Joyce Carol Oates

Epi a écrit:

J’ai ri un peu mais j’ai surtout pleuré, jusqu’à la fin. Je crois que je n’ai jamais autant pleuré sur un livre avant celui-ci. Un beau livre, émotionnellement très dur, une pure merveille.

ça fait plaisir de te lire. C'est la magie de JCO de nous faire vivre intensément les émotions de ses personnages et si on rentre dans cet univers comme tu l'as fait on est secoué!

Par rapport à ce que dit Rivela je suis surpris parce que j'ai le souvenir d'un démarrage à 100 à l'heure où elle nous embarque dans cette petite ville et dans cette famille dans un seul mouvement très réussi sur le plan littéraire. Ensuite elle se pose et on commence à deviner les failles, le drame... J'aime bien la séquence de nuit (avec un cerf ou une biche je crois? ça fait loin déjà...). Et quand on commence à découvrir le traumatisme à travers le comportement de l'héroïne on décolle d'un cran et tout le reste est la mise en parallèle de l'éclatement de la famille en même temps qu'elle se reconstruit peu à peu. Très beau même s'il y en a d'autres que je préfère d'elle.

rivela a écrit:

la première partie jusqu'à la page 180. Ce portrait de famille qu'elle nous brosse, j'ai pas aimé, pourquoi alors que depuis le début nous sommes au courant qu'il y a eu quelque chose avec Marianne on s'attarde sur des descriptions de la vie familiale qui sont peu de chose et sans intérêt pour l'histoire (léger et superficielle).
A la fin de chaque chapitre je me disais ok Carol c'est bien maintenant est-ce qu'on va enfin se concentrer sur Marianne et la réaction qu'il y aura suite à ce qu'elle à vécu et non Carol nous parle de choses qui se sont passées il y a 10 ans 20 ans. A partir de la page 120 je ne lisais que quelques lignes par pages pour ne pas perdre le fil, j'ai même passé le chapitre concernant le mariage entre les parents.

C'est vrai que le début peut paraître inintéressant mais pour moi, il est nécessaire. A mon avis, JCO a pris le temps de nous montrer le bonheur de cette famille, son quotidien dans tous ses détails peut-être justement pour nous permettre de mesurer l'ampleur du désastre, tout ce qui a été perdu et la suite n'en est que plus forte. C'est un avis tout personnel, on peut préférer effectivement rentrer dans le vif du sujet directement.

Marko a écrit:

Epi a écrit:

J’ai ri un peu mais j’ai surtout pleuré, jusqu’à la fin. Je crois que je n’ai jamais autant pleuré sur un livre avant celui-ci. Un beau livre, émotionnellement très dur, une pure merveille.

ça fait plaisir de te lire. C'est la magie de JCO de nous faire vivre intensément les émotions de ses personnages et si on rentre dans cet univers comme tu l'as fait on est secoué!

Oui, j'ai été toute chamboulée Je trouve qu'elle est très forte pour nous communiquer de tels sentiments.

Marko a écrit:

Par rapport à ce que dit Rivela je suis surpris parce que j'ai le souvenir d'un démarrage à 100 à l'heure où elle nous embarque dans cette petite ville et dans cette famille dans un seul mouvement très réussi sur le plan littéraire. Ensuite elle se pose et on commence à deviner les failles, le drame... J'aime bien la séquence de nuit (avec un cerf ou une biche je crois? ça fait loin déjà...). Et quand on commence à découvrir le traumatisme à travers le comportement de l'héroïne on décolle d'un cran et tout le reste est la mise en parallèle de l'éclatement de la famille en même temps qu'elle se reconstruit peu à peu. Très beau même s'il y en a d'autres que je préfère d'elle.

Je suis tout à fait d'accord avec ça.
Je crois que Johnny blues est un de tes préférés, je le mets aussi sur ma liste.

J'ai vu qu'en Octobre devait sortir une réédition de son recueil de nouvelles : Chaleur (Heat).



Et celui-ci je vous le recommande vivement parce que les histoires sont particulièrement prenantes et dérangeantes en abordant essentiellement les thèmes de la gémellité, du meurtre, des violences sexuelles. Mais le plus souvent sous l'angle du fantasme ou de l'imagination plus que de la réalité qui serait relatée comme un fait divers malsain. Son roman Viol, une histoire d'amour pourrait être une de ces nouvelles qui aurait été développée. L'une de ces histoires décrit en effet un peu de la même façon la scène du viol d'une mère par un malade mental pendant que sa petite fille est dans une pièce à côté.

Je me souviens d'atmosphères oppressantes, d'une angoisse sourde éclatant dans des instants de terreurs. Les événements étant souvent racontés par fragments désordonnés de la même façon qu'on découvre progressivement l'agression dans "Nous étions les Mulvaney". On n'est pas loin d'un style gothique moderne (genre qu'elle affectionnait beaucoup à ses débuts sous la forme de pastiche) et les dernières nouvelles sont plutôt oniriques.

Elle est rarement allée aussi loin dans l'exploration de ses propres frayeurs avec ce mélange de fascination/répulsion où l'innocence et la virginité rencontrent la monstruosité et l'horreur. De très jeunes jumelles croisent le chemin d'un adolescent inquiétant ou d'un simple d'esprit. Une femme blanche est agressée par des enfants noirs dans une réserve...

Le sens du détail, du suspens, de l'ellipse...

Marko a écrit:

J'ai vu qu'en Octobre devait sortir une réédition de son recueil de nouvelles : Chaleur (Heat).

Et en voilà encore un qu'il me faut

JCO a un sens du récit impressionnant. Je l'ai découverte il y a 5 ou 6 ans, lorsque j'étais au lycée, et j'ai été tout de suite envoûté par cette utilisation des voix narratives, par cette brume épaisse qui entoure ses personnages, par la pression qui s'accumule subtilement, sourdement, dans l'ombre. Et ses écrits nous renvoient en pleine figure la réalité complexe, souvent enténébrée, de nos sociétés (occidentales, riches).


Je suis aussi d'accord pour dire que son oeuvre est inégale, je comprends ceux qui pensent qu'elle écrit trop, mais l'écriture n'est-elle pas une histoire suprêmement intime ? Peut-on reprocher à quelqu'un d'être graphomane... ?

Mon coup de coeur, son chef-d'oeuvre à mes yeux : Blonde [J'ai d'ailleurs lu quelque part, dans son recueil critique La foi d'un écrivain peut-être, qu'elle pensait qu'on se rappellerait d'elle pour deux romans : Blonde, et eux].

Heureux de voir qu'elle a du succès ici.

Wittgen a écrit:

JCO a un sens du récit impressionnant. Je l'ai découverte il y a 5 ou 6 ans, lorsque j'étais au lycée, et j'ai été tout de suite envoûté par cette utilisation des voix narratives, par cette brume épaisse qui entoure ses personnages, par la pression qui s'accumule subtilement, sourdement, dans l'ombre. Et ses écrits nous renvoient en pleine figure la réalité complexe, souvent enténébrée, de nos sociétés (occidentales, riches).


Je suis aussi d'accord pour dire que son oeuvre est inégale, je comprends ceux qui pensent qu'elle écrit trop, mais l'écriture n'est-elle pas une histoire suprêmement intime ? Peut-on reprocher à quelqu'un d'être graphomane... ?

Mon coup de coeur, son chef-d'oeuvre à mes yeux : Blonde [J'ai d'ailleurs lu quelque part, dans son recueil critique La foi d'un écrivain peut-être, qu'elle pensait qu'on se rappellerait d'elle pour deux romans : Blonde, et eux].

Heureux de voir qu'elle a du succès ici.

Je partage ton avis et le sien! Blonde est un chef d'oeuvre qui restera. As-tu lu Johnny Blues?

Non, je n'ai pas encore lu Johnny. JCO a une bibliographie tellement immense. Mais je le lirai prochainement, sans doute.

Personne n'a essayé sa poésie ? Je suis curieux d'y goûter, même si ce n'est apparemment pas là qu'elle excelle.

Et j'ai oublié de dire que j'ai été hypnotisé par son Journal. Pénétrer le laboratoire de l'écrivain, vivre au quotidien son aventure littéraire, c'est quelque chose d'hypnotisant pour qui aime la littérature en long, en large et en travers.

Pour la comprendre, il faut se souvenir de ce mot, titre d'un de ses brefs essais : Ecrivez passionnément et sans réserve.

Wittgen a écrit:

Pour la comprendre, il faut se souvenir de ce mot, titre d'un de ses brefs essais : Ecrivez passionnément et sans réserve.

Voilà pourquoi je l'aime tellement...

J'ai parfois l'impression qu'il y a en (très) gros 2 catégories principales d'écrivains: Ceux qui, comme elle, se laissent emporter par le flot de leur inspiration et de leur enthousiasme avec un certain lyrisme, et ceux qui sont davantage dans la maîtrise, la concision, la retenue... On pourrait dire d'un côté un style plus hystérique et de l'autre un style plus obsessionnel finalement. Et suivant notre propre personnalité on se sentirait plus en affinité avec les uns que les autres. De là à dire qu'on lit et apprécie ce qui nous ressemble? (C'est flagrant au cinéma où les gens dans la file d'attente ressemblent souvent aux personnages ou au milieu du film qu'ils ont eu envie de voir).

Heureusement il y a de grandes choses dans les 2 cas (et tous les autres) et il faut rester ouvert à tout mais on retrouve aussi parfois cette différence entre les lecteurs de parfum. Ce qu'ils aiment leur ressemble un peu.

Mais qu'est-ce que je raconte aujourd'hui!

Et pour l'écouter elle-même:

The Little Whip (clic)

In training, the whip must be used sparingly. But it must be used.
—horse trainer's adage

At the practice track, when we owned a Standard-bred pacer.
How happy we were, new young owners of a Standard-bred pacer.
How happy to "own" an animal, and a Standard-bred pacer!
How dazed by the pounding hooves, the black bulbs of eyes
swinging past, shivering and whinnying like the dream horse
is Fuseli's "The Nightmare."

We were happy then, not-knowing our future.
We were innocent then, and tenderly-loving.
We were not cruel, by design. Any more than you.
(We are Americans and not of those crude folk
who eat horseflesh though we feed it to our pets, later.)
At the practice track north of Clinton, New Jersey.

* * *

At the practice track in Jersey in sun-splotched June.
God! the happiness! we are pacers.
Our massive muscles fill our hides! we are pacers.
Deep-chested, high-headed. Pricked-up ears.
Happiness is pounding the track—fast.
Happiness is hauling the go-cart—fast.
Fast fast fast as the heart propels the legs.
Fast as the track and the go-cart allow.
Always there's a track and always a go-cart!
Our hooves pound as if they would break the very earth,
our joy's in our great hearts pump pumping like fists.
Our happiness is in racing and not breaking stride.
Our happiness is in racing, one against the rest
in a ferocity of hooves, manes, tails, rolling eyes.
So high-strung our trainers strap "shadow rolls"
above our big moist noses so that (don't laugh!)
our flying shadows on the track won't throw us into a panic,
so we kill our runty drivers.

Lookit the little whip in the sumbitch's hand,
and that hand in a glove. Like a toy.

* * *

"What is that leather thing around that horse's legs?"
"Ma'am, that's a hobble. It helps her keep her stride."
"So she won't break loose?"
"She won't never break loose. It just helps her keep
her stride."

LE COEUR VOLE de Lauren Kelly:

Merylee Graf a 27 ans, Merylee mène une vie dépravée à New York, mais Merylee perd son père, qui décède après plusieurs semaines d'agonie à l'hôpital. Elle l'a veillé, devient son héritière puisque sa mère est morte quelques années auparavant. Ce père, absent mais puissant car riche et ancien maire de la ville, elle le vénérait, le respectait et le craignait. Sa mort amène donc un vide supplémentaire dans sa vie dissolue.
De plus, depuis ses 10 ans, cette jeune femme, issue d'un couple sans amour, est hantée par la disparition d'une camarade de classe, Lilac Jimson, enlevée mais dont le corps n'a jamais été retrouvé, malgré des recherches et une récompense conséquente.
Le décès du père, la haine qu'elle vouait à sa mère, la résurgence de cette disparition qui avait traumatisé toute une ville, mêlés au désordre amoureux vont amener Merylee à flirter avec la folie, jusqu'à ce qu'elle découvre un secret...

Ca ressemble à du Joyce Carol Oates, c'est normal puisque Lauren Kelly est un pseudonyme. C'est donc mon 3ème Joyce Carol Oates, après Délicieuses pourritures et Haute enfance. On y retrouve des thèmes récurrents: des jeunes femmes perdues, aux limites de la folie, des déviances sexuelles, des hommes dominateurs et puissants, des petites villes d'Amérique.
Personnellement, j'aime ces atmosphères étranges, presque malsaines mais, pour le moment, je n'arrive pas à me réjouir quand je lis cette auteure, quel que soit son pseudonyme, il me manque toujours le petit quelque chose qui fait la différence. Dans ce roman, le suspense n'est pas insoutenable, loin de là, c'est plutôt la narration qui va crescendo et nous entraîne dans la pensée de Merylee, sans forcément la comprendre ni adhérer.

Oates est prolifique et les romans que j'ai déjà lus m'ont assez intéressée pour que je continue à la lire mais, je n'ai pas encore eu le coup de coeur.

Merci Marko, tu es vraiment un inconditionnel . J'aime beaucoup ces vers :

The kite that rises
thrillingly
at dawn
then crashes
vertically
at your feet.


Sache que j'ai emprunté à la médiathèque Johnny (en français) et The Gravedigger's Daugther que je n'ai pas encore lu non plus.

Je suis fan de J.C. Oates même si je suis loin d'avoir lu toute son oeuvre ; mes favoris sont "Nous étions les Mulvaney", "Le pays des merveilles", et "Mon coeur mis à nu".

krys a écrit:

Je suis fan de J.C. Oates même si je suis loin d'avoir lu toute son oeuvre ; mes favoris sont "Nous étions les Mulvaney", "Le pays des merveilles", et "Mon coeur mis à nu".

Bons choix
Tu as lu Johnny Blues?

oui je l'ai lu, mais il ne m'a pas laissé autant de souvenirs...