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| Joyce Carol Oates | |
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Auteur | Message |
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Madame B. Zen littéraire
Messages : 5352 Inscription le : 17/07/2008 Age : 51
| Sujet: Re: Joyce Carol Oates Jeu 17 Jan 2013 - 13:34 | |
| - Harelde a écrit:
- Si je me souviens bien, JCO raconte que durant son deuil, elle était anéantie et tout à fait incapable d'écrire. Je comprends donc qu'un tel récit soit écrit a posteriori, une fois que la pente se soit inversée et le goût des choses revienne.
Bien sûr, c'est logique. Ce que je voulais dire c'est que j'érais vraiment dans le livre, prise par le récit qu'elle faisait du séjour de son mari à l'hôpital, de sa condition de veuve comme si JCO me racontait sa vie. Il y a très souvent une part de "naïveté" dans les lectures (je parle pour moi) qui permet d'adhérer à l'histoire et d'être embarqué. | |
| | | Harelde Zen littéraire
Messages : 6465 Inscription le : 28/04/2010 Age : 49 Localisation : Yvelines
| Sujet: Re: Joyce Carol Oates Jeu 24 Jan 2013 - 9:30 | |
| Le sourire de l’ange (par Rosamund Smith)
Une fois n’est pas coutume, JCO quitte sa région natale de l’ouest de l’état de New York et place son action dans une banlieue huppée de Boston. Une petite ville bon chic bon genre dans laquelle les résidents aisés vivent une existence paisible.
Dorothea Deverell est une jeune veuve de 39 ans sans relation connue depuis la mort brutale de son époux quatorze ans plus tôt. Depuis plusieurs années déjà, elle entretient toutefois une liaison aussi solide que discrète avec Charles Carpenter, marié.
Lorsque surgit un grain de sable dans ces rouages parfaitement huilés : Colin Asch, éphèbe de 27 ans débarque comme un cheveu sur la soupe. Il s’installe chez la tante de sa mère : orphelin depuis qu’à l’âge de 12 ans il a perdu ses parents dans un dramatique accident de voiture, le jeune homme est perturbé, ultra sensible. On apprécie rapidement cet ange au visage avenant si désireux de faire quelque chose de sa vie. On s’empresse même de l’aider au mieux.
Mais ce sourire cache en réalité un psychopathe narcissique pourvu d’un très fort complexe de supériorité. Colin est un tueur en série dépourvu de remord. Après avoir tué, il entre dans « la chambre bleue », sorte d’extase qui ne dure malheureusement qu’un temps. Il rend compte de tous ces faits et gestes dans le « registre bleu » : par des messages codés afin que nul ne puisse lire ce qu’il écrit. Au cours d’un dîner donné par sa grand-tante, il tombe amoureux de Dorothea qu’il va courtiser avec une naïveté d’enfant et une maladresse touchante. Bien vite, il décide d’aplanir le terrain sous les pas de la jeune femme. Et pour cela il tue. Sans hésitation. Sans même y attacher une quelconque importance : il tue par nécessité comme on tuerait une guêpe tournant dangereusement et avec trop d’instance autour d’un être aimé et jugé sans défense. Peut-être existait-il d’autres possibilités, mais le meurtre constituait toutefois un choix comme un autre. Ni meilleur, ni pire qu’un autre.
On suit en parallèle les pas de Dorothea et ceux de Colin. Avec effarement et une vive inquiétude. Colin met le lecteur mal à l’aise par ses raisonnements qui suivent une logique bien à lui, ses décisions, ses emportements. Son enthousiasme juvénile. On le sait imprévisible et on craint pour la vie de Dorothea autour de laquelle le nœud se ressert sans que celle-ci en ait seulement conscience.
Une écriture forte, des personnages étudiés en profondeur, fouillés comme à l’accoutumé. Ces petites phrases sentencieuses en italique toujours du meilleur effet. Et une ambiance angoissante, poisseuse pour un thriller bien ficelé. Un Rosamund Smith somme toute assez différent d’un Joyce Carol Oates pur jus.
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| | | topocl Abeille bibliophile
Messages : 11706 Inscription le : 12/02/2011
| Sujet: Re: Joyce Carol Oates Jeu 24 Jan 2013 - 13:12 | |
| Petit oiseau du ciel
Allez, je vais vous la faire à la J.C. O
Ce drame allait changer leurs vies. Krista. Aaron. Ces deux enfants frappés par la mort. Ces deux enfants qui, chacun, aimaient leur père. Ballottés dans cette petite ville de Sparta - une petite ville ordinaire du comté de Herkimer, Etat de New-York, une ville où rien n’aurait jamais dû se passer. (vraiment rien). Car, cette petite fille et ce petit garçon, leurs papas les aimaient . Ils les aimaient tant. Le destin ne les lâchait pas. Ces 2 enfants. Déjà adultes à 15 ans. Happés par la violence d’une petite ville sans histoire où les adultes étaient impuissants à leur offrir l'amour, la chaleur, auquel leur sincérité leur donnait droit. Et elle, Krista, son sourire éclatant et sa queue de cheval blonde – blond très pâle - qui se battait de toutes ses griffes, palpitante, lumineuse, au bord de l'évanouissement, pour réhabiliter son père - son père charmant, travailleur, enthousiaste, je t'aime, petit chat - que le malheur, le destin, l'inconséquence - avaient cassé, chassé, et qu’elle espérait tant revoir. Ah ! Ça, elle aurait voulu le revoir, elle le voulait à en défaillir, vibrante, essoufflée dans la nuit malgré les bruits qui l’effrayaient. Seule dans la nuit. Cette petite.
Voilà. Comme souvent chez JCO une intrigue où la noirceur vient pervertir la tranquille innocence de l’enfance. Avec un côté un peu plus glauque encore, un peu plus palpitant et pathétique. Et sa prose toujours reconnaissable, mais qui se caricature Le mieux étant souvent l’ennemi du bien, ce roman ne m’a pas emballée , un peu de trop en tout . Vraiment déçue, quand je pense ce que j'ai pu aimer certains autres.
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| | | darkanny Zen littéraire
Messages : 7078 Inscription le : 02/09/2009 Localisation : Besançon
| Sujet: Re: Joyce Carol Oates Jeu 24 Jan 2013 - 18:19 | |
| - Harelde a écrit:
- Le sourire de l’ange (par Rosamund Smith)
Une fois n’est pas coutume, JCO quitte sa région natale de l’ouest de l’état de New York et place son action dans une banlieue huppée de Boston. Une petite ville bon chic bon genre dans laquelle les résidents aisés vivent une existence paisible.
Dorothea Deverell est une jeune veuve de 39 ans sans relation connue depuis la mort brutale de son époux quatorze ans plus tôt. Depuis plusieurs années déjà, elle entretient toutefois une liaison aussi solide que discrète avec Charles Carpenter, marié.
Lorsque surgit un grain de sable dans ces rouages parfaitement huilés : Colin Asch, éphèbe de 27 ans débarque comme un cheveu sur la soupe. Il s’installe chez la tante de sa mère : orphelin depuis qu’à l’âge de 12 ans il a perdu ses parents dans un dramatique accident de voiture, le jeune homme est perturbé, ultra sensible. On apprécie rapidement cet ange au visage avenant si désireux de faire quelque chose de sa vie. On s’empresse même de l’aider au mieux.
Mais ce sourire cache en réalité un psychopathe narcissique pourvu d’un très fort complexe de supériorité. Colin est un tueur en série dépourvu de remord. Après avoir tué, il entre dans « la chambre bleue », sorte d’extase qui ne dure malheureusement qu’un temps. Il rend compte de tous ces faits et gestes dans le « registre bleu » : par des messages codés afin que nul ne puisse lire ce qu’il écrit. Au cours d’un dîner donné par sa grand-tante, il tombe amoureux de Dorothea qu’il va courtiser avec une naïveté d’enfant et une maladresse touchante. Bien vite, il décide d’aplanir le terrain sous les pas de la jeune femme. Et pour cela il tue. Sans hésitation. Sans même y attacher une quelconque importance : il tue par nécessité comme on tuerait une guêpe tournant dangereusement et avec trop d’instance autour d’un être aimé et jugé sans défense. Peut-être existait-il d’autres possibilités, mais le meurtre constituait toutefois un choix comme un autre. Ni meilleur, ni pire qu’un autre.
On suit en parallèle les pas de Dorothea et ceux de Colin. Avec effarement et une vive inquiétude. Colin met le lecteur mal à l’aise par ses raisonnements qui suivent une logique bien à lui, ses décisions, ses emportements. Son enthousiasme juvénile. On le sait imprévisible et on craint pour la vie de Dorothea autour de laquelle le nœud se ressert sans que celle-ci en ait seulement conscience.
Une écriture forte, des personnages étudiés en profondeur, fouillés comme à l’accoutumé. Ces petites phrases sentencieuses en italique toujours du meilleur effet. Et une ambiance angoissante, poisseuse pour un thriller bien ficelé. Un Rosamund Smith somme toute assez différent d’un Joyce Carol Oates pur jus.
Pas étonnant que ce soit le seul JCO que j'aie aimé. | |
| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: Joyce Carol Oates Ven 25 Jan 2013 - 12:51 | |
| La fille du fossoyeur (2008) Joyce Carol Oates ne nous encourage pas à nous enthousiasmer pour les premières pages difficilement pénétrables de sa Fille du fossoyeur. Goût pour la difficulté ? Envie de forcer un lecteur qu’elle suppose peut-être un peu trop passif dans ses lectures –qui lirait comme on se laisse porter par ses rêveries ? Sans indication sur le personnage, sur l’époque, sur le lieu, nous chutons abruptement dans la conscience d’une jeune femme ; celle-ci, rentrant chez elle depuis son lieu de travail, a soudain l’impression d’être suivie… En même temps que ses pensées se mettent à tournoyer –doutes, questions, spéculations, monologues, conversations imaginaires…-, Joyce Carol Oates commence seulement à nous livrer quelques informations sur la situation de la jeune femme. Et alors qu’on croit s’approprier un peu de son vécu, nouvelle déconvenue : Joyce Carol Oates laisse tomber toutes ces dizaines de pages de traque pour nous lancer sur une histoire qui, a priori, n’a pas grand-chose à voir… Mais on retrouve à nouveau des liens… Et c’est à ce moment-là que Joyce Carol Oates choisit de rompre une dernière fois avec la logique chronologique pour nous ramener là où elle aurait dû commencer dès le début : en nous racontant l’histoire de la Fille du fossoyeur. Celle-ci est née sur le bateau qui a permis à sa famille de fuir une Allemagne antisémite pour rejoindre les Etats-Unis. En effet, pour ne pas risquer la déportation à cause de son appartenance religieuse, les Morgensten, couple de professeurs cultivés animés de convictions politiques et idéologiques fortes, ont décidé de tout quitter et de n’emmener que leurs enfants pour mener une existence exempte de toute menace dans un petit coin perdu des Etats-Unis. Ils changent de nom pour adopter celui judaïquement moins marqué de « Schwartz » et acceptent les pires conditions sociales, les moqueries sournoises des voisins, et l’exercice décrié et dégradant de fossoyeur pour le père Jacob. Tout semble meilleur que la traque juive qui a commencé en Allemagne… Inutile d’en raconter davantage : Joyce Carol Oates s’en charge avec talent. Se glissant dans la peau de Rebecca Schwartz, la petite dernière, celle qui sera « rescapée » parce qu’elle est née sur le territoire américain, elle montre avec quelle force les secrets familiaux génèrent des angoisses ; comment la déchéance sociale et culturelle peuvent déchaîner les frustrations et transformer un homme rempli d’idéaux en un monstre barbare, cruel envers lui-même et envers sa famille ; enfin, comment la culpabilité liée à l’idée d’avoir échappé à un sort qui aurait pourtant dû être inéluctable et le sentiment d’exclusion qui résulte de ce statut de « réfugié politique » peuvent faire apparaître une honte et un dégoût de soi-même qui ira d’autant plus croissant que l’opinion commune fera des crimes nazis une farce bouffonne que les juifs ont peut-être bien méritée… On imagine aisément qu’il n’est pas facile de grandir dans un tel milieu. Rebecca s’en sort mais elle doit lutter. Surtout, son identité semble construite sur un édifice bancal et elle se fourvoie souvent, croyant connaître ce qu’elle désire et se rendant finalement compte qu’elle n’est que l’image que les autres acceptent de voir. Joyce Carol Oates ne s’arrête pas au récit de son enfance : elle nous permet de suivre l’histoire de Rebecca au cours de son adolescence, lors de sa première vie de jeune mariée, de mère esseulée, de mère affranchie, lors de son second mariage puis, enfin, lors de sa vie de grand-mère veuve. Entre temps, Rebecca aura changé de nom et sera devenue Hazel Jones –manière comme une autre d’essayer de se libérer de son passé, perturbant encore davantage la définition de son identité. Cette histoire tient en près de 700 pages qui se lisent sans se compter car Joyce Carol Oates manie la prose narrative avec l’habilité d’une magicienne... Impossible de ne pas se sentir happé par l’histoire de Rebecca. Celle-ci est hors du commun et si on ne sait jamais sur quelles routes va nous conduire Joyce Carol Oates, on sait toutefois qu’on ne sera jamais déçu par le voyage… L’écrivain connaît certainement le goût bien humain pour le sordide et la misère, surtout lorsqu’ils envahissent l’existence des autres –les engouements pour les faits divers abjects le montrent bien- et elle nourrit son lecteur de ces rebondissements glauques sur lesquels elle s’attarde et qu’elle inscrit jusqu’au plus profond des rouages psychologiques de ses personnages. Mais cet art du sadisme est mesuré : jamais injustifié, toujours cohérent avec le déroulement de l’histoire, finalement très réaliste, Joyce Carol Oates semble en fait ne jamais exagérer. Si l’histoire qu’elle décrit est unique, on imagine parfaitement qu’elle ait pu exister sous d’autres noms et sous d’autres formes. Ce sont dans les petites vilenies quotidiennes que les êtres humains peuvent se montrer les plus destructeurs... On reconnaîtra enfin que Joyce Carol Oates ne crée par des personnages pour le simple plaisir de dresser la chronologie de leur destruction mais qu’elle cherche au contraire à leur permettre de surmonter les fardeaux de leur passé et de leur généalogie. Reste encore à noter que le plaisir procuré par la lecture de La fille du fossoyeur découle également de cette imbrication étroite entre la petite histoire et la grande, qui fait naître des interrogations universelles, pertinentes en tout temps et en tout lieu. Finalement, toute l’histoire de Rebecca n’aura-t-elle pas été menée afin de répondre à cette question qu’elle se posait sans cesse, étant enfant ? « Serait-elle punie parce qu’elle était une fille, ou parce qu’elle était la fille du fossoyeur ?» Et cela semble être un thème courant dans l'oeuvre de JCO : la soumission de la femme à l'homme, les conséquences de la domination du "sexe fort" sur le "sexe faible". Ici mêlé au fait que Rebecca n'arrive jamais à définir précisément son identité et sa personnalité : - Citation :
Lorsque Gallagher faisait son apparition, elle était obligée de manifester à la fois plaisir et étonnement. Son visage devait s’éclairer. Elle devait aller au-devant de lui sur ses talons hauts, se laisser serrer la main. Elle ne pouvait pas faire autrement. Elle ne pouvait pas le blesser. C’était l’homme qui avait payé son déménagement à Watertown, qui lui avait prêté de l’argent pour beaucoup de choses, y compris la caution de son appartement (« Prêté » sans intérêt. Et sans qu’elle ait à le rembourser avant longtemps.) | |
| | | Harelde Zen littéraire
Messages : 6465 Inscription le : 28/04/2010 Age : 49 Localisation : Yvelines
| Sujet: Re: Joyce Carol Oates Ven 25 Jan 2013 - 14:35 | |
| Reflets en eau trouble
Sur une vieille route défoncée – et abandonnée – une voiture roule à vive allure. Elle dérape, saute, freine et accélère tour à tour quand, soudain, elle quitte la route, bascule dans le vide et termine sa course au milieu d’un cours d’eau. Le conducteur – le sénateur Gérald Fergusson parvient rapidement à s’extraire de l’habitacle tandis que sa jeune passagère - Kelly Kelleher – reste coincée à l’intérieur du véhicule qui s’enfonce inexorablement. Tandis que l’eau monte et que Kelly lutte pour respirer dans une bulle d’air qui se rétrécie toujours un peu plus, elle voit sa vie défiler sous ses yeux.
Issue d’un milieu aisé. Fille d’un homme d’affaire qui participe activement aux campagnes politiques du parti républicain. Ses brillantes études politiques à l’Université (son mémoire portait - oh ironie du sort – sur le sénateur Fergusson). Ses amies. Son dernier amant (G.) dont elle s’est récemment séparée. Cette invitation de sa meilleure amie (Buffy) à venir passer le week-end du 4 juillet dans une île du Maine. Et le sénateur, invité lui aussi sans qu’on attende réellement sa venue. Mais qui débarque tout de même au milieu de la fête. La balade qu’elle fit à ses côtés sur la plage toute proche. L’attirance qu’elle éprouve pour cet homme bien plus âgé qu’elle. Le baiser qu’ils ont échangé deux heures à peine après avoir été présenté. Cette voiture dans laquelle elle monta pour attraper le ferry et regagner le continent. Cette route abandonnée dans laquelle ils s’engagèrent par erreur. L’alcool dont le sénateur s’est enivré. La vitesse excessive. L’eau qui monte. Et le sénateur qui va revenir la sauver, elle en est sûre – car il ne peut en être autrement.
Dans ce court roman particulièrement efficace et inspiré d’un fait réel, Joyce Carol Oates multiplie les allers-retours entre le présent et les évocations du passé, décrit plusieurs fois des scènes identiques en les agrémentant chaque fois de détails supplémentaires. Et martèle un leitmotiv : « Pas maintenant. Pas comme ça ». Un rêve américain qui vire au cauchemar. Jusqu’au dernier souffle expiré à la dernière ligne. | |
| | | Aaliz Main aguerrie
Messages : 424 Inscription le : 07/11/2012 Age : 44 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Joyce Carol Oates Ven 25 Jan 2013 - 20:55 | |
| Blonde
Deuxième roman de Joyce Carol Oates à mon actif avec Blonde, roman qui se voudrait biographie romancée de Norma Jeane Baker alias Marilyn Monroe bien que l’auteur prenne la peine de préciser en début d’ouvrage que de nombreux points ne sont dus qu’à son imagination et que son roman ne saurait donc être considéré comme étant une biographie exacte de Norma Jeane.
Comme pour Les Chutes, j’ai retrouvé dans Blonde la plume délicate, précise de Joyce Carol Oates ainsi que son souci de détailler en profondeur la psychologie de ses personnages. Et quand il s’agit de décrire dans ses détails la progressive descente aux enfers de celle qui fut Marilyn, Joyce Carol Oates entraîne son lecteur avec elle. Bien que le récit se déroule de façon chronologique, Joyce Carol Oates a construit sa narration de façon très variée, alternant les points de vue et les narrateurs tout en modifiant son style et en l’adaptant au personnage. C’est simple, lorsqu’elle faisait parler un homme j’avais réellement l’impression que c’était un homme qui l’avait écrit. Par cette façon de procéder, le lecteur devient omniscient, il connaît ainsi toutes les pensées de Norma Jeane mais aussi celles de son entourage. Oates nous permet donc de comparer la véritable personnalité de Norma Jeane à l’image qu’ont les autres d’elle. On se rend compte ainsi de l’énorme fossé entre les deux.
A l’image de sa mère atteinte de schizophrénie , Norma Jeane se nourrit de ses différents rôles au cinéma, elle les habite. Mais son rôle le plus important, c’est celui de Marilyn. Lorsque Norma Jeane doit tourner ou se montrer en public, elle se transforme en Marilyn, personnage pourtant très différent de ce que Norma est vraiment. Cet effacement de la personnalité apparaît d’ailleurs dans l’utilisation par l’auteur de qualificatifs pour désigner ses personnages. Norma Jeane est ainsi « L’Actrice Blonde », Arthur Miller n’est que « Le Dramaturge », Di Maggio « L’Ex-Sportif » etc…
Cette lecture m’a beaucoup touchée. Il faut dire qu’avec 1110 pages, on a le temps de s’attacher aux personnages. Mais il faut reconnaître que Norma Jeane est naturellement attachante. Je l’ai toujours sentie comme une enfant, innocente et naïve (dans le bon sens du terme), timide et mal dans sa peau, perpétuellement en quête d’amour. L’absence de père se ressent énormément dans ses différentes relations amoureuses, elle s’obstine à appeler ses conjoints « papa ». Elle est finalement plus en recherche d’un père protecteur que d’un amant. Tout ce qu’elle voulait c’était qu’on l’aime mais Hollywood a fait d’elle une « grue » comme ils l’appellent, lui attribuant une réputation de fille facile aux multiples conquêtes, d’une fille idiote juste bonne à montrer ses fesses. C’est là que ça fait mal car le lecteur se rend bien compte que cette image est pure calomnie. Certes Norma Jeane est dans son monde, elle ne fait pas toujours les bons choix et on a parfois du mal à la comprendre mais elle est très loin d’être la blonde stupide que tout le monde imagine. Le roman raconte donc ce combat entre Norma Jeane et Marilyn où l’une finira par détruire l’autre.
La scène du début du roman où, durant l’enfance de Norma, sa mère s’obstine à vouloir l’emmener sur les collines d’Hollywood alors que ces dernières sont ravagées par un incendie m’a semblée avec le recul assez prémonitoire.
Donc voilà, j’ai adoré ce roman qui m’a bouleversée, je ne regarderai plus les films de Marilyn de la même façon, je n’y verrai plus Marilyn mais Norma Jeane jouant Marylin jouant son rôle. La fin du roman est très dure, Joyce Carol Oates n’essaie pas d’atténuer quoique ce soit et réveille chez son lecteur un profond sentiment de révolte et d’injustice.
Blonde est un très grand roman, dur mais fort et mené de main de maître encore une fois. | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Joyce Carol Oates Ven 1 Fév 2013 - 18:53 | |
| Nous étions les MulvaneyJ'ai parcouru le fil après ma lecture et adhère à tout cela: - Sousmarin a écrit:
Rien d’exceptionnel n’arrive dans ce roman, mais lui l’est…exceptionnel ! - Marko a écrit:
elle a ce pouvoir magique de nous plonger dans la tête de chacun de ses personnages […] Quelle puissance quand elle suggère la violence et la souffrance des traumatismes de l'existence par touches subtiles, par des détails infimes en montrant les conséquences plutôt que l'horreur frontale, en nous faisant littéralement éprouver physiquement le mal être ou la névrose de ses protagonistes - Epi a écrit:
nous entrons dans la peau de chaque personnage et nous réjouissons ou nous désespérons en même temps qu’eux. Tour à tour, nous accédons à leurs pensées, leurs angoisses, leurs peurs, leurs joies. - Harelde a écrit:
J'approche de la page 100 de Nous étions les Mulvaney (page 95 ou 96...) Et je ne peux plus attendre pour vous en parler. La fin est encore loin et il me faut vous dire à l’instant mon émerveillement. Je poursuis ma lecture. Je suis aux environs de la page 225. Le drame vécu par Marianne, son silence qu'on sent contraint, les retombées sur la famille... J'ai du mal à poser le livre. […]Un livre que j’ai réellement adoré : j’ai souvent vécu comme une déchirure les moments d’interrompre ma lecture. Un livre difficile à poser. - Aériale a écrit:
Terrible, implacable, ce sont les mots qui me viennent mais au delà ce sont surtout les images d'un délitement, de la fragilité des choses alors que l'on croit tenir le monde dans sa main. […]j'ai lu ce roman avec une extrême voracité, bluffée par la justesse avec laquelle JCO analyse la complexité de ces sentiments familiaux, faits d'amour de violence ou de haine. - Igor a écrit:
Je n'aime pas cette famille Mulvaney. […] Voici la dernière page de "Nous étions les Mulvaney" tournée et je doit l'avouer: j'ai été scotché! J'ai déjà lu quelques romans de Joyce Carol Oates qui m'ont beaucoup plu ( La fille du fossoyeur, Petite soeur mon amour, Les chutes...) Mais voilà que maintenant Nous étions les Mulvaney arrive en première place dans mon coeur. « Longtemps vous nous avez enviés, puis vous nous avez plaints. Longtemps vous nous avez admirés, puis vous avez pensé Tant mieux !? ils n’ont que ce qu’ils méritent. " Trop brutal, Judd ! " dirait ma mère, gênée, en se tordant les mains. Mais j’estime qu’il faut dire la vérité, même si elle fait mal. Surtout si elle fait mal. »C’est Judd, le cadet des Mulvaney qui est le narrateur. Comment cette famille Mulvaney, qui semblait avoir tout pour elle au début du roman, en vient-elle à exploser et se dissoudre, et pire encore ? Je ne suis pas si convaincue que la cause nommée ait pu produire de tels effets…Il y avait sans doute au départ une fragilité sournoise, comme un éclat sur le pare-brise qui un jour, à l’occasion d’une secousse, se fendille tout à fait. Pour moi, la fragilité était celle du père. Cette histoire de regard que portent les autres sur les Mulvaney après le « drame », ces jugements, me semblent être moins la réalité que ce que les Mulvaney imaginent alors, amplifient, par honte et peur du rejet d’un milieu social où ils viennent juste de se faire une place et dont ils sont si fiers. Notamment le père. Sa décision paraît incompréhensible et injuste, lâche même. Il n'est pas à la hauteur de la situation et toute la famille va en être minée. Je suis admirative de voir avec quelle précision et quelle psychologie l’auteur nous dresse le portrait de la dégringolade familiale, à travers chacun de ses membres. Jusqu’à transformer deux d’entre eux en de possibles meurtriers, par blessure, par non-dits, par rage tue et par vengeance. « Je serai franc avec vous : j’ai été mêlé à deux infractions majeures punissables de longues peines de prison dans l’État de New York, et manqué de peu d’être le complice, par instigation et par assistance, d’un véritable meurtre, qui, s’il avait été commis, ne m’aurait vraisemblablement pas inspiré de remords. Mon frère Patrick en tout cas, qui fut à deux doigts de le commettre, n’en aurait pas éprouvé. Si le juge lui avait donné la parole avant la condamnation, Patrick l’aurait regardé dans les yeux en disant : " J’ai fait ce que j’ai fait et je ne le regrette pas. » Superbe roman! | |
| | | Epi Escargote Zen
Messages : 14255 Inscription le : 05/03/2008 Age : 64 Localisation : à l'ouest
| Sujet: Re: Joyce Carol Oates Ven 1 Fév 2013 - 20:12 | |
| - coline a écrit:
- J'ai déjà lu quelques romans de [b]Joyce Carol Oates qui m'ont beaucoup plu (La fille du fossoyeur, Petite soeur mon amour, Les chutes...) Mais voilà que maintenant Nous étions les Mulvaney arrive en première place dans mon coeur.
Merci Coline, je suis toujours contente quand je lis ça parce que ce livre a une place à part dans mon coeur et même si je l'ai lu il y a maintenant pas mal de temps, toute l'émotion ressentie au moment de ma lecture remonte lorsque j'y pense. - coline a écrit:
- Je ne suis pas si convaincue que la cause nommée ait pu produire de tels effets…Il y avait sans doute au départ une fragilité sournoise, comme un éclat sur le pare-brise qui un jour, à l’occasion d’une secousse, se fendille tout à fait. Pour moi, la fragilité était celle du père.
C'est très juste ce que tu dis, ça n'a été qu'un déclencheur et on a du mal à comprendre ce rejet que fait le père. Sans doute, comme tu le dis, à cause de ce statut social qu'il ne supporte pas de perdre. Il est l'élément faible de la famille et même si JCO ne le montre pas du doigt vraiment, cette conclusion s'impose. | |
| | | Cassiopée Main aguerrie
Messages : 347 Inscription le : 28/07/2011 Localisation : France
| Sujet: Re: Joyce Carol Oates Sam 2 Fév 2013 - 9:09 | |
| Zombi
Le challenge était intéressant, Joyce Carol Oates, s’inspirant de la vie du serial killer Jeffrey Dahmer, allait essayer de pénétrer dans son esprit, nous emmenant avec elle dans les méandres de l’âme humaine « dérangée ».
C’est donc l’homme qui dis « je » et qui, à la manière d’un journal intime, nous explique sa vie, ses raisonnements, ses envies… Il nomme beaucoup de personnes par leurs initiales, agrémente de dessins ce qu’il décrit, refuse le contact visuel, rajoute des paroles en italiques… Le contenu est souvent haché, débridé, comme l’esprit de ce tueur qui traque son Zombi dont il veut faire « son jouet »… Au début, j’ai trouvé qu’on entrait vraiment très vite et plutôt bien dans le vif du sujet et je pensais qu’il fallait que je me « préserve » en quelque sorte de cette folie car les descriptions étaient telles que j’avais l’impression que les pensées de cet homme allaient m’envahir….
Et puis….Trop, c’est trop… Je me suis lassée de la violence glauque et inutile, du vocabulaire vulgaire, du style qui, au final, très répétitif, m’a paru plat mais plat… Plus rien ne m’accrochait… J’ai terminé le livre mais je suis déçue….
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| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Joyce Carol Oates Sam 2 Fév 2013 - 14:47 | |
| - Epi a écrit:
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- coline a écrit:
- Je ne suis pas si convaincue que la cause nommée ait pu produire de tels effets…Il y avait sans doute au départ une fragilité sournoise, comme un éclat sur le pare-brise qui un jour, à l’occasion d’une secousse, se fendille tout à fait. Pour moi, la fragilité était celle du père.
C'est très juste ce que tu dis, ça n'a été qu'un déclencheur et on a du mal à comprendre ce rejet que fait le père. Sans doute, comme tu le dis, à cause de ce statut social qu'il ne supporte pas de perdre. Il est l'élément faible de la famille et même si JCO ne le montre pas du doigt vraiment, cette conclusion s'impose. Je suis contente que tu partages ce point de vue Epi, je ne pouvais pas mettre sur le dos de la société qui environne les Mulvanney, tout le poids des conséquences du drame arrivé à leur fille. Bien sûr le jugement existe, et avec lui le rejet, l'exclusion et la honte. D'ailleurs, n'est-ce pas encore une réalité aujourd'hui?... | |
| | | mimi54 Zen littéraire
Messages : 6043 Inscription le : 02/05/2010
| Sujet: Re: Joyce Carol Oates Sam 2 Fév 2013 - 14:57 | |
| Finalement il y a quand même des déçues de JCO.......J'ai bien fait ne me débiner...je pense que j'aurais aussi été déçue..... rien à faire, elle me fait peur, et son univers me fait encore plus peur. | |
| | | Marko Faune frénéclectique
Messages : 17930 Inscription le : 23/08/2008 Age : 56 Localisation : Lille
| Sujet: Re: Joyce Carol Oates Sam 2 Fév 2013 - 16:58 | |
| - mimi54 a écrit:
- Finalement il y a quand même des déçues de JCO.......J'ai bien fait ne me débiner...je pense que j'aurais aussi été déçue..... rien à faire, elle me fait peur, et son univers me fait encore plus peur.
C'est pas non plus terrible à ce point | |
| | | coline Parfum livresque
Messages : 29369 Inscription le : 01/02/2007 Localisation : Moulins- Nord Auvergne
| Sujet: Re: Joyce Carol Oates Sam 2 Fév 2013 - 19:19 | |
| - Marko a écrit:
- mimi54 a écrit:
- Finalement il y a quand même des déçues de JCO.......J'ai bien fait ne me débiner...je pense que j'aurais aussi été déçue..... rien à faire, elle me fait peur, et son univers me fait encore plus peur.
C'est pas non plus terrible à ce point Oui...C'est tout à fait supportable! Je suis en train de lire un recueil de nouvelles de Joyce Carol Oates, Vous ne me connaissez pas. C'est vraiment très bien, parfois sordide mais très humain, du genre "pauvre humanité...Une belle galerie de portraits qui semblent tous inspirés de la lecture de fais divers. | |
| | | colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
| Sujet: Re: Joyce Carol Oates Dim 3 Fév 2013 - 21:38 | |
| Merci Coline pour ton beau commentaire sur les Mulvaney ! J'ai l'impression qu'il y a certaines ressemblances avec La fille du fossoyeur, concernant ce thème de la famille qui dégringole et se délite... ça me donne envie de le lire maintenant ! | |
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| Sujet: Re: Joyce Carol Oates | |
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