Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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 Joyce Carol Oates

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Eve Lyne
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Eve Lyne


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MessageSujet: Re: Joyce Carol Oates   Joyce Carol Oates - Page 9 EmptyMar 7 Avr 2009 - 9:30

Je n'ai lu qu'un livre, lecture trop ancienne pour en parler sans mes notes à proximité.

La fille tatouée... roman bien ficelé, passionnant, qui donnait vraiment envie d'approfondir.
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Bédoulène
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MessageSujet: Re: Joyce Carol Oates   Joyce Carol Oates - Page 9 EmptyMar 7 Avr 2009 - 10:49

j'ai commencé Corky (800 pages) bien dedans déjà.

je dois dire que j'ai aimé les livres que j'ai lus de JCO (les chutes, le goût de l'Amérique et EUX aime )
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Marko
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Marko


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MessageSujet: Re: Joyce Carol Oates   Joyce Carol Oates - Page 9 EmptyJeu 9 Avr 2009 - 0:41

Citation :


Ressentez-vous de l'amertume, m'a-t-on demandé récemment, à être rejetée par les féministes (ce que je ne savais pas, je dois le reconnaître) alors que sont encensés tant d'ouvrages sans ambition, qui ressassent les clichés féministes... ? J'ai trouvé qu'amertume était un mot plutôt fort et plutôt insultant, d'autant que je ne connais pas vraiment le contexte et que je n'avais guère envie de m'en enquérir. Cela dit, il est ironique que, m'attaquant à des sujets généralement plus vastes - et plus ambitieux, je suppose - que les ouvrages féministes (qui semblent en gros de deux sortes - jérémiades contre les hommes, affirmation de l'indépendance des femmes à l'égard des hommes via des alliances lesbiennes) -, je ne sois pas considérée du tout comme «féministe». Lorsque les hommes s'essaient à des romans vastes, ambitieux, cela paraît tout naturel - tout masculin; une femme qui s'essaie à de tels romans s'expose à être considérée comme une rivale par les hommes, et comme un déserteur de la cause par les femmes.
Extrait de son journal (1979)

Citation :
« Qu'importe que le monde se désintègre, que des gens meurent de faim, pourvu que des jeunes femmes dynamiques abonnées à Ms apprennent à provoquer chez elles des spasmes physiques... et à affirmer avec jubilation leur indépendance à l'égard des hommes. On se demande bien quelle pourra être la prochaine libération ? Déclarer ouvertement sa cupidité, sa jalousie, ses rancunes, son infériorité... ? Sa mesquinerie ? Son imbécillité ? »

Ce n'est pas le meilleur mais c'est amusant! Il y a des passages superbes qui évoquent un peu le journal de Virginia Woolf qu'elle considère comme une sœur de cœur.
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Bédoulène
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MessageSujet: Re: Joyce Carol Oates   Joyce Carol Oates - Page 9 EmptyVen 17 Avr 2009 - 21:33

Terminé Corky !

déjà !



Corky, cet Irlandais issu des quartiers pauvres qui va se hisser jusqu'à la classe supérieure, jusqu'à devenir Conseiller municipal, grâce à ses amitiés, son audace, à son mariage avec la fille d'un riche agent immobilier.
Le père de Corky a été tué par balles dans le dos devant la porte de leur maison alors qu'il n'est âgé que de 10 ans et il sera aussi privé de sa mère devenue folle et qui mourra elle aussi jeune.
De ce drame Corky en ignorera très longtemps l'origine mais en gardera une appréhension qui le fera se tenir toujours dos au mur dans les lieux publics.
Corky ne sait résister ni à la boisson ni aux femmes et se trouvera embarqué dans des situations aventureuses, embarrassantes, dangereuses car comme beaucoup d'hommes au fond il est naïf.
Parfois le lecteur à envie de le plaindre de se laisser attendrir par Corky, à d'autres moments on le trouve haïssable, opportuniste.
Il sait qu'il a été lâche à plusieurs reprises, il se dégoute parfois et cette lucidité sur lui-même nous permet de l'excuser.
Corky aime qu'on l'aime, qu'on l'apprécie.
Il est dans une mauvaise passe en ce moment, problèmes financiers importants, rupture avec sa maîtresse et soucis avec la fille de son ex-femme.
Il doit gérer tous ces problèmes et le suicide d'une amie de sa "belle-fille" ajoute à son malaise car il en vient à soupçonner son meilleur ami, le fils de l'actuel maire.
Il ne maîtrise plus rien et pense à dénoncer son ami mais sa belle-fille joue les justiciers et il s'interpose.
Gravement bléssé il reste quelques jours dans le coma mais finalement Corky l'Irlandais s'en sort et l'horizon s'éclaircit, il peut encore rêver à son avenir.

Ce livre est vraiment puissant, déroutant ; l'auteure "habite" le cerveau et le coeur de son personnage principal et elle nous en livre le contenu sans censure aucune.
Une connaissance des arcanes de la politique et de l'émancipation de cette ville et de ses habitants.


j'aurais voulu mettre des extraits mais il y en avait beaucoup trop que j'avais noté tellement ce livre est intéressant dans sa plongée libre dans les sentiments d'un homme.
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Marko
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MessageSujet: Re: Joyce Carol Oates   Joyce Carol Oates - Page 9 EmptyDim 19 Avr 2009 - 22:37

Bédoulène a écrit:
Terminé Corky !


Ce livre est vraiment puissant, déroutant ; l'auteure "habite" le cerveau et le coeur de son personnage principal et elle nous en livre le contenu sans censure aucune.

C'est vraiment toute sa force! Cette capacité d'immersion dans l'univers mental de tous les membres d'une société et à n'importe quelle époque.
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Bédoulène
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MessageSujet: Re: Joyce Carol Oates   Joyce Carol Oates - Page 9 EmptyLun 20 Avr 2009 - 17:36

oui Marko !

jusqu'à présent aucun livres lus de JCO ne m'a déçue, même si j'apprécie particulièrement Corky et EUX
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Sophie
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MessageSujet: Re: Joyce Carol Oates   Joyce Carol Oates - Page 9 EmptyDim 26 Avr 2009 - 12:09

HAUTE ENFANCE:
Deuxième Oates que je lis, après Délicieuses Pourritures, roman que j'avais apprécié bien qu'il m'ait dérangée.
Ici, autant le dire tout de suite, j'ai peiné et pas seulement parce que j'étais en vacances et donc l'esprit ailleurs.

L'histoire, en fouillant dans ma mémoire et en me référant à la 4ème de couverture: une adolescente qui séduit un quadragénaire, s'ensuit une histoire compliquée de "je t'aime moi non plus", "c'est mal ce qu'on fait mais qu'est-ce que c'est bon" ou encore "jouons au chat et à la souris".

Je n'ai pas compris grand chose, du moins pas les détails; il faut dire aussi que j'ai lu pas mal en diagonale, ce qui n'aide pas à entrer dans l'action. Mais vraiment, je me suis ennuyée, j'avais l'impression que J.C Oates souhaitait choquer le lecteur sans non plus aller trop loin. Du coup, je me suis retrouvée à lire un roman non pas mièvre mais plein de non-dits avec une chute qui m'a complètement échappée...
Une vraie déception mais je ne capitule pas et lirai encore Oates qui, malgré tout, m'intéresse vraiment, mais qui semble écrire de manière inégale; il faut dire aussi qu'elle est plutôt prolifique.
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MessageSujet: Re: Joyce Carol Oates   Joyce Carol Oates - Page 9 EmptyDim 26 Avr 2009 - 16:52

J'aime l'écriture de Oates, mais j'ai un petit bémol, dans ses nouvelles. Je ne sais pas si c'est parce que j'ai été gâtée par Dino Buzzati, mais je trouve qu'il manque le petit quelque chose d'incroyable que Buzzati apporte lui dans ses nouvelles.
Les nouvelles de Oates débute bien... mais j'aime moins la fin qu'elle y apporte . Comme si elle ne prenait pas toutes les possibilitées offertes pour y mettre encore plus de mystère et d'étonnement. Pour ceux qui ont lu Buzzati, je crois qu'ils pourront comprendre ce que je veux dire.
Spoiler:
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coline
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MessageSujet: Re: Joyce Carol Oates   Joyce Carol Oates - Page 9 EmptyDim 26 Avr 2009 - 20:02

J'ai lu mon quatrième roman de Joyce Carol Oates...Après Premier amour, Délicieuses pourritures que j'ai apprécié moyennement, j'avais lu Les chutes: très bien.
Le sujet de ma dernière lecture, Man Crazy est dur mais j'ai été happée par ce récit...J'en parlerai plus précisément...
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sousmarin
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MessageSujet: Re: Joyce Carol Oates   Joyce Carol Oates - Page 9 EmptyDim 26 Avr 2009 - 20:56

Sophie a écrit:
HAUTE ENFANCE:Une vraie déception mais je ne capitule pas et lirai encore Oates qui, malgré tout, m'intéresse vraiment, mais qui semble écrire de manière inégale; il faut dire aussi qu'elle est plutôt prolifique.
Je dirai différente plutôt qu’inégale mais je t’accorde que son écriture a changé en 30 ans…à l’époque, elle était moins débridée et plus empreinte de non-dits que maintenant ; plus classique mais qui, mine de rien, allait peut être plus loin… jemetate
Comme je l’ai dit, si l’on ne rentre pas dans le personnage, ce qui est visiblement ton cas pour ce roman, on ne peut apprécier Oates. jypeurien

Concernant sa « réputation » anti féministe, je la trouve plutôt comique…venant de bobos qui sont féministes parce que c’est à la mode… Rolling Eyes
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Sophie
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MessageSujet: Re: Joyce Carol Oates   Joyce Carol Oates - Page 9 EmptyLun 27 Avr 2009 - 1:42

coline a écrit:
Le sujet de ma dernière lecture, Man Crazy est dur mais j'ai été happée par ce récit...J'en parlerai plus précisément...
Chouette, car c'est un des romans de Oates que je possède.
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MessageSujet: Re: Joyce Carol Oates   Joyce Carol Oates - Page 9 EmptyLun 27 Avr 2009 - 1:43

sousmarin a écrit:
Sophie a écrit:
HAUTE ENFANCE:Une vraie déception mais je ne capitule pas et lirai encore Oates qui, malgré tout, m'intéresse vraiment, mais qui semble écrire de manière inégale; il faut dire aussi qu'elle est plutôt prolifique.
Je dirai différente plutôt qu’inégale mais je t’accorde que son écriture a changé en 30 ans…à l’époque, elle était moins débridée et plus empreinte de non-dits que maintenant ; plus classique mais qui, mine de rien, allait peut être plus loin… jemetate
Comme je l’ai dit, si l’on ne rentre pas dans le personnage, ce qui est visiblement ton cas pour ce roman, on ne peut apprécier Oates. jypeurien

Concernant sa « réputation » anti féministe, je la trouve plutôt comique…venant de bobos qui sont féministes parce que c’est à la mode… Rolling Eyes

Oui c'est vrai que pour ce roman je ne suis entrée dans aucun des personnages.

J'imagine que certains la trouvent anti-féministes car les femmes y sont souvent malmenées; moi, j'aurais plutôt à croire que Oates cherche à le dénoncer.
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MessageSujet: Re: Joyce Carol Oates   Joyce Carol Oates - Page 9 EmptyLun 27 Avr 2009 - 13:23

Sophie a écrit:
coline a écrit:
Le sujet de ma dernière lecture, Man Crazy est dur mais j'ai été happée par ce récit...J'en parlerai plus précisément...
Chouette, car c'est un des romans de Oates que je possède.

J'espère que mon commentaire t'encouragera Sophie... content

MAN CRAZY

Ainsi commence le roman :

« J’avais été amenée à l’hôpital les menottes aux poignets. Dans un fourgon marqué CHAU CO WOMEN’S DET CT- Centre de détention pour femmes, comté du Chautauqua. Vêtue d’une blouse grise informe, les jambes nues et des tennis dans lacets aux pieds. On m’avait enlevé les lacets au centre de détention par précaution contre le suicide, mais jamais je ne me pendrais avec des lacets de chaussures !...ce n’est pas sérieux. Je ne me pendrais jamais avec quoi que ce soit, c’est une mort horrible. J’ai failli être étranglée, alors je sais.
[…]
Il y avait un médecin, je n’ai pas vu son visage. Je pleurais et j’avais honte. […] Et lui disait de cette voix lente et douce insistante comme quelque chose qui s’introduit dans une huître pour l’ouvrir Parle-moi de ta vie, Ingrid. Nous voulons t’aider. »


Il y avait dans ces premières lignes assez d’éléments pour éveiller immédiatement le désir de connaître l’histoire d’Ingrid dont on saura plus tard qu’elle n’a alors que 21 ans. Assez d’éléments pour saisir aussitôt le caractère tragique de son parcours. Assez d’éléments enfin (et ce fut important pour que je commence ma lecture) pour espérer, malgré les circonstances, une issue à son drame.

Ingrid va raconter au médecin qui «ne juge pas » sa descente aux enfers.
La souffrance d’une petite fille intelligente et sensible, Ingrid Boone, aimée par ses parents. Leur vie, à la marge, va la priver pourtant de leur amour.
Le père adoré, aviateur, vétéran du Vietnam, devenu à son retour trafiquant, assassin et donc toujours en fuite, ne fait pour la petite que de brèves apparitions à l’occasion desquelles il lui dit son amour.
La mère, trop jeune, amoureuse de son mari mais cédant par besoin d’amour et d’argent à de nombreux amants.

C’est ainsi que débute le cauchemar, puis la dérive d’Ingrid Boone, jusqu’à devenir « La chienne », esclave consentante du gourou d’une secte satanique, Enoch Skaggs.
Elle passe, entre ces deux identités, par des étapes que je vous laisse découvrir. Il lui faudra apprendre « qu’ elle existe, même quand elle ne souffre pas. »

C’est un récit extrêmement dur, noir, glauque. . Rien n’est épargné au lecteur.
Ce genre de récit n’est pas habituellement celui dont je raffole mais je reconnais qu’à aucun moment je n’ai eu envie de l’abandonner, de renoncer malgré sa noirceur. La façon dont il est mené est remarquable, et le personnage d'Ingrid-La Chienne est fascinant…touchant aussi.

Je continuerai, de temps à autres, de ponctuer mes lectures habituelles avec d’autres ouvrages de Joyce Carol Oates, en demandant conseil aux grands admirateurs de cette auteure afin de lire, dans l’immensité de son œuvre, les meilleurs. J’ai déjà programmé d’acheter La fille du fossoyeur.
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MessageSujet: Re: Joyce Carol Oates   Joyce Carol Oates - Page 9 EmptySam 2 Mai 2009 - 15:00

Je garde un souvenir assez fort de Man crazy qui est un de ses meilleurs romans et un des plus sombres effectivement même si le final laisse quand même place à un peu d'apaisement.
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MessageSujet: Re: Joyce Carol Oates   Joyce Carol Oates - Page 9 EmptyMar 12 Mai 2009 - 17:51

Reflets en eaux troubles

Magnifique petit roman de 129 pages, inspiré d'un fait divers vrai, l'accident de voiture impliquant T. Kennedy dans lequel une jeune femme est morte noyée. C’est l'histoire de cette jeune femme qui est racontée ici, de son point de vue (de la pure fiction donc) alors qu’elle est en train de se noyer, abandonnée dans cette voiture, seule avec sa peur.

Le premier chapître, très court, comme la plupart des 31 autres qui composent cette nouvelle, annonce parfaitement la couleur du roman :

Citation :
La Toyota de location, conduite par le Sénateur avec une impatiente allégresse, fonçait sur une route en terre qui ne portait pas de nom, glissait dans les virages en dérapages ivres, puis, sans prévenir, pour une raison quelconque, la voiture sortit de la route, versa côté passager, l’eau noire s’y engouffra et elle disparut rapidement.
Est-ce que je vais mourir ? – Comme ça ?

C’est Kelly, la passagère, qui se pose cette question. Kelly, 26 ans, a rencontré le sénateur à la fête de 4 juillet organisée par ses amis sur l’île de Grayling. Elle l’admire (il était le sujet de sa maîtrise), elle a été flattée qu’il s’intéresse à elle et a accepté de quitter la fête avec lui, pleine d’anticipation sur la soirée en tête à tête avec cet homme de pouvoir qu’elle idéalise.

Et c’est le drame. Sous la conduite ivre du sénateur, la voiture quitte la route et s’enfonce doucement dans les eaux noires et froides des marais de Grayling. Commence alors pour Kelly le cauchemar qui se terminera par sa mort (je ne dévoile rien, l’histoire est connue). La lutte pour la survie, les souvenirs qui défilent, le refus de croire que sa vie se terminera là, comme ça, Kelly se remémore ses dernières heures avec le sénateur, sa jeune vie qui avait à peine commencé.

La narration en flashbacks est très efficace. Les mêmes faits plusieurs fois relatés mais enrichis chaque fois de nouveaux éléments, permettent au lecteur d’avoir une vue d’ensemble, même si les souvenirs de la jeune femme sont de moins en moins structurés, comme on imagine qu'ils peuvent l'être lorsque l'esprit n'est plus à même de fonctionner rationnellement alors que la mort est proche. Le lecteur, pris dans ce tourbillon de souvenirs, proches (la soirée qui précède l’accident), mêlés à de plus anciens, et de faits composant l'accident, se retrouve impuissant face à l'agonie de cette jeune femme, idéaliste et trop naïve, qui jusqu'au bout croira que cet homme la sauvera.

Citation :
Et l’accident aussi, un jour elle transformerait l’accident, le cauchemar d’être piégée dans une voiture immergée, la noyade évitée de justesse, le sauvetage. C’était horrible – atroce. J’étais coincée, l’eau s’infiltrait et il était parti chercher du secours, heureusement qu’il y avait de l’air dans la voiture, les fenêtres étaient restées hermétiquement fermées, la climatisation fonctionnait, oui, je sais, c’est un miracle, si vous croyez aux miracles.

Cette naïveté est touchante en même temps que désespérante. Malgré ses quelques sursauts de lucidité (elle se rend compte qu’il a utilisé son corps à elle pour s’extirper de la voiture), elle fait preuve d'une foi en l'être humain que le lecteur n'a plus face à une vérité parfois insoutenable. C'est tout l'art de JCO que de laisser le lecteur à la fois dans le doute et avec la conviction que tout cela va s’arranger, qu’il est impossible qu’il l’abandonne là, ne pensant qu’à sauver sa propre vie.
Des sentiments divers nous assaillent tout au long de la lecture, le doute, la peur, la compassion, l’espoir, la colère, nous les partageons tous avec Kelly.
Et, comme un leitmotiv, les mêmes phrases qui reviennent.

Citation :
Est-ce que je vais mourir ? – Comme ça ?
[...]
Pas maintenant. Pas comme ça.
[...]
Pas comme ça. Non.

Cette histoire de jeune femme, attiré par un homme plus âgé en qui elle a toute confiance, un homme dont elle a fait un héros et dont elle minimise les défauts, un homme politique de surcroît, qui a une réputation à tenir, est une histoire somme toute banale. Une histoire de pouvoir, d’ambition, de manipulation, une histoire de rêve américain qui finit mal parce que l’homme est égoïste de nature et ne s’embarrasse pas de ses victimes, en l’occurrence ici, une jeune femme qui a encore des illusions. Elle est victime de cet homme trop sûr de lui mais aussi de son temps, de son environnement social où le mensonge, la dissimulation et les apparences l’emportent sur tout.

Citation :
Elle était seule. Il était là avec elle et il était parti, et maintenant elle était seule, mais il est parti chercher du secours, bien sûr.

Citation :
Il était parti mais il reviendrait pour la sauver.
Il était parti et il avait nagé jusqu’au rivage pour appeler à l’aide… à moins qu’il ne fût étendu sur la berge herbeuse, rejetant de l’eau en spasmes impuissants, il prend de grandes inspirations profondes pour y puiser sa force et son courage d’homme, se prépare à retourner à l’eau noire pour plonger jusqu’à la voiture immergée, pareille à un scarabée impuissant renversé sur le côté, en équilibre précaire dans la boue sale et douce du lit de la rivière où sa passagère prisonnière et terrifiée l’attend, lui, pour qu’il la sauve, attend qu’il revienne ouvrir la portière pour la sortir de là et la sauver : cela se passerait-il ainsi ?
Je suis ici. Je suis ici. Ici.

Citation :
Ici, je suis ici. ICI !

Jusqu'à son dernier souffle, cet espoir qu’il est finalement différent.

Citation :
Il n’était pas du tout comme je l’imaginais, il s’est finalement montré très chaleureux, très gentil, absolument pas condescendant.

Cette histoire est une tragédie. C’est un livre très fort, terrifiant mais c’est une pure merveille !
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