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 Maurice Blanchot

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Comus
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MessageSujet: Re: Maurice Blanchot   maurice blanchot - Maurice Blanchot - Page 6 EmptyLun 20 Jan 2014 - 12:34


J'ai lu L'Ecriture du désastre de Maurice Blanchot. Je le conseille vivement parce qu'il apporte selon moi la clé du projet qu'il se donne par le biais de l'écriture.

Bien entendu, ce projet ne se résume pas en quelque phrases, mais on peux l'appréhender intuitivement en le lisant sans s'arrêter sur les passages difficiles (j'appelle ça savoir glisser sur la lecture). D'autant plus que ce projet à quelque chose à voir avec "l'indicible" (le mot "indicible" étant déjà lui-même sinon une impossibilité, du moins une contradiction. Cela évoque pour moi la phrase de Pierre Klossowski: "Ces choses cessent d'exister dès qu'elle prennent la parole". On peut également rapprocher cet "indicible" de ce qu'en psychologie on appelle "injonction paradoxale" (par exemple lorsqu'on utilise l'impératif "soit naturel !", injonction qui contient à la fois l'ordre et l'impossibilité d'obéir à cet ordre).
Blanchot pratique l'écriture pour sortir (faire sortir le lecteur) de l'écriture (d'où ces énoncés en opposition accolés au sein d'une même phrase, qu'eXPie qualifie de mécanique). La question est de savoir pourquoi vouloir sortir de l'écriture, sortir des filets du langage.
Selon moi, (mais ça n'engage que moi) parce que " Le langage ne nous parle que lorsqu'il en arrive à se contredire, mais ce qu'il dit alors ne nous parle plus, mais "EST". le projet Blanchotien est en quelque sorte une tentative de matérialisation de l'écriture qui perd son sens au profit d'un simulacre d'incarnation. Je précise simulacre parce qu'en réalité, ce projet est impossible et porte l'impossibilité en lui.
Blanchot est (avec Klossowski) l'auteur à la fois le plus difficile et le plus facile à saisir, selon qu'on l'aborde avec la méfiance du lecteur avide d'explications ou avec l'innocence de celui qui le lit sans a priori. Ce qu'il dit s'appréhende plus par l'esprit (en temps que lieu de la pensée encore informulée) que par la raison cartésienne.

Pour Illustrer ma façon de saisir l'écriture Blanchotienne, quelques citations extraites de L'Ecriture du désastre:




Citation :
[size=12]«Ecrire, serait-ce, dans le livre, devenir lisible pour chacun, et, pour soi-même, indéchiffrable » (p.8 )

Citation :
« Je ne sais pas comment j’en suis venu là, mais il se peut que j’en arrive à la pensée qui conduit à se tenir à distance de la pensée ; …
… de là cette injonction : ne change pas de pensée, répète-la, si tu le peux » (p12)


Citation :
« Ne pas penser : cela, sans retenue, avec excès, dans la fuite panique de la pensée » (p13)

Citation :
« Il n’est pas exclu, mais comme quelqu’un qui n’entrerait plus nulle part » (p15)

Citation :
« Le désastre, nous le connaissons peut-être sous d’autres noms peut-être joyeux, déclinant tous les mots, comme s’il pouvait y avoir pour les mots un tout » (p15)

Citation :
« On a le pouvoir, à condition de n’en pas faire usage, car c’est la définition de la divinité » (p19)

Citation :
« Celui qui critique ou repousse le jeu, est déjà entré dans le jeu » (p21)

Citation :
« …et se taire, c’est encore parler. Le silence est impossible. C’est pourquoi nous le désirons » (p23)

Citation :
« Ne pas écrire – quel long chemin avant d’y parvenir, et cela n’est jamais sûr, ce n’est ni une récompense ni un châtiment, il faut seulement écrire dans l’incertitude et la nécessité » (p23)

Citation :
« Une ruse du moi : sacrifier le moi empirique pour préserver un JE transcendantal ou formel… » (p26)

Citation :
« C’est comme s’il disait : puisse le bonheur venir pour tous, à condition que, par ce souhait, j’en sois exclu » (p40)


Citant Bonaventura (p54-55)
Citation :
« A plusieurs reprises, on m’expulsa des églises parce que j’y riais, et des lupanars parce que je voulais y prier »
« Le suicide : je ne laisse rien derrière moi, et c’est plein de défi que je pars à ta rencontre, Dieu ou Néant »
« DIEU SOIT LOUÉ ! IL Y A UNE MORT, ET APRÈS, IL N’Y A PAS D’ÉTERNITÉ »
« Je me vis seul avec moi-même dans le néant… Avec le temps, toute diversité avait disparu, et il ne régnait plus qu’un immense et effrayant ennui, vide à jamais. Hors de moi, je tentais de m’anéantir, mais je demeurais et me sentais immortel »

Citation :
« J’appelle désastre ce qui n’a pas l’ultime pour limite : ce qui entraîne l’ultime dans le désastre » (p49)

Citation :
«Il y a des raisons de se donner la mort, et l’acte du suicide n’est pas déraisonnable, mais il enferme celui qui croit l’accomplir dans un espace définitivement soustrait à la raison…, étranger au vouloir et peut-être au désir, de sorte que celui qui se tue, même s’il cherche le spectacle, échappe à toute manifestation… » (p56)

Citation :
« De la pensée, il faut dire  d’abord qu’elle est l’impossibilité de s’arrêter à rien de défini, donc de penser rien de déterminé et qu’ainsi elle est la neutralisation permanente de toute pensée présente, en même temps que la répudiation de toute absence de pensée. L’oscillation est le risque de la pensée livrée à cette double exigence… » (p57)

Citation :
« Si le livre pouvait pour une première fois vraiment débuter, il aurait pour une dernière fois depuis longtemps pris fin » (p62)

Citation :
« Si le dilemme est : délirer ou mourir, la réponse ne manquera pas et le délire sera mortel » (p75)

Citation :
« Le dessein de la loi : que les prisonniers construisent eux-mêmes leur prison » (p76)

Citation :
« Donner, ce n’est pas donner quelque chose ni même se donner, car alors donner, ce serait garder et sauvegarder, si  ce que l’on donne a pour trait que personne ne peut vous le prendre, vous le reprendre et vous le retirer, sommet de l’égoïsme, ruse de la possession. Le don n’étant pas le pouvoir d’une liberté, ni l’exercice sublime d’un sujet libre, il n’y aurait don que de ce que l’on a pas… » (p83)

Citation :
« Qu’il ne  soit question de  rien, jamais, pour personne » (p86)

Citation :
« Le silence est peut-être un mot, un mot paradoxal, le mutisme du mot, mais nous sentons bien qu’il passe par le cri, le cri sans voix, qui tranche sur toute parole, qui ne s’adresse à personne et que personne ne recueille… » (p86)

Citation :
« Ne pardonne pas. Le pardon accuse avant de pardonner ; accusant, affirmant la faute, il la rend irrémissible, il porte le coup jusqu’à la culpabilité ; Ainsi tout devient irréparable, don et pardon cessent d’être possible » (p89)

Citation :
« Ce qui est étrange dans la certitude cartésienne « Je pense, je suis », c’est qu’elle ne s’affirmait qu’en parlant et que la parole précisément la faisait disparaître » (p90)

Citation :
« Seul le régime moyen se laisse affirmer ou nier ; mais il n’y a plus lieu à affirmation, à négation, lorsque la tension la plus haute, la dépression la plus basse rompent tous rapports qui se laisseraient signifier dans un dire » (p92)

Citation :
« L’inspiration, cette parole errante qui ne peut prendre fin, est la LONGUE NUIT DE L’INSOMNIE, et c’est pour s’en défendre, en s’en détournant, que l’écrivain en vient à écrire vraiment, activité qui le rend au monde où il peut dormir » (p97)

Citation :
« Si, parmi tous les mots, il y a un mot inauthentique, c’est bien le mot ‘authentique’ » (p98)

Citation :
« On ne croit à rien par besoin de trop croire et parce qu’on croit encore trop quand on ne croit à rien » (p101)

Citation :
« L’affirmation se passe de preuve, à condition de prétendre rien prouver » (p102)

Citation :
« Écrire son autobiographie soit pour s’avouer, soit pour s’analyser, soit pour s’exposer aux yeux de tous, à la façon d’une œuvre d’art, c’est peut-être chercher à survivre, mais par un suicide perpétuel…  S’écrire, c’est cesser d’être » (p105)

Citation :
« Si tu écoutes l’époque , tu apprendras qu’elle te dit à voix basse, non pas de parler en son nom, mais de te taire en son nom » (p107)

Citation :
« …Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? »  (p107)

Citation :
« Il n’y a pas loi, interdit puis transgression, mais transgression sans interdit qui finit par se figer en loi » (p121)


Voila j'espère avoir donné plutôt envie de lire ou relire Blanchot, que rebuté les indécis parce qu'il est selon moi un des écrivains majeurs de ce siècle  et qu'il mérite qu'on s'y attarde.


PS: si j'écris gros c'est pas pour me faire remarquer, c'est parce que je suis myope comme une taupe  mdr2
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MessageSujet: Re: Maurice Blanchot   maurice blanchot - Maurice Blanchot - Page 6 EmptyLun 20 Jan 2014 - 12:52

arf. j'ai toujours l'envie d'y revenir donc ça ne compte pas forcément.

pour la taille de la police, le mieux est d'arranger la taille d'affichage sur ton navigateur dans les options d'affichage ou avec un "ctrl + molette", ça permet à chacun d'arranger à sa convenance si besoin et de conserver une homogénéité utile pour ces problématiques.  cat 
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MessageSujet: Re: Maurice Blanchot   maurice blanchot - Maurice Blanchot - Page 6 EmptyLun 20 Jan 2014 - 12:58

animal a écrit:
arf. j'ai toujours l'envie d'y revenir donc ça ne compte pas forcément.

pour la taille de la police, le mieux est d'arranger la taille d'affichage sur ton navigateur dans les options d'affichage ou avec un "ctrl + molette", ça permet à chacun d'arranger à sa convenance si besoin et de conserver une homogénéité utile pour ces problématiques.  cat 

Je suis déjà à 150% de la taille normale et je suis limite  mdr2 
Je vais essayer 200%  affraid
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MessageSujet: Re: Maurice Blanchot   maurice blanchot - Maurice Blanchot - Page 6 EmptyMar 21 Jan 2014 - 21:16

et pour essayer de préciser... comment parlerais-tu de la part de factice qui accompagne cet indicible puisqu'il dit quand même et de façon précise. la double part de factice en fin de compte, celle de cette impossibilité presque contredite de dire et celle sans doute de la posture de l'écrivain. au moins au sens où il illusionne...

comme dans ce passage de ??? (il faudrait vérifier le titre) du reflet dans la vitre qui développe une intensité peu commune et assez inattendue ? disons dans le rapport immédiat au sens (et à l'impression provoquée).


ou indicible pas au sens où l'écrivain lutte avec l'indicible mais l'expose, du moins rend un sens défini étonnamment malléable (ça apparait dans certaines citations que tu as choisies d'ailleurs).

mais pour revenir au factice, parce que si la lecture demande quelques ressources elle offre aussi des plaisirs.
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MessageSujet: Re: Maurice Blanchot   maurice blanchot - Maurice Blanchot - Page 6 EmptyMar 21 Jan 2014 - 21:56


Je ne sais pas où Blanchot parle d'une part de factice à propos de l'écriture, (tu fais peut-être allusion à ce que je disait sur le simulacre) mais ce qui me semble évident c'est que si la matérialisation de la pensée est un simulacre, alors on peut parler d'écriture factice.
Mais cela n'empêche pas qu'elle produise du sens (même s'il se contredit), des impressions, du plaisir etc...
Je ne sais pas si je répond à ta question, mais pour moi, cette part de factice (simulacre, illusion) est génératrice d'effets sur le lecteur, sans quoi, personne ne la lirait.


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MessageSujet: Re: Maurice Blanchot   maurice blanchot - Maurice Blanchot - Page 6 EmptyMar 21 Jan 2014 - 22:09

je ne sais pas le formuler. quand il écrit il avance en quelque sorte un sens et son contraire (ou son reste, si on "pense en patates"), une sorte de totalité. factice ou paradoxe cette totalité à un poids sur le sens admis qui contient l'échec (du sens... premier) ou l'indicible... un effet d'annulation. et l'écriture tournant autour de cette ligne produit beaucoup de satisfaction (pourquoi pas tiens). je le dirai peut-être comme un à côté plus ludique ou une manifestation un peu différente de la question de la nécessité, de l'impossibilité, de la mécanique inquiète, parfois austère ou aride, ce grand sérieux qu'on trouve facilement chez Blanchot.

pas tant le "simulacre de l'incarnation" que l'acceptation d'une ambivalence qui lui préexiste. le cache cache de l'écriture avec cette acceptation étant peut-être ce que j'appellerai "factice" sans que ce soit péjoratif... on pourrait aussi imaginer ça comme l'huile d'une assez sublime mécanique !
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MessageSujet: Re: Maurice Blanchot   maurice blanchot - Maurice Blanchot - Page 6 EmptyMar 21 Jan 2014 - 22:27

oui, l'écriture à double sens de Blanchot peut provoquer une certaine satisfaction parce qu'elle donne l'illusion d'avoir le pouvoir de se matérialiser. c'est un peu comme si Blanchot nous faisait partager la puissance de son écriture.
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MessageSujet: Re: Maurice Blanchot   maurice blanchot - Maurice Blanchot - Page 6 EmptyMer 12 Nov 2014 - 13:50

[Edit : ce commentaire est aussi abscons que la lecture qui le provoque]

Le dernier homme :

J’ai eu un peu de mal à trouver un rythme de lecture face à cette littérature pour le moins déroutante dans sa construction et son propos. D’ailleurs et c’est bien la première fois que ça m’arrive, j’ai lu les 70 premières pages environ, puis les ai relu, une seconde fois. J’ai arrêté la lecture du roman, et j’ai  lu un autre livre.  Pis j’ai finalement repris la lecture du dernier homme, pour le finir cette fois, en repartant du début.

Le dernier homme est un texte de l’intérieur, de ‘je’, de ‘il’ de ‘elle’ et de ‘ensemble’ ou ‘toi et moi’ ou ‘nous’. Il raconte (ou donne à éprouver) la fascination qu’exerce un homme mourant d’apparence simple, innocent, attractif et effrayant, sur le narrateur et pensionnaire d’un genre de sanatorium. Une  fascination similaire je trouve,  a ce que l’on peut ressentir lorsque, se promenant au faîte d’un viaduc vertigineux, on se penche un peu pour voir, accroché fermement au parapet, alors que les idées déjà, apprécient le vide et la distance au sol, attirées par cet espace.

Dans cette fascination quasi hypnotique, cette chute mortelle que l’on pressent, vient se percuter le féminin, ‘elle’, prise ‘à sa façon’, dans l’attirance de ce ‘il’, du dernier homme, qu’elle partage avec le ‘je’. Attirance effrayante, mais moins intériorisé, plus ouverte sur l’autre que celle du ‘je’, c'est-à-dire ouverte sur le ‘il’ et le ‘je’ du récit. Et une passion naissante dans le partage avec le ‘je’, mais qui n’est pas sans rapport avec la solitude, le retrait de l’être, et aussi un rapprochement essentiel :


Citation :
« Mais quand il est seul, il est peut être gaie ». Elle se tint obstinément a ce mot, elle dit – remarque que je sentie extraordinairement juste – qu’il était l’être le plus gaie qu’elle eu rencontré, d’une gaité qu’elle ne pouvait toujours soutenir, et je compris pourquoi elle aussi semblait quelquefois presque gaie, ce n’était pourtant pas une vraie gaieté, elle n’en portait que le reflet qu’on voyait d’autant mieux qu’il mettait sur elle le brillant d’une parure, la scintillation d’une étoffe précieuse dont on désirait s’en approcher, peut être pour l’en déshabiller.

C’est quand même superbement dit !

Vers la fin de la première parti qui occupe un peu plus des deux tiers du livre, orchestré par le triptyque ‘Je’, ‘il’, ‘elle’, et les méandres réflexif du ‘je’ a ce propos, une image devient récurrente et se poursuit dans la seconde partie : L’expression d’une solitude qui , sous l’effet d’une menace et du calme vers lequel elle nous pousse, exerce paradoxalement un rapprochement de ‘je’ et ‘elle’ :

Citation :
« Je vous trouve depuis quelques temps bien calme ». Elle se contenta de remarquer « Mais je ne suis peut être pas calme », et elle ajouta, après avoir réfléchit dans son souci d’être exacte : « il y a souvent comme une pointe, une pointe extrêmement fine qui cherche a me faire reculer, a me repousser dans le calme. Je ne sens que la pointe et pas du tout le calme ». Cette réponse fut pour moi comme cette pointe dont elle me parlait et dont j’éprouvais aussi la présence : Une souffrance si aiguë, si fine, qu’on ne pouvait savoir si elle était encore lointaine ou déjà absolument présente, quoique s’approchant sans cesse, et trop vive pour qu’on pu la maitriser. Ce qu’évoquais cette pointe, cette souffrance qui me clouait sur place et cependant me poussait de ci de là par une inquiétude qui avait les signes de la gaité, je ne le savais pas.

Et quelque page plus  loin, le rapprochement :

Citation :
« Vous êtes calme pourtant » - « Oui, je suis calme, mais c’est déjà presque comme un souvenir, le plus lointain des souvenirs » - « Cela est déjà passé ? ». Mais elle ne manquait pas d’ajouter avec ce souci d’exactitude auquel elle ne renonçait pas : « Il y a toujours cette pointe, comme un pointe extrêmement fine qui nous forcerait a reculer, a rentrer au seins du calme »  - « Nous ? Moi aussi ? » - « Oui, nous, seulement nous ».

Texte de l’intérieur, mais qui esquisse une géographie particulière, le sanatorium, un peu blafard, immaculée, ou d’Autre airent dans les couloirs au mur blanc. Pourtant, par les fenêtre, une cours intérieur ou la neige vient de tomber, et au-delà, d’un coté les montagnes et de l’autre la mer. Il y est aussi question des reflets à l’intérieur, distants, et une nouvelle fois, pétri de solitude et de ce calme partagé ou ils se retranchent sous l’effet de la pointe extremement fine:

Citation :
J’aimais ce couloir. J’y passais avec le sentiment de sa vie calme, profonde, indifférente, sachant que là s’élèveraient mes arbres, là s’étendrait l’immense bruissement des champs, la mer, le ciel changeant avec ses nuages, là, dans ce tunnel, l’éternité de mes rencontres et de mes désirs.

Solitude rapprochante trouvant l’écho dans une « nature » ténébreuse :

Citation :
Parfois, le ciel change de couleur. Noir, il devient plus noir. Il s’élève d’un ton comme pour indiquer que l’impénétrable a encore reculé. Je pourrais craindre d’être seul a m’en rendre compte. Tout, prétend-il, nous serait commun, sauf le ciel. Par ce point passe notre part de solitude. Mais il dit aussi que cette part est la même pour tous et qu’en ce point nous sommes tous unis jusque dans notre séparation, unis la seulement et non ailleurs : Ce serait le but ultime. Ce qui le prouve, c’est que chaque fois que le noir devient plus noir par une nuance qui ne peut être communiqué qu’au cœur de nous même, ce que chacun dit secrètement pour donner réalité a ce signe, s’élève de toute parts en un même cri commun qui seul nous révèle ce que nous avons fait entendre a nous seuls. Cri terrible, apparemment toujours le même.Ce qui est terrible a son degrés le plus haut ne change pas, et pourtant nous savons qu’il varie imperceptiblement pour répondre a la variation insensible du ciel. C’est en cela qu’il est terrible.

La dernière phrase m’apparait énigmatique (entre autre avec beaucoup d’autre passage du livre tout de même), ce passage du ‘je au ‘il’ puisque je comprends que ce ‘il’ est a présent le ‘je’ du récit, enfin il me semble. Mais je ne voit pas trop ce que l’auteur entend par ‘ce rapport avec les mots’.

Citation :
Plus tard il se demanda comment il était entré dans le calme. Il ne pouvait en parler avec lui-même. Seulement joie à se sentir en rapport avec les mots. « Plus tard, il… »
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MessageSujet: Re: Maurice Blanchot   maurice blanchot - Maurice Blanchot - Page 6 EmptyMer 12 Nov 2014 - 19:46

ah oui, il y a des impressions de perméabilité des identités aux effets durables. peut-être des angles possibles en relisant les messages de Comus plus haut ?

chouette commentaire en tout cas. bonjour


(un jour je me recolle à L'attente, l'oubli).
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MessageSujet: Re: Maurice Blanchot   maurice blanchot - Maurice Blanchot - Page 6 EmptyMer 12 Nov 2014 - 19:54

"ce commentaire est aussi abscons que la lecture qui le provoque"

"Abscons" souvent, "hypnotique et génial" presque toujours, Blanchot.

A lire déjà tous ses essais littéraires.
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MessageSujet: Re: Maurice Blanchot   maurice blanchot - Maurice Blanchot - Page 6 EmptyLun 5 Jan 2015 - 12:17

Thomas l’obscur.

Finir  thomas l’obscur dans un train, la nuit, alors que celui-ci nous conduit a la fête du nouvel an  est une expérience plutôt bizarre. Tout comme le dernier homme, le texte est tourné vers l’intérieur de ses personnages. Intérieur des personnages qui cette fois se reflète carrément dans ce quoi leur corps se trempent, la mer brumeuse, la nuit, le plein midi ou le profond minuit, a moins que ce ne soit le contraire, l’intérieur du monde qui se reflète dans le corps.

Cette fois,  ce n’est plus un triptyque qui configure le récit, mais pourrait on dire un couple, bien que couple ne soit pas a prendre dans le sens « vivre à deux » ou « ensemble », mais plutôt comme une (tentative de) rencontre, et la encore, ni la rencontre amoureuse, ni le désir des corps, mais la rencontre des êtres qui vont mourir. Thomas l’obscur est surtout il me semble un texte de la mort. L’amour qui y est évoqué  prend un sens dans le fait que les êtres qui se rencontrent, Thomas, Anne, sont mourant, et ainsi Anne meurt sous les yeux vivant de Thomas, qui lit le  visage sans vie d’Anne comme il lirait un livre dans sa chambre.

Le texte décrit alors un chemin, dont le point d’inflexion est cette mort, et le long duquel la solitude face à la mort se tourne pour se diriger vers l’autre en nous montrant une nouvelle solitude, une autre solitude. L’espèce de mer imaginaire ou le monde (la foule) se baignerait nue, à la toute fin, ne m’est pas vraiment apparut comme une réconciliation de cette solitude à l’autre. Cela reste des solitudes renfermé dans les corps, et qui flottent a la surface d’un océan brumeux, clapotant au rythme d’une houle faible mais suffisante pour imposer la soumission de ceux-ci au mouvement. Toutefois, elle est tout-a-fait différente de la baignade initiale de Thomas qui ouvre le texte. J’ai l’impression qu’exprimer concrètement ce changement, cette différence, serait là toucher à l’essence même du texte, aux nouvelles solitudes.

La  lecture de Blanchot est très particulière, elle me demande une lecture plutôt lente, et pas mal de relecture. Exigeante, mais pas forcement a cause des paradoxes ou des constructions antinomique. C’est tout se mélange de sensation, de réflexion, d’image poétique qui sont tressé de façon très serré par l’auteur, et l’utilisation de mot simple, mais qui dans le contexte des phrases, peuvent prendre de multiple sens. C’est une lecture extrêmement active je trouve. Il s’en dégage un plaisir de lecture ou le lecteur n’as pas la sensation d’être confronté a un texte « trop » compliqué, mais a une découverte permanente. C’est aussi une lecture du retrait, de la confrontation avec des réflexions vertigineuse parfois, angoissante aussi. Ce n’est pas vraiment confortable.

Pour le prochain j’irai peut être voir du coté des essais, il me semble qu’il a écrit sur Kafka et je serai curieux de lire cela.


Dernière édition par HamsterKiller le Mar 6 Jan 2015 - 1:02, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: Maurice Blanchot   maurice blanchot - Maurice Blanchot - Page 6 EmptyLun 5 Jan 2015 - 12:55

ça donne envie de s'y remettre... (bonne résolution de l'année ?)

j'ai le Livre à venir dans un coin je crois, si ça te dit.
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MessageSujet: Re: Maurice Blanchot   maurice blanchot - Maurice Blanchot - Page 6 EmptyLun 5 Jan 2015 - 23:12

ha oui il a l'air pas mal celui là aussi !
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MessageSujet: Re: Maurice Blanchot   maurice blanchot - Maurice Blanchot - Page 6 EmptyLun 5 Jan 2015 - 23:55

Kafka, Rilke, Holderlin... Il en a parlé Blanchot, et d' autres encore.
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MessageSujet: Re: Maurice Blanchot   maurice blanchot - Maurice Blanchot - Page 6 EmptyMar 6 Jan 2015 - 16:27

Quelle serait la meilleure porte d'entrée à Blanchot ? "L'espace littéraire" ?
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