Jean-Marie Gustave Le Clézio

bulle a écrit:

Je me demande par contre s'il aurait fallu que je le lise Désert avant Gens des nuages?
Je me demande s'il y a une suite cronologique dans ses livres.

Chez quelques uns de ses livres il y a une 'suite' - p.ex. pour Le chercheur d'or qui est un roman et Voyage à Rodrigues parle de ses recherches pour écrire ce roman précis.. dans ce cas il est probablement 'étrange' de lire l'un avant l'autre...
en ce qui concerne Désert et Gens des nuages je trouve qu'on peut les lire indépendamment...

kenavo a écrit:

bulle a écrit:

Je me demande par contre s'il aurait fallu que je le lise Désert avant Gens des nuages?
Je me demande s'il y a une suite cronologique dans ses livres.

Chez quelques uns de ses livres il y a une 'suite' - p.ex. pour Le chercheur d'or qui est un roman et Voyage à Rodrigues parle de ses recherches pour écrire ce roman précis.. dans ce cas il est probablement 'étrange' de lire l'un avant l'autre...
en ce qui concerne Désert et Gens des nuages je trouve qu'on peut les lire indépendamment...

Merci de l'info Kenavo , j'apprécie

La ronde et autres faits divers



J.M.G L Clézio à propos de La ronde:

Citation :

Dans "la ronde" je voulais montrer ce qu'il y avait de mythique et ce qu'il y avait au-delà des formes apparentes de la ville. C'est-à-dire ce qui était violence physique et agressivité mais qui se rattachait à un fond mythique.
[J'ai] une attirance pour le fabuleux, pour ce qui est au-delà du réel, surréel, irréel ou sublime. Forcément par ce qui est religieux aussi et par ce qui est fabuleux dans le religieux...
Ce qui me frappait en lisant ces faits divers relatés dans les journaux, c'est à quel point ils étaient proches des mythes. Dans des faits tout petits, il y avait quelque chose qui dépassait le quotidien qui en faisait des sortes de paraboles avec ce que ça comporte peut-être de morale aussi. On a oublié le rôle moral de la littérature, ce qui ne veut pas dire que la littérature est une leçon de morale mais elle ne peut -être seulement un divertissement. Comme les mythes, c'est aussi une musique qui apprend à vivre avec les autres.

11 nouvelles inspirées de faits divers. 11 récits souvent très noirs, mélancoliques, entre réalisme et méditation proche de l’onirisme, qui subliment des instants pris sur le vif d’une humanité bien amochée.

On a déjà évoqué avec Nezumi, sur le fil de la littérature pour la jeunesse, le thème des lieux menacés par la destruction dans Villa Aurore et Orlamonde. Une vieille maison ou un théâtre face à la mer. Un homme qui voudrait préserver ses souvenirs d’enfance et une petite fille qui tente d’ oublier que sa mère est malade à l’hôpital et contemple la mer à travers une fenêtre au sommet des ruines du théâtre. La façon qu’à Le Clézio d’évoquer le passage du temps, les variations de la lumière, l’intrusion soudaine des réminiscences, la tristesse intime et pudique de ses personnages, rappelle ces histoires que les vieux sorciers devaient raconter dans les tribus autour d’un feu. Il se réfère souvent aux religions animistes, amérindiennes notamment, à la fusion entre le monde environnant et l’être humain , et il rend tout ça palpable avec un langage simple en apparence et presque magique.

Le sommet de ce recueil est peut-être Moloch, qui décrit la solitude d’une jeune femme qui est sur le point d’accoucher dans un mobil-home avec pour seule compagnie un chien-loup affamé et inquiétant. Le titre de la nouvelle indique que ce chien peut-être assimilé à la divinité Moloch à laquelle on sacrifiait les enfants nouveaux-nés en les jetant dans les flammes. Mais la fin ne sera peut-être pas celle que l'on croit.... Il crée dans cet espace clos une tension incroyable en même temps qu’une sorte de suspension temporelle où on ressent la chaleur, l’étouffement, la peur, les odeurs, la lumière du soleil qui décline peu à peu. C’est du grand art !

La nouvelle la plus effrayante est Ariane, au nom prédestiné, qui sera poursuivie dans les sous-terrains labyrinthiques de son HLM par une horde de jeunes motards aux intentions peu engageantes. C’est un véritable récit d’horreur qui tétanise avec des détails très émouvants, comme ce maquillage qu’elle tentera de réajuster sur son visage en se regardant dans un rétroviseur, et qui m’ont rappelé certains passages des romans de J.C. Oates.

Et il y a aussi David, petit garçon dont le frère aîné a fugué et qui tente de le retrouver par des voies peu conventionnelles. Les 2 adolescentes de La grande vie qui partent dans une virée à la Thelma et Louise prêtes à brûler la chandelle par les deux bouts et qui arriveront sur une plage dans une très belle séquence.

Je vous laisse découvrir les autres et je sors de ce livre littéralement enchanté et définitivement conquis par ce grand écrivain que je n’ai pas encore assez lu !

Un extrait de Moloch :

Citation :

Mais Liana ne peut pas s'endormir. Les vagues de douleur passent à travers son corps, venues de très loin, de l'autre bout de la terre, elles ont trouvé sur leur chemin la carapace du mobile home, et à l'intérieur de la carapace, cette femme couchée sur le tapis, recroquevillée, essayant en vain de se cacher. Il y a tellement de souffrance sur la terre ! La terre cendrée, les arbres, les palmiers immobiles, la nuit grise, les réverbères à la lueur mauvaise, et tout cela encore, ces tôles, ces vitres, ces plastiques, ces meubles recouverts de moleskine. Et lui, le grand chien-loup blanc et noir, couché sur le ventre comme une statue de pierre, hiératique, et au-dehors, ces femmes, ces hommes, inconnus, ceux qui dorment enlacés dans leur lit défait, ceux qui sont seuls, les malades dans les longues salles des hôpitaux, les vieillards qui étouffent, tous ceux-là, au-dehors, dans les chambres suffocantes. La solitude est si grande, elle emplit l'intérieur du mobile home, c'est elle qui vient maintenant, par vagues de plus en plus serrées, qui vient du fond de la nuit et qui vibre sur les étoiles bleutées des réverbères, et qui fait entendre son terrible silence, et la voix de la jeune femme qui gémit ressemble au bruit d'un moustique.
Devant elle, le grand chien ne bouge pas. Il regarde avec ses yeux jaunes, il écoute. Liana voudrait l'appeler, et elle pense à son nom, et à l'autre nom aussi, celui qui se dit Simon, et cette fois le vertige ne vient pas. Liana ne veut pas crier, elle ne peut pas. Elle ne sait pas pourquoi, mais il ne faut pas qu'elle crie, quoi qu'il arrive, il ne le faut pas. Alors ses lèvres se serrent encore davantage sur la douleur, et ses genoux écartés laissent les bras s'enrouler autour du gros ventre durci, le serrer comme une ceinture.

Marko a écrit:

La ronde et autres faits divers
On a déjà évoqué avec Nezumi, sur le fil de la littérature pour la jeunesse, le thème des lieux menacés par la destruction dans Villa Aurore et Orlamonde. Une vieille maison ou un théâtre face à la mer. Un homme qui voudrait préserver ses souvenirs d’enfance et une petite fille qui tente d’ oublier que sa mère est malade à l’hôpital et contemple la mer à travers une fenêtre au sommet des ruines du théâtre. [size=14]La façon qu’à Le Clézio d’évoquer le passage du temps, les variations de la lumière, l’intrusion soudaine des réminiscences, la tristesse intime et pudique de ses personnages, rappelle ces histoires que les vieux sorciers devaient raconter dans les tribus autour d’un feu. Il se réfère souvent aux religions animistes, amérindiennes notamment, à la fusion entre le monde environnant et l’être humain , et il rend tout ça palpable avec un langage simple en apparence et presque magique.

ton compte rendu donne envie de lire aussi ce livre. Avec un J.M.G L. qui sait partager ses émotions.

bulle a écrit:

Marko a écrit:

La ronde et autres faits divers
On a déjà évoqué avec Nezumi, sur le fil de la littérature pour la jeunesse, le thème des lieux menacés par la destruction dans Villa Aurore et Orlamonde. Une vieille maison ou un théâtre face à la mer. Un homme qui voudrait préserver ses souvenirs d’enfance et une petite fille qui tente d’ oublier que sa mère est malade à l’hôpital et contemple la mer à travers une fenêtre au sommet des ruines du théâtre. La façon qu’à Le Clézio d’évoquer le passage du temps, les variations de la lumière, l’intrusion soudaine des réminiscences, la tristesse intime et pudique de ses personnages, rappelle ces histoires que les vieux sorciers devaient raconter dans les tribus autour d’un feu. Il se réfère souvent aux religions animistes, amérindiennes notamment, à la fusion entre le monde environnant et l’être humain , et il rend tout ça palpable avec un langage simple en apparence et presque magique.

ton compte rendu donne envie de lire aussi ce livre. Avec un J.M.G L. qui sait partager ses émotions.

Pour tout dire je l'ai commencé en audio-livre (lu par Bernard Giraudeau) dans ma voiture et j'ai trouvé ça tellement bien que je suis vite passé à la lecture. Ceci dit l'expérience audio est pas mal pendant un voyage ou pour s'évader en allant au travail! Par contre Giraudeau lit plutôt bien mais parfois trop vite.

Marko a écrit:

Pour tout dire je l'ai commencé en audio-livre (lu par Bernard Giraudeau) dans ma voiture et j'ai trouvé ça tellement bien que je suis vite passé à la lecture. Ceci dit l'expérience audio est pas mal pendant un voyage ou pour s'évader en allant au travail! Par contre Giraudeau lit plutôt bien mais parfois trop vite.

Bonne idée le livre audio. Il faudrait que j'en fasse l'expérience.

bulle a écrit:

Bonne idée le livre audio. Il faudrait que j'en fasse l'expérience.

Je ne sais pas s'il y a déjà un fil sur ce sujet... ça pourrait être intéressant

Marko a écrit:

bulle a écrit:

Bonne idée le livre audio. Il faudrait que j'en fasse l'expérience.

Je ne sais pas s'il y a déjà un fil sur ce sujet... ça pourrait être intéressant

Je ne me souviens plus, s'il existe un fil ou pas

Marko a écrit:

je sors de ce livre littéralement enchanté et définitivement conquis par ce grand écrivain que je n’ai pas encore assez lu !

contente de le lire.. je dois dire que j'en ai fait un peu la même expérience ces dernières semaines - même si j'avais dans le temps pas mal lu de lui, je pense que c'était à l'époque pas le bon moment...
d'autant plus grande la joie de le découvrir maintenant avec beaucoup de bonnes lectures

kenavo a écrit:

Marko a écrit:

je sors de ce livre littéralement enchanté et définitivement conquis par ce grand écrivain que je n’ai pas encore assez lu !

contente de le lire.. je dois dire que j'en ai fait un peu la même expérience ces dernières semaines - même si j'avais dans le temps pas mal lu de lui, je pense que c'était à l'époque pas le bon moment...
d'autant plus grande la joie de le découvrir maintenant avec beaucoup de bonnes lectures

Bon kenavo tu me rassures....j'ai peut-être une chance de me réconcilier avec JMG Le Clézio....j'ai Raga : Approche du continent invisible qui m'attend dans ma PAL et je recule sans cesse le moment de le saisir et de le lire

Chatperlipopette a écrit:

Bon kenavo tu me rassures....j'ai peut-être une chance de me réconcilier avec JMG Le Clézio....j'ai Raga : Approche du continent invisible qui m'attend dans ma PAL et je recule sans cesse le moment de le saisir et de le lire

je ne connais pas Raga, mais je ne peux que souligner - Le Clézio a écrit de telles merveilles..
si je crois ici et là les commentaires des lecteurs aussi des choses de qualités très différentes, mais ce que j'ai lu de lui - surtout ces derniers temps - est absolument à recommander

j'ai trouvé une très vieille vidéo de Le Clezio du siècle dernier.
http://archives.tsr.ch/player/litterature-leclezio

Un véritable défi pour moi: lire JMG Le Clézio n'était pas un pari gagné d'avance suite à une première lecture abandonnée il y a quelques années.
Aussi ai-je choisi un écrit oscillant entre le romanesque et le récit de voyage "Raga, approche du continent invisible". Ce récit a été publié dans la collection "Peuples de l'eau" dirigée par Edouard Glissant: elle publie les textes d'écrivains partis à la rencontre de peuples accessibles par seule voie d'eau.
"On dit de l'Afrique qu'elle est le continent oublié. L'Océanie, c'est le continent invisible.
Invisible, parce que les voyageurs qui s'y sont aventurés la première fois ne l'ont pas aperçue, et parce que aujourd'hui elle reste un lieu sans reconnaissance internationale, un passage, une absence en quelque sorte." (p 9) "Un continent fait de mer plutôt que de terre, archipels, volcans émergés des profondeurs, récifs coralliens que les hommes ont peuplés selon la plus téméraire odyssée maritime de tous les temps. Un continent que les premiers voyageurs européens ont traversé sans le voir. Le continent du rêve." (p 12)
Ainsi, Le Clézio est-il allé à la rencontre des peuples d'Océanie, "continent invisible" derrière la grande île Australie. Raga est une des îles d'Océanie, une île qui ne se dévoile que lentement au gré du regard du visiteur à condition que ce dernier laisse derrière lui, cependant sans les occulter complètement, l'imagerie issue de la conquête occidentale des océans de la planète. Raga, entre mythe et modernité, une île où les légendes ont construit l'aujourd'hui, ont bâti un imaginaire et un mode de vie décalé au regard occidental mais tellement vrai et enraciné dans la profondeur de l'âme et des êtres.
Le Clézio fait entrer son lecteur au coeur de son voyage où se mêlent réel et imaginaire: l'océan est parsemé d'une myriade d'îles et d'îlots, insaisissables car inclassables, composantes d'un continent qui n'est qu'essaim de terres émergées où la vie peut être aussi douce qu'âpre, aussi tranquille que dangereuse...l'océan apporte les tempêtes furieuses, les ouragans déchaînés et une ombre plus pernicieuse, celle des navires conquérants des explorateurs de l'insaisissable et de l'immense, armés de leurs certitudes et de leur bon droit de seigneurs de la modernité.
Le voyage est celui de l'intelligence et de l'ouverture d'esprit aux autres et à l'ailleurs: le tissage des femmes aux pigments empreints de symbolisme et de légendes tresse, serré, les fibres des feuilles de wip en un long et lent processus de patience, à l'image de l'océan qui bat les flancs de l'île. La confrontation avec les cultures océaniennes apporte une richesse et une humanité qui change le regard, brouillé par les stéréotypes des récits sur Bougainville, Cook et autres capitaines coureurs d'océans. Le rappel, subtil mais fort, de la supposée lascivité des femmes océaniennes, apporte un autre éclairage sur les séjours de Gauguin dans cette région du monde....la surdité et l'aveuglement envers une culture élaborée, subtile, d'une force extraordinaire et d'une diversité semant ses richesses en autant d'îles et d'atolls au milieu de cet immense océan.
Entre récit, roman, essai et poésie, Le Clézio embarque son lecteur dans un voyage littéraire, ethnologique, spirituel sans concession et doté du souffle chaud et doux des légendes et des peuples oubliés, promesses d'un possible éternel recommencement du monde. Et pour voguer sur la crête du rêve, le voyage initiatique, rêvé, d'un groupe d'hommes et de femmes naviguant sur des pirogues, à la recherche d'un ailleurs qu'ils savent exister, qui les attend, qui les appelle. Ce groupe qui fera Raga, l'île de Pentecôte, son histoire, ses légéndes, son âme, son être.
"Raga, approche du continent invisible" fut une belle et intense découverte littéraire où la langue française est maniée avec brio et une subtile poésie au charme absolu.

Chatperlipopette a écrit:

Raga approche du continent invisible

Un véritable défi pour moi: lire JMG Le Clézio n'était pas un pari gagné d'avance suite à une première lecture abandonnée il y a quelques années. Aussi ai-je choisi un écrit oscillant entre le romanesque et le récit de voyage "Raga, approche du continent invisible".

Bon retour avec J.M.G. Le CLézio

Chatperlipopette a écrit:

Citation :

"On dit de l'Afrique qu'elle est le continent oublié. L'Océanie, c'est le continent invisible.
Invisible, parce que les voyageurs qui s'y sont aventurés la première fois ne l'ont pas aperçue, et parce que aujourd'hui elle reste un lieu sans reconnaissance internationale, un passage, une absence en quelque sorte
Un continent fait de mer plutôt que de terre, archipels, volcans émergés des profondeurs, récifs coralliens que les hommes ont peuplés selon la plus téméraire odyssée maritime de tous les temps. Un continent que les premiers voyageurs européens ont traversé sans le voir. Le continent du rêve." ."

Chatperlipopette a écrit:

Entre récit, roman, essai et poésie, Le Clézio embarque son lecteur dans un voyage littéraire, ethnologique, spirituel sans concession et doté du souffle chaud et doux des légendes et des peuples oubliés, promesses d'un possible éternel recommencement du monde. Et pour voguer sur la crête du rêve, le voyage initiatique, rêvé, d'un groupe d'hommes et de femmes naviguant sur des pirogues, à la recherche d'un ailleurs qu'ils savent exister, qui les attend, qui les appelle. Ce groupe qui fera Raga, l'île de Pentecôte, son histoire, ses légéndes, son âme, son être.
"Raga, approche du continent invisible" fut une belle et intense découverte littéraire où la langue française est maniée avec brio et une subtile poésie au charme absolu.

Avec de tel propos. Je l'inscris dans ma liste. J'ai déjà plusieurs livres de Le Clézio. Ce sera un de plus.

Chatperlipopette a écrit:

Raga approche du continent invisible

Entre récit, roman, essai et poésie, Le Clézio embarque son lecteur dans un voyage littéraire, ethnologique, spirituel sans concession et doté du souffle chaud et doux des légendes et des peuples oubliés, promesses d'un possible éternel recommencement du monde. Et pour voguer sur la crête du rêve, le voyage initiatique, rêvé, d'un groupe d'hommes et de femmes naviguant sur des pirogues, à la recherche d'un ailleurs qu'ils savent exister, qui les attend, qui les appelle. Ce groupe qui fera Raga, l'île de Pentecôte, son histoire, ses légéndes, son âme, son être.
"Raga, approche du continent invisible" fut une belle et intense découverte littéraire où la langue française est maniée avec brio et une subtile poésie au charme absolu.

La mythologie du monde contemporain, qu'il soit moderne ou primitif. Son thème éternel. Tu donnes vraiment très envie de lire Raga!