Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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Parfum de livres… parfum d’ailleurs

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 Joyce Carol Oates

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Sigismond
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MessageSujet: Re: Joyce Carol Oates   Joyce Carol Oates - Page 43 EmptyDim 8 Sep 2013 - 10:36

Epi a écrit:
Sigismond a écrit:
Donc ça démarre sur une agacerie bien mineure, le titre: En anglais c'est Little Bird of Heaven (majuscules), très mal rendu (pour autant que ce soit, dès lors, rendu par le traducteur en "petit oiseau du ciel (minuscules).
Petit Oiseau de (ou du ? quoique c'est "of" et non "from" en anglais) Paradis était-il moins vendeur confused  ?
Je n'ai pas lu le livre donc je ne sais pas si "paradis" aurait été plus adapté que "ciel" mais en ce qui concerne les majuscules/minuscules, c'est normal, la règle en anglais est de mettre une majuscule sur chaque mot (sauf si c'est une préposition à moins qu'elle ne soit au début), cela ne signifie rien de particulier, sauf que c'est un titre, alors qu'en français on ne met la majuscule que sur le premier mot et les noms propres.
Certes ! Mais du coup ça change radicalement le sens et n'a plus rien à voir (comme je dis plus loin), une majuscule à ciel et pas à oiseau, par exemple, l'eut évité.
Citation :
Que ce Petit Oiseau de Paradis (j'insiste, mais enfin cher éditeur et cher traducteur, le ciel est l'endroit commun où se meuvent les oiseaux, pensez-y quand vous mettez "ciel" sans majuscule, ce n'est même pas que j'ai l'impression à lire ce titre que vous tentez l'invention du sel sans sel, mais carrément que vous êtes en plein contresens majeur !), si petit, cet oiseau-là, si ténu soit-il, puisse être le pendant du long arpentage descendant des cercles de l'enfer dans lesquels se meuvent les personnages, là, Mme Oates, je m'incline.
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jack-hubert bukowski
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MessageSujet: Re: Joyce Carol Oates   Joyce Carol Oates - Page 43 EmptyJeu 12 Sep 2013 - 9:12

JCO s'est dépassée à certains endroits pendant qu'elle écrivait Reflets en eau trouble. Tout d'abord fasciné par l'histoire, l'écriture du roman a fini par me mettre la puce à l'oeil. Les dix premiers chapitres sont grosso modo une prouesse littéraire. Le reste du roman est plutôt uniforme, mais les longs chapitres se succédant, l'écriture a fini par avoir moins d'effet en ce qui me concerne. Tout de même, je retiens l'impression que JCO est faite pour les romans au long cours. Dans un roman plus bref, mon avis est plus mitigé en ce qui la concerne. Rétrospectivement, je privilégie de lire Kamouraska d'Anne Hébert si nous voulons rester dans le registre du roman dit politique. JCO explore la thématique au féminin ce qu'une tragédie américaine peut nous révéler à l'apothéose de la destruction d'un de ses plus grands mythes.

S'attaquer à un homme de la stature d'Edward Kennedy exigeait une forte constitution. JCO a bien réussi à livrer la marchandise. Toutefois, au-delà d'un certain goût de la bagarre, je déplore la minceur du legs politique. Qu'importe, car JCO traitait de féminin avant tout dans ce court roman. Je vous livre en vrac un extrait à la page 99 de l'édition Babel :

Joyce Carol Oates, Reflets en eau trouble, 2001, Actes Sud, p. 99. a écrit:
«Ma» génération est une vue de l'esprit, Sénateur. Nous sommes divisés par la race, la classe sociale, l'éducation, le milieu politique - et même par notre autodéfinition sexuelle. La seule chose qui nous relie, c'est notre - isolation.
Parcourant à nouveau les derniers chapitres du roman, j'ai fini par mieux comprendre l'allusion aux méthodes préconisées pour administrer la peine de mort. En filigrane, JCO fait une radiographie des ravages des actions politiques et guerrières des politiciens états-uniens dont Edward Kennedy est issu. Il fallait tout de même revenir en arrière pour saisir l'allusion.

C'est tout à fait un roman politique dans la tradition la plus états-unienne qui soit. J'imagine que les substrats de la traduction rendent la lecture quelque peu malaisée pour le lecteur nord-américain que je suis. Mon niveau de langue québécois apprécie les subtilités d'une langue plus «originale» aux moeurs du pays. Avec une traduction française de France, un degré de difficulté peut se remarquer. J'émettrai la remarque que le roman fut traduit par Hélène Prouteau. Aujourd'hui, le nom de Claude Seban revient plus souvent...
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Harelde
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MessageSujet: Re: Joyce Carol Oates   Joyce Carol Oates - Page 43 EmptyJeu 12 Sep 2013 - 9:56

Mère disparue



Nicole Eaton, que tout le monde appelle Nikki est la narratrice de ce roman. Jeune trentenaire mal dans sa peau, journaliste dans la feuille de chou locale. Maigre, maîtresse d’un homme marié en instance de divorce depuis près de quatre ans (sera-t-il libre un jour ?), cadette d’une sœur un peu trop sûre d’elle qui la tyrannise, elle arbore depuis peu une nouvelle coupe de cheveux – punk et rose – qui va faire sensation dans sa famille très traditionnaliste.

Dans l’ouest de cet état de New-York dont je maîtrise maintenant la géographie (« Mère disparue » est mon 21e JCO), l’histoire commence sur une réunion de famille : la sacro-sainte fête des mères. Nikki arrive chez sa mère (Gwen, veuve depuis quelques années) pour constater que celle-ci a encore invité des tas de gens qui n'ont rien à faire là en cette occasion : Alyce la meilleure amie de maman, un artisan qui était venu débarrasser la maison de ses fourmis quelques jours plus tôt, la toute nouvelle amie de maman connue au centre commercial… Exaspérée plus que surprise, Nikki choisit de ne pas faire de remarque : sa mère était comme ça, accordant à tout être humain une confiance et une amitié entière dès la première minute.

« Cela te jouera des tours maman » prophétisèrent Nikki et Clare.

Après une première partie de préambule destinée à poser les personnages, Joyce Carol Oates en vient ensuite avec les fameux « tours » que le destin réservait à maman : une trentaine de coups de couteaux qu’un cambrioleur lui asséna, la laissant inerte sur le sol cimenté du garage. Dans une mare de sang.

Coup de téléphone hystérique au 911, ambulance, police, coroner, rubans jaunes délimitant la scène de crime, attroupement de voisins se hissant sur la pointe des pieds pour voir quelque-chose. Larmes. Douleur insoutenable. « Ne craque pas Nikki, ne craque pas. Pas devant tout le monde ! »

Enquête de la criminelle. Pour la forme. Car l’enquête n’intéresse pas JCO : elle n’a jamais écrit de roman policier (du moins, pas sous son vrai nom) et « Mère disparue » n’en sera pas un non plus. Toute l’enquête est bouclée en à peine quatre pages (sur plus de 500). On relève les indices, on trouve l’identité du coupable, on l’arrête, on le colle au trou. Et c’est fini !

Non, ce qui intéresse l’auteure, ce sont les répercussions de ce tragique évènement sur les survivants. Vont-ils se remettre ? Va-t-on assister à une renaissance ou à une descente aux enfers ? Que vont devenir les deux orphelines ? Leur famille, l’attitude des voisins… Et les affaires de maman qu’il faudra trier, la maison qu’il faudra vider pour « la mettre sur le marché ». Autant de souvenirs qu’on aura l’impression de balayer. Une mère qu’on aura l’impression de mettre à la porte. D’abandonner. De trahir, peut-être ?

La période durant laquelle on ne veut voir personne : « Fichez-moi la paix ! Laissez-nous ma douleur et moi… » Tous ces petits riens qui nous rappellent l’être cher, disparu et qui ne reviendra jamais, mais que pourtant on s’attend à voir réapparaître d’un instant à l’autre. Qu’on avait cru immortel, et qui ne l’était finalement pas. Les regrets tardifs, les occasions manquées qui font atrocement mal.

Et cette tête qu’il faudra bien relever un jour pour ne pas sombrer tout à fait. Qu’on relève alors qu’on pensait ne jamais y parvenir. Les autres qui, sentant une amélioration, reviennent cogner à la porte. Avec lesquels on évoque le défunt. Des souvenirs qui n’en sont pas toujours. Des mots qui sonnent alors comme des révélations. Nikki – rebelle – qui a toujours hurlé que ses parents n’avaient aucune idée de qui elle était vraiment, prend alors conscience qu’elle non plus ne connaissait sa mère.

Encore un livre bouleversant et d’une grande force. Ecrit par une grande dame qui décidément est une experte du genre humain. Les personnages sont comme d’habitude très fouillés, criant de vérité, avec leurs qualités et leurs défauts, leur force et leur part d’ombre, leur sollicitude et leur mesquinerie. Un roman moins sombre qu’à l’accoutumé, empreint d’ondes positives. Une pointe d’optimisme assez inhabituel qui rend peut-être ce livre plus aisé à aborder qu’un autre. Certainement une bonne porte d’entrée pour un lecteur cherchant à découvrir le monde envoutant de JCO.
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MessageSujet: Re: Joyce Carol Oates   Joyce Carol Oates - Page 43 EmptyJeu 12 Sep 2013 - 21:02

Viol une histoire d'amour

Je me suis décidé à continuer Oates jusqu'à pouvoir être certain que je n'aime pas les livres de cette auteure. Celui-ci ne fait pas exception bien qu'en réalité il ne me laisse aucune impression.
J'ai bien aimé certaines choses, beaucoup moins d'autres.
Dans celles que j'ai vraiment appréciées, le personnage de la petite fille par exemple en partie actrice et surtout spectatrice du drame, qui est le personnage le plus travaillé, le plus riche en émotions et en questionnements ce qui permet une vraie évolution du récit puisque le récit est découpé en chapitres, ceux-là même composant le choeur de l'ouvrage. Personnage le plus intéressant et le vrai moteur de ce récit choral donc.
La seconde chose qui m'a beaucoup plu est le réalisme de l'après-drame. Les jugements vindicatifs, la discorde de la population, les ragots, une justice incompréhensible, des sentiments extrêmes. On est réellement immergés dans ce qu'il y a de plus mauvais chez l'homme.
Ceci étant dit certains pas ne sont pas franchis et m'ont hélas parus plus ridicules que réalistes.
Le langage chatié des délinquants, des criminels même prête à sourire. On a du mal à croire que des multi-récidivistes puissebnt dire "nénés" pour désigner les seins par exemple ou de ne balancer aucune insulte explicite. Quand on utilise le langage de ces personnages pour narrer il faut s'adapter jusqu'au bout je trouve dommage qu'il y ait eu une retenue (d'autant que des collégiens cotoyant la petite fille utilisent eux-mêmes un langage plus cru).
La superficialité de certains personnages comme le policier, la procureure, et l'amant (Casey) qui auraient pu apporter au récit et qui sont délaissés.

Je ne suis pas déçu je n'attendais pas une révélation et il y a de bonnes choses donc je persiste.
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MessageSujet: Re: Joyce Carol Oates   Joyce Carol Oates - Page 43 EmptyMer 2 Oct 2013 - 13:34

Marie a écrit:
Ca y est, j'ai reparcouru tout le fil sourire 
Ce qui est amusant, c'est que régulièrement, quelqu'un arrive , demande " par lequel me conseilleriez-vous de commencer", et chacun y va de son préféré..Very Happy

Et là..
Heyoka a écrit:
Bon, puisque je suis grillée, vous conseillez lequel de ses nombreux livres pour un premier pas dans son univers ?
Moi, je t'aurais répondu Marya, une vie.

Non, que ce soit mon préféré, mon préféré est peut être celui que j'ai lu le premier, parce que c'était le premier et que je pénétrais dans un univers et une écriture bien particulières,Les Chutes.
Juste un conseil un peu plus personnalisé ,peut être, celui que j'ai trouvé le plus émouvant?
C'est tellement difficile, de conseiller un livre..Surtout de cet auteur.
Marya, une vie


Marya Knauer a huit ans quand son père est tué dans une rixe. Un peu plus tard, sa mère la confie à une tante et un oncle avant de disparaître complètement. Cette jeune fille secrète, solitaire, apprend la peur, la cruauté. Au lycée, elle devient brillante et bien supérieure aux autres, ce qui la condamne à encore plus d’isolement. Elle entre à l’université et se plonge violemment dans l’écriture, en développe une passion proche de la folie. Il lui faut encore attendre quelques années pour connaître un amour heureux avec un journaliste, mais Marya si forte dans le désespoir saura-t-elle maintenir une vie heureuse ? On la quitte alors qu’elle entame une recherche sur son passé et surtout sur sa mère qui lui disait si souvent : « Ne commence pas à pleurer, tu ne pourras plus t’arrêter. »
Joyce Carol Oates nous nous donne à voir la complexité des émotions d’une femme écrivain. Marya, une vie est un de ses livres les plus personnels.

Un livre attachant, d'une auteure que je découvre...(sauf pour un livre jeunesse): écriture simple mais au combien vraie & profonde.On assiste à l'éclosion d'une jeune femme à la force de son intelligence.

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MessageSujet: Re: Joyce Carol Oates   Joyce Carol Oates - Page 43 EmptyDim 13 Oct 2013 - 19:12

Joyce Carol Oates - Page 43 Nous-t10

topocl a écrit:
Quant au titre il explique pour moi bien cette famille dont la cohérence n’est plus que de l’ordre du passé puisqu’elle a été détruite par les épreuves.
Aeriale a écrit:
Nous étions Les Mulvaney, un titre qui renferme déjà en lui tout cet univers disparu, la désintégration de ce qu'était une famille, rien que par l'emploi de l'imparfait.
D'accord avec vous, le titre n'aurait pas pu être plus osmotique et évocateur, il est parfait.


Aeriale a écrit:
mais au delà ce sont surtout les images d'un délitement, de la fragilité des choses alors que l'on croit tenir le  monde dans sa main.
Tu résumes en une phrase l'essence de Nous étions les Mulvaney.


Marko a écrit:
Le mot viol n'est jamais prononcé mais on n'a jamais autant ressenti intimement par l'écriture ce que ça représente.
Le mot viol est prononcé une fois, dans le cabinet du médecin, avant de disparaître à jamais comme si ne plus en parler pouvait effacer l'affront et l'humiliation. Mais oui, on ressent intimement la douleur de Marianne, les descriptions de JCO sont déchirantes au propre comme au figuré.


coline a écrit:
Je ne suis pas si convaincue que la cause nommée ait pu produire de tels effets…Il y avait sans doute au départ une fragilité sournoise, comme un éclat sur le pare-brise qui un jour, à l’occasion d’une secousse, se fendille tout à fait. Pour moi, la fragilité était celle du père.
Je l'ai ressenti comme toi Coline, Michael s'effondre à la minute même où il apprend ce qui est arrivé à sa fille, et dans sa chute, il entraîne un à un les membres de sa famille. Tant que son ombre diminuée plane au-dessus d'eux, ils sont incapables de se reconstruire.


Harelde a écrit:
un intérêt croissant pour ce bouquin qu'il me coûte de poser : je vis chaque interruption comme un crève-cœur. Et ses phrases et groupes verbaux sentencieux en italique...
Même crève-cœur de mon côté, le prochain pavé JCO sera réservé exclusivement aux périodes de vacances, de sorte à pouvoir me laisser happer librement pas l'histoire, sans aucune contrainte de temps. Je ne désirais qu'une chose, c'était de lire, lire, lire. Ça me frustrait de ne pas pouvoir avancer. Avant, je ne comprenais pas pourquoi vous insistiez dans l'idée que cet auteur se révèle dans les pavés, maintenant je comprends.


Aeriale a écrit:
Ha ha, pauvre Kanninska, tu vas vite apprendre ce que choisir veut dire sur Parfum. rire 
Je ne suis pas spécialiste mais je trouve vraiment que Nous étions les Mulvaney sort du lot.  
Tu avais raison Aeriale. aime

Comme Epi, ce livre m'a émue jusqu'aux larmes. Tous les personnages avec leurs traits, pourtant caricaturaux, sont attachants. A notre grand désarroi, toutes leurs réactions combinées anéantissent chaque jours un peu plus les Mulvaney... On leur en veut de laisser une famille aussi resplendissante sombrer sans toutefois pouvoir nier une empathie remarquable. Un roman d'une rare intensité.


« Les familles sont comme ça, parfois. Quelque chose se détraque et personne ne sait quoi faire et les années passent... et personne ne sait quoi faire. »
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Epi
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MessageSujet: Re: Joyce Carol Oates   Joyce Carol Oates - Page 43 EmptyDim 13 Oct 2013 - 19:39

Heyoka a écrit:

Comme Epi, ce livre m'a émue jusqu'aux larmes.
Oh oui je m'en souviens encore, à me sentir toute nunuche dans le train rire 
Je me sens un peu moins seule, merci Heyoka Wink 
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colimasson
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MessageSujet: Re: Joyce Carol Oates   Joyce Carol Oates - Page 43 EmptyLun 21 Oct 2013 - 19:58

Délicieuses pourritures (2002)


Joyce Carol Oates - Page 43 Delici10

« Je vous aimes, pourries,
Délicieuses pourritures. »



Hommage à D. H. Lawrence, poète de l’Eros par excellence. Joyce Carol Oates, nourrie de son amour infini pour la littérature, brode une histoire vénéneuse autour du poème « Nèfles et sorbes ». Andre Harrow, un professeur de lettres au charme nocif, cherche à inculquer à ses élèves –exclusivement femelles- les fondements de la littérature comme voie de cheminement au-delà du bien et du mal. Ainsi, si D. H. Lawrence est explicitement cité comme fin, Nietzsche n’est jamais bien loin lorsqu’il s’agit d’évoquer le moyen. Evidemment, les élèves d’Andre Harrow se pâment devant le professeur au charisme puissant, mais celui-ci vit en couple avec Dorcas, une femme exubérante et volumineuse face à laquelle il semble impossible de rivaliser. Elle pratique la sculpture primitive à tendance monstrueuse et sexuelle et ses créations ne suscitent pas l’indifférence, qu’elles fassent hurler d’indignation ou de fascination. Pourtant, Andre et Dorcas forment un couple sulfureux bien plus facile à atteindre qu’il n’y paraît.


La toute jeune Gillian a été choisie par Joyce Carol Oates –élève parmi tant d’autres- pour se frayer une place de choix en la compagnie du couple. On soupçonne Gillian d’être une projection de l’auteure au même âge. Passionnée de littérature, ses expériences mentales dépassent en intensité ses expériences physiques. Il ne lui manque plus qu’une impulsion pour concrétiser ses fantasmes et celle-ci viendra de l’ardeur de son professeur de lettres. Dans ce milieu intellectuel qui cache ses vices et ses manies derrière un apparat distingué, les jeux de vilains se griment en passe-temps cultivés. La poésie et l’écriture d’un journal transforment les jeunes filles en catins –paradigme d’une époque dominée par la libération sexuelle. Laisser libre cours à ses fantasmes semble obliger à la confession de rêveries sexuelles non plus seulement intimes ou provocantes mais aussi humiliantes et masochistes. Si tel n’est pas le cas, la libération n’est pas achevée.


La frontière que devra franchir Gillian –passer du fantasme à son accomplissement- n’est pas franchement surmontée par Joyce Carol Oates. Si le poème de D. H. Lawrence nous convainc de son érotisme latent, la sensualité de l’écriture de Joyce Carol Oates ne bouleverse pas par son évidence. Le ton reste potache et les aventures les plus captivantes se profilent plutôt dans les relations liant Gillian à ses camarades de dortoir. Jalousie, fascination, mensonge et compétition se superposent et dessinent une carte de la haine et de l’amour dont les territoires se confondent souvent. Cet aspect en particulier des Délicieuses pourritures rappelle parfois les confessions joyeuses et honteuses d’une Amélie Nothomb confrontée au sublime féminin –dans Antéchrista par exemple.


Certes délicieuses, ces pourritures ne provoqueront toutefois ni indigestion, ni satiété. Elles ouvriront plutôt l’appétit en l’attente d’un dessert lawrencien.


Joyce Carol Oates - Page 43 Arnold10


Citation :
La sagesse de Lawrence, comme celles des Anciens, est la suivante : on ne peut nier l’Eros. On ne peut résister à l’Eros. Il frappe comme l’éclair. Nos défenses humaines sont fragiles, ridicules. Des maisons de placoplâtre dans un ouragan. Votre triomphe réside dans une soumission parfaite. Le dieu de l’Eros se répandra alors en vous, comme dit Lawrence, dans « l’effacement parfait de la conscience du sang ».

Un résumé du pessimisme :


Citation :
« En proportion des imperfections de sa peau, un garçon est porté à l’ironie. »

« Je vous aimes, pourries,
Délicieuses pourritures.

J’aime vous aspirer hors de votre peau
Toutes brunes et douces et de suave venue,
Toutes morbides…

Sorbes, nèfles, merveilleuses sont les sensations infernales,
Orphique, délicat
Dionysos d’en bas.

Un baiser, un spasme d’adieu, un orgasme momentané de rupture
Puis seul, sur la route humide, jusqu’au prochain tournant,
Et là, un nouveau partenaire, à nouveau se quitter…
Une nouvelle ivresse de solitude parmi les feuilles périssantes glacées de gel. »

*peinture d'Arnold Böcklin
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MessageSujet: Re: Joyce Carol Oates   Joyce Carol Oates - Page 43 EmptyMer 13 Nov 2013 - 10:01

Mudwoman



Jewell Kraeck (ou Jedina, on ne sait pas trop) est une toute petite fille de 3 ou 4 ans abandonnée par sa mère folle à lier dans un sombre marais fangeux des Adirondack (Etat de New-York). A moitié nue, la gamine – accompagnée de sa poupée – est vouée à une mort certaine à brève échéance quand un homme la découvre et la sauve in extremis. Placée d’urgence dans un foyer temporaire et bien peu confortable, la jeune fille est adoptée quelques mois plus tard par un couple de quakers venant de perdre tragiquement leur propre enfant de 4 ans.

Devenue Merredith Ruth Neukirchen (M.R.), l’enfant connaît enfin l’amour parental fait de câlins, de baisés, d’histoires au moment du coucher et de mots d’encouragement. Mais on sent rapidement que cette belle existence est fausse, qu’Agatha et Konrad Neukirchen se sont offert une enfant de remplacement, que la fillette abandonnée n’est pas aimée pour elle-même mais à la place de l’autre. A long terme, cela peut-être déstabilisant.

Mais « Merry » s’est révélée d’une intelligence peut commune, brillante. Major de sa promo au lycée, elle décroche une bourse pour la grande Université de Cornwell (parcours exceptionnel à la sortie d’un petit établissement de province), puis une place à Harvard d’où elle sort après avoir décroché un doctorat en philosophie. Devenue la première femme présidente d’une grande Université du New Jersey (université qui n’est pas nommée), M.R. est au faîte de sa carrière. Mais une virée sur les lieux de son enfance et de sa tragique découverte fait remonter en surface un traumatisme enfoui et non cicatrisé.

Dès cet instant, M.R. part en vrille. Le surmenage (elle est un bourreau de travail), de graves difficultés au sein de son établissement font que la quadragénaire qu’elle est devenue perd pied. La folie, dans bien des cas, peut être congénitale. Le lecteur imagine la démence maternelle atteindre alors la fille à quatre décennie d’intervalle. M.R. s’enfonce, perd le sommeil, fait des cauchemars, confond la réalité avec un monde fictif et agressif qui l’envahi. Paranoïa, schizophrénie s’emparent d’elle. Jusqu’à la rupture !

Une décente aux enfers décrite avec lenteur par l’auteur. Un livre qui se résume la plupart du temps à un essai sur l’Université américaine. Certes, Joyce Carol Oates est bien placée pour nous parler de ce monde qu’elle connaît si bien. Mais le rythme du roman s’en ressent grandement. J’ai eu trop souvent l’impression de bla-bla, de remplissage, de redite. De tout ce bavardage que JCO a toujours su éviter.

Un récit très inégal, mêlant des scènes de vie sur le campus et la chute inexorable de sa dirigeante. Un roman (bien écrit) que j’ai trouvé décousu, avec une atmosphère oscillant entre une vague gène à peine dérangeante au gore pur jus que Stephen King n’aurait pas désapprouvé.

Après le fade et mystérieux Mr Kidder paru en mars dernier, ce livre annoncé comme un « géant parmi les grands romands de Oates » est une nouvelle déception. Note : garder à l’esprit que ce genre de dithyrambe est rédigé par des commerciaux et non par des critiques littéraires. Note n°2 : un bon bouquin n’a pas besoin de tralala pour se vendre et que toutes ces éloges excessives peuvent de cacher un nanar. Note n°3 : revenir à mon habitude de ne plus lire les quatrièmes de couverture.
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MessageSujet: Re: Joyce Carol Oates   Joyce Carol Oates - Page 43 EmptyMar 19 Nov 2013 - 8:07

Admiration unanime à l'émission La dispute de France Culture pour Mudwoman. Ils en font l'un des meilleurs romans de la rentrée et un sommet chez Oates. Ils regrettent même le Nobel d'Alice Munro au détriment de Oates.
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MessageSujet: Re: Joyce Carol Oates   Joyce Carol Oates - Page 43 EmptyDim 15 Déc 2013 - 18:34

Joyce Carol Oates - Page 43 Viol-h10

Une appréciation mitigée pour ce court roman. Il y a du bon (la description de l'opinion publique, les jugements expéditifs, écœurants) et du moins bon (des personnages tout juste effleurés). J'ai l'impression que Oates a besoin de temps et de pages pour déployer ses ailes comme dans Nous étions les Mulvaney. Là, je n'ai pas été convaincue surtout dans la deuxième partie où le revers de la médaille est mal amené comme s'il manquait des étapes, des développements psychologiques. Mais, malgré tout, difficile de rester insensible face à la violence des faits...

Cette femme.
C'était couru.
Elle le cherchait cette garce.
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MessageSujet: Re: Joyce Carol Oates   Joyce Carol Oates - Page 43 EmptyDim 15 Déc 2013 - 20:15

(Harelde pardonne moi)
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MessageSujet: Re: Joyce Carol Oates   Joyce Carol Oates - Page 43 EmptyLun 16 Déc 2013 - 13:37

Heyoka a écrit:
(Harelde pardonne moi)
Mais je partage ton avis. Du moins, globalement. JCO a besoin de place. Et c'est pourquoi je n'aime pas ses nouvelles.
Mais J'ai beaucoup apprécié "Viol, une histoire d'amour".
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MessageSujet: Re: Joyce Carol Oates   Joyce Carol Oates - Page 43 EmptyLun 27 Jan 2014 - 13:26

Joyce Carol Oates - Page 43 41g9fe10
(Zombi)

krys a écrit:
Et malgré toute l'horreur qu'inspire les actes du tueur, on sent en lui une solitude effroyable.

Oui, effroyable. Une description froide et minutieuse des pensées d'un tueur en série, de la solitude qui l'habite et de l'incompréhension mutuelle face aux autres êtres humains. Tout le livre s'articule autour de son désir d'avoir un zombi à lui, rien qu'à lui, soumis au moindre de ses désirs, autour de la frustration de ne pas y arriver, la déception de ne jamais se sentir libéré de ses pulsions... On ressent une ambivalence gênante, tiraillé entre la compassion qu'il éveille malgré lui et l'horreur de ses actes. Un reproche, néanmoins, venant du fait que JCO se caricature encore une fois, son style ne change pas, c'est lassant. Je vais faire une pause jusqu'à l'année prochaine avec cet auteur, en espérant qu'on ne m'en offre plus. Mais je ne veux pas paraitre négative : c'est un livre glaçant et fascinant.

Immersion dans la noirceur d'une âme condamnée à errer sans vie.

"Un vrai ZOMBI serait à moi pour toujours.
Ses yeux seraient ouverts & transparents mais il n'y aurait rien à l'intérieur qui voie.
& rien derrière qui pense.
Rien qui juge.
"
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MessageSujet: Re: Joyce Carol Oates   Joyce Carol Oates - Page 43 EmptyLun 27 Jan 2014 - 13:34

Harelde a écrit:
. Note n°3 : revenir à mon habitude de ne plus lire les quatrièmes de couverture.
Excellente habitude qui m'a toujours réussi !  Very Happy
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MessageSujet: Re: Joyce Carol Oates   Joyce Carol Oates - Page 43 Empty

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