David Mitchell

Bon alors je vais peut-être rester sur cette bonne impression

C'est peut-être préférable, tu n'y retrouveras pas l'atmosphère intimiste qui fait le charme du Fond des forêts.

Le fond des forêts

Une lecture très agréable, même si j'en attendais peut-être davantage. David Mitchell parvient toujours à rester crédible dans le regard qu'il porte sur son personnage...à travers les tourments, les fragilités et les doutes du début de l'adolescence, lorsque chaque découverte peut fasciner ou inquiéter, troubler ou décevoir.
Je trouve tout de même que le roman se laisse trop enfermer dans un exercice de style. Ce sont les références de choix, les cassures des dialogues, les excès d'une introspection multipliant les décalages et les rêveries. Au final, Mitchell semble parfois trop conscient de ses effets, et ne libère pas assez à mon goût la voix de Jason Taylor.
Les traits d'humour, les mélanges entre légèreté et gravité permettent de soutenir une attention et de conserver la vivacité d'un rythme. Mais le récit contenait davantage de potentiel.

Ecrits fantômes
Trop de virtuosité tue l'art dans l'oeuf !
(apophtegme à retenir, il est de moi ! )
Voilà mon sentiment. J'ai adoré les premières histoires, impressionnée par les changements de style, de lieux, de sentiments et par les centaines d'impressions intimes exprimées, cette façon de livrer l'intérieur de personnages chahutés par la vie.
Mais au bout d'un moment (vers la Mongolie), je me suis lassée.
J'avais une sensation de répétition, de trop-plein, et puis surtout, où voulait en venir l'auteur ?
Je suis d'ailleurs incapable de répondre à cette question. Il nous exhibe son talent, on admire, et puis ?
L'ensemble fourmille de renseignements, de réflexions, souvent passionnantes, mais c'est un peu étourdissant.
Du coup, j'ai eu du mal à finir.
Il y a pourtant de très beaux portraits, pris comme ça, sur le vif.

Je vais attendre qu'il mûrisse son explosif talent pour le relire.

tina a écrit:

Je vais attendre qu'il mûrisse son explosif talent pour le relire.

Je crois que son talent est arrivé à maturité avec son dernier, où il adopte avec bonheur les codes du roman d'aventures historiques en y apportant sa touche personnelle, sans les expérimentations stylistiques qui ont pu en agacer certains.

Les mille automnes de Jacob de Zoet
The thousand autumns of Jacob de Zoet, 2010



Ce roman historique se déroule au Japon en 1799, à Deshima, minuscule île artificielle du port de Nagasaki et seule parcelle de cet empire alors ultra-fermé au monde que les étrangers étaient autorisés à fouler et où ils pouvaient faire du commerce. Il est plus classique et linéaire que les précédents, ce qui lui a été reproché par une partie de la critique, à en lire les articles postés plus haut.
Mais Mitchell ne renonce pas pour autant à son goût pour les intrigues et points de vue multiples. Le roman s'ouvre sur l'arrivée à Deshima de Jacob de Zoet, jeune clerc hollandais envoyé par la Compagnie néerlandaise des Indes Orientales examiner les registres douteux du comptoir. Par les yeux dépaysés et d'abord naïfs de Jacob nous découvrons un monde haut en couleurs où règnent la corruption et la violence, un univers en vase clos où les échanges entre Japonais et Européens s'effectuent sous la surveillance constante d'interprètes, de policiers et d'espions. Jacob arrive cependant à se rapprocher de l'interprète Ogawa et surtout d'Orito Aibagawa, une jeune sage-femme au visage partiellement défiguré, dont il tombe bientôt amoureux. Mais la jeune femme est enlevée par l'inquiétant abbé Enomoto...
Et là nous quittons Deshima et Jacob pour un monastère fortifié des montagnes japonaises et une très inattendue atmosphère gothique, empreinte de mystère et de cruauté...Plus tard le récit tournera au roman d'aventures nautiques lorsque nous nous retrouvons sur la frégate anglaise Phoebus....Alors certes ces différents épisodes se déroulent chronologiquement et adoptent la forme classique de "parties" mais on retrouve sans conteste le style de Mitchell, qui sait se glisser avec aisance d'un univers à l'autre. D'autant plus que dans chaque partie s'imbriquent les courts récits de divers personnages secondaires racontant leur histoire personnelle (un esclave malais, un ex-bagnard, un médecin, les employés du comptoir...). Il y a parfois quelques petites longueurs dans ce roman foisonnant (près de 1000 pages), mais il est dans l'ensemble passionnant (on apprend beaucoup sur cette époque méconnue), plein de suspense, par moments poignant et même drôle.

noté dans mal LAL depuis sa sortie.. tu me donnes envie de continuer avec cet auteur!

N'hésite pas, et il ne faut pas être effrayé par l'épaisseur du volume, j'ai un peu exagéré avec les 1000 pages, il n'en fait "que" 700 .
Mais mis à part quelques passages un peu longuets comme je le disais (surtout dans la partie "bataille navale"), il se lit facilement, le suspense est bien entretenu
avec ces changements de décor et de focalisation, et bien sûr il plaira particulièrement à ceux que le Japon intéresse.

Merci pour ton commentaire Nezumi. Je l'attendais depuis un moment vu que j'avais adoré Le fond des forêts et appris qu'il n'avait pas confirmé l'essai.
Mes doutes sont largement effacés à te lire, et je te fais confiance.

Je ne suis pas friande de pavés mais le précédent faisait bien le même volume et très honnêtement, je n'avais rien vu passer.
(Je remarque que je n'avais pas fait de résumé si ce n'est ceux de mes impressions en LC d'ailleurs )

A bientôt sur ce fil donc

Tu as un super joli avatar en passant...

Aeriale a écrit:

Tu as un super joli avatar en passant...

Ah oui, je viens de remarquer l'avatar, je le trouve très printanier, c'est très joli.
Sinon, il faut encore que je lise Le fond des forêts mais le dernier me fait également envie.
Alléger la PAL avant d'envisager de nouveaux livres... pfff

Cartographie des nuages
Le livre est construit comme une pyramide à degrés. Six degrés que l’on doit gravir et redescendre de façon symétrique. Six nouvelles d’à peu près la même taille dont on découvre la moitié de chacune jusqu’au 6° degré pour ensuite avoir les dénouements en redescendant.
Construction particulière et comme l’a remarqué Arabella dans son commentaire, construction qui semble artificielle. Un bon travail d’artisan toutefois parce que chaque degré présente des éléments qui font trait d’union avec le précédent. Finement placés, ces éléments posent une interrogation sur le sens de l’ensemble de l’édifice. Une sorte d’énigme.

Et puis le propos. Pour moi, c’est clairement un livre de science-fiction. Il m’a beaucoup fait penser à celui de Will Self « Le livre de Dave » peut-être parce que Mitchell transcrit un langage parlé post apocalypse dans la 6° nouvelle, qui difficile à lire au début finit par devenir simple et attrayant.
L’ensemble est un panorama d’évènements articulés autour de personnages très distincts mais reliés par une étrange tache de naissance ( ?) ainsi qu’un lien plus culturel comme un récit de voyage, des lettres et une partition musicale, un protagoniste qui traverse 2 époques, un manuscrit, un film ou encore des aveux en forme de testament. Chaque lien évoquant l’épisode précédent.
La science-fiction parce que l’auteur nous amène progressivement vers un univers policier et concentrationnaire, vérolé et voué à sa disparition du fait des pollutions et des manipulations génétiques qui vont trouver leur apothéose dans l’horreur absolue par la création de clones qui seront utilisés dans un quotidien d’une banalité à pleurer.

Le livre est quand même bien foutu. Le critique du « Washington Times » ( ?) parle de « chef d’œuvre presque absolu », c’est bien qu’il ait mentionné « presque ». Je reste quant à moi assez dubitatif, c’est la bande annonce du film qui a éveillé mon attention et peut être influencé ma perception. Certaines histoires/nouvelles ( ?) m’ont beaucoup plu (celle du musicien – n°2). De l’humour dans certaines et du tragique dans d’autres. Je me suis quand même surpris à regarder parfois le nombre de pages restantes avant le dénouement.

Lu un peu pour m’épargner de voir le film, finalement ma curiosité en est encore plus éveillée… Me faudra patienter!

nezumi a écrit:

Les mille automnes de Jacob de Zoet
The thousand autumns of Jacob de Zoet, 2010



Ce roman historique se déroule au Japon en 1799, à Deshima, minuscule île artificielle du port de Nagasaki et seule parcelle de cet empire alors ultra-fermé au monde que les étrangers étaient autorisés à fouler et où ils pouvaient faire du commerce. Il est plus classique et linéaire que les précédents, ce qui lui a été reproché par une partie de la critique, à en lire les articles postés plus haut.
Mais Mitchell ne renonce pas pour autant à son goût pour les intrigues et points de vue multiples. Le roman s'ouvre sur l'arrivée à Deshima de Jacob de Zoet, jeune clerc hollandais envoyé par la Compagnie néerlandaise des Indes Orientales examiner les registres douteux du comptoir. Par les yeux dépaysés et d'abord naïfs de Jacob nous découvrons un monde haut en couleurs où règnent la corruption et la violence, un univers en vase clos où les échanges entre Japonais et Européens s'effectuent sous la surveillance constante d'interprètes, de policiers et d'espions. Jacob arrive cependant à se rapprocher de l'interprète Ogawa et surtout d'Orito Aibagawa, une jeune sage-femme au visage partiellement défiguré, dont il tombe bientôt amoureux. Mais la jeune femme est enlevée par l'inquiétant abbé Enomoto...
Et là nous quittons Deshima et Jacob pour un monastère fortifié des montagnes japonaises et une très inattendue atmosphère gothique, empreinte de mystère et de cruauté...Plus tard le récit tournera au roman d'aventures nautiques lorsque nous nous retrouvons sur la frégate anglaise Phoebus....Alors certes ces différents épisodes se déroulent chronologiquement et adoptent la forme classique de "parties" mais on retrouve sans conteste le style de Mitchell, qui sait se glisser avec aisance d'un univers à l'autre. D'autant plus que dans chaque partie s'imbriquent les courts récits de divers personnages secondaires racontant leur histoire personnelle (un esclave malais, un ex-bagnard, un médecin, les employés du comptoir...). Il y a parfois quelques petites longueurs dans ce roman foisonnant (près de 1000 pages), mais il est dans l'ensemble passionnant (on apprend beaucoup sur cette époque méconnue), plein de suspense, par moments poignant et même drôle.

Je ne peux que rejoindre l’avis de Nezumi. J’ai pris beaucoup de plaisir à le lire ce roman d’aventures historiques. Quelques touches d’humour et pas mal de découvertes en ce qui me concerne comme cette île artificielle Deshima (ou Dejima) dans la baie de Nagasaki où seuls les Néerlandais de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales avaient le droit de commercer avec l’archipel nippon de 1641 à 1853 (faisant suite à la politique isolationniste du Japon à cette époque). Seule porte ouverte sur le monde, c’est par cette archipel commercial que les japonais ont pu découvrir les évolutions scientifiques et médicales du monde occidental à travers les Études hollandaises ou le Rangaku.

Citation :

Grâce au Rangaku, le Japon découvrit de nombreux aspects de la Révolution Scientifique et Technologique qui se déroulait en Europe à la même époque, l'aidant ainsi à rassembler des bases théoriques et technologiques, qui peuvent expliquer en partie la modernisation radicale et rapide qui suivit l'ouverture de ce pays au commerce extérieur à partir de 1854.

Source wiki.

C’est foisonnant, plein de personnages haut en couleurs, parfois amusant, intriguant, instructif bref un bon roman d'aventures.

Merci pour ton com', je suis contente qu'il t'ait plu autant qu'à moi. On passe un bon moment, avis à tous ceux qui constituent leur PAL estivale!

Les mille automnes de Jacob de Zoet

Une belle lecture : David Mitchell n'a pas perdu son exubérance créative en abordant le genre du roman historique, alors que le dépaysement du lieu et de l'époque apparait très vite familier. C'est une étroite terre de rencontres au sein de l'isolement construit par l'ère Edo, et le personnage de Jacob de Zoet joue le rôle d'un témoin, à la fois passif et enthousiaste, plein d'interrogations, confronté à une fascination sans cesse renouvelée.
J'ai aussi été gêné par des longueurs : l'étirement du récit est une démarche cohérente mais le style de Mitchell, parfois excessivement décousu, échoue à justifier certains détours. C'est tout de même une remarquable somme d'aventures qui entraîne une soif de curiosité.