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| Jean Rolin | |
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Auteur | Message |
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Bédoulène Abeille bibliophile
Messages : 17270 Inscription le : 06/07/2007 Age : 79 Localisation : Provence
| Sujet: Re: Jean Rolin Ven 13 Sep 2013 - 22:41 | |
| La clôture
(rajout) La clôture est une rue qui se situe sous le ventre du Bd Ney et le périphérique
J’ai compris dès les premières pages qu’il me faudrait un plan des rues de Paris dans le secteur pour comprendre les errances des divers personnages du livre et les recherches de l’auteur. Les personnages ne sont pas fictifs ; l’auteur accompagne son récit d’une analyse( ?) sur le Maréchal Ney.
En effet l’auteur a le « projet assez vaste et confus d’écrire sur le maréchal Ney du point de vue du boulevard qui porte son nom. Ou, ce qui revient au même (au moins sous le rapport de l’ampleur et de la confusion) d’écrire sur le boulevard qui relie la porte de Saint-Ouen à la porte d’Aubervilliers, mais du point de vue présumé du maréchal Ney. » ce qui appelle de ma part une première remarque : l’auteur présume souvent des pensées ou actes des personnages qu’il les fréquente ou pas. Puisque c’est son écrit je lui en reconnais le droit, mais cela m’a fait sourire parfois.
J’ aime son écriture très « visuelle » son ton où même dans l’ironie, dans la critique se dévoile beaucoup d’humanité. C’est certainement cette qualité qui lui a permis de recueillir les paroles de ces personnes déshéritées, réprouvées durant ses incursions dans leur milieu de vie.
Il faut beaucoup de détermination, de lectures (celles des biographies sur le Mal Ney) et encore plus d’imagination pour transposer dans le Paris du 21ème siècle les lieux où se sont déroulées les plus importantes batailles du règne de Napoléon, où s’est tour à tour illustré ou incliné l’un de ses Maréchaux et le faire resurgir du passé.
La vision photographique de ce secteur de Paris est un atout dans ce récit ; constructions en bordure des voies et des berges qui s’étalent , et le Bd du Mal Ney qui longe le périphérique. Les lieux deviennent plus précis et utiles à la compréhension quand l’auteur les nomme et les situe (bar, hôtel, immeuble…)
le lecteur suit l’auteur jusqu’à rencontrer Ney et en chemin faire connaissance avec Gérard, Daniel, Roger, Lito ; s’arrêter là où a été assassinée une prostituée, puis une autre et même découvrir sur un talus un chien mort.
Ce qui m’a interpellée c’est le fait qu’à 2 reprises (passages en italiques) l’auteur décrit un homme à la fenêtre et ce qu’il aperçoit ; j’ai pourtant l’impression qu’il s’agit de lui-même : pour quel effet ?
Bon si je m’égare un peu c’est qu’il y a tant de choses à dire, mais surtout que j’ai trouvé là un écrivain que je vais suivre.
Extraits :
« La première nuit où je pars à la recherche de la rue de la Clôture, je suis avec Lancien, dans la 405 blanche – blanche mais crade – qu’il possède à l’époque. Lancien est d’assez petite taille, moustachu, il porte ce soir-là un blouson de cuir, je suis quant à moi d’assez grande taille, le front largement dégarni, mal rasé et vêtu d’un imperméable sombre. Je ne donne ces détails morphologiques et vestimentaires qu’afin de faire ressortir la ressemblance, fortuite mais évidente, que nous présentons avec un couple de vieux flics patrouillant à bord d’une voiture banalisée. »
« Les Albanaises, au nombre de quatre ou cinq, s’y tiennent, par roulement, à raison d’une équipe de jour et d’une équipe de nuit, avec de brèves interruptions. »
« De nos jours, il pourrait du moins allumer la télé – sans doute l’auberge de la pomme d’or serait-telle abonnée à canal +, faute de quoi resterait toujours M6 – pour regarder pendant quelques minutes un spectacle sexy ou rigolo et se changer les idées. Mais il n’y a pas de télévision à l’auberge de la pomme d’or, pas plus qu’il n’y aura de journalistes, demain matin, sur la place où il devra s’adresser à ses troupes. En ce temps -là, les gens n’avaient même pas la ressource de lire l’éditorial de la rédaction du Monde pour savoir comment il convenait de penser ou d’agir. »
« Au pied de l’hôtel, à l’angle de la rue Emile-Raynaud et de l’avenue Jean-Jaurès, un piège à pauvres d’un modèle inédit vient d’être mis en place : il s’agit d’un mini-casino automatique, accessible vingt-quatre heures sur vingt-quatre, et débitant des produits de base – sandwiches, boissons en boites, papier-cul, yaourts aux fruits, protections périodiques, œuf de lump ou pâtée pour chien – à des prix vraisemblablement prohibitifs : afin de m’éviter des poursuites de Casino, je précise que je n’ai pas vérifié ce point. ………………. – des curieux se pressent devant le dispositif, qui comme la plupart des choses nouvelles présente au moins l’avantage d’abolir superficiellement toute différence de race, de classe ou d’âge. »
»La population de Sheffield, ou du moins la masse de celle-ci, manifestant encore des réticences à s’acquitter de son devoir de culture, la Graves Art Gallery demeure un séjour agréable, où l’on peut accéder sans faire la queue, regarder ou non les œuvres exposées, rêvasser, écouter craquer sous ses pas les lames du plancher. »
« ….on avait élevé un haut mur en parpaings entre le talus au chien mort et la déchetterie sis à l’angle du boulevard Macdonald, dressé le long des voies ferrées de nouvelles clôtures – bien qu’inévitablement elles dussent être forcées presque aussitôt – ou prolongé de quelques travées anti-putes le mur antibruit protégeant l’angle nord-est du parc de la Villette. Tout ce secteur de Paris offre d’ailleurs de nombreux exemples des techniques mises en œuvre par la société pour rendre moins visibles, plus furtifs, des maux qu’elle a depuis longtemps renoncé à prévenir ou à combattre. »
« Il n’y avait parmi eux qu’une seule femme, apparemment africaine, âgée peut-être d’une trentaine d’années, vêtue avec élégance, assise sur une couverture à l’intérieur de cette espèce de tuyau que doivent emprunter les impétrants. Ses lunettes sur le nez, elle était plongée dans un livre, et, même en faisant la part des choses – même en tenant compte de la nécessité, pour la lectrice, de se composer une attitude susceptible de tenir à distance les emmerdeurs - on aurait aimé savoir quel était ce livre , et ce qu’il avait pour mériter d’être lu dans des conditions si précaires. »
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Dernière édition par Bédoulène le Sam 14 Sep 2013 - 7:23, édité 1 fois | |
| | | Marie Zen littéraire
Messages : 9564 Inscription le : 26/02/2007 Localisation : Moorea
| Sujet: Re: Jean Rolin Ven 13 Sep 2013 - 22:59 | |
| Superbe, Bédoulène - Citation :
- l’auteur présume souvent des pensées ou actes des personnages qu’il les fréquente ou pas.
Oui Moi, j'aime bien! Il les observe et construit un roman dans sa tête. Personnellement, j'aime beaucoup et je le comprends , je suis capable de construire un roman dans ma tête à partir d'un mot. Après, l'écrire, c'est autre chose.. Et ceci: - Citation :
- « Il n’y avait parmi eux qu’une seule femme, apparemment africaine, âgée peut-être d’une trentaine d’années, vêtue avec élégance, assise sur une couverture à l’intérieur de cette espèce de tuyau que doivent emprunter les impétrants. Ses lunettes sur le nez, elle était plongée dans un livre, et, même en faisant la part des choses – même en tenant compte de la nécessité, pour la lectrice, de se composer une attitude susceptible de tenir à distance les emmerdeurs - on aurait aimé savoir quel était ce livre , et ce qu’il avait pour mériter d’être lu dans des conditions si précaires. »
Rien que cette phrase est merveilleuse! Il y a le fait d'abord qu'il la voit, cette femme, qu'il envisage que la concentration sur sa lecture puisse être due à autre chose que l'intérêt du livre lui-même, mais que, quand même, il voudrait bien savoir ce qu'elle lit.. Et on me dit que Rolin n'a pas d'empathie? Mais il en déborde! | |
| | | Bédoulène Abeille bibliophile
Messages : 17270 Inscription le : 06/07/2007 Age : 79 Localisation : Provence
| Sujet: Re: Jean Rolin Sam 14 Sep 2013 - 7:46 | |
| il y a même de l'empathie pour le Mal Ney (voir son commentaire sur le tableau de son exécution par Gérôme), qu'il a choisi aussi parce que :
"Si sujet à caution ue soit le témoignage du général Bonnal et dans une moindre mesure celui de Lavalette, il me plait que l'un et l'autre attestent la présence au chevet de Ney de la danse et de la musique champêtres, d'abord sous les murs de Mayence, au moment où son destin prend forme, puis derrière ceux de la Conciergerie alors qu'il est sur le point de s'accomplir. Car ce fond sonore un peu niais, si éloigné de l'idée que l'on se fait d'un maréchal d'Empire, indique au moins dl'une des sources de mon inclination pour celui-ci de préférence à toute autre."
Ney joue d'ailleurs de la flûte.
J'aimerais aussi connaître le rapport de Rolin au chien, là aussi la mention d'un chien mort .
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| | | shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
| Sujet: Re: Jean Rolin Sam 14 Sep 2013 - 14:30 | |
| Pour en finir avec Chrétiens, que j'ai lu jusqu'au bout... et dont j'ai lu le commentaire écrit par topocl, commentaire qui souligne à quel point nous n'avons pas la même lecture du texte, ce qui est l'exemple type de nos différences et de nos richesses mises en commun sur ce forum. un extrait : (...) alors que nous étions sur le point de nous séparer, il revint assez brusquement sur le sujet de mon enquête pour en faire ressortir la vanité, sinon pour m'enjoindre explicitement d'y renoncer. Curieusement, s'agissant d'un prêtre, il soutint qu'il était "aussi absurde de distinguer les Palestiniens par leur religion que par leur groupe sanguin", et que "personne ici ne comprendrait que j'opère une telle distinction". C'était non seulement, en la réduisant à un tel niveau de contingence, faire peu de cas de la doctrine à laquelle lui-même avait consacré toute sa vie, mais aussi présumer beaucoup de ce que les gens d'ici comprenaient ou ne comprenaient pas.Je ne crois pas avoir envie de poursuivre avec Rolin... | |
| | | topocl Abeille bibliophile
Messages : 11706 Inscription le : 12/02/2011
| Sujet: Re: Jean Rolin Mar 17 Sep 2013 - 12:55 | |
| Terminal Frigo Saint Nazaire, Calais , Dunkerque, Le Havre, Sète, Jean Rolin hante les grands ports, observe les paquebots, les remorqueurs, les containers, entre dans les bars, côtoie des hommes dockers, pilotes, syndicalistes, immigrants en transit ; on retrouve tout son univers : la misère habitée de désarroi, l’errance solitaire, les lieux abandonnés. Et quelques chats errants. En petits morceaux accolés, sans lien, sans but, juste parce qu’ils sont là et que l’auteur, fasciné, s’y engouffre et veut les raconter. Il s’égare par moments en des considérations plus factuelles qui détendent un peu trop l’envoûtement poétique. Le livre y perd en cohérence, le lecteur se prend à sauter quelques lignes, préférant les digressions vagabondes… Il n’en demeure pas moins qu’on est happé par les descriptions de ces paysages portuaires, comme autant de taches de couleurs, entre toute-puissance et dévastation, ou de ces hommes solitaires, taciturnes, lâchant une confidence au coin d’une rue. Tout un monde où se mêlent travail, aventure et mélancolie. | |
| | | Sekotyn Envolée postale
Messages : 244 Inscription le : 13/08/2013 Localisation : Entre Rhône et Alpes
| Sujet: Re: Jean Rolin Mer 18 Sep 2013 - 8:27 | |
| Hier j'ai terminé Ormuz.
Qu'en dire ? Pour faire court : Bof ?
Cela se lit facilement même si on ne comprend jamais bien où se trouve l'auteur du reportage entre Iran et Émirats, sur une côte ou une ile. Il fait très chaud, les gens sont plus sympathiques qu'on ne l'imagine, les hôtels minables. Sur cette histoire décousue se greffe de vagues réminiscences sur un certain Wax qui veut (mais pas vraiment) traverser le détroit d'Ormuz à la nage.
En bref c'est vaguement ennuyeux malgré l'humour, ou plutôt l'ironie, qui émerge parfois et l'écriture qui coule mieux que les creeks à sec. Les non-géographes ont intérêt à se munir de cartes s'ils veulent situer ce que je n'ose appeler l'intrigue.
Vous pouvez ne pas lire sauf si vous souhaitez découvrir un homme fin, observateur, bon écrivain. Le livre n'est pas du niveau de l'auteur. | |
| | | topocl Abeille bibliophile
Messages : 11706 Inscription le : 12/02/2011
| Sujet: Re: Jean Rolin Mer 18 Sep 2013 - 8:42 | |
| héhé! De l'art de ménager la chèvre et le chou! Ca fait bien envie quand même (et tant pis pour les cartes: comprendre? pourquoi, avec Rolin?) | |
| | | Sekotyn Envolée postale
Messages : 244 Inscription le : 13/08/2013 Localisation : Entre Rhône et Alpes
| Sujet: Re: Jean Rolin Mer 18 Sep 2013 - 8:45 | |
| - topocl a écrit:
- héhé! De l'art de ménager la chèvre et le chou!
Ca fait bien envie quand même (et tant pis pour les cartes: comprendre? pourquoi, avec Rolin?) Toi tu es amoureuse de Rolin | |
| | | Marie Zen littéraire
Messages : 9564 Inscription le : 26/02/2007 Localisation : Moorea
| Sujet: Re: Jean Rolin Mer 18 Sep 2013 - 8:49 | |
| - Citation :
- Toi tu es amoureuse de Rolin
Moi, oui. Tu as tout dit, là, Sekotyn, le professionnel!Oups, pardon - Citation :
- un homme fin, observateur, bon écrivain.
C'est suffisant, non? | |
| | | topocl Abeille bibliophile
Messages : 11706 Inscription le : 12/02/2011
| Sujet: Re: Jean Rolin Mer 18 Sep 2013 - 9:35 | |
| - Sekotyn a écrit:
- topocl a écrit:
- héhé! De l'art de ménager la chèvre et le chou!
Ca fait bien envie quand même (et tant pis pour les cartes: comprendre? pourquoi, avec Rolin?) Toi tu es amoureuse de Rolin j'ai toute une clique de mecs qui me fascinent mais que je ne supporterais pas dans la vie. Mon dieu, que M topocl est tranquille et me suffit! | |
| | | Heyoka Zen littéraire
Messages : 5026 Inscription le : 16/02/2013 Age : 36 Localisation : Suède
| Sujet: Re: Jean Rolin Mer 18 Sep 2013 - 12:59 | |
| - topocl a écrit:
- j'ai toute une clique de mecs qui me fascinent mais que je ne supporterais pas dans la vie.
Mon dieu, que M topocl est tranquille et me suffit! Rolala ta famille et toi, vous me faites de plus en plus penser aux Mulvaney quand ils parlaient encore au présent. | |
| | | Sekotyn Envolée postale
Messages : 244 Inscription le : 13/08/2013 Localisation : Entre Rhône et Alpes
| Sujet: Re: Jean Rolin Mer 18 Sep 2013 - 13:16 | |
| - Marie a écrit:
- Citation :
- un homme fin, observateur, bon écrivain.
C'est suffisant, non? Non, ce n'est pas suffisant. Ce livre a un coté facile et je suis persuadé que Rolin vaut mieux que ça. | |
| | | topocl Abeille bibliophile
Messages : 11706 Inscription le : 12/02/2011
| Sujet: Re: Jean Rolin Mer 18 Sep 2013 - 14:29 | |
| - Heyoka a écrit:
- topocl a écrit:
- j'ai toute une clique de mecs qui me fascinent mais que je ne supporterais pas dans la vie.
Mon dieu, que M topocl est tranquille et me suffit! Rolala ta famille et toi, vous me faites de plus en plus penser aux Mulvaney quand ils parlaient encore au présent. (on floode, là) Disons qu'a ma première lecture des Mulvaneys, oui, cette idée s'était imposée à moi, en tout cas dans la première partie. A la relecture, la fin rodant dans ma tête, c'était plus difficile... | |
| | | topocl Abeille bibliophile
Messages : 11706 Inscription le : 12/02/2011
| Sujet: Re: Jean Rolin Sam 21 Sep 2013 - 9:32 | |
| - Aeriale a écrit:
Disons sans se demander si le lecteur suit, il s'en fiche un peu
J'ai commencé Le ravissement de Britney Spears, qui m'avait rebutée quand je l'avais lu sans être préparée par les autres Rolin. Je trouve que la remarque d'Aeriale est la meilleure qu'on puisse faire sur Rolin. Il se fiche complètement, de si le lecteur suit. Il propose , on dispose. Si ça ne plait pas, tant pis. Si ça plait on s'en délecte. C'est un auteur exigeant et qui n’est prêt à aucune concession. Il se trouve que je suis prête à suivre, le chemin est parfois escarpé, n'hésite pas à emprunter des détours, et ne mène pas forcément où l'on croyait. Un univers. | |
| | | topocl Abeille bibliophile
Messages : 11706 Inscription le : 12/02/2011
| Sujet: Re: Jean Rolin Sam 21 Sep 2013 - 20:46 | |
| Le ravissement de Britney SpearsC’est l’histoire d’un type qui est vaguement espion, mais très vaguement : ce n’est pas du tout un roman d’espionnage. Il est vaguement chargé d'enquêter sur Britney Spears, mais très vaguement encore, car ce n'est pas du tout roman sur Britney Spears. - Citation :
- À quiconque mettrait en doute a priori la vraisemblance des menaces d'enlèvement ou d'assassinat pesant sur la chanteuse, j’objecterai qu'il n'est guère plus absurde - et plutôt plus facile – de s’en prendre à Britney Spears qu’aux tours du World trade Center, et que la valeur symbolique de la première, aux yeux du public américain, est à peine moindre que celle des secondes
Tout cela n’est que prétexte, car c’est un roman de Jean Rolin. Jean Rolin, qui, comme moi, est ému sur une plage par le spectacle d’ « une chaussure Dockside dépareillée (sans doute la vision de cette chaussure serait-elle moins poignante s’il y avait une paire) ». Donc le narrateur est un type comme Rolin, qui se baguenaude à pied puisqu’il ne conduit pas, qui aime les lieux « poussiéreux et déglingués », loge dans des motels miteux, croise des gens improbables, et raconte tout cela avec un humour désabusé qu'il applique en premier lieu à lui-même. Il traîne sur les échangeurs d'autoroute de Los Angeles, est fasciné par des filles « irrésistibles » quoique paumées, observe de loin, avec une fascination goguenarde proche de l’addiction, un monde de stars déliquescentes poursuivies par des meutes de paparazzis qui vivent « de rares moments d’excitation (…) enchâssés dans des périodes d’inaction que l’on dirait infinies ». Et ce ne serait pas complètement un livre de Rolin, s'il ne finissait par aboutir dans le bureau de Shotemur, au Tadjikistan, chargé de la tâche absurde « d'y relever les numéros d'immatriculation de tous les véhicules franchissant dans un sens ou dans l'autre la frontière chinoise » , un lieu perdu où la seule distraction - outre quelques échauffourées avec des contrebandiers qu’on distingue mal d’éventuels terroristes, et l’observation de marmottes à la fourrure orange fluo - semble être de raconter, digressions à l'appui, son aventure Los Angelaise. Ce qu'il y a d'extraordinaire, dans l’œuvre de Rolin, c'est que chaque livre ou roman est une accumulation de digressions poético-nostalgiques, et que cette façon que l'auteur a de multiplier les parenthèses, les apartés, les divagations, les hors-sujets, les détails inutiles, « s on intérêt pour toutes sortes de choses étrangères à la sphère de son activité » donne une oeuvre d'une rare cohérence, Une œuvre, donc. J’ai trouvé dans cette nouvelle errance rolinienne un suspense étrange, absolument sans objet, basé sur une recherche de rien, rien d’autre que de l’affectif, des émotions, des lieux, au son d ‘une petite musique solitaire et désenchantée. J’ajouterai qu’après cette lecture, personne ne pourra plus dire que Rolin est dénué d’ humour. - Citation :
- Ce qui faisait la monotonie de Los Angeles, ou des quartiers de cette ville - la plupart - situés en terrain plat, c'était non l’immensité de leur superficie et leur plan assez rigoureusement orthogonal, ou encore la banalité suburbaine, maintes fois soulignée, de leur architecture, que le mouvement incessant, énorme, prodigieux, de la circulation, et surtout la rumeur qui en émanait, aussi ample et régulière que celle de la mer, en particulier lorsque celle-ci, par exemple le long d'une plage, a de la place pour déferler.
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