Ang Lee

Bien envie d'aller voir cette Odyssée aussi!

Avadoro a écrit:

L'Odyssée de Pi de Ang Lee

Ang Lee semble s'effacer derrière l'ampleur du projet mais la discrétion de la mise en scène devient presque un atout face à la débauche d'effets artificiels. Cette adaptation du roman à succès de Yann Martel agace et séduit à la fois par son imagerie naïve au service d'une ferveur mystique. Si l'approche du drame est largement prévisible, voire anodine, le récit de la survie convainc tout de même davantage : l'ampleur d'une solitude, la cohabitation forcée avec le tigre précipitent une évasion vers la simplicité du conte. Ce n'est tout de même pas suffisant pour provoquer l'enthousiasme et le final consciencieux laisse une trace assez terne.

swallow a écrit:

Mais, là, LE TIGRE d´Ang LEE m´en a bouché un coin.

Je sors de ce film émerveillé et je renonce d'avance à argumenter face aux inévitables avis négatifs qui viendront (la critique officielle est globalement dithyrambique malgré quelques féroces détracteurs). Ce conte aux allures de modeste récit initiatique est visuellement sidérant même si on peut être réfractaire à cette immersion 3D dans un monde presque entièrement synthétique (que ces animaux sont sublimes!). Ang Lee, aidé par Mychael Danna à la musique (c'est entre autres le compositeur d'Atom Egoyan), a créé un spectacle envoûtant qui met dans un état pratiquement de lévitation pour peu qu'on se laisse emporter par cette aventure qui interroge avec simplicité (mais pas naïveté) la création des mythes sur fond de polythéisme et de sagesse orientale. J'ai été époustouflé par la façon dont il nous confronte à l'impossible, à l'imaginaire le plus féérique en même temps que le plus concret, avec une gradation vers une sorte d'extase onirique puis de béatitude qu'on ressent vers la fin (je n'exagère pas). J'ai fonctionné à 300% avec des frissons partout et une émotion qui m'a saisi face à ce tigre synthétique devenu aussi indispensable au héros de cette Odyssée que la balle de base-ball pour Tom Hanks dans Seul au monde. On pourra peut-être voir de l'imagerie d'Epinal ou une philosophie de CM2 mais l'expérience que m'a permis de vivre ce film m'a fait un bien énorme. Je le place en tête des meilleurs films de l'année. L'idée même que je me fais du mot "merveilleux".



P.S. Avadoro: le final je ne le trouve pas terne mais malicieux et comme un dernier clin d'oeil complice avec le spectateur en recherche d'imaginaire et de magie. A chacun d'imaginer sa propre vie et ses propres croyances.

Je viens de voir L'Odyssée de Pi et on se laisse embarquer dans cette quête/cette fable/ce conte sans problème.

L'idée ingénieuse est de mêler l'aspect un peu mythologique à la réflexion sur l'imaginaire et la création tout en insistant sur la force intérieure du héros.

Les interruptions entre Pi et l'écrivain en panne permettent de faire une pause dans la narration, tout comme le faisait Ulysse dans son Odyssée. Ce qui donne ainsi le fil conducteur d'une histoire en train de se créer au fur et à mesure tout en maintenant une ambiguité sur la véracité de la véritable histoire arrivée à Pi.

Maintenant, en plein océan pacifique, avec pour seul compagnie un carnet de survie, un crayon, à bord d'un radeau de fortune, il est permis de s'évader pour survivre. Le film pose la question de la confrontation de l'homme à une nature parfois hostile dans des conditions extrêmes. Comment puiser en soi la force nécessaire pour continuer à lutter ou accepter la fin avec résignation?

J'ajoute que l'absence d'anthropomorphisme permet de créer une émotion d'autant plus grande que ce tigre reste d'une opacité totale pour ce jeune héros qui l'a investi dans son ambivalence même comme sa dernière raison de survivre. Ce qui se passe entre eux est un grand moment de cinéma.

Marko a écrit:

J'ajoute que l'absence d'anthropomorphisme permet de créer une émotion d'autant plus grande que ce tigre reste d'une opacité totale pour ce jeune héros qui l'a investi dans son ambivalence même comme sa dernière raison de survivre. Ce qui se passe entre eux est un grand moment de cinéma.

Rho Marko, on dirait que tu as retrouvé ton âme d'enfant avec ce film?! Je me trompe?
Pas d'anthropomorphisme, et le nom du Tigre, tu en fais quoi? Hein, dis? Richard Parker, ce n'est pas très commun pour un animal, non?
Remarque, c'est toujours mieux que Soiffard!

A mon tour de faire des ajouts alors. :-)
Ce long face à face entre Pi et Richard Parker permet au jeune adolescent de partir à la recherche de son être intérieur, du leg de parents : il trouve la force virile du père qui lui permet de dompter sa peur (symbolisée par "Tigrou" ) mais aussi la part (la plus belle, selon moi ) de la mère à travers les récits rituels du soir sur les dieux hindous avec l'histoire de Krishna qui découvre le monde dans la bouche d'un enfant... Tiens tiens, comme c'est bizarre!

Esperluette:

Citation :

Richard Parker, ce n'est pas très commun pour un animal, non?

et le nom de Pi? c´est- attends-toi bien- Esperluette, c´est: PIscine Molitor

Alors j´ai revu ( maquette et informatique encore, mais bien reproduite dans le film) la piscine de mon adolescence ( l´hiver on allait y patiner) car c´était ou celle du Petit Pont (sur la Seine, aujourd´hui disparue) ou Molitor et ses 2 splendides galeries de cabines bleues et blanches:


Mais cela m´amuse de constater combien les banlieusards sont devenus casaniers aujourd´hui: ils sortent à peine de leur quartier. Nous etions gosses ( du 93) on se tapait toute la ligne de Metro, traversant tout Paris d´Est en Ouest.
Maintenant ce serait dément que de faire tout ce trajet, juste pour nager ou patiner. Mais cela nous permettait de disparaître pour toute la journée du domicile familial.
Les temps ont changé, il y avait vraiment communication entre ados de l´Est (ouvier) et les jeunes "chics" du XVIe. Non, je nous n´étions pas élevés dans des clapiers. On se mélangeait, et de manière si naturelle, que nous ne nous ne nous rendions même pas compte que nous ne provenions pas des mêmes milieux!

Esperluette a écrit:

Marko a écrit:

J'ajoute que l'absence d'anthropomorphisme permet de créer une émotion d'autant plus grande que ce tigre reste d'une opacité totale pour ce jeune héros qui l'a investi dans son ambivalence même comme sa dernière raison de survivre. Ce qui se passe entre eux est un grand moment de cinéma.

Rho Marko, on dirait que tu as retrouvé ton âme d'enfant avec ce film?! Je me trompe?
Pas d'anthropomorphisme, et le nom du Tigre, tu en fais quoi?

L'adolescent y projette toutes ses émotions mais le tigre reste tigre jusqu'au bout. C'est ce qui est beau. Il garde sa nature sauvage et animale. Il n'est jamais montre comme dans les films de Disney.

swallow a écrit:

Esperluette:

Citation :

Richard Parker, ce n'est pas très commun pour un animal, non?

et le nom de Pi? c´est- attends-toi bien- Esperluette, c´est: PIscine Molitor

Alors j´ai revu ( maquette et informatique encore, mais bien reproduite dans le film) la piscine de mon adolescence ( l´hiver on allait y patiner) car c´était ou celle du Petit Pont (sur la Seine, aujourd´hui disparue) ou Molitor et ses 2 splendides galeries de cabines bleues et blanches:


Mais cela m´amuse de constater combien les banlieusards sont devenus casaniers aujourd´hui: ils sortent à peine de leur quartier. Nous etions gosses ( du 93) on se tapait toute la ligne de Metro, traversant tout Paris d´Est en Ouest.
Maintenant ce serait dément que de faire tout ce trajet, juste pour nager ou patiner. Mais cela nous permettait de disparaître pour toute la journée du domicile familial.
Les temps ont changé, il y avait vraiment communication entre ados de l´Est (ouvier) et les jeunes "chics" du XVIe. Non, je nous n´étions pas élevés dans des clapiers. On se mélangeait, et de manière si naturelle, que nous ne nous ne nous rendions même pas compte que nous ne provenions pas des mêmes milieux!

Oui, très juste Swallow! Je suis passée à côté.
J'aime bien la façon dont il prend possession de ce surnom et l'impose.
Meric pour ce témoignage. Il est vrai qu'elle est magnifique, ça te dit d'aller y faire un tour avec moi? J'aime bien les trucs déments parfois! Ca oxygène...

Marko a écrit:

Esperluette a écrit:

Marko a écrit:

J'ajoute que l'absence d'anthropomorphisme permet de créer une émotion d'autant plus grande que ce tigre reste d'une opacité totale pour ce jeune héros qui l'a investi dans son ambivalence même comme sa dernière raison de survivre. Ce qui se passe entre eux est un grand moment de cinéma.

Rho Marko, on dirait que tu as retrouvé ton âme d'enfant avec ce film?! Je me trompe?
Pas d'anthropomorphisme, et le nom du Tigre, tu en fais quoi?

L'adolescent y projette toutes ses émotions mais le tigre reste tigre jusqu'au bout. C'est ce qui est beau. Il garde sa nature sauvage et animale. Il n'est jamais montre comme dans les films de Disney.

Simple taquinerie de ma part!
Tu as raison de le souligner, c'est d'ailleurs en cela que le film est réussi et qu'il fonctionne à plusieurs degrés d'interprétations. Et le petit câlin entre Pi et Tigrou? Bon j'arrête mes bêtises.

Toujours du point de vue du garçon (le tigre est en mauvais état pour réagir). Et il ne se retourne pas

Marko a écrit:

Toujours du point de vue du garçon (le tigre est en mauvais état pour réagir). Et il ne se retourne pas

Oui!

On continue ce petit jeu alors?
Et que penses-tu du "concours de pipi" entre Tigrou et Pi? S'agit-il d'un anthropomorphisme inversé de la part de Pi?

Sinon, blague à part! De très belles scènes sur l'océan calme et plat, un vrai miroir, on ne sait plus dans quelle dimension on est mais ce n'est pas grave. Pi nous a embarqué dans son histoire , qu'elle soit issue de son imaginaire ou pas, et on la vit avec lui, on est sur son radeau et c'est un vrai bonheur.

Le concours de pipi c'est du pur comportementalisme. Le roman comme le film insistent pas mal sur le conditionnement pour dresser un tigre et tout ce qu'on voit est très réaliste jusque dans la violence. Tu connais bien la manière dont ces animaux marquent leur territoire.

Oui le reste est entre hallucination et rêve. Une pure fantasmagorie qui pourtant ne montre que des choses réelles ( à part cette île incroyable peut être). C'est planant.

Marko a écrit:

Le concours de pipi c'est du pur comportementalisme. Le roman comme le film insistent pas mal sur le conditionnement pour dresser un tigre et tout ce qu'on voit est très réaliste jusque dans la violence. Tu connais bien la manière dont ces animaux marquent leur territoire.

Oui le reste est entre hallucination et rêve. Une pure fantasmagorie qui pourtant ne montre que des choses réelles ( à part cette île incroyable peut être). C'est planant.

Oui, je te cherche un peu, pardon!

Et encore un truc bizarre : Tigrou sort soudainement de "nulle part" (bon, il est planqué sous la bâche?). Et la hyène où s'est-elle planquée? Entre les pattes de Tigrou?

Petit détail qui ne perturbe pas la narration mais il se laisse quand même un peu désirer son altesse le Tigre, non? Et quand il apparaît, il est effectivement TRES impressionnant.

Je crois que j'ai épuisé mes réserves de taquinerie avec Tigrou. Merci de t'être prêté au jeu, Marko.

Oui, les scènes sur l'océan sont magiques. Pas mal le coup de l'île : il fallait quand même bien à un moment du récit en faire apparaître une. Et le bracelet que Pi noue à une branche d'arbre, qu'en penses-tu? Y vois-tu un symbolisme quelconque?

Esperluette a écrit:

Et le bracelet que Pi noue à une branche d'arbre, qu'en penses-tu? Y vois-tu un symbolisme quelconque?

Je pense que comme c'est au départ un lien d'amour entre lui et son amie, il représente un porte bonheur dont il peut faire une sorte d'offrande à la terre paradisiaque qui l'accueille alors même qu'il se croyait définitivement perdu. Quelque chose d'animiste ou de religieux en tout cas. Un don à la divinité qui a exaucé son voeu. Il lui donne ce qu'il a de plus précieux. C'est aussi une façon de faire le deuil de son passé. Mais le véritable deuil est accompli lorsqu'il voit le tigre s'en aller sans se retourner. Ce qui lui fait dire une fois adulte que la vie n'est qu'une succession de lâcher-prise mais que le plus dur est de n'avoir pas eu le temps de dire au revoir à ceux qu'il aimait. Le tigre les incarne tous (fictivement) et sert d'objet transitionnel permettant cet adieu qui le libère. ça peut paraître un peu simpliste dit comme ça mais le film en rend compte d'une façon très poétique. C'est un conte oriental sur le deuil et la croyance en la puissance de l'imaginaire.

Esperluette a écrit:

Et encore un truc bizarre : Tigrou sort soudainement de "nulle part" (bon, il est planqué sous la bâche?). Et la hyène où s'est-elle planquée? Entre les pattes de Tigrou?

Oui ça ne fonctionne pas. Sauf... si on se rappelle que toute cette histoire n'est peut-être qu'une invention. Le tigre surgit... de son imagination

Je vous rejoins sur l'importance du tigre dans le récit. Toujours intimidant et imprévisible, il est fascinant jusqu'au bout...
Par contre, je ne parviens pas à te suivre Marko sur ton enthousiasme pour la représentation visuelle. Je trouve que l'esthétique reste trop proche du carton-pâte, assez fade et désincarnée : elle cherche à émerveiller mais cette tentative me semble très maladroite. J'avoue cependant être réfractaire à la 3D au cinéma.

Avadoro a écrit:

Je vous rejoins sur l'importance du tigre dans le récit. Toujours intimidant et imprévisible, il est fascinant jusqu'au bout...
Par contre, je ne parviens pas à te suivre Marko sur ton enthousiasme pour la représentation visuelle. Je trouve que l'esthétique reste trop proche du carton-pâte, assez fade et désincarnée : elle cherche à émerveiller mais cette tentative me semble très maladroite. J'avoue cependant être réfractaire à la 3D au cinéma.

J'ai été ébloui du début à la fin. Même en Inde avec ces images d'Epinal qui sont à manger en 3D (notamment les animaux). La tempête est géniale, les affrontements avec le tigre fascinants, les phosphorescences nocturnes magiques (un peu Avatar sur les bords), la pluie de poissons volants magnifique, l'île aux suricates hypnotique. Non franchement j'ai adoré ça. Je me suis laissé embarquer par cette fantasmagorie orientalisante qui cherche la transe. Et quand le gamin se met à hurler face au ciel déchaîné j'ai trouvé qu'Ang Lee apportait une intensité sidérante. Mais je comprends parfaitement qu'on reste extérieur à tout ça ou qu'on le trouve laid (je n'ose même pas imaginer ce qu'en dirait Animal). Un film qui vise l'éblouissement permanent effectivement mais pour moi ça a fonctionné. La 3D me semble indispensable pour jouir de ce spectacle à fond. James Cameron qui a vu le film a dit que c'était un chef d'oeuvre et je le comprends. Mais il faut aimer cette déréalisation numérisée. Pour moi ça tient de la magie. C'est la nouvelle lanterne magique, une étape dans la représentation de l'imaginaire. On n'aurait jamais pu auparavant voir cet affrontement entre cet adolescent et ce tigre. Ang Lee l'a fait. Mais c'était un peu le même débat autour d'Avatar que j'aime aussi énormément. Parce que dans les 2 cas il y a un spectacle novateur visuellement et un souffle romanesque (jusque dans ses naïvetés). Ang Lee me semble aller encore plus loin parce que cette histoire de Yann Martel a un fond encore plus intéressant que chez Cameron. Avec eux je retrouve mes émerveillements d'enfant et ça fait du bien! Il y a un art de la transe probablement plus subtil chez Tarkovski ou chez Bela Tarr par exemple mais j'aime aussi cette approche plus féérique et colorée qui vise l'émotion pure. Il y a une candeur et un bonheur dans l'imaginaire qui m'enchantent.