Peter Stamm [Suisse]

aériale a écrit:

Comme un cuivre qui résonne


Tout est dit en silence, capté sur le vif, à l'insu des gens. On ne sait pas si quelque chose va changer, c'est juste un constat et c'est cela qui est terrible, car la souffrance reste en suspens...
Encore un grand plaisir que j'ai eu à lire ce recueil. Son style est tout aussi efficace dans ces nouvelles: sobre et d'une justesse rare. Je l'aime de plus en plus!

Et quand on aime, on conte bien.

Tu en as très bien parlé de ce recueil, Aériale!
Je rajouterai juste que si ces nouvelles sont belles, elles sont bien sombres, chacune à leur manière. Ces histoires m'ont plus marquée que 7 ans, elles sont bien plus dérangeantes en fait. A la fois claires et troubles.

Vous êtes gentils tous les deux, merci! Mais je suis contente si ma fougue peut vous inciter à y jeter un oeil...

Nezumi a écrit:

Je rajouterai juste que si ces nouvelles sont belles, elles sont bien sombres, chacune à leur manière. Ces histoires m'ont plus marquée que 7 ans, elles sont bien plus dérangeantes en fait. A la fois claires et troubles.

Tu n'as pas tort Nezumi...elles nous laissent dans l'incertitude et le flou et c'est effectivement bien pire.
La lassitude, l'impression d'avoir laissé quelque chose derrière eux sans possibilité de changer le cours des choses juste parce que c'est trop tard est vraiment glaçante...

Le mec qui scie sa maison au fur et à mesure m'a laissé une drôle d'impression car depuis des mois mon voisin scie...inlassablement...

C'est vrai que ce type est assez effrayant de désespérance -étouffée, la pire-
Il n'éclate jamais, ne craque pas mais continue son petit traffic conscieusement sciant ses meubles et les balançant méthodiquement au feu. Il m'a bien plu lui!

Un autre aussi m'a touchée, d'une autre façon, plus tendre et plus triste aussi.

Citation :

La neige ne tiendrait pas longtemps, pensa Wechsler. L'air était froid, mais le soleil chauffait. Il resta encore un moment assis sur le banc, puis se leva. Il fit une halte devant la tombe de Margrit. Il repensa à la jeune fille qu'elle était lorsqu'il avait fait sa connaissance, à leur gaieté, leur insouciance, à la façon dont Hodel et lui, et d'autres encore qu'il ne connaissait pas, avaient détruit sa vie. Il eut envie de pleurer, mais n'y parvint pas. Il s'accroupit, retira quelques feuilles fanées des plantes qui poussaient sur la tombe. Puis il se releva et sortit du cimetière sans regarder derrière lui

Nezumi a écrit:

Le mec qui scie sa maison au fur et à mesure m'a laissé une drôle d'impression car depuis des mois mon voisin scie...inlassablement...

Mais c'est en sciant que Léonard de Vinci (vieille blague dont je ne me lasse pas).

Tu enchaînes les Stamm Aériale et on voit que tu aimes ça Je m'y remettrai bientôt, je suis presque prête pour un deuxième.

Mieux vaut lire des Stamm que des spams (proverbe suisse).

J'avais commencé Paysages aléatoires, conseillé par Kena, je vais le reprendre quand j'aurai un peu plus de temps.

Traversay

Paysages aléatoires (Ungefähre Landschaft, 2001 ; 221 pages). Traduit en français par Nicole Roethel en 2002. Christian Bourgois.

Le roman s'ouvre par une citation de Paul Celan : "Toi, sois comme toi, toujours".
C'est ce que va faire l'héroïne du livre. Dit ainsi, cela peut paraître bateau, mais comme toujours, il y a l'art et la manière d'en rendre compte et, in fine, c'est plutôt bien fait.
A propos de bateau, il y en a dans ce roman qui se déroule en Norvège.
Kathrine est employée des douanes dans une petite ville, plutôt un village : elle remplit des papiers, monte dans les bateaux, les inspecte, cherche les produits de contrebande. Comme on est au nord de la Norvège, on ne voit pas le bout du nez du soleil en hiver, il fait froid, il neige.
Elle s'est mariée une première fois. Elle a un enfant. Mais son mari boit, il la frappe, elle le quitte et vit avec son fils.

Citation :

"Maintenant en avril, la nuit n'était plus aussi sombre. Kathrine s'était levée tôt, bien que ce fût samedi. Elle réveilla l'enfant, lui fit prendre son petit-déjeuner et le conduisit chez sa grand-mère. Elle retourna chez elle, chaussa ses skis et s'en alla. Elle suivit les traces des motoneiges jusqu'à la première butte, puis celles de la ligne de courant qui menait jusqu'à l'antenne radio. Finalement, après une heure environ, elle s'écarta à angle aigu de cette dernière trace et s'élança dans l'immensité du fjeld." (page 9).

Elle va au phare, elle n'en repartira que le lendemain. Elle aime écouter les gardiens du phare.

Citation :

"Ils parlaient alors beaucoup, lui racontaient des histoires de temps immémoriaux, lui parlaient de personnes mortes depuis bien longtemps ou parties vivre ailleurs. Ils racontaient toujours les mêmes histoires, parlaient sans discontinuer et, pourtant, étaient aussi moroses que le paysage." (page 15).

Citation :

"Il neigeait souvent, et il faisait sombre et froid. Le père de Kathrine mourut, il ne se réveilla pas un matin. Il n'était pas encore vieux. Le pasteur était venu et s'était assis avec sa mère dans la cuisine. Kathrine avait fait du café, puis avait pris l'enfant par la main et était rentrée chez elle. Le pasteur et sa mère étaient toujours assis en silence à la table de la cuisine." (page 11).

Katrhine se remarie avec Thomas.

Citation :

"Thomas savait ce qu'il voulait. Quand il commença à parler de mariage, Kathrine n'y avait pas même encore songé. Son existence s'effilochait au gré des paysages aléatoires dont sa vie était faite. Pareille à ces pistes jalonnées de piquets qu'empruntent les traîneaux dans la neige, sa vie à lui avait une direction et un but. [...]
Elle n'avait jamais dit qu'elle l'aimait. Et elle ne lui dissimulait rien. S'il voulait savoir quelque chose, il n'avait qu'à lui demander. Mais il ne l'interrogeait jamais sur sa vie passée. Elle n'était même pas certaine qu'il sache que Helge avait été son premier mari. Ce que je ne sais pas !... disait-il parfois en riant." (pages 32-33).

Thomas est extérieurement un type trop parfait. Bien sûr, il ne l'est pas. Il est obscurément désagréable, même si tout le monde le trouve très sympathique.

Kathrine, qui contrôle les bateaux, n'a jamais franchi le cercle polaire. Elle va vouloir voir un peu de pays, tout plaquer. Elle est un peu déboussolée.

Certains écrivains en font des tonnes. Peter Stamm, lui, parvient à créer des personnages avec un minimum d'effets.
Le roman est comme un film nordique tel qu'on se l'imagine, sans musique pour souligner les états d'âmes des personnages le lecteur est assez grand pour les deviner. Pas de fioritures, donc.
Et, malgré ce qu'on pourrait croire, le roman n'est pas sinistre ou dépressif, il est finalement plutôt positif.
L'histoire d'une femme qui arrive à être elle-même, parce que jusqu'à présent, elle avait cherché à être une autre, volontairement ou non. Et c'est là qu'elle en arrive : à réaliser qu'à force de ne pas décider vraiment, elle est devenue quelqu'un d'autre.
Enfin, je crois.

Un roman vraiment pas mal, qui se lit vite.

A noter une phrase qui a l'allure d'un slogan rimé, que l'on pourrait peut-être revendre une fortune à une marque de café (à rapper sur un jingle djeunz) : "Elle dit, un café le matin chasse soucis et chagrins." (page 188).

Je note !!

Note, note Dom, je suis sûre qu'il te plairait Stamm...

J'ai Paysages aléatoires dans mon sac et je m'en régale d'avance. Merci de tes impressions Expie. Quand tu dis ça

Citation :

Un roman vraiment pas mal, qui se lit vite.

C'est qu'il vaut vraiment la peine

aériale a écrit:

-Un jour comme celui-ci-


Sur un thème assez banal, Peter Stamm nous révèle encore ici ses doutes, ses angoisses, cette peur du vide et en même temps ce refus de s'engager, des sujets qui l'obsèdent toujours. Le charme a opéré une fois de plus même si ce roman est loin d'avoir la puissance de Sept ans. J'ai souri plus d'une fois, été émue à d'autres, bref au final Andreas m'est devenu plus proche et attachant. Mais il ne m'aura pas autant marquée que le premier c'est certain...

Je signe des deux mains (et même dès aujourd'hui) à l'avis d'aériale, on est effectivement loin du niveau de Sept ans mais il y a un je ne sais quoi qui, autant dans l'histoire que dans le style, me fascine et me parle, aussi. Ce n'est que ma deuxième lecture de Stamm et, si j'en crois kena, Un jour comme celui-ci (que j'aurais plutôt intitulé Une vie comme celle-ci), c'est l'un de ses moins bons livres. Je me réjouis donc d'avance de lire les autres dans un proche avenir. Il m'a quand même laissé dubitatif, l'Andreas en question, ce personnage flottant dont la relation aux femmes m'a un peu agacé et auquel j'accorde donc moins de circonstances atténuantes que la magnanime aériale (aurait-elle un penchant pour les beaux ténébreux suisses ?).

"Il pensa à sa mort, il essaya d'y penser. Mais sa vie avait été si pauvre en événements qu'il n'arriva pas à l'imaginer."

Le thème du livre n'est pas très original, son écriture est assez blanche mais quoi, je referme le livre et je me mets à penser à des tas de choses qui ont un rapport avec ma propre vie. Et si c'était ça, en fait, qui me plaisait chez Stamm ? Qu'il ait ce pouvoir de me tendre un miroir et me dise : tiens, regarde-toi, vieux, comment tu te trouves après toutes ces années ? Tu la trouves belle ta vie ?

J'ignore s'il a le même effet sur tous ses lecteurs. Ca m'intéresserait de le savoir.

Oui, quelque chose de ce genre...
Entre la pauvreté et le dénuement, c' est le dénuement qui l' emporte dans Un jour comme celui-ci. Alors qu'' Agnès, (l' autre livre de Stamm que j' ail lu), est un roman d' une poignante mélancolie que cette meme écriture monocorde sert bien...

Agnès est morte. Une histoire l' a tuée. Il ne me reste d' elle que cette histoire. Elle commence il y a neuf mois, le jour où nous nous sommes rencontrés pour la première fois dans la Bibliothèque Municipale de Chicago.

Agnès, début du premier chapitre.

traversay a écrit:

Ce n'est que ma deuxième lecture de Stamm et, si j'en crois kena, Un jour comme celui-ci (que j'aurais plutôt intitulé Une vie comme celle-ci), c'est l'un de ses moins bons livres.

puisque je suis une inconditionnelle Peter Stamm.. j'espère que tu vas te plaire avec ses autres livres

traversay a écrit:

J'ignore s'il a le même effet sur tous ses lecteurs. Ca m'intéresserait de le savoir.

hm.. je ne sais pas si j'en ai eu l'effet de "m'identifier" avec un de ses personnages, même si dans Agnes et Paysages aléatoires il écrit du point de vue d'une femme, souvent ses 'héros' sont bien trop loin de ma propre réalité..
Je pense que je suis plutôt attirée par sa qualité d'écriture qui me donne la possibilité d'entrer dans la vie d'autres personnes, sans pour autant vivre leur vie (ni à se faire leurs réfléxions, parce que j'ai fait d'autres choix dans ma vie)