Gabriel Le Bomin

Réalisé par Gabriel Le Bomin
Gregori Derangère, Anouk Grinberg, Aurélien Recoing

Citation :

Cinq prénoms inlassablement répétés. Cinq gestes obsessionnels. Cinq moments de guerre. Antonin est revenu des combats sans blessure apparente. La sienne est intime, intérieure, enfouie.
Nous sommes en 1919 et le professeur Labrousse, pionnier dans le traitement des chocs traumatiques de guerre se passionne pour son cas. Sa méthode, nouvelle et controversée, doit lui faire revivre les moments les plus intenses de sa guerre afin de l'en libérer.

Allo ciné

Au générique, des extraits de films du service de santé des armées, montrant des hommes agités de tremblements, courbés en deux, le regard hagard, etc, filmés par les premiers psychiatres qui ont commencé à s'intéresser aux ravages psychiques exercés par les guerres, toutes les guerres, mais il s'agit là de soldats ayant réchappé physiquement à ce massacre que fut la guerre de 14-18, mais revenus atteints de ce que l'on appelle maintenant les névroses post traumatiques.
Antonin est un de ceux-là. Il est presque mutique, il tremble sans arrêt,refait en permanence certains gestes que personne ne peut expliquer. Un psychiatre va s'intéresser à cet homme au cerveau fragmenté, avec des méthodes modernes pour l'époque, c'est à dire des stimulations, des conditionnements, cherchant à le faire revivre les éléments traumatisants afin que ceux-ci sortent du monde des souvenances brutes et se transforment en souvenirs conscients. C'est bien sûr très théorique.. mais c'est aussi la base de la psychanalyse.

En fait, la première fois que la souffrance psychique liée aux guerres a été vraiment reconnue , c'est en 73, après la guerre du Vietnam et nommée syndrome de stress post traumatique . Et en France, on attendra 1992 pour reconnaitre les névroses de guerre..

A cerveau fragmenté, montage fragmenté, c'est à dire que l'on apprend l'histoire d'Antonin de façon anarchique.
Il y a des scènes passionnantes au niveau historique, ces symptomes donc de conversion hystérique dont on voit plusieurs aspects, mais aussi le triage des blessés, avec condamnation immédiate de ceux que l'on n'a pas le temps de soigner ( on arrachait leur médaille d'identité alors qu'ils étaient encore vivants et conscients..), les exécutions officielles ou non au nom de l'Etat français ( seule l'Australie a refusé ce mode de punition des pauvres hommes qui osaient ne pas obéir à l'ordre d'aller se faire tuer..) .
Il y a aussi des maladresses, notamment esthétiques..
Mais c'est un film à découvrir.

A noter sur le DVD deux courts-métrages du même réalisateur, un qui raconte l'histoire d'un puits partagé entre deux tranchées allemande et française pendant la même guerre, et un autre en noir et blanc, un petit garçon monnaye de la nourriture fournie à un déserteur italien contre des images d'architecture, tous les deux très beaux.

Animal, il me semble que ce film devrait t'intéresser, j'envoie?

volontiers, ça me rend très curieux. merci

regardé !

Il y a effectivement des maladresses, des morceaux de reconstitution toc, des morceaux d'acteurs et de paroles tocs et un côté "lisse", correct ou sans surprises. ça gâte un peu le démarrage et des passages après...

mais dans l'ensemble et petit à petit, grâce à une construction qui suit progressivment une découverte de la déconstruction/reconstruction d'Antonin avec des échos qui se déchiffrent peu à peu, on se laisse faire et on s'accroche aux insistances pas moches du réalisateurs sur des mains, du toucher et un semblant de chaleur et d'attention avec Madeleine (le film peut dire merci à Anouk Grinberg !). Un poil systématique de voir les fissures et les murs construits par tous les personnages, surtout les plus durs... mais pas moche non plus.

Et tout de même une question de fond, un problème concrètement humain : l'humain face à... et c'est pas mal rappelé l'aspect "concrètement humain", physiologique aussi, constitutif je dirai.

Pas un chef d'oeuvre mais intéressant et émouvant, pas mal fait et qui donne (ça vaut ce que ça vaut car un peu cliché mais bon... ) du "sentiment cinématographique", du sentiment avec l'image, un peu gros et un peu beau, mais vraiment pas moche ... j'aime bien quand le cinéma ose commencer par là.

(le médecin joué par Aurélien Recoing s'en sort pas mal lui aussi).

C'est bien comme film !

Télé Ciné Obs dit sur le boitier : "Original et très contemporain sur le fond, prometteur et inventif sur la forme".

pas convaincu que ce soit complètement vrai, son clacissisme de fond fait vivre le film je pense (et histoire de se répéter : c'est une bonne chose).

Merci !

très bien ce dvd avec les deux couts métrages et les interviews. Les deux courts sont très beaux comme l'a dit Marie, on y retrouve les même attachements que dans le (grand) film, avec des touchers, des regards et d'une certaine manière encore mieux un sentiment de culture et d'histoire composite. Et vraiment pas moches.

Les interviews sont centrées sur les sujets du film : l'histoire et la psychologie. Pas de pub pour le film qu'on vient de voir, juste des plus. L'historien et le psy des armées comme le réalisateur sont intéressant.

Je suis sensible à la manière qu'a ce dernier de s'exprimer, d'expliquer ses choix, de choisir ses mots.

J'espère qu'il fera de nouveaux films avec cette même démarche et cette même attention. Lui me redonne de l'espoir quant au cinéma de chez nous.

Citation :

J'espère qu'il fera de nouveaux films avec cette même démarche et cette même attention. Lui me redonne de l'espoir quant au cinéma de chez nous.

Et bien, hélas, essai non confirmé..

Vu

Adaptation d'un roman de Tanguy Viel, un film noir avec un début qui fait penser à Chabrol, mais tout se gâte très vite.A cause du scénario auquel on ne croit pas une minute, et des acteurs , Marc-André Grondin est tellement grimaçant en permanence qu'il en devient presque drôle. Ce qui n'est pas le but..

avec même pas un petit espoir que ce soit pour faire moins pire après (ce qui n'excuse pas forcément tout non plus) ?

Film constitué de bric et de broc, semblable sur ce point à son personnage Antonin. Alors qu’il était professeur, le jeune homme est envoyé sur le front pour combattre au cours de la guerre de 14-18. Traumatisé, il réchappe de cette expérience avec une belle accumulation de troubles psychiques : entre gestes nerveux répétitifs, mutisme et comportement autistique, Antonin n’a plus rien du séduisant jeune homme qu’il avait pu être. Plus tard, on appellera ces victimes des « traumatisés de guerre ». Pour l’heure, une telle dénomination n’existe pas encore. Le professeur Labrousse, un avant-gardiste du corps médical, se passionne toutefois pour le cas d’Antonin auquel il fait appliquer une nouvelle méthode qui consiste à libérer l’esprit du traumatisé en lui faisant revivre les moments les plus intenses de son expérience.

Gabriel le Bomin connaît son sujet –en tout cas il le prétend- et se targue d’avoir dévoré les documentaires concernant le sort des traumatisés de guerre, des années avant de concrétiser la réalisation des Fragments d’Antonin. Pourtant, lorsqu’on regarde le résultat, on pourrait en douter. Le Bomin ne nous apprend rien de nouveau et ne fait que nous ressasser ce que l’on savait déjà de bon droit : la guerre a eu des conséquences catastrophiques qui ne se comptent pas seulement en nombre de blessés et de morts, et dont les répercussions peuvent aussi être psychologiques –donc invisibles. Le message incite à prendre du recul, à considérer avec plus de circonspection les bilans tirés des guerres ; il aurait été intéressant d’entendre cette voix dans les années 60 mais aujourd’hui, qui oserait encore douter du contraire ?

Pire que ce bavardage ennuyeux dans le fond et dans la forme -la mise en scène est molle et outrancière- Gabriel le Bomin commet le crime de juger sa thèse inintéressante. Le réalisateur n’en a certainement pas conscience mais ce sentiment se ressent au nombre des exagérations grossières qui parcourent le film. Pour amplifier la pureté originelle des personnages, on nous présente un Antonin au visage d’ange, instituteur dévoué, ami des pigeons et observateur discret de l’humanité. Le professeur Labrousse est d’une compassion d’autant plus impressionnante que ses sentiments altruistes parviennent à s’exprimer malgré la mort récente de son fils. Tous les personnages sont plus ou moins estropiés, laissent leur regard flotter dans le vide beaucoup trop longtemps, et ne sourissent que tristement. Ils prennent des figures d’anges parce qu’ils sont issus d’un monde de brutes, et ces portraits sublimés –caricaturaux- les rendent insupportables.

Gabriel le Bomin insiste, dans ses discours, sur la prédominance des blessures de guerre invisibles, mais il n’est pas à une contradiction près lorsqu’il émaille son film de longs plans qui se concentrent sur des membres mutilés, des visages amochés ou des explosions meurtrières. Pour être certain que le spectateur comprenne bien l’horreur des scènes auxquelles il assiste, le tout est renforcé par un orchestre de violons qui viennent déverser leurs mélodies dépressives par-dessus les champs de ruines.

Une histoire d’amour légère et délicate vient culminer au sommet de ce ramassis niaiseux et simpliste, qui déshonore son sujet en cherchant à en faire un sujet d’observation artistique. Il n’y avait pourtant pas besoin d’aller chercher aussi loin, et en faisant croire que les traumatismes de guerre ne constituent pas un sujet qui se suffit à lui-même, Gabriel le Bomin se situe à l’antithèse du message qu’il cherchait à exprimer.

animal a écrit:

Il y a effectivement des maladresses, des morceaux de reconstitution toc, des morceaux d'acteurs et de paroles tocs et un côté "lisse", correct ou sans surprises. ça gâte un peu le démarrage et des passages après...

Disons que, un peu d'accord avec Animal, mais en moins enthousiaste quand même...

roooooooh. t'es dure quand même !

je garde un bon souvenir du film. et les gens "normaux" dans un film ce n'est pas inutile. c'est différent d'un film de "soldats"...

(et le cinéma d'aujourd'hui est peut-être plus rétrograde que celui des années 60).

animal a écrit:

(et le cinéma d'aujourd'hui est peut-être plus rétrograde que celui des années 60).

J'ai dit le contraire ?

je réagissais justement au doute du contraire.

avec une extrapolation pas démesurée.

D'accord...
En tout cas, pas très novateur le sujet, tu seras d'accord ? Le Bomin a déjà un public acquis à sa cause. Ca ne lui enlève pas le droit de faire un film sur le sujet, mais ça le dispenserait, selon moi, de revendiquer une audace et une originalité qu'il n'a pas forcément...

Dans la manière il n'est pas novateur mais je n'ai pas senti qu'il revendiquait l'innovation. Pour le sujet et un film de cinéma, autour de l'évolution et aussi du silence relatif qui peut couvrir ces suites de la première guerre... je ne sais pas. j'ai vu peu de film sur la première guerre mondiale.

(il faudrait que je retrouve une photo tout à l'heure).

(tu as retrouvé ta photo ?)

pas encore, recherches infructueuses hier soir... si je l'ai trouvée une fois (par hasard) pourquoi pas deux ?