Presque tous les enfants qui aiment lire connaissent Dominique Demers. Enfin… pas elle personnellement, mais ses livres! Valentine picotée, Toto la brute, Marie La Chipie, les deux tomes de Maïna, La Mystérieuse Bibliothécaire (qui fait partie de la série des Charlotte, dont on s’est inspiré pour les films La Mystérieuse mademoiselle C. et L'Incomparable Mademoiselle C.), Marie-Tempête, Vieux Thomas et la petite fée, Pour rallumer les étoiles, etc. En fait, à elles seules, les œuvres de Dominique Demers remplissent quasiment un rayon entier de la section jeunesse des bibliothèques municipales! L’un n’allant pas sans l’autre, Dominique Demers en connaît également un rayon sur les livres… et sur tous les bénéfices que les enfants peuvent tirer de la lecture. En plus de faciliter l’apprentissage (dixit la Fédération des comités de parents du Québec), elle permet d’obtenir de meilleurs résultats à l’école, ouvre les portes de l’imaginaire, procure un plaisir sans fin, rend heureux et mène à l’écriture, Mme Demers en étant la preuve vivante.
Au bonheur de lire
Collaboration
Sachant cela, cette ex-prof de littérature jeunesse se devait donc d’écrire un guide s’adressant expressément aux parents. Un ouvrage dans lequel elle livre sur un plateau tous les trucs éprouvés pour donner aux enfants de 0 à 8 ans le goût de se glisser, beau temps mauvais temps, dans la peau d’un personnage tantôt rigolo, tantôt tendre, triste, malicieux, en colère, gourmand, explorateur, timide, mal compris, turbulent ou amoureux… mais toujours sympathique. Et, à ce chapitre, Au bonheur de lire est une véritable réussite. Pour vous dire les choses franchement, au moment d’interviewer Dominique Demers, nous avons eu un mal fou à trouver quelles questions lui poser. Pas de blague, dans son livre, elle répond vraiment à TOUTES les questions qu’on peut se poser sur le sujet. Et si, d’aventure, il nous en restait une ou deux, elle termine son guide avec les 12 questions le plus souvent posées par les parents.
Tout de même, pour faire bonne figure, nous lui avons demandé de donner son avis sur 9 points très précis.
Apparemment, la moitié des Québécois ne lisent jamais ou presque jamais. Pourquoi?
«Je pense qu’historiquement on en est là. On a décidé il y a une soixantaine d’années qu’on devait tous lire, alors de gros efforts ont été faits dans ce sens-là. Mais, pour que les gens lisent, ils ne doivent pas seulement apprendre à lire; ils doivent aussi découvrir le bonheur de lire. Il faut donc leur donner le goût de lire avant de leur apprendre comment, parce que cette étape-là est plate. Pour y arriver, il faut avoir un objectif: devenir un lecteur autonome qui aime les histoires.»
Quand faut-il commencer à sensibiliser nos enfants à la lecture?
«Dès que l’enfant répond à son entourage, je pense qu’il est chouette de placer dans son environnement l’objet livre. Et, lorsqu’il atteint l’âge de un an, il ne faut pas hésiter à lui mettre entre les mains des albums cartonnés pour tout-petits.»
Comment découvrir le type d’histoire qu’ils vont aimer?
«Ce que je propose aux parents, c’est de faire à quelques reprises des séances de dégustation en faisant une razzia à la bibliothèque. En ramenant plein de livres à la maison, ils vont aller d’eux-mêmes vers ce qui leur plaît. Peu importe le temps que ça prendra, il ne faut jamais se décourager: lorsqu’ils trouvent enfin ce qui les allume, c’est vraiment la fin du monde! La lecture, c’est comme l’amour: tout le monde peut aimer lire, mais pas le même livre…»
Si vous n’aviez qu’un seul conseil à donner aux parents, lequel ce serait?
«Découvrir ou redécouvrir le bonheur de lire! Le message le plus éloquent, c’est de lire en présence de l’enfant et de lui dire, s’il vient nous voir: "Là, tu me déranges! Je suis en train de lire."»
Est-il possible que, même après avoir tout essayé, nos enfants n’aient toujours pas le goût de lire?
«À première vue, non. Mais on a tous des périodes dans notre vie où on n’est pas réceptifs à certaines choses… Un enfant qui est troublé ou qui est malheureux, par exemple, peut parfois se montrer réfractaire. Sinon, c’est une question de diversité. Il s’agit de trouver le livre qui saura lui plaire, tout en se rappelant que personne n’a le même appétit pour la lecture.»
Si nos enfants délaissent les livres, est-ce qu’il se peut qu’on y soit pour quelque chose?
«Un geste qui se produit assez souvent, quand on est parent, c’est de porter un jugement sur les choix de lecture des enfants. "Oh, on ne va pas encore lire ça! C’est bien trop bébé!" Chaque fois qu’on émet un propos de ce genre, c’est comme si on disait à l’enfant ou à l’ado que ce qu’il aime n’est pas bon et, par glissement, qu’il n’est pas bon.
Pour aider un enfant à s’épanouir côté lecture, il faut le prendre où il en est et accepter ses critères et ses goûts. Bien accompagner un enfant dans sa lecture, c’est le respecter tout court.»
Comment reconnaître un bon livre lorsqu’on va à la librairie ou à la bibliothèque?
«Je pense que le mot clé est "intensité". Quel que soit le style, il faut que ce soit intense. Si c’est drôle ou si c’est merveilleux, on doit vraiment sentir qu’on décolle. Je fais toutefois une mise en garde: dans le regard d’un enfant, l’intensité n’est pas la même que la nôtre. Il faut donc faire l’effort de voir ce que notre enfant ressent avec son regard à lui.»
Souvent, il n’y a pas de mention pour nous préciser à quel groupe d’âge s’adressent les livres pour enfants. Comment juger si un livre est bon ou non pour nos enfants?
«Établir des catégories selon les groupes d’âge, ça relève plus d’une opération de marketing qu’autre chose. Un vrai bon livre dépasse sa catégorie d’âge. Et, si on a deux enfants, c’est chouette: il aura une plus longue durée de vie.»
Existe-t-il des trucs pour devenir un meilleur conteur?
« Pour les gens qui ont de la difficulté à jouer les comédiens, ils peuvent dynamiser le récit en demandant à l’enfant de participer. En général, on lit le livre plus d’une fois. "Et là, Pétunia a… a… a… Oui, elle a pété!" On peut aussi suggérer aux enfants de faire tel bruit à tel endroit. Ça les amuse toujours. Par contre, tout le monde peut imiter une voix de souris ou une voix de loup. Le simple fait de changer notre voix et de jouer avec eux les ravit. Il faut simplement casser la glace!»
Au bonheur de lire, aux Éditions Québec Amérique, 248 pages, 19,95 $
Notre appréciation: 4,5/5