Emmanuel Carrère

Merci pour ton commentaire Shanidar ! Je te rejoins sur la plupart des points, tant sur ce que tu as aimé que sur ce que tu n'as pas aimé.
Je compte tout de même ne pas en rester là et lire autre chose de Carrère, peut-être bien Je suis vivant et vous êtes morts, biographie de Philip K. Dick, ou Werner Herzog. Pas trop tentée par contre par ses autres romans...

je crois que nezumi rembourse ceux qui seraient déçus !

en revanche, à l'inverse de toi senti, j'ai l'impression d'avoir aimé Limonov dans Limonov, aimé l'aspect brutal, vivant, électrisé, engagé du personnage, même si je ne partage pas sa violence (capable de tuer) ni ses choix politiques, j'avoue que le personnage a quelque chose de fou, de ravagé, qui me séduit énormément. J'aime les voyous, les sans lois, les orgueilleux, il manque à Carrère le côté trash de Limonov et bizarrement c'est quand il le trouve détestable qu'il écrit le mieux (looser vous avez dit ?), quant à l'aspect 'sincérité', je ne vois pas ce que cela vient faire ici. C'est peut-être même ce qui aurait été le pire, que Carrère cherche à se justifier de son intérêt pour un fasciste russe, punk et presque terroriste, non, il dit très clairement que la vie de Limonov dit quelque chose de la Russie d'aujourd'hui et qu'il va chercher à cerner ce 'quelque chose', on peut rendre justice à Carrère d'avoir réussi en effet à nous dire 'quelque chose' de la Russie. Mais, je crois que le terme 'roman' ou 'fiction biographique' ou tout autre genre purement littéraire ne convient pas à Carrère (Arabella le souligne, Carrère n'est pas écrivain mais écrivant), il s'agit plutôt d'un travail de journaliste, de compilateur (mais un journaliste qui ne sait pas écrire ou qui ne s'en donne pas les moyens, ou qui triche).

Tu as raison, je n'ai pas du tout aimé Limonov (difficile du coup d'apprécier plus que cela le récit d'E. Carrère quand on n'éprouve aucune attirance pour le personnage principal) et je n'ai aucune envie de lire quelque chose de lui. Pourtant je suis souvent aussi attirée par les ravagés comme tu dis mais lui, alors là, pas du tout

shanidar a écrit:

quant à l'aspect 'sincérité', je ne vois pas ce que cela vient faire ici.

Quand je parle de sincérité, je veux dire qu'il parle de lui sans chercher à cacher ces défauts que tu détestes, qu'en ce sens c'est assez courageux, et cela me le rend proche, à son écoute.

topocl a écrit:

shanidar a écrit:

quant à l'aspect 'sincérité', je ne vois pas ce que cela vient faire ici.

Quand je parle de sincérité, je veux dire qu'il parle de lui sans chercher à cacher ces défauts que tu détestes, qu'en ce sens c'est assez courageux, et cela me le rend proche, à son écoute.

ah ok, je croyais que tu évoquais le fait d'avoir choisi un héros détestable. Je reconnais qu'il est assez lucide dans ce qu'il dit de lui, mais cela ne m'intéresse pas vraiment, les atermoiements d'un Carrère me semble relever du divan plus que d'autre chose, en cela en effet il est sincère mais assez pitoyable en comparaison de Limonov qui se découpe les veines, se noie dans l'alcool ou se fait enculer par des noirs...

si un peu sur le même sujet (la Russie post-communiste), je devais conseiller un livre ce serait Démon de Thierry Hesse

Je suis vivant et vous êtes morts Philipp K DICK 1928-1982

Si l'on veut faire bêtement simple, on lit le premier paragraphe, et tout le livre est dedans. Né en 1928 à Chicago, en même temps que sa sœur Jane, Phil Dick survivra seul à ce couple de jumeaux : la mère, incapable de les nourrir correctement, laisse Jane mourir de faim à un mois et demi.
D'où, pour Philipp cette interrogation fondatrice :suis-je moi ou ma sœur, qui suis-je vraiment, quel serait le monde si ma sœur avait survécu, si j'étais mort à sa place, interrogation perpétuelle qui évoluera plus tard en : quel est ce monde, la vérité est-elle bien celle que l'on croit, n'a-t-elle pas un double qui fait que notre monde est une illusion, ne sommes-nous pas trompés par des sortes d'instances supérieures qui nous font vivre en croyant réel notre monde alors qu'il est autre.

Ça, c’est si l'on veut faire simple. Le livre d'Emmanuel Carrère est beaucoup plus complexe, avec une étude extraordinairement fouillée de la biographie de Philipp Dick, cet homme fascinant et insupportable, de ses perturbations psychiatriques, de ses oeuvres, et des rapports qu'elles entretiennent avec, justement, ses questionnements perpétuels. La description est assez impressionnante et j'ai été très emballé par la lecture de ce livre (en tout cas ses trois premiers quarts) qui décrit un homme, à la fois si brillamment intelligent et cultivé, mais paralysé par des comportements et des pensées qui sont totalement étranges au commun des mortels, alimenté par une fascination pour les religions, le paranormal, l’ésotérique, et une consommation incontrôlée de médicaments et de drogues. La description clinique scrupuleuse du « cas » Philipp Dick, de son rapport à lui-même et aux autres, à son oeuvre, l'évolution de cet homme à la structure psychologique si perturbée vers un délire de persécution est tout à fait saisissante. La fin m'a un peu lassée, la pensée de Philipp Dick est de plus en plus obsédante, stéréotypée, tortueuse, je me perds dans son délire comme il s’y est aussi perdu lui-même.

Tout cela, pour moi qui ne suis pas du tout une lectrice de science-fiction, me conforte dans l'idée que j’avais intuitivement que cette littérature a quelque chose de très profond, très pensé, très intelligent. Qui se présente sous des abords « populaires » mais est le résultat d’une pensée extrêmement élaborée qui pose les questions et ouvre les esprits.

En somme, un livre très intéressant, qui m'a passionnée pendant ses 2 premiers tiers, m’a saoulée sur la fin. De la haute voltige dans un roman biographique aussi intelligent que son personnage.

je vais poster le commentaire aussi sur le fil de Ph. Dick

topocl a écrit:

Tout cela, pour moi qui ne suis pas du tout une lectrice de science-fiction, me conforte dans l'idée que j’avais intuitivement que cette littérature a quelque chose de très profond, très pensé, très intelligent. Qui se présente sous des abords « populaires » mais est le résultat d’une pensée extrêmement élaborée qui pose les questions et ouvre les esprits.

Tout à fait! Merci d'attirer l'attention des parfumés sur ce livre.

Je me demande pourquoi j'ai posté mon com' sur le fil de Dick d'ailleurs!

Bravoure

Tout part d'une soirée où le poète Shelley, sa femme Mary, Byron et son médecin Podilori font le pari d'écrire chacun une histoire fantastique. C'est de là, que naîtra le roman Frankenstein. De ce fait réel, Carrère tisse la trame d'un roman tarabiscoté au point que je n'ai pas compris où il voulait en venir. on fait des allers-retours entre différentes époques et différends protagonistes. L'histoire d'amour entre Shelley et Mary sous la plume de Carrère est assez belle mais ça ne suffit pas. J'aime bien être baladée si au final je retombe sur mes pattes. Là, je reste perplexe. Ca part dans tous les sens à et ça en mène nulle part. Dommage parce que c'est bien écrit.

Voila le genre de commentaire qui ne vante pas le livre, mais qui pique ma curiosité!

topocl a écrit:

Voila le genre de commentaire qui ne vante pas le livre, mais qui pique ma curiosité!

Ma lecture à été très hachée, ce qui n'a pas du aider. Si tu veux, je peux le faire tourner. Ça m'intéresserait d'avoir ton avis.

Je termine à l'instant D'autres vies que la mienne" et je souffle, comme quelqu'un qui vient de recevoir un coup à l'estomac, très impressionné, mais aussi soulagé que ça soit fini. La dureté devenait insupportable, physiquement presque.
C'est un livre sur la vie et donc sur la mort. Je l'ai trouvé très juste de ton et bouleversant de sincérité simple.
Au final, pour moi un très beau texte, d'une puissance inouïe ; simplement il faut être capable de le lire, ce que d'aucuns ne peuvent ou pourront pas.

Ca me fait plaisir de retrouver chez toi l'émotion que j'avais éprouvée, monilet!

J'en suis heureux ; je viens donc de parcourir quelques uns de vos avis à tous et je dois dire qu'une fois de plus je me retrouve totalement dans le premier, celui d'Aeriale.

monilet a écrit:

J'en suis heureux ; je viens donc de parcourir quelques uns de vos avis à tous et je dois dire qu'une fois de plus je me retrouve totalement dans le premier, celui d'Aeriale.

Ca fait plaisir Monilet Un très beau souvenir pour moi aussi, meme s'il fut parfois éprouvant, mais Carrère a cette force peu commune de savoir parler de la douleur humaine sans tomber dans le pathétique - en cela il me rappelle Bauchau- Merci pour ton commentaire!

Pour ceux qui ont aimé l'univers de Limonov, surtout dans la description de ses "excès politiques" en Russie à partir des années 90 et son parti national-bolchèvique, je peux dès à présent recommander un livre qui joue dans cet sphère de jeunes engagés, perdus. Il s'agit d'un roman de Zakhar Prilepine (fil existe; je vais y poster plus tard un commentaire sur ce livre) "San'kya".