mémoire, la tenir bien serrée dans ses liens de façon à ce qu’elle demeure tranquille comme une fouine dans une nasse de fer.

On est tout de suite plongés dans l'ambiance...

chrisdusud a écrit:

Je m'ennuyais à mourir (quelle chance j'avais !) et je n'avais rien à lire. Je n'avais pas du tout accroché avec Septentrion mais je savais que c'était un bon lire alors par hasard je l'ai ouvert au milieu et j'ai commencé...
Voilà !

merci.. je comprends mieux Parfois je me retrouve en librairie pour choisir un livre - et à ce moment il m'arrive aussi de choisir une page au hasard et lit quelques lignes.. mais lire le livre par après sans passer par le début.. jamais fait.. ce serait marrant de l'essayer un jour

chrisdusud a écrit:

J'ai hate de lire "tes débuts"

je vais en chercher dans mes livres préférés...

en ouvrant le fil de Carlos Maria Dominguez (ici)
j'en ai cité la première phrase de son roman La Maison en Papier

« Au printemps de l'année 1998, Bluma Lennon venait d'acheter dans une librairie de Soho un exemplaire ancien des Poèmes d'Emily Dickinson quand, arrivée au deuxième sonnet, au premier coin de rue, elle a été renversée par une voiture. »

Mais il y en a d'autres.. je vais amener les livres avec moi au bureau... au plus tard le week-end

J'ai beaucoup aimé le début de Arlington Park de Rachel Cusk, en fait c'est tout le premier chapitre qui est superbe, un chapitre pour décrire la ville sous l'orage, j'adore !

Citation :

Toute la nuit la pluie tomba sur Arlington Park.
Les nuages arrivèrent de l'ouest : des nuages pareils à de sombres cathédrales, des nuages pareils à des machines, des nuages pareils à des bourgeons noirs fleurissant dans le ciel aride illuminé d'étoiles. Ils arrivèrent sur la campagne anglaise, plongée dans son sommeil agité. Ils arrivèrent sur les collines basses et populeuses où des éparpillements de lumières palpitaient dans l'obscurité. A minuit, ils atteignirent la ville qui scintillait vaillamment dans son bassin provincial. Discrètement, ils s'épanouirent telle une seconde ville aérienne, s'épaississant, s'étendant, dressant leurs monuments sauvages, leurs tours, leurs monstrueux palais de nuages inhabités.

"C'était à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d'Hamilcar".
Salambô, Gustave Flaubert.

Un des plus célèbres débuts de roman...Le mieux tourné que j'aie jamais rencontré.

bix229 a écrit:

Journal d'Izumi Shikibou. Dans Journaux des dames de cour du Japon ancien. P. 161

Je dédie ce début à Nezumi et Expie qui aiment le Japon et sa culture.

Merci Bix, c'est une belle incitation à découvrir cette oeuvre!

Dans un champ de blé, près de la ville japonaise de Nima, s'élève une pyramide en verre. Elle abrite le plus grand sablier du monde.
Chaque premier jour de l'an, à minuit, les notables de la ville s'y rassemblent pour le retourner: il faut exactement une année pour que le vase supérieur se vide, l'inférieur se remplisse.

Le désert de Lop Nor Raoul Schrott

"Je ne me rappelle presque rien du jour où on m'a volé mon univers. Il faisait froid, ça oui, tellement froid que près de la maison une grsse pierre s'était fendue jusqu'au coeur. Mais c'est à peu près tout. Nous préférons oublier certaines choses, d'autres nous sont arrachées. Ca s'est passé il y a une éternité et j'étais quelqu'un d'autre ; je ne portais pas le même nom et je ne vivais pas sous les mêmes cieux.

Love Song de Nikki Gemmel


"Je mourus
à 6480 mètres au-dessus du niveau de la mer
le quatre mai de l'année du Cheval.

Le lieu de ma mort
se situait au pied d'une aiguille rocheruse carapaçonnée
de glace où j'avais survécu une nuit à couvert du vent.

La montagne volante de Christoph Ransmayr


merci à toi Bix de l'ouverture de ce fil