Joseph II (édition Racine)
Tout le monde connaît la révolution française, présentée en francophonie comme le point culminant, l'aboutissement logique des lumières, mais qu'en est-il au-delà de nos régions? La révolution n'est qu'une petite goutte d'eau dans l'océan, l'aboutissement, non d'une évolution toute française, mais européenne (les Anglais ont fait leur révolution un siècle avant les Français - ce qui est honteusement "oublié" dans nos manuels d'histoire). Les inspirations des intellectuels français venaient d'Italie, d'Allemagne, d'Autriche, d'Angleterre, etc.
Peu appréciés (contrairement à ce qu'on voudrait faire croire), les grandes figures des lumières françaises étaient considérés comme des "philosophes" (avec tout l'aspect anti-conservateur et anti-catholique que cela suppose à l'époque, être ainsi traité de "philosophe" ne vous faisait pas entrer dans toutes les cours d'Europe), souvent lu, mais rarement pris au sérieux. Trop subversifs, libres penseurs, limite athéistes (même s'il faut garder à l'esprit que c'était très rare à l'époque), les "philosophes" français sont mis de côté, au profit d'autres figures des lumières et de la renaissance comme Beccaria, Locke, Erasme, Hume, Thomasius, Zimmermann, et beaucoup d'autres que l'on omet souvent de citer dans les cours d'histoire et de philosophie en France ou en Belgique.
Mais que vient faire ce pauvre Joseph dans tout ce fatras? Il est tout simplement, avec Frédéric II et Catherine II, l'un des plus grand soutiens des lumières en Europe. Mort alors que la révolution française avait éclaté, ce souverain avait été l'un des plus audacieux de son époque.
Les querelles religieuses et culturelles lui pesaient, il voulait faire bouger la vieille monarchie autrichienne et réformer l'empire, mais il se heurtera d'abord à sa mère Marie-Thérèse, fervente catholique pour qui il était impenssable de donner des droits aux représentants d'autres confessions... et encore moins aux Juifs! (Marie-Thérèse gardera un souvenir traumatisant de sa visite dans les villes de l'est, sales, poisseuses, bondées où la population était très importante, sinon très majoritaire - cette image du ghetto juif sera d'ailleurs conservée par l'extrême-droite jusqu'à nos jours)
Cependant, encouragé par ses lectures, les discussions avec les intellectuels de son époque, Joseph II tentera le tout pour le tout. En l'espace de quelques années, il donnera l'égalité des droits à tous les citoyens (Juifs compris), tentera de mettre à bas l'enseignement jésuite et de créer des écoles publique, supprimera leurs biens aux religieux trop riches, désira réduire le pouvoir de la papauté et de l'Eglise, affirma la toute puissance de l'Etat, etc.
Trop rapide, trop brusque, trop novateur, Joseph II et le "Josephisme" ne seront suivis ni par les religieux, ni par la noblesse et même pas par la population (même certains Juifs s'y opposèrent!). L'héritage de Josef II ne sera pas conservé, sa mort et les révoltes du peuple mettront fin aux réformes et amèneront à un retour en arrière.
Ce mouvement trop éphémère et ballayé par une révolution française victorieuse feront tomber Joseph II dans l'oubli. Les défenseurs du "Joséphisme" n'auront pas beaucoup d'écho. Si les réformes entreprises par l'empereur furent révolutionnaires, le fait de rester dans l'ancien système, dépendant d'un souverain aux pouvoirs absolu (qu'il soit "éclairé" ou non n'est pas le problème) sembla bien pal en regard d'une révolution intégrale comme celle présentée par la France ou les Etats-Unis.
Il n'en reste pas moins que Joseph II continue d'être injustement oublié par les cours d'histoire, ses réformes sont peu mentionnées et montrent pourtant que la révolution française, si chère au monde francophone, ne fut pas la seule tentative de sortie de l'ancien régime.