Roman Vishniac [photographe]

Roman Vishniac est né en Russie en 1897 .
Il a rejoint Berlin en 1920, pour fuir les persécutions qui touchent la population juive.
Il quittera plus tard l’Allemagne pour la France, puis la France pour les Etats-Unis:
« Où est ma patrie ? Serait-elle à l’intérieur de moi ? ».

En 1933 il sent le danger qui menace les Juifs d’Europe, il se donne pour mission de photographier les communautés d’Europe centrale et orientale, parcourant la Pologne, la Lituanie, la Lettonie, la Hongrie et la Tchécoslovaquie. Il rapporte 16 000 clichés.

Réfugié en 1940 aux États-Unis, ce n'est qu’en 1947 qu'il peut publier ses photographies, dans un ouvrage intitulé Un monde disparu (The Vanished World : Jewish Cities, Jewish People).
En 1984, le livre sort en France, et fait l’objet d’une exposition au Centre Pompidou, six ans avant sa mort.

« Pourquoi ai-je fait cela ? (…) Il fallait le faire. Je sentais que le monde allait être happé par l’ombre démente du nazisme et qu’il en résulterait l’anéantissement d’un peuple dont aucun porte parole ne rappelerait le tourment. Il était de mon devoir de faire en sorte que ce monde disparu ne s’efface pas complètement. ”

"C'était le visage d'une fillette aux yeux trop grands, trop sombres, pour son petit visage blême et fatigué. Des yeux aux paupières alourdies par le froid, par la faim, au regard égaré.
[...]
Son père avait peint pour elle, son enfant aux pieds nus, quelques fleurs sur le mur derrière le lit que la misère lui assignait pour gîte.
[...]
Le visage de cette petite fille volée de son enfance, de la lumière du jour et du goût de la vie, naufragée dans un lit aux draps crasseux au fond d'une chambre glacée, c'est Roman Vischniac qui l'a arrachée à l'oubli. Ce regard d'enfant hébétée par la misère, c'est une photo qui lui a fait traverser le temps."
(Sylvie Germain dans La pleurante des rues de Prague)

Merci pour ces photos! On dirait qu'elles viennent d'une autre époque, d'un autre monde...Ça donne un effet très bizarre. Il y a avait une exposition vraiment superbe de ces photographies de Vishniac au musée d'art et d'histoire du judaïsme en 2007.

Il a ramené les clichés de la période 1933/1940 (en gros jusqu'à son arrivée aux USA), comme tu l'as dit dans le but d'interpeller la société américaine sur le sort des juifs d'Europe, malheureusement, il n'a pas été entendu. Il écrira un peu plus tard:
“Je n’ai pas pu sauver mon peuple, j’ai seulement sauvé son souvenir. Pourquoi ai-je fait cela ? Un appareil photo caché pour rappeler comment vivait un peuple qui ne souhaitait pas être fixé sur la pellicule peut vous paraître étrange. Était-ce de la folie que de franchir sans cesse des frontières en risquant chaque jour ma vie ? Quelle que soit la question, ma réponse reste la même : il fallait le faire. [...] ”

Je trouve ces images très émouvanres...Tout particulièrement celle de Sarah dans son lit...Le père ayant peint sur le mur quelques fleurs pour l'enfant...

Oui, c'est assez fascinant de réussir à déclencher autant d'émotions chez le spectateurs sans pour autant le verser dans la pitié (comme pour la petite Sarah, il y a un certain attendrissement, une douceur qui tranche complètement avec l'histoire, le contexte). Pour l'époque dans laquelle ces photos ont été prises c'est dingue! On dirait un gigantesque album de famille. L'alternance ombre/lumière donne toute la force de la photographie:

Merci Dr Ratichon d'avoir complété, hier je n'arrivais pas à ajouter ce magnifique portrait de femme...
Il est très émouvant de voir ce "monde disparu"...
Le portrait de Sarah dans son lit devant le mur aux fleurs peintes par son papa me bouleverse comme je l'ai dit...Je suis arrivée à elle par La pleurante des rues de Prague de Sylvie Germain (voir l'extrait)