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 Ernesto Sabato [Argentine]

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MessageSujet: Re: Ernesto Sabato [Argentine]   Ernesto Sabato [Argentine] - Page 3 EmptyMar 12 Oct 2010 - 18:48

Une adaptation a priori introuvable du roman Le Tunnel datant de 1952 (Traversay, tu l'as vu?):
Ernesto Sabato [Argentine] - Page 3 Eltnel10

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odrey
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MessageSujet: Re: Ernesto Sabato [Argentine]   Ernesto Sabato [Argentine] - Page 3 EmptyMer 13 Oct 2010 - 22:28

J'ai lu le tunnel il y a peu et c'est vrai que Sabato est un auteur qui mériterai d'être plus connu. Ce court roman a une force incroyable. Je n'arrive pas à en parler mieux. Et Marko l'a fait très bien. mais je retournerai vers lui, c'est sûr (je parle de Sabato bien sûr).
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MessageSujet: Re: Ernesto Sabato [Argentine]   Ernesto Sabato [Argentine] - Page 3 EmptyDim 1 Mai 2011 - 9:05

kenavo a écrit:
Ernesto Sabato, 24.06.1911 - 30.04.2011


Ah !
Ca ne fait pas la une de l'actualité...
Sur le site de L'Express, on peut relire un portrait écrit il y a quelques années (11 ans !) :
Citation :
Le grand écrivain argentin Ernesto Sabato est décédé à l'âge de 99 ans dans sa maison de Santos Lugares, dans la province de Buenos Aires. L'Express avait fait son portrait à l'occasion de la parution d'Avant la fin, un livre qui lui tenait lieu de testament.

C'est un vieil écrivain argentin qui publie ce qui peut-être sera son dernier livre, Avant la fin. Son oeuvre est faite, sa vie finit de passer, mais il se sent toujours comme l'enfant du poème de Pessoa, «qui attend qu'on lui ouvre la porte, devant un mur sans porte».
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MessageSujet: Re: Ernesto Sabato [Argentine]   Ernesto Sabato [Argentine] - Page 3 EmptyDim 1 Mai 2011 - 15:46

Outre son oeuvre, les Argentins et les Latino américains n' oublieront jammais son courage et son engagement politique.
Il avait dirigé la Commission qui avait enqueté sur les massacres et disparitions perpétrés par la junte militaire de Videla entre 1976 et 1983.
Et dénoncé aussi tous les autres régimes militaires qui s' étaient imposés partout en Amérique Latine.
Son oeuvre, un peu énigmatique, témoigne de son talent de romancier.
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MessageSujet: Re: Ernesto Sabato [Argentine]   Ernesto Sabato [Argentine] - Page 3 EmptyLun 9 Mai 2011 - 13:05

Je viens de terminer Le tunnel et Héros et tombes et je n’ai qu’un seul mot à dire : Woauw !
Marko nous en a dit déjà beaucoup de bien mais j’ai quant à moi encore un peu de mal à en parler, il me faut reprendre mon souffle tant les symboliques abondent, les éléments s’enchevêtrent, les pensées, rêves, cauchemars, obsessions et folies furieuses se pressent les uns contre les autres, ne sachant plus très bien où commence le délire ni où s’arrête la réalité.

Un extrait pour illustrer cette écriture coup de poing dans un passage hallucinatoire du Rapport sur les aveugles de Fernando, troisième partie de Héros et tombes, passage aux accents très « lovecraftiens » :
Citation :

Comme une bête en rut, je me ruai vers une femme à la peau noire, aux yeux violacés et qui m’attendait en hurlant. Sur son corps luisant, je vois encore son sexe béant et je pénétrai furieusement dans ce volcan de chair qui me dévora. Je me retirai et aussitôt ses lèvres sanglantes clamèrent pour une nouvelle ruée. Telle une licorne lubrique, je courus vers elle à travers des marécages. A chacun de mes pas, des corbeaux s’envolaient en croassant ; et alors je me précipitai à nouveau dans la grotte. Je fus tour à tour serpent, narval, poulpe aux multiples tentacules qui pénétraient l’un après l’autre, et vampire vengeur, toujours dévoré.

Au cœur de la tempête, parmi les éclairs, elle fut prostituée, caverne et puits, pythonisse. L’air électrisé s’emplit de hurlements et je dus satisfaire sa voracité comme un rat phallique, comme des mâts de chair. La tempête redoublait, toujours plus terrible et confuse : des bêtes cohabitaient avec la femme, des rats même ont fouillé son sexe.

Secoué par les rayons, cette contrée archaïque se mit à trembler. Enfin la lune éclata en morceaux qui incendièrent les immenses forêts, mettant en marche la destruction totale. La terre s’ouvrit et s’enfonça dans les marécages. Des êtres mutilés couraient parmi les ruines. Des têtes sans yeux se déplaçaient à tâtons, des intestins s’enchevêtraient comme des lianes immondes, des fœtus étaient piétinés au centre de l’ordure.

L’univers entier s’était écroulé sur nous.
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MessageSujet: Re: Ernesto Sabato [Argentine]   Ernesto Sabato [Argentine] - Page 3 EmptyLun 9 Mai 2011 - 13:39

D’autres passages font plutôt penser à Dostoïevski :

Citation :
Alors, il m’arrive de penser que la réincarnation peut être un fait réel et que dans les plus mystérieux replis de notre moi dorment les souvenirs des êtres qui nous ont précédés, de même qu’il subsiste en nous des traces de poisson ou de reptile. Commandés par le nouveau moi et le nouveau corps, les fauves et les monstres préhistoriques qui logent en nous sont prêts à se réveiller et à surgir dès que les forces, les tensions, les fils et les vis qui maintiennent le moi présent se relâchent et cèdent pour une raison ignorée de nous. Ce qui a lieu chaque nuit, quand nous dormons, devient soudain incontrôlable et finit bientôt par régner sur nous dans des cauchemars diurnes.

Mais tant que répond ma volonté, je me sens relativement tranquille, car je sais qu’elle me permettra de m’extraire du chaos et de réorganiser mon univers. Ma volonté est puissante quand elle fonctionne. Mais, ce qu’il y a de pire, c’est quand je sens mon moi se désintégrer aussi du côté de la volonté. Ou comme si la volonté était toujours mienne, mais que les parties du corps ou du système qui la transmettent ne m’appartenaient plus ; ou comme si le corps était encore mien, mais que quelque chose s’interposait entre lui et ma volonté. Par exemple, je veux bouger mon bras, mais il ne répond pas, je fais un effort, mais je constate qu’il n’obéit pas. Comme si les lignes de communication entre mon cerveau et ce bras étaient rompues.
Cela m’est arrivé très souvent, comme si mon moi était une contrée ravagée par un séisme, présentant de larges crevasses, les fils téléphoniques coupés.

Dans ce cas-là, tout peut arriver, il n’y a plus de police, plus d’armée. N’importe quelle calamité peut se produite, n’importe quel pillage, n’importe quelle déprédation. Comme si mon corps appartenaient à un autre homme et que moi, impuissant et muet, j’observais dans cette région étrange l’apparition de mouvements suspects, de frémissements annonciateurs de nouvelles convulsions, jusqu’à ce que progressivement le cataclysme s’empare de mon corps et, finalement, de mon esprit.

Citation :
J’ai profondément exploré ma conscience, et qui, après avoir exploré les replis de sa conscience, peut encore se respecter ?

Citation :
L’homme est un être duel et malheureux, qui se déplace et vit entre la terre des animaux et le ciel de ses dieux, qui a perdu le paradis terrestre de l’innocence, sans avoir pour autant gagner le paradis céleste de la rédemption.

Clin d'œil à la littérature russe :
Citation :

Le monde pouvait-il être autre chose qu'un chaos plein de méchanceté, d'injustice et de souffrances ? Comment ne pas me réfugier dans la solitude et dans les mondes lointains de la fantaisie et du roman ? Il est presque inutile de vous dire que j'adorais Schiller et ses bandits, Chateaubriand et ses héros américains, le Goetz von Berlichingen. J'étais mûr pour aborder la littérature russe [...]


Dernière édition par sentinelle le Lun 9 Mai 2011 - 15:55, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Ernesto Sabato [Argentine]   Ernesto Sabato [Argentine] - Page 3 EmptyLun 9 Mai 2011 - 15:29

J’aimerai revenir un peu du côté de l’auteur : Ernesto Sabato, scientifique ayant abandonné les mathématiques pour la littérature et la peinture, occuperait une place à part dans les lettres argentines :
Citation :
Je suis un marginal dans tous les sens du terme, y compris dans son acception philosophique, puisque je ne tiens pas mes connaissances de la faculté de philosophie, mais de trois aventures que j’ai vécues intensément : le communisme, les sciences physiques et mathématiques, enfin la littérature.

In L’Ecrivain et la catastrophe

Les références littéraires sont à rechercher du côté des romantiques et philosophes allemands comme Schiller, Goethe et Nietzsche. Sans oublier Rousseau, Chateaubriand, Rimbaud, Baudelaire, Hofffman, Maupassant, Kafka ainsi que les russes Dostoïevski, Lermontov, Gogol et Tolstoï.

L’écrivain argentin Roberto Arlt semble également avoir été une source d’inspiration importante, Sabato et Alrt partageant d’ailleurs une admiration sans bornes envers Dostoïevski. Les Sept Fous et Les Lance-flammes forment un diptyque considéré comme son chef-d'œuvre.

Ernesto Sabato [Argentine] - Page 3 Arlt_l10 Ernesto Sabato [Argentine] - Page 3 51gz9e10

Citation :
Roberto Arlt

Son premier roman, El juguete rabioso (Le Jouet enragé, 1926) marque la naissance de la littérature urbaine argentine. Les thèmes qu’il développe annoncent ceux de l’œuvre dans son ensemble : la ville inhumaine, le sens du travail, l’aliénation.

Dès le début des années 1930, Arlt se réclame des écrivains professionnels, mais répudie pourtant à la fois la « grande littérature », la critique, ainsi que la préciosité du groupe de Florida (dont le chef de file est Jorge Luis Borges) : sa volonté d’authenticité, d’enracinement de la fiction dans l’histoire, le lie implicitement au groupe de Boedo, progressiste et partisan du réalisme.

Source : wiki

Citation :
Les Sept Fous , présentation de l'éditeur

La redécouverte d'une figure hautement polémique des Lettres argentines. Dans le Buenos Aires des années 1930, le destin d'un homme qui, confronté à l'humiliation, la violence et la misère, cherche une échappatoire dans le rêve et la folie. Portée par une écriture en uppercut, une oeuvre-culte, saluée par Cortazar et Onetti. Employé à la Compagnie sucrière, Erdosain a pris l'habitude de puiser dans la caisse. Dénoncé, il est sommé de rembourser six cents pesos et sept centimes, et découvre le même jour que sa femme le quitte. Aux abois, il part trouver l'Astrologue, un être aussi mégalo que délirant, qui a pour projet de fonder une société secrète financée par les revenus d'une chaîne de maisons closes. Avec lui, un maquereau mélancolique, un rentier pervers, un pharmacien mystique, un aventurier chercheur d'or, un officier corrompu, un tueur illuminé : sept fous lancés dans une entreprise abracadabrante, sept fous lâchés au coeur des bas-fonds de la ville. Et Erdosain, en quête d'une raison d'exister, d'un Dieu qui toujours se dérobe.
Un auteur à découvrir, sans aucun doute !

Et enfin l’amitié de Gombrowicz, qui aurait inspiré Sabato pour le personnage Fernando Vidal Olmos, le rédacteur du Rapport sur les aveugles, partie III de Héros et tombes : Sabato préfaçant Ferdydurke et Gombrowicz Héros et tombes.

Toutes ces références littéraires ont été récoltées à partir de la présentation de Oeuvres romanesques de Ernesto Sabato (publié aux éditions du Seuil) par Jean-Didier Wagneur.

Ernesto Sabato [Argentine] - Page 3 97820210
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MessageSujet: Re: Ernesto Sabato [Argentine]   Ernesto Sabato [Argentine] - Page 3 EmptyLun 9 Mai 2011 - 16:47

sentinelle a écrit:
Un extrait pour illustrer cette écriture coup de poing dans un passage hallucinatoire du Rapport sur les aveugles de Fernando, troisième partie de Héros et tombes, passage aux accents très « lovecraftiens » :

Ce récit dans le récit est d'une force hallucinatoire sidérante (il y a du Lautréamont aussi). Il ne nous reste plus qu'à lire "L'ange des ténèbres" pour aller encore plus loin dans la mise en abîme. Le parallèle avec Dostoïevski (pour les autres passages que tu cites) me parle d'autant plus que j'en suis complètement imprégné actuellement! Héros et Tombes est d'une richesse incroyable.
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MessageSujet: Re: Ernesto Sabato [Argentine]   Ernesto Sabato [Argentine] - Page 3 EmptyLun 9 Mai 2011 - 21:55

Marko a écrit:
Ce récit dans le récit est d'une force hallucinatoire sidérante (il y a du Lautréamont aussi). Il ne nous reste plus qu'à lire "L'ange des ténèbres" pour aller encore plus loin dans la mise en abîme. Le parallèle avec Dostoïevski (pour les autres passages que tu cites) me parle d'autant plus que j'en suis complètement imprégné actuellement! Héros et Tombes est d'une richesse incroyable.
J'ai oublié de citer Lautréamont etourdi
Je vais entamer L'ange des ténèbres le we prochain, histoire de souffler un peu et potasser encore les deux premiers romans avant de passer au troisième sourire
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MessageSujet: Re: Ernesto Sabato [Argentine]   Ernesto Sabato [Argentine] - Page 3 EmptyLun 9 Mai 2011 - 21:58

Parmi les différents thèmes présents dans « Le tunnel » et « Héros et tombes », celui concernant la quête de la femme à jamais inaccessible est omniprésent. Les relations sont souvent triangulaires, l’inceste et le complexe d’Oedipe n’étant jamais bien loin. Les lieux symboliques faisant référence à la féminité et la maternité sont également présents : la grotte, la caverne, le puits, les souterrains, tous ces lieux clos et très angoissants, régressifs et morbides. Si la femme, castratrice et dangereuse, suscite une passion effrénée et obsédante, elle n’en demeure pas moins incontrôlable et insaisissable, conduisant à la souffrance et à la violence (envers l’autre ou soi-même).

Le mythe de Lilith semble incarner au mieux cette femme hybride, pétries de contradictions, démon femelle archaïque qui ne peut être l’épouse de l’homme, fiancée impossible, femme-vampire à la séduction addictive et dévorante, engendrant attraction/répulsion, femme sphinge fascinante mais mortifère.
Citation :

Comme si dans les ténèbres, parmi les excréments et la boue, il y avait une rose blanche et délicate. Mais le plus étrange était qu’il aimait ce monstre hybride, princesse-dragon, rose-fange, filette-vampire.

Le dragon et la princesse, Partie I, Héros et tombes
Ernesto Sabato [Argentine] - Page 3 Sphing10

Le mythe d’Œdipe n’est pas en reste non plus. Et quel est son châtiment après avoir tué le père et couché avec la mère ? Il sera condamné à l'exil après s'être crevé les yeux… vous avez dit aveugle ? innocent
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MessageSujet: Re: Ernesto Sabato [Argentine]   Ernesto Sabato [Argentine] - Page 3 EmptyLun 9 Mai 2011 - 22:13

Oui c'est très bien vu et il y a tout ça dans ses romans. Et aussi une vision paranoïaque du monde où la paranoïa apparaîtrait pratiquement comme le comble de la lucidité. On se retrouve plongé dans une univers qui glisse progressivement vers la folie et la fantasmagorie. Et c'est une dérive psychotique qui traduit la folie du monde, la barbarie, les guerres civiles. Elle contamine les personnages et l'atmosphère comme un poison délétère. Il y a aussi des jeux de miroirs. Dans Héros et Tombes le jeune homme amoureux d'Alejandra découvre que son interlocuteur aimait déjà la mère d'Alejandra par le passé. Les choses se répètent comme une malédiction. On n'est jamais loin d'un récit fantastique où les sortilèges familiaux rejoignent les tragédies historiques. Tout cela prend une dimension presque mythique (ce qui rejoint ce que tu exprimes en référence aux mythes grecs et bibliques). C'est très beau.
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MessageSujet: Re: Ernesto Sabato [Argentine]   Ernesto Sabato [Argentine] - Page 3 EmptyLun 9 Mai 2011 - 22:25

Marko a écrit:
Oui c'est très bien vu et il y a tout ça dans ses romans. Et aussi une vision paranoïaque du monde où la paranoïa apparaîtrait pratiquement comme le comble de la lucidité.
C'est effectivement très bien mené. Prenons par exemple le narrateur du tunnel qui vire dans la paranoïa mais quel amoureux transi ne s'est pas posé les mêmes questions que lui à propos de la femme convoitée et aimée ? Qui n'a pas été tourmenté par l'autre qui nous échappe toujours alors qu'on n'aspire qu'à la possession et la symbiose au début de la relation ? Qui ne s'est pas posé ces questions qui deviennent obsédantes, qui n'a pas pris la fuite plutôt que subir la dépendance à l'autre qui semble nous échapper un peu plus chaque jour ? Bon, on en arrive pas tous au meurtre tout de même, heureusement Laughing
C'est peut-être délirant mais pas fou pour autant, bref c'est très subtil tout ça !
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MessageSujet: Re: Ernesto Sabato [Argentine]   Ernesto Sabato [Argentine] - Page 3 EmptyLun 9 Mai 2011 - 22:40

C'est vrai qu'on sort de Héros et Tombes un peu éberlué devant l'intensité de ce qu'on y découvre. J'étais par contre parfois un peu largué quand il évoquait l'histoire du pays à travers la destinée des membres de la famille Olmos. Mais c'est suffisamment bien articulé avec le corps du récit pour qu'on se laisse porter.
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MessageSujet: Re: Ernesto Sabato [Argentine]   Ernesto Sabato [Argentine] - Page 3 EmptyMar 10 Mai 2011 - 11:13

Marko a écrit:
On n'est jamais loin d'un récit fantastique où les sortilèges familiaux rejoignent les tragédies historiques.
Marko a écrit:
J'étais par contre parfois un peu largué quand il évoquait l'histoire du pays à travers la destinée des membres de la famille Olmos. Mais c'est suffisamment bien articulé avec le corps du récit pour qu'on se laisse porter.

J’ai navigué pas mal également en eaux troubles à ces moments-là, d’autant plus que mes connaissances portant sur l’histoire de l’Argentine frisent le zéro absolu. J’aurai bien voulu également avoir à disposition un arbre généalogique de la famille mais son absence ne gêne pas trop la lecture du récit. Le tout est de comprendre que la famille Olmos n’est plus qu’un vestige d’un brillant passé, telle une branche dégénérée d’une ancienne famille patricienne. Ernesto Sabato fait des parallèles entre l’histoire individuelle et l’histoire de son pays tout en atteignant l’universel en ayant recours aux mythes et archétypes que nous partageons tous.
Citation :
[...] les Olmos étaient le symbole de la fin d'une famille patricienne au milieu du chaos absurde d'une ville cosmopolite, mercantile, dure et implacable.

Aussi la quête de l’absolu est ici primordiale, recherche du sens et d’une vérité cachée qui se dérobe au commun des mortels et qui demande d’aller puiser au plus profond de soi pour en dévoiler quelques recoins obscurs. D’où l’importance des pérégrinations souterraines, afin d’entrevoir « les faubourgs du monde interdit » seulement accessibles aux initiés tels que les membres composant la secte des aveugles et quelques autres assez fous pour se laisser entraîner dans ces labyrinthes ténébreux que constituent les égouts de Buenos Aires. Le prix a payé est des plus élevés : la folie et le rejet des hommes qui n’y croiront jamais. Car la communication demeure toujours vaine et impossible, elle ne peut qu’être au-delà (ou plutôt en-deçà) du langage, intuitive et énigmatique (toujours ce besoin du retour au fusionnel qui imprègne le récit)

« Le tunnel » est également un long monologue dans lequel on pénètre comme dans l’entrée des enfers, une sorte de souterrain ténébreux dans lequel le langage se fait obsédant et compulsif, au seul service du délire paranoïaque. Ici à nouveau le langage n’est pas au service du dialogue mais des délires et hallucinations, il demeure en vase clos, hermétique et exclusif.
Citation :
[...] en tout cas il n'y avait jamais qu'un tunnel, obscur et solitaire : le mien, le tunnel où j'avais passé mon enfance, ma jeunesse, toute ma vie. Et dans un de ces passages transparents du mur de pierre j'avais vu cette jeune femme et j'avais cru naïvement qu'elle avançait dans une autre tunnel parallèle au mien, alors qu'en réalité elle appartenait au vaste monde, au monde sans limites de ceux qui ne vivent pas dans des tunnels.

La décapitation est également un thème récurrent : des visages sans corps mais aussi des corps aux visages aveugles qui avancent à tâtons. Un pays acéphale dirigé par un groupuscule aveugle aux besoins du peuple ? Ou au contraire est-ce le peuple qui suit aveuglement ce qu'on lui dit de faire, comme s'il était en état d'hypnose ?

Puis l’importance des origines, de la patrie, du retour aux sources. Et toujours cette mélancolie accompagnée de regrets, sans oublier cette quête finalement un peu vaine :

Citation :
J’ai passé ces vacances en regardant mon village sans le voir. Il me fallut beaucoup d’années, de souffrances, perdre mes illusions et connaître le monde pour retrouver un peu mon père et mon village natal, car la chemin est long, à travers univers et êtres, pour atteindre le jardin secret. Ainsi, je retrouvais mon père, mais, comme c’est souvent le cas, il était trop tard.
[...] et il est toujours trop tard quand nous comprenons, enfin, nos proches ; et quand nous commençons à apprendre le difficile métier de vivre, il nous faut mourir, et ceux à qui nous aurions voulu confier notre savoir sont déjà morts.

Nous retrouvons à nouveau cette communication manquée...
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MessageSujet: Re: Ernesto Sabato [Argentine]   Ernesto Sabato [Argentine] - Page 3 EmptyMar 10 Mai 2011 - 14:37

Le mythe d’Orphée

Cette descente dans les boyaux de la ville de Buenos Aires pour accéder au savoir et à la connaissance fait penser à la descente aux enfers d’Orphée et au courant philosophique et religieux qui s’en réfère : l’orphisme.
Citation :

Le mythe d'Orphée, d'origine obscure et très ancienne, dont l'épisode le plus célèbre est la descente aux Enfers du héros à la recherche de son épouse Eurydice, donna naissance à une théologie initiatique et à une doctrine de salut. Marquée par une souillure originelle, l'âme est condamnée à un cycle de réincarnations dont seule l'initiation pourra la faire sortir, pour la conduire vers une survie bienheureuse où l'humain rejoint le divin.
[…]
L'orphisme réutilise les mythes et les grandes figures religieuses grecques (avant tout Dionysos), pour contester l'ordre établi.
[…]
Loin d'être les porteurs d'un haut enseignement religieux, ils sont décrits comme mi-magiciens, mi-charlatans.
[…]

Source : wiki

Revenu des enfers, Orphée est le seul à pouvoir en proclamer ces mystères. Selon certaines traditions, Zeus aurait foudroyé Orphée pour le punir d’avoir révélé ces mystères aux hommes, selon d’autres, les Bacchantes l’auraient déchiqueté et sa tête aurait été jetée dans le fleuve Hébros pour aboutir sur les rivages de l’île de Lesbos, terre de la Poésie.
Citation :
On prétendait que sa tête continuait parfois à chanter dans son tombeau, ce qui est le signe de la survie posthume du poète par son chant [source : wiki].

Ernesto Sabato [Argentine] - Page 3 379px-10
Orphée de Gustave Moreau

Sabato prendrait ici les traits d’un Orphée moderne, rapportant son savoir à la communauté à travers la littérature mais aussi et surtout la peinture, venant ainsi suppléer à la pauvreté du langage dans la transmission de l’expérience universelle. Sabato pensait que seule la création artistique pouvait encore donner sens à son existence, permettant de passer de l'infiniment petit à l’infiniment grand, en partant de l’histoire de quelques hommes pour aborder celle de l’humanité toute entière.
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