Le bruit des choses qui tombent
Une belle découverte grâce à la sélection des auteurs du mois. J'ai aimé la sensibilité discrète de l'écriture de Juan Gabriel Vasquez, et le roman parvient à surprendre, à interroger en contournant des attentes. L'intrigue évoque en effet dès les premières pages l'histoire récente troublée de la Colombie, à travers la violence omniprésente et l'impact du trafic de drogue, mais cette dimension devient rapidement une toile de fond qui s'efface derrière des enjeux affectifs. Et même le retour dans le passé du narrateur, à la fois acteur et témoin d'un évènement qui a bouleversé sa vie, devient le miroir d'une angoisse bien plus large qui accompagne une génération confrontée à une perte de repères et un aveuglement.
Les personnages semblent presque s'effacer au fil des pages, car ils se retrouvent face à un vide qui ne peut être comblé. L'illusion d'une recherche cathartique laisse la place à la révélation morcelée de souvenirs figés et presque inaccessibles. Le bruit des choses qui tombent exprime alors une poésie mélancolique poignante autour de la perception d'une chute, d'une finitude. Vasquez prend des risques car l'équilibre du roman est jusqu'au bout fragile et instable, mais il saisit ainsi l'étendue d'un traumatisme collectif.