Un bon début, ça aide...

aériale a écrit:

Je fais partie de ceux qui ne connaissent pas Shepard écrivain et je note ce texte Bix. Je pense que cela devrait me plaire...Surtout si tu cites Carver!

faut surtout le découvrir avec ses nouvelles - ICI

C' étaient des journées de juin, chaudes et sans brise. Dans la foret aux
frondaisons épaisses, vertes et pleines de sève, seuls les bouleaux et les tilleuls, déjà jaunis, s' effeuillaient par places.
Sur les buissons d' églantiers croulaient des avalanches de fleurs odorantes.
Les clairières étaient couvertes de trèfles que pillaient les abeilles ; dans les avoines, dans les blés hauts et lourds ondulant au soleil, on entendait
le cri des cailles.
Dans les fourrés, les rales des genets se répondaient ; le rossignol lançait par instants un trille et se taisait.
La chaleur, sèche, brulait les routes où la poussière, haute d' un doigt,
tantot dormait inerte, tantot s' élevait en nuages épais à travers lesquels les paysans, qui venaient de terminer la fenaison, voituraient lentement
du fumier.

Léon TOLSTOI - Les Fraises des bois dans le recueil Oeuvres posthumes, p. 225.

Les romanciers du 19e siècle aimaient bien planter le décor, faire des descriptions de paysages et Tolstoi était très bon dans le genre.

En plus la "civilisation de l'image" n' existant pas encore, les écrivains
faisaient appel à l' imagination du lecteur avec des mots.
Et moi j' aime bien imaginer...

Sauf quand Balzac parle du Cousin Pons... Il décrivait tellement Balzac,
qu'il ne laissait pas beaucoup de place à l' imagination...
Enfin, je trouve !

Il est tout à fait possible qu'Emily Bedlam ait été une femme d'une grande bonté, mais aux yeux de son fils Tom, elle était folle à lier.
Elle semblait la vertu chrétienne incarne. " Que Dieu vous bénisse!" lançait-elle avec un sourire béat au quidam le plus teigneux. Si d'aventure celui-ci rétorquait par une volée d'injures, Mrs Bedlam ne lui en tenait pas rigueur. Et, bien entendu, elle réitérait le lendemain. Et le surlendemain.

Les grandes espérances du jeune Bedlam
George Hagen

ABANDON – C’est le premier mot dans une langue perdue pour l’homme qui cherche un appui quelque part. Celui qui conserve une preuve quelconque de sa vie ne connaît pas la vraie désespérance. Des souvenirs, des photographies, quelques témoins et vous êtes riche – tout peut recommencer, serait-ce dans les rêves. Mais je n’ai rien ; on ne me conteste même la raison. Je suis dans l’abandon suprême de l’irréalité. La décision de réunir tout ce qui peut ressembler à une mémoire m’est venue en traçant quelques mots au hasard sur ce cahier : je n’en comprenais plus le sens. J’ai trouvé un livre heureusement, un vieux dictionnaire culinaire imprégné d’une odeur d’épices et de poisson. On y explique les recettes et l’usage des ingrédients et des ustensiles. Rien qu’à le lire, je me suis dit que les mots étaient gorgés de vie encore.

L’Univers
Hubert Haddad

j'en parle ici

Voix, barytonnante, de Porprenaz.

" Les Sages et les Fous marchent sur la Planète
Et Dieu reste immobile dans sa Barbe d'or.
N'éveillons pas le Dieu qui dort.
Ève fut au Ruisseau et trouva le Miroir
Adam fut à la Vigne et trouva la Berlue.
Il inventa la femme nue.
Vieux Paradis où donc te rencontrer,
N'es-tu pas dans la Barbe du Père?
Quelques hoquets.
N'éveillons pas la Fable qui dort. "

La Balade du Grand Macabre de Ghelderode

L'enfant méduse de Sylvie germain

Elle a voulu s'inspirer des "Vagues" de Virginia Woolf pour ce récit donc chaque chapitre est précédé d'une "enluminure" poétique.

L'éclipse qui ouvre le roman:

Citation :

Une nuit insolite, impromptue, vient de surgir au coeur du jour. La lune, qui un instant avant se tenait invisible, a jailli en plein ciel, toute de noir, de hâte et de puissance armée. La lune a rompu ses amarres nocturnes, elle s'est lancée à contre-courant des vastes remous de nuages pourpres et bleuté sombre qui frangent d'ordinaire le seuil de son apparition. Elle a brisé l'ordre du temps, renié toute mesure et toute loi. La lune est couleur d'encre, couleur de guerre et de folie, - elle monte à l'assaut du soleil.

La lune roule sur le soleil dont la couronne entre en fusion. Le soleil se hérisse de longues plumes incandescentes, il étire sur le pourtour du bouclier lunaire des bras sinueux de poulpe blanc. Une ombre immense s'abat et grandit sur la terre. Le sol, les murs, les toits, tout tremble, tout semble parcouru de frissons d'eau, d'ondoiements gris.

Un froid subit tombe et saisit les êtres, les arbres et les pierres. Les oiseaux se sont tus, ils se tiennent blottis, le cour battant, au ras des branches. Ils n'ont aucun vol qui puisse s'élancer dans un ciel aussi vide et ombreux, ils n'ont aucun chant qui puisse s'accorder avec un tel silence. Les chiens gémissent, étendus à plat ventre dans les maisons et dans les cours. Ils ont l'échine raide, les flancs tendus. Ils modulent des plaintes aiguës comme s'ils avaient senti dans l'air l'odeur du loup. L'odeur d'un très grand loup céleste au pelage de cendres. Et les petits enfants aussi prennent peur, certains même se mettent à pleurer. Le loup céleste dévore la lumière.

Pourtant le ciel est beau. La lune a englouti le corps du soleil. Un bref moment les deux astres s'épousent en une étreinte de ténèbres et de feu: Le corps inerte, cendreux de l'un, S'étend sur le corps vif ardent de l'autre. La lumière s'échevelle autour de la pénombre, elle auréole d'un nimbe rose et argenté le globe aux roches crevassées, troué de mers mortes et laqué de poussière. Et les étoiles s'allument partout alentour.
Les étoiles scintillent, myriades d'yeux immémoriaux qui posent sur le couple enlacé, sur le couple en lutte, en jouissance, en fusion, leur froid regard d'or.

Ce n'est pas le jour, ce n'est pas la nuit. C'est un temps tout autre, c'est un frêle point de tangence entre les minutes et l'éternité, entre l'émerveillement et l'effroi. C'est le coeur du monde qui se montre à nu - un coeur obscur ceint de gloire.

Arabella a raison - ce forum est diabolique.. encore un titre que je note

Citation :

ABANDON – C’est le premier mot dans une langue perdue pour l’homme qui cherche un appui quelque part.

Qu'est-ce que ça me parle ! C'est très beau.

(ça l'est encore plus depuis que je viens de lire un blog de "lecteurs" qui sont exaspérés de voir des mots simplistes sans les livres. Ils ne supportent pas un écrivain qui emploie des mots comme "petit" ou comme "quelque chose" qu'ils jugent trop vagues. Il disent que c'est de la "sous-littérature". J'ai essayé de dire dans un commentaire que, certaines fois, des mots simples tapent bien plus juste que des mots alambiqués. je ne sais pas s'ils m'entendront... suspense... )

pagesapages a écrit:

Citation :

ABANDON – C’est le premier mot dans une langue perdue pour l’homme qui cherche un appui quelque part.

Qu'est-ce que ça me parle ! C'est très beau.

c'est vraiment un livre extra.. je vais en revenir au plus vite possible.. mais c'est tellement bon que je ne veux pas le lire trop vite..

pagesapages a écrit:

(ça l'est encore plus depuis que je viens de lire un blog de "lecteurs" qui sont exaspérés de voir des mots simplistes sans les livres. Ils ne supportent pas un écrivain qui emploie des mots comme "petit" ou comme "quelque chose" qu'ils jugent trop vagues. Il disent que c'est de la "sous-littérature". J'ai essayé de dire dans un commentaire que, certaines fois, des mots simples tapent bien plus juste que des mots alambiqués. je ne sais pas s'ils m'entendront... suspense... )

Maintenant que je suis vieux, j' aimerais peindre avec une tranquille innocence le " monde des merveilles ".
Et entre autres, à Trieste, ma boutique obscure de la via S. Nicolo, au numéro 30, celle que mon ami Nello Stock, au temps où il y passait volontiers ses heures de loisir, appelait " la boutique aux vieux miracles "
non sans quelque bonne raison.

En 1919, passant un matin par la via S. Nicolo, je vis ou plutot je remarquai pour la première fois cet antre obscur.
Je pensai en moi-meme : "Quelle tristesse, si le sort m' obligeait à passer ma vie entre ses quatres murs."

A mon insu, c' était un avertissemnt ou un présage : quelques jours plus tard, je l' achetais à son vieux propriétaire.
Je l' achetai avec l' intention de jeter dans l' Adriatique tous les vieux livres qu' elle renfermait pour la revendre...
Mais après quelques jours, je n' eus pas le courage de passer à l' acte,
j' avais au succombé au charme de ces vieux livres...

C' est ainsi que j' ai passé dans cet antre obscur à peu près la moitié de ma vie.

Umberto SABA - Histoire d' une librairie. Dans le recueil Comme un vieillard qui reve. P. 41

Umberto Saba est un grand poète italien -comme Montale, Ungaretti et quelques autres.
Et il est de Trieste comme Svevo.
Il a écrit quelques textes en prose, des récits et un grand roman autobiograpique, Ernesto.
J' aime beaucoup ses récits, et j' aimerais vous en parler...Mais...

Bix 229 : j'adore !
Réjean DUCHARME - L' Océantume, je note.

pagesapages a écrit:

Bix 229 : j'adore !
Réjean DUCHARME - L' Océantume, je note.

et voilà les moments qu'on constate qu'il y a même un fil pour cet auteur chez les parfumés: ici

intéressant, je note aussi..