Tarjei Vesaas [Norvège]

shanidar a écrit:

jack-hubert bukowski a écrit:

shanidar, ce que tu me dis renvoie à des questionnements que j'entretiens au sujet de Wajdi Mouawad et Anne Hébert. Je sens bien que Vesaas est plus proche de la perspective québécoise que Mouawad. Comme tu le soulignes, il semble difficile d'entrer dans l'univers narratif. Pour ma part, j'ai rencontré un dilemme semblable dans l'univers complexe d'Anne Hébert et de Kamouraska.

Pourrais-tu me dire s'il y a des rapprochements à faire entre les univers de Mouawad et Vesaas?

coline a répondu comme je l'aurai fait et de manière plus avertie à ta question. Je suis d'accord sur le fait que je vois peu de similitudes entre Vesaas et Mouawad (mais je ne connais pas 'la perspective québécoise' que tu évoques. Pourrais-tu nous en dire plus ?)
Je n'ai lu q'une pièce de Mouawad dont l'écriture théâtrale (en tout cas dans Edwige...) à la particularité d'être très 'écrite', pas du tout dans l'idée de langage parlé dont relève la prose de Vesaas.
Quant à Anne Hébert, j'ai lu d'elle, Les fous de Bassan et je n'avait pas non plus été séduite par son style...

Je crois que Vesaas est plus près des sensibilités québécoises dans la mesure où il semble, - selon les compte-rendus que je lis - exacerber la sensibilité des personnages. Je cite à nouveau le passage qui avait attiré ma curiosité :

shanidar a écrit:

L'histoire pourrait être profondément touchante et intéressante, sans être larmoyante (d'ailleurs elle ne l'est pas) mais je n'ai pas réussi à entrer dans le dispositif narratif de l'auteur. En ce mettant dans la tête de ce personnage tourmenté et confus, Vesaas s'applique à imprimer à son style une tournure aussi malhabile que le sont les pensées de Mattis. Cela pourrait être digeste, si de temps en temps l'auteur se permettait d'autres points de vue, mais ce n'est pas le cas et je me suis finalement beaucoup enlisée dans l'ânnonement convulsif et les questionnements répétitifs du personnage. Les mêmes gestes, les mêmes angoisses répétés cent fois...

Il y a un surlignement du trait tourmenté que prend Mattis. Il me semblait que cela me faisait penser à quelques situations de personnages de roman québécois et là-dessus, j'ai avancé le nom d'Anne Hébert. J'ai écrit, et j'insiste sur ce mot, qu'il s'agit d'un dilemme que j'ai rencontré. Anne Hébert est une virtuose de la narrativité. Kamouraska est un roman qu'on ne rencontre pas si souvent dans une vie.

Etonnament les propos de shanidar et, de manière plus évidente, les commentaires de coline m'ont interpellé et donné l'envie de lire les oiseaux ...
Sincèrement je ne suis pas sûr d'aimer mais je réponds à l'appel de l'aventure
Et hop dans ma LAL ...

GrandGousierGuerin a écrit:

Etonnament les propos de shanidar et, de manière plus évidente, les commentaires de coline m'ont interpellé et donné l'envie de lire les oiseaux ...
Sincèrement je ne suis pas sûr d'aimer mais je réponds à l'appel de l'aventure
Et hop dans ma LAL ...

et moi je note Kamouraska d'Anne Hébert et je compte lire d'autres Vesaas pour ne pas rester sur l'impression de ne pas avoir réussi à entrer dans son oeuvre.

Les oiseaux

Décidément lire un livre qui a enthousiasmé l’un (ou plusieurs) d’entre vous m’est une curieuse expérience. Je ne peux me détacher de cette idée, qui influence ma lecture, la parasite. Avec un effet de miroir déformant, cette lecture devient forcément différente de ce qu’elle aurait été que si j’avais lu le livre « vierge ». Me fait aimer des choses que je n’aurais pas forcément appréciées autrement, et minimiser des éléments moins convaincants pour moi.
Et vous, arrivez vous à rester neutre sur ce genre de lectures ?

Je pense que Les oiseaux fait partie de ces livre qui auraient pu ne pas laisser de grosses traces en moi et qui, parce qu'on me l'a montré du doigt, y a trouvé finalement une certaine résonance.

Étrange livre.
Qui nous parle d'un « ravi », retiré dans une maison avec sa sœur comme le seraient Hansel et Gretel, et dont un prince charmant vient bousculer le petit monde de rituels, de compromis, d'idées magiques. Pendant 40 ans, Mattis s’est protégé d’un monde extérieur cruel et inhospitalier, des orages terrorisants, de sa soeur parfois accueillante et parfois rêche, par ces histoires qu’il se racontait, cette sensibilité à fleur de peau, ces provocations dérisoires. Et quel souffrance quand ce monde extérieur, sous les traits d’un Jörgen qui se croit bienveillant mais qui n'a rien compris à rien, vient chambouler ce fragile équilibre.
Douceur et poésie sont les maîtres mots de ce livre, mais la noirceur des âmes simples y creuse son sillon tragique. Expérience à part dans mon parcours de lectrice.

topocl a écrit:

Les oiseaux

Décidément lire un livre qui a enthousiasmé l’un (ou plusieurs) d’entre vous m’est une curieuse expérience. Je ne peux me détacher de cette idée, qui influence ma lecture, la parasite. Avec un effet de miroir déformant, cette lecture devient forcément différente de ce qu’elle aurait été que si j’avais lu le livre « vierge ». Me fait aimer des choses que je n’aurais pas forcément appréciées autrement, et minimiser des éléments moins convaincants pour moi.
Et vous, arrivez vous à rester neutre sur ce genre de lectures ?

Impossible!...Mais je ressens plus fort la chose encore à propos des films...

Topocl a écrit:

Je pense que Les oiseaux fait partie de ces livre qui auraient pu ne pas laisser de grosses traces en moi et qui, parce qu'on me l'a montré du doigt, y a trouvé finalement une certaine résonance.

Étrange livre.
[...] Douceur et poésie sont les maîtres mots de ce livre, mais la noirceur des âmes simples y creuse son sillon tragique. Expérience à part dans mon parcours de lectrice.

Ces mots sont mon petit kif du jour Topocl...J'aime tant partager ce que j'aime!

Ben... merci d'avoir partagé Les oiseaux, Coline, je ne l'aurais surement pas lu sans toi !

topocl a écrit:

Ben... merci d'avoir partagé Les oiseaux, Coline, je ne l'aurais surement pas lu sans toi !

Cela me fait plaisir...J'ai peur de paraître insistante quand j'aime, mais parfois ça vaul le coup!

coline a écrit:

topocl a écrit:

Ben... merci d'avoir partagé Les oiseaux, Coline, je ne l'aurais surement pas lu sans toi !

Cela me fait plaisir...J'ai peur de paraître insistante quand j'aime, mais parfois ça vaul le coup!

Si on ne veut pas que des gens insistent sur leurs coups de cœur, il ne faut pas venir sur Parfum!
Et même si tu insistes, on garde le droit d'ouvrir ou pas le livre. Continue, coline!

OK...Je me souviendrai de cet encouragement!

coline a écrit:

topocl a écrit:

Ben... merci d'avoir partagé Les oiseaux, Coline, je ne l'aurais surement pas lu sans toi !

Cela me fait plaisir...J'ai peur de paraître insistante quand j'aime, mais parfois ça vaul le coup!

Parfois oui.... et cela, m’influence dans le sens inverse, en réalité, et me met une pression telle que la machine à perdre se met en route.
Mais, c'est humain, de vouloir faire aimer ce que l'on aime

mimi54 a écrit:

coline a écrit:

topocl a écrit:

Ben... merci d'avoir partagé Les oiseaux, Coline, je ne l'aurais surement pas lu sans toi !

Cela me fait plaisir...J'ai peur de paraître insistante quand j'aime, mais parfois ça vaul le coup!

Parfois oui.... et cela, m’influence dans le sens inverse, en réalité, et me met une pression telle que la machine à perdre se met en route.

Bon...beaucoup moins réconfortant...
Comment doser?....Ca pose question...


Non...Tu sais quoi Mimi?...Tu dois à l'avenir éviter définitivement tout ce que j'aime lire, ce n'est pas pour toi!

Palais de glace.


Oh.
Mais Merci Infiniment Coline.
Sans cet auteur aux auteurs du mois, et sans tes avis qui poussent à la curiosité, jamais au Grand Jamais je ne me serais arrêtée sur ce livre (je n'aime pas la couverture, c'est pourquoi je ne la met pas dans mon message, et le nom de l'auteur ne me disait rien, son titre, sans plus).
Et quelle merveille !

L'histoire de ces deux petites filles qui se trouvent, se découvrent. Attirées l'une par l'autre sans savoir pourquoi ni comment. Dans un paysage glacial où tout est gelé, où le froid est omniprésent, l'obscurité pleine de peurs et de solitudes silencieuses, les gens y sont bons, simples et effacés.

Difficile de mettre des mots sur la puissance de ce livre.
Vesaas touche juste dans les sentiments forts qui peuvent surgir entre deux personnes, un lien indéfectible, puissant, et tragique.
Des sentiments forts, mais sur lesquels l'auteur ne met pas plein de mots et de développements, ils les nomment, leur donnent leur force et les laissent jouer sur la corde sensible du lecteur.

Bien sûr, cette brièveté donne un aspect irréel à cette relation naissante et aussitôt malmenée, mais le symbolique auquel elle sert et dans lequel elle puise également permet de rester complètement scotché sur cette histoire, sans prêter garde à la vraisemblance.
Et dans cette invraisemblance, Vesaas touche à une justesse dans l'âme humaine. Dépendre de quelqu'un, trouver un lien, se détacher des autres, du monde, avoir cette solitude qui creuse et ce trop plein de sentiments.

A côté de ça, Vesaas met en avant le paysage, cette nature magnifique et dangereuse. Ce monde silencieux, de froid, d'obscurité et d'éclats de lumière. Le Palais des glaces est, évidemment, le point central, puissamment réel et symbolique. Dans sa beauté, son inaccessibilité, ses mystères, sa formation et sa disparition.

Une fin parfaite !
Tragique, mais pas que. Une sensibilité, un renouveau. Quelque chose qui touche à la destinée des êtres, proches de la nature, parfois en fusion avec elle, avec ses cycles.

Ce livre parle aux sentiments profonds qui font qu'on est toujours seul au monde tout en ayant toujours quelqu'un à qui se raccrocher. Une promesse.

Bon alors je vais tenter celui-là aussi!