Un bon début, ça aide...

Sujet: Re: Un bon début, ça aide... Mar 13 Mar 2012 - 19:37

Ma vie s' écoulait comme une lente hémorragie. Elle se vidait de substance dans une espèce de fuite en avant. Chaque journée passée était pour moi comme un délabrement continu : une page envolée, une pièce perdue, un pétale fané, emporté au hasard des vents sans retour...

Soth Polin : L' anarchiste

Tel est le début d' un livre que je n' ai pas commencé. En partie "roman politique et historique, un roman de la folie, du sexe et de la mort de notre universelle condition", pour citer Deville auteur de la préface.

Soth Polin est l' un des rares écrivains cambodgiens ayant échappé au génocide organisé par les khmers rouges.

Sage de la littérature Messages : 1660 Inscription le : 09/04/2012

J'ai commencé par les dernières pages, c'est grave?
Wink

Esperluette a écrit:: J'ai commencé par les dernières pages, c'est grave?

... Mais les dernières sont en fait les premières pour toi, non ? Un bon début, ça aide... - Page 55 18687

Sage de la littérature Messages : 1660 Inscription le : 09/04/2012

bix229 a écrit:

Esperluette a écrit:: J'ai commencé par les dernières pages, c'est grave?

... Mais les dernières sont en fait les premières pour toi, non ? Un bon début, ça aide... - Page 55 18687

Oui, donc pas grave! Merci.
Je reviendrai faire un tour alors! dentsblanches

Depuis un peu après deux heures jusqu' au déclin de la longue après-midi de septembre, silencieuse, brulante, fastidieuse et morne, ils restèrent assis dans ce que Miss Coldfield continuait d' appeler le bureau parce que c' était ainsi que l' appelait son père -une pièce obscure, étouffante, sans air, dont les persiennes, depuis quarante trois été, de meuraient toutes hermétiquement closes, sous prétexte que, au temps où elle était jeune fille, quelqu' un s' était figuré que la lumière et l' agitation de l' atmosphère véhiculaient de la chaleur, et qu' ils faisient toujours plus frais dans l' obscurité, et, dans laquelle (à mesure que le soleil frappait plus directment ce coté de la maison) s' entrecroisaient des rayons dorés chargés de molécures de poussière, qui, dans l' esprit de Quentin, n' étaient autres que des parcelles de la vieille peinture ternie et désséchée, que le vent détachait sans doute des volets écaillés et projetaient à l' intérieur.

C' est une phrase, oui. La première phrase de ce livre fabuleux qu' est Absalon Absalon de Faulkner. Une foret ? Un fleuve ? Un voyage en tout cas, et qu' on n' oubliera pas si on se laisse entrainer au fil des pages. Un voyage nocturne et angoissant où l' auteur se projete avec encore plus d' intensité que dans ses autres livres... Un voyage sans fin et sans issue. Sauf peut etre, en vous.

Un ancien avait déjà dit qu' une belle femme est une hache qui tranche la vie. Les fleurs du coeur tombent et , au soir de la vie, l' arbre qui les portait, devenu sec, n' est plus que bois à bruler. C' est là l' inévitable. Mais la température matinale, survenue avant son temps, c' est le sort des jeunes gens qui se noient dans la volupté, et meurent prématurément. Qu' ils sont donc stupides ! Et cependant leur sorte est loin de s' épuiser !

Ihara Saikaku : Vie d' une amie de la volupté. - Gallimard/Connaissance de l' Orient

"Une belle femme est une hache qui tranche la vie." Voilà un début trash ! Enfin, c' est une métaphore...En tout cas, les critiques disent que c' est le plus beau roman japonais d' avant Meiji, avec Le Roman de Genji.

Geporge Washington Crosby se mit à avoir des hallucinations huit jours avant de mourir. Du lit médicalisé installé au centre de son salon, il vit les insectes entrer et sortir à toute vitesse par des fissures imaginaires dans le platre du plafond. Les carreaux des fenetres, jadis découpés et polis à la perfection, se décrochaient dans leur chasis. A la moindre bourrasque, ils basculeraient et iraient se fracasser sur la tete des membres de sa famille assis sur le canapé et les chaises de cuisine que sa femme avait apportées pour que tous puissent prendre place. Le déluge des vitres explosées les chasserait de la pièce, ses petits efants venus de Kansas, d' Atlanta, de Seattle et sa soeur venue de Floride et il se trouverait naufragé sur son propre lit, englouti dans une tranchée d' éclats de verre.

Paul Harding : Les Foudroyés

J' attends beaucoup de ce petit livre pour avoir lu un résumé. En plus, c' est un miraculé de l' édition. Publié à 3000 exemplaires, il a reçu le Prix Pullitzer 2 010...
Mais ce n' est pas ce qui a attiré mon attention. C' est souvent une intuition, une attente, uj préjugé favorable... ça marche, parfois !

Il continua à appuyer avec les deux pouces, en pensant qu' il allait finir par lui faire éclater le larynx, jusqu' au moment où elle cessa de respirer. Il s' en rendit compte à la façon dont les doigts qui lui tenaillaient les bras cédèrent tout à coup. Il rejeta la tete en arrière, en quete d' air, et ses mains se relachèrent... En laissant retomber ses mains, il heurta le corps immobile... Elle était morte...

- Mon Dieu, di-il à mi-voix - que vais-je devenir ?

José Maria Guelbenzu : Le Regard

Carabiné ce début, non ? On est dans le gore... Et ce n' est que le début !

Il est temps d' en venir à l' histoire de Sara, qui me rendit sa première visite après que j' eu vu la céleste Aglaé. Puissé-je persuader qu 'on peut etre trompé par les femmes, après quarante cinq ans, mais que jamais l' on n' en est aimé ! ou que si, par un phénomène, on l' est encore, ce n' est qu' un feu peu durable, dont la prompte ou subite extinction laisse dans une obscurité profonde l' ame navrée, flétrit, après lui avoir présenté la lueur vaien d' un bonhuer solide et sans fin !

Sara : Restif de la Bretonne

Marcel Béalu écrit : "On a de l' admiration ou du dégout pour Sade. On aime Restif, ce curieux homme qui ne pouvait faire l' amour à une fille rencontrée par hasard, sans essayer ensuite, par une délicieurse frayeur qu' il s' agissait de sa propre enfant. A la fin de sa vie, Restif comptait ainsi environ cent cinquante créatures, la plupart exerçant leur métier sous les galeries du Palais-Royal.

Lisez les Nuits de Paris, vous ne vous ennuirez pas...

Est-il rien de plus beau au monde qu'un cimetière russe envahi d'herbes folles, à l'orée d'un petit village?
Paisible, presque invisible à distance, il s'étend à l'ombre d'épais bosquets de bouleaux, se perd dans les aubépines, les sureaux, dans une herbe grise qui, ignorant la faux depuis des années, vous arrive à la ceinture et forme un mur en place de l'ancienne enceinte.
Tout homme que ses pas portent là par hasard, suivant l'étroite route champêtre, ne peut manquer de remarquer cette
haie peu banale, érigée par Dame Nature, afin de remplacer celle, effondrée, des hommes ; il ne peut manquer de noter les
portes de guingois, mais toujours largement ouvertes, hospitalières, les croix apparaissant ça et là, à la fois nettes et discrètes, entre les gros troncs des bouleaux qui le contraignent, malgré lui, à ralentir l'allure, voire à s'arrêter complètement.
Et le promeneur s'immobilise, jette un regard, puis quitte la route poussiéreuse, emprunte la sente que l'on distingue à
peine et gagne lentement le cimetière. Il en franchit les portes, avance de quelques pas et se fige à nouveau, pour longtemps cette fois.

"Roman" de Vladimir Sorokine

Jolie description qui me rapelle un documentaire vu à la télé et qui montrait un cimetière juif à l' abandon, faute de gens à enterrer. je crosi que c' était dans un pays de l' Est de l' Europe. Et j' imagine que les juifs avaient quitté le pays soit pour aller vers les camps de la mort, soit pour prendre les chemins de l' exil...

Le cimetière lui, n' était pas triste, au contraire. Tout y était familier. Les pierres tombales avec ou sans leurs stèles et leurs inscriptions à moitié effacées se melaient étroitement à la végétation façonnées par le temps et l' oubli.

Sorokine me fascine par la qualité de son écriture inspirée et capable de revisiter la tradition russe tout en nous emportant ailleurs. Passé, futur, imaginaire peuvent fusionner pour faire le portrait d'une Russie intemporelle et magnifique mais aussi figée et comme enfermée dans des répétitions dangereuses de son histoire. Autant dire que je vais vite rejoindre ce personnage dans le cimetière!

Canada de Richard Ford

"First, I’ll tell about the robbery our parents committed. Then about the murders, which happened later. The robbery is the more important part, since it served to set my and my sister’s lives on the courses they eventually followed. Nothing would make complete sense without that being told first."

Avec un peu de chance, un homme échappe à à l' oeil du lynx, à l' oeil de l' aigle. On a pu tromper Cerbère lui-meme et profiter d' une distraction du prince Argus. Mais nul, vivant ou mort, n' échappa jamais aux badauds.

C' est une tribu d' etres singuliers dont le corps, comme celui des Martiens, se réduit, dans ses parties essentielles, à un oeil mobile monté sur des jambes rapides. Ils se déplacent, regardent et ne font pas autre chose.

O' HENRY : Les Gloutons optiques. Dans le recueil : Martin Burney et autres dupes

Vous connaissez Mark Twain, peut etre aussi Ambrose Bierce, mais O' Henry était leur contemporain, et vaut aussi le détour. On l' a dit nonchalant, reveur, trop doué, bohème, nomade et paresseux. Mais O' Henry a son style à lui, un style plein de verve et cet accent de sympathie qui rendent ses histoires saugrenues et où triomphe l' inattendu, inimitables...

Sujet: Re: Un bon début, ça aide... Sam 22 Sep 2012 - 16:00

L' autobus bondé he donnait pas envie d' y rester, mais le temps pressait, et le temps, on le sait n' existe pas, d' où il résulte que presque jamais le plaisir ne s' accorde à la nécessité : je me forçai donc à monter dans l' autobus, m' exposant ainsi à Dieu seul savait quelles pénibles mortifications.

Carlos Drummond de Andrade : Conversation extraordinaire avec une dame de ma connaissance. - Métailié

Carlos Drummond de Andrade, 1902-1987, est un grand poète brésiliien, est un prosateur tout aussi passionnant. Je me propose de vous le faire connaitre...

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