Brillante Mendoza

Le dernier film de Mendoza, Lola, semble avoir enthousiasmé les critiques au festival de Venise. Même ceux qui n'aimaient pas beaucoup Serbis ou Kinatay. Il faudra attendre quelques mois...

Citation :

La “Brillante” surprise de Venise

“Lola“ de Brillante Mendoza


La tradition à Venise veut qu’il y ait toujours un film surprise en compétition. Il est d’ailleurs arrivé que ce dernier se retrouve primé – ce fut le cas de Still Life, de Jia Zhangke. Cette année, c’était Lola, de… Brillante Mendoza ! L’un des derniers chouchous de la cinéphilie française, qui avait déjà un film à Cannes, Kinatay, voyage philippin au bout de l’enfer vanté par notre rédaction. Lola est davantage dans la veine de son premier long métrage, John John. Dans une grande ville des Philippines (Manille, sauf erreur), deux grands-mères Courage se retrouvent confrontées à un drame : l’une a perdu son petit-fils, l’autre est la grand-mère du jeune assassin. Le film suit en parallèle les deux héroïnes. Celle qui est en deuil doit s’occuper des obsèques, l’autre va voir son petit-fils en prison. Le scénario est passionnant, car il rapproche peu à peu les vieilles dames, à travers le motif d’une somme d’argent conséquente proposée en échange d’un retrait de la plainte. Un deal extrêmement fertile en termes d’émotion, de tact, de retenue aussi. Le film est un mélo sobre, à la tristesse étouffée. Les larmes viennent seulement de la pluie, torrentielle. Quoi qu’il arrive, les deux femmes vont de l’avant, s’accrochent, sillonnent la ville, sur un bateau, en bus ou à pied. Etonnante lutte, physique et mentale, sans répit. Etonnante mise en scène, en alerte, toujours tendue vers le présent. Du cinéma, enfin.

.

Brillante Mendoza a tourné 9 films en 5 ans (John John était déjà son quatrième) et il semble bien que son ambition soit d'être présent dans les grands festivals parce que ce n'est pas localement qu'il risque de faire recette avec une vision sociale de son pays qui a peu de chances d'être sponsorisé par l'office de tourisme philippin. Après un Tirador (sorti en DVD), ennuyeux à mourir, Kinatay reprend ce qu'on peut déjà appeler des recettes : plongée documentariste dans les rues de Manille, images quotidiennes des quartiers populaires... C'est un domaine dans lequel Mendoza est plutôt doué mais Kinatay n'apporte rien de neuf. Pendant la dernière partie, une bande de mafieux tue, démembre et disperse les restes d'une pauvre prostituée. Ce n'est pas gore, ce n'est qu'un ressort dramatique, et cela fait de nous des voyeurs. Personnellement, je ne trouve pas ça abominable (on a vu d'autres depuis Salo) mais simplement sans intérêt d'autant que l'image est particulièrement sale et la mise en scène inexistante. Le meilleur film philippin que je connaisse reste L'éveil de Maximo Oliveros (2005) d'un certain Aureus Solito qui a, depuis, tourné trois autres films, tous inédits en France, hélas.

traversay a écrit:

. Ce n'est pas gore, ce n'est qu'un ressort dramatique, et cela fait de nous des voyeurs. Personnellement, je ne trouve pas ça abominable (on a vu d'autres depuis Salo) mais simplement sans intérêt d'autant que l'image est particulièrement sale et la mise en scène inexistante.

Je suis frustré de ne pas avoir pu voir Kinatay qui est resté une semaine à l'affiche sur Lille pendant mes vacances. J'ai du mal à croire qu'un cinéaste aussi intéressant se soit contenté de faire de nous des voyeurs et de ne pas faire de mise en scène... Mais apparemment ce film divise totalement. Je vais devoir aller à Paris pour le rattraper! Chouette un inédit en DVD (Tirador) que je vais m'empresser de voir.

traversay a écrit:

Le meilleur film philippin que je connaisse reste L'éveil de Maximo Oliveros (2005) d'un certain Aureus Solito qui a, depuis, tourné trois autres films, tous inédits en France, hélas.

Celui-là j'ai réussi à le voir à beaubourg il y a quelques temps. J'ai adoré aussi. Très émouvant dans une même veine presque documentaire. Il y avait une vie, une énergie! Je revois cette rue de petits commerces où les personnages semblaient passer d'une maison à une autre dans un vrai dédale. Et ce jeune adolescent qui s'éveille aux sentiments dans un univers de violence et de corruption. Il faut vraiment le voir!!

Même veine documentaire et avec un scénario ! J'ai peur que Mendoza ne se dirige vers un cinéma de plus en plus dépourvu d'histoire (s). Je dis ça, mais je serai le premier à aller voir ses prochains films...

traversay a écrit:

Même veine documentaire et avec un scénario ! J'ai peur que Mendoza ne se dirige vers un cinéma de plus en plus dépourvu d'histoire (s). Je dis ça, mais je serai le premier à aller voir ses prochains films...

y a intérêt ! C'est un bon

Le masseur (1h10)


Léopard d'or au festival de Locarno (section vidéo) en 2005

J'ai donc revu ce premier film de Mendoza et je me rends compte que je n'en avais regardé que quelques bribes en fait. J'avais un DVD non sous-titré et j'avais cru à tort à l'époque de sa sortie (Mendoza n'était pas encore connu) que c'était un petit film sans grand intérêt et j'avais du zapper. Je le redécouvre donc presque intégralement. Tant mieux!

Portrait d'un jeune homme, de sa famille, de son travail de masseur, et de sa quête d'amour. Un quartier de Manille. Un père mourant, infidèle à son épouse mais qui aura toujours subvenu aux besoins de ses enfants (Iliac le découvrira dans une séquence très émouvante et pudique). Un enterrement après tous les préparatifs d'usage. Les scènes au salon de massage semblant parfois être racontées en flash-back plus qu'en parallèle. L'argent qu'il faut gagner pour vivre, financer ce cercueil qui coûte cher.

Dans ce salon de massage des jeunes gens sont payés par leurs clients pour leur donner du plaisir. Ces clients sont montrés le plus souvent comme des vieillards aigris et tyranniques. Iliac tente de fidéliser le sien, un homme mal à l'aise dans cette relation au début et qui parfois semble lui évoquer son propre père. Et au-delà de la transaction qu'imposent ces échanges, ce qui se joue entre les personnages est plus complexe qu'une simple relation de prostitution. Les clients masquent leur frustration et leur dégoût d'eux-mêmes, de cette jeunesse qu'il ne possèdent plus, par des exigences croissantes avec leurs masseurs (ce fameux baiser sur les lèvres que les jeunes gens réservent à leur(e) amoureux(se) ). Iliac de son côté espère trouver l'amour. Il cherche peut-être aussi indirectement à se réconcilier avec la figure du père.

Ces corps qui se touchent expriment tout à la fois ce mélange de désir, de dégoût, de frustration, ces rapports d'argent, de maître et de serviteur dont les rapports peuvent s'inverser quand les sentiments transparaissent. Sentiments aussi vite réprimés, inacceptables. Sauf un jour peut-être... La fin du film nous suggère qu'Iliac trouvera enfin ce qu'il cherchait à travers un nouveau client...

L'image est comme souvent chez Mendoza à la fois documentaire et un peu surexposée (très lumineuse). Il y a un ton mélancolique mais pas trop douloureux. La vie circule et il y a de l'espoir.

A voir pour compléter une filmographie qui devient de plus en plus intéressante.

Le 5 mai 2010

Sympa l'affiche!

Belle bande annonce qui donne très envie mais en montre peut-être un peu trop (quelle manie!) : Lola https://www.dailymotion.com/video/xcpzlo_lola-de-brillante-mendoza-trailer-v_shortfilms

Lola


Un des plus beaux films de ces derniers mois et une étape esthétique supplémentaire dans le cinéma de Brillante Mendoza.

Cinéma du réel encore mais magnifié par une photographie plus travaillée qu'auparavant tout en gardant une dimension documentaire très impressionnante. La musique fait une apparition furtive également dans quelques rares plans mais elle n'était pas indispensable à mon avis, d'autant plus qu'elle n'est pas particulièrement intéressante. Elle veut souligner l'émotion ou poétiser une atmosphère qui se suffit déjà à elle-même. Mais c'est un détail...

L'histoire est tirée d'un fait divers et permet d'accompagner deux "Lola", deux magnifiques grands-mères que l'ont suit d'abord en parallèle. L'une ayant perdu son petit fils assassiné pour un vol de téléphone portable et l'autre étant la grand-mère du meurtrier. Chacune doit accomplir un parcours titanesque, braver les éléments (pluie diluvienne, vent, escaliers, couloirs...) et surtout lutter sans relâche pour sauver leurs familles respectives. L'argent est au centre de tout et quand on est dans la précarité, il faut négocier, marchander, trouver des compromis, ébranler ses propres valeurs et son humanité.

On découvre tout un monde qu'on sent vibrer et qui prend un relief comme jamais. Chaque scène est magnifique. Que ce soit une bougie qu'on cherche difficilement à allumer en s'abritant du vent, un cercueil qu'on transporte sur des canaux, une pêche "miraculeuse" en pleine inondation, quelques légumes et des canards qu'on tente désespérément de vendre pour trouver un peu d'argent. Il y a plusieurs séquences déchirantes et sobres qui font monter les larmes sans prévenir. Ces deux vieilles actrices sont éblouissantes et on attend pendant tout le film LA rencontre et... elle a lieu! Et ce qui est fabuleux c'est qu'au lieu du psychodrame qu'on trouverait dans la plupart des fictions mélodramatiques, que font-elles nos supers mamies? Elle parlent rhumatismes, famille, enfants, cuisine. C'est une merveille d'humanité et de dignité sans pathos, sans didactisme. Juste la vie telle qu'elle est pour ces gens qui n'ont pas droit à la justice des autres parce que tout se paie.

Même si ce film passe à 200km de chez vous prenez un train, un bus, faites du stop mais allez voir Lola! Pas de prix à Venise? Je ne comprends pas... (Prix du meilleur film au festival de Dubaï)

Je vois avec joie qu'il reste 3 films de Mendoza de 2006 et 2007 à découvrir (en plus de Tirador): Manoro, Kaleldo et Pantasya. Sont-ils trouvables?

Pas mal cette affiche de Lola:

Marko a écrit:

Je vois avec joie qu'il reste 3 films de Mendoza de 2006 et 2007 à découvrir (en plus de Tirador): Manoro, Kaleldo et Pantasya. Sont-ils trouvables?

Sur amazon.com (au moins deux)

Lola

Quelle merveille. Suivre le parcours de ces "Lola"-courage est passionnant. Finalement, les deux réalisent un parcours similaire dans leur détermination, dans leur obsession de trouver de l'argent pour leur petits-fils, l'une veut accompagner l'un dans la mort, l'autre lui donner une seconde chance de vie. Tous les personnages sont d'une grande justesse, les grands-mères bien sûr, mais aussi leur famille. Leur affection est palpable dans les gestes, les petits détails. J'ai beaucoup aimé par exemple le personnage du petit Jay-Jay qui accompagne la grand-mère défunte. Il se colle à elle quand il pleut, lui tient son parapluie, met sa main sur sa tête quand elle passe sous un plafond bas pour ne pas qu'elle se cogne, il l'écoute. En silence. Sans démonstration visible mais tout cela transpire de sincérité.
On les suit tous comme en temps réel, de longs plans-séquences : les repas, la vente de légumes, les traversées de la ville sous la pluie, la bouillonnement de la ville et sa violence, la préparation de l'enterrement, le poste de police, les démarches diverses pour trouver de l'argent... le tout sous une pluie battante.
Certaines scènes sont tellement touchantes : la pêche en famille directement dans la "cour" de la maison, les canards que l'on chasse en pleine nature, la générosité de la famille (prends un canards, prends des oeufs, mange avec nous), la grand-mère qui supervise toutes les opérations à l'heure d'accueillir le cercueil, le soutien que l'on sent entre les membres de cette famille, le face-à-face presque dérisoire, la recherche vaine des toilettes... Je m'arrête ou j'y suis encore demain. En tout cas, beaucoup de scènes touchantes et lumineuses, mais qui le sont comme imperceptiblement, sans que ce soit appuyé.

Magnifique.

Le film m'a rappelé John-John quelques fois, cette vie urbaine pauvre de bidonvilles, la générosité et la détermination des mère-grand-mère-courage...


Merci Marko pour ton commentaire, je n'ai pas fait 200 kms, mais quelques-uns quand même. Ton commentaire m'avait donné envie d'aller le voir et alors, j'en suis ravie.

Li a écrit:

Je m'arrête ou j'y suis encore demain. En tout cas, beaucoup de scènes touchantes et lumineuses, mais qui le sont comme imperceptiblement, sans que ce soit appuyé.

Allez une scène bonus en spoiler...

Spoiler: