| Parfum de livres… parfum d’ailleurs Littérature, forum littéraire : passion, imaginaire, partage et liberté. Ce forum livre l’émotion littéraire. Parlez d’écrivains, du plaisir livres, de littérature : romans, poèmes…ou d’arts… |
|
| Jacques Chessex | |
| | Auteur | Message |
---|
rivela Zen littéraire
Messages : 3875 Inscription le : 06/01/2009 Localisation : Entre lacs et montagnes
| Sujet: Jacques Chessex Sam 21 Nov 2009 - 11:18 | |
| - Rivela a écrit:
- Jacques Chessex, né le 1er mars 1934 et mort le 9 octobre 2009 d'un malaise cardiaque est un écrivain et peintre suisse de langue française.
Depuis la parution de ses premiers livres, les poèmes de Le jour proche en 1954, le roman La tête ouverte en 1962, jusqu’à Un juif pour l’exemple l’an dernier, il a marqué la littérature de langue française d’une empreinte unique, forte, originale, puissante et indélébile. Poète avant tout, romancier, écrivain, nouvelliste, préfacier, critique d’art, conteur, peintre, son œuvre vaste et riche a sondé l’âme humaine, racontant le terroir protestant dans des livres aussi marquants que La Confession du pasteur Burg, L’Ogre ; sa fascination pour le catholicisme dans Judas le transparent, Jonas ou Avant le matin ; son intérêt pour les relations affectives et sexuelles complexes dans de bijoux de perversion littéraire comme La Trinité, Les yeux jaunes ou Morgane Madrigal ; son père Pierre Chessex, directeur de gymnase et latiniste, dont la personnalité et le suicide, alors qu’il avait à peine vingt ans, l’on marqué à vie, dans Monsieur ou L’Imparfait ; sa mère, Lucienne Vallotton, dans un de ces derniers, et plus bouleversants, récit, Pardon mère. Sa passion pour les peintres s’est exprimée dans des exercices d’admiration envers Pietro Sarto, Jean Lecoultre, Antonio Saura, Pierre Raetz ou Marc Jurt. Sa peinture elle-même, pratiquée depuis toujours mais exposée depuis le début des années 2000, ressasse avec vigueur la figure mythologique du Minotaure et témoigne de sa relation passionnée avec la mort, le corps féminin et la sexualité.
1963 : Prix Schiller pour La Tête ouverte 1972 : Prix français Alpes-Jura 1973 : Prix Goncourt pour L'Ogre 1992 : Prix Mallarmé de poésie, pour Les Aveugles du seul regard 1999: Grand Prix de la langue française 2005: Bourse Goncourt de la poésie pour Allegria 2007: Grand Prix Jean Giono. Commandeur de l'Ordre des Arts et des Lettres Chevalier de la Légion d'Honneur Membre du jury du Prix Médicis, à Paris, depuis 1996. Membre du jury du Grand Prix Jean Giono, à Paris, depuis 2009. Jacques Chessex est l'auteur de nombreux ouvrages de poésies. * Le Jour proche, poésie, 1954. * Chant de printemps, poèmes, 1955. * Une Voix la nuit, poèmes, 1957. * Batailles dans l'air, poèmes (1957-1959), 1959. * Le Jeûne de huit nuits, poèmes, 1966. * L'Ouvert obscur, 1967. * Elégie soleil du regret, poèmes, 1976. * Le Calviniste, poèmes, 1983. * Pierre Estoppey, textes et poèmes, 1986. * Myriam, 1987. * Comme l'os, poèmes, 1988. * Dans la Page brumeuse du sonnet, 1989. * Elégie de Pâques, 1989. * Neige, 1989. * Si l'Arc des coqs, 1989. * Plaie ravie, 1989. * Les Aveugles du seul regard, poésie, 1991. * Le Buisson, 1991. * Songe du Corps élémentaire, 1992. * La Fente, 1993. * Le Rire dans la faille, 1993. * Les Elégies de Yorick, poésie, 1994. * Cantique, poésie, 1996. * Poésie, 3 vol. (L'oeuvre), 1997. * Allegria, poésie, 2005 Vous allez découvrir sa poésie avec quelques poèmes du livre Les Elégies de Yorick YORICK - Citation :
Yorick encore une fois l’automne est descendu dans ta fosse Sous la couronne de peupliers, de corneilles aboyantes Yorick encore un automne un vent de pluie Un vent de néant a balayé ta fosse ou ton crâne affleure de saison en saison Toujours visible au néant du dehors au désert d’en haut Yorick Dans l’air pourri où rêve ton vieil élève
Yorick encore une fois l’automne a jeté ses baies dans ta fosse Et les oiseaux migrateurs en s’envolant regardaient cette couronne rouge S’égrener parmi les os des morts Mais les morts d’en haut sont plus morts que toi Yorick Avec leurs vraies perles, leurs dents brillantes Ils passent devant ta fosse s’apitoyant et riant et Voient ton crâne Tandis que dans l’air désert se tait et rêve ton élève Oui l’automne méditatif a jauni l’herbe de ta tombe Encore une fois Yorick puis ta fosse ouverte puis ton crâne au-devant de la neige enfantine Avec ses flocons purs qui tintent dans le vieil air comme les grelots de la mémoire L’automne des pèlerins et des songes La couronne du regret s’égrenant de Noël en Noël Avec les dents des morts Yorick, les gestes de l’amour L’enfant bercé, le père tué, sans fin le pas De ton élève rêvant et se taisant au lumineux désert
Dernière édition par animal le Sam 21 Nov 2009 - 13:03, édité 1 fois (Raison : reprise de la présentation sur le fil de l'auteur) | |
| | | rivela Zen littéraire
Messages : 3875 Inscription le : 06/01/2009 Localisation : Entre lacs et montagnes
| Sujet: Re: Jacques Chessex Sam 21 Nov 2009 - 11:21 | |
| QUE DIS-TU, OISEAU - Citation :
Que dis-tu, oiseau dans tes cloisons ? Je dis que je suis avec l’âme des morts Et que tu t’inquiètes à tort
Que dis-tu, oiseau dans ton bocage ? Je dis que les morts n’ont plus d’âge Tu interroges sans raison
Que dis-tu, oiseau dans la faille ? Je dis que j’effraie où que j’aille
Ainsi parlons toute la nuit Lui souriant, me rassurant Si son chant calme les vieux morts Comme un lait de nourrice dans leurs tombes QUE JE VOIS PARFOIS - Citation :
- Aucun désordre ce matin ni excès de la pensée
aucune haine même du mal Qui serait de me détruire en me défaisant dans le regret de penser ou de mourir Mais une paix désencombrée Cette immédiateté du regard Du corps, de l’âme peut-être ouverte A la seule imagination de Dieu et de son image en moi Et de l’image que je suis peut-être du Tout Si chaque être à mon regard Le suggère
J’écris ces mots devant des arbres verts et noirs où le vent passe Faisant bouger cimes et feuillage Je n’ai pas envie de ruser avec mon destin Je n’ai pas envie de me payer de mots
Je sens que j’éprouve une grande paix À m’être désencombré de beaucoup de poids Au cours des dernières années Faux poids fausses images Si la seule imagination de mon destin peut-être compte Et si Dieu est cette Chose absente de toute chose catégorielle ou le Tout des imaginables Parfaitement nécessaire et anéantissant que je vois parfois Simplement ce matin je sens et je sais que je suis libre de respirer Sans hâte l’air du cosmos vicié ou pas Moi mortel moi bientôt mort devant ces arbres que fait bouger le vent Feuille à feuille et la cime oscille et cela n’a aucun sens L’air est en moi je rends l’air Je reprends l’air ô machine Si je marche encore un temps dans cet air clair Et chaque seconde qui fuit rejoint le souffle qui sort de moi Se dissout au vide Avec ce souffle avec le vent la vie de l’arbre Le temps de moi fuyant au temps vide Me libérant de moi m’ouvrant à l’Etre ô lumière Loin de la lumière si aimée des esprits et des apparences
| |
| | | rivela Zen littéraire
Messages : 3875 Inscription le : 06/01/2009 Localisation : Entre lacs et montagnes
| Sujet: Re: Jacques Chessex Sam 21 Nov 2009 - 11:24 | |
| MADAME AU FOND DE VOUS - Citation :
- Madame au fond de vous j’ai mangé au fruit rose
Et je n’en suis pas encore rassasié Pour être vrai j’accours à ce nouveau cellier D’avoir Madame en vous mangé si claire chose
Madame j’ai tâté de l’enfer je suppose En m’abandonnant de la langue à ce beau fruit Depuis j’erre assoiffé affamé jour et nuit Ne pouvant me passer d’une nouvelle dose
Quel secours appeler ? Je ne sais pas attendre Ni ne peux plus aller par un autre sentier Sans que le goût de votre pulpe me poursuive
Vous perdant comme on perd les perles d’un collier Si de votre déduit ne puis être la grive Me soûlant à votre raisin tendu et tendre
A LHEURE DITE - Citation :
- À l’heure de ma mort
À l’heure dite J’espère être assez juste Je souhaite voir assez clair Ecouter ta voix assez profondément dans ce qui sera encore moi Pour me souvenir de ton printanier souffle Dies illa dies irae pitié pour cette chair torturée Loin de la célébration de l’erreur
Traité de la mort, voie lactée Traité de la mélancolie L’air de ta chevelure en moi L’aréole fatigable La chaîne secrète à ton cou Portant la géométrie Où luit la perle, œil de la mort Que je fixerai dans le Songe Oubliant ton regard
| |
| | | rivela Zen littéraire
Messages : 3875 Inscription le : 06/01/2009 Localisation : Entre lacs et montagnes
| Sujet: Re: Jacques Chessex Sam 21 Nov 2009 - 11:27 | |
| RECIT DE L’OISEAU - Citation :
Comme j’écoutais Purcell ce matin Une mésange se posa sur la table du jardin Et me regardant un bref instant «Ne t’attriste pas, dit-elle Respire dans la certitude de ton âme immortelle» Je voulus me lever, courir à l’oiseau Baiser sa tête brillante en le louant de sa bonne grâce Mais il s’était envolé comme un Songe Maintenant regagnant sa place Dans la galerie des anges et des inspirés Je demeurai seul avec mon assentiment ânonné Remerciant cette ombre de son office LA BELLADONE, HEMINGWAY - Citation :
- Souvent je me souviens de toi Hemingway
Et je pense fils d’un suicidé s’est suicidé le 2 juillet 1961 That is the question Hemingway fils d’un suicide Si le crane en bouillie du père ou l’obscur cœur qui l’a tué Te tue aussi toute ta vie Hemingway mieux que Le nard de l’ironie Ou la corne ou le fusil définitif : La belladone tenace pour les purs
La belladone, Hemingway ! C’est une baie bleue dans les haies Il y a une buée à sa surface comme un miroir Un regard du regard déjà perdu au fond de la mort Solanum furiosum Hemingway si tu as mangé cette baie tu mourras Si tu l’as consommée et mâchée cans ton rêve toute ta vie Hemingway elle t’a tué en plein été dans les collines De Ketchum Elle a eu ta peau Hemingway ta tête éclatée Ô buffle barbu chardon blanc homme friable Ô Nick Adams si souvent rencontré par la forêt ou le fossé Où luit l’astre bleu de la baie ta seule fiancée La belladone, Hemingway Solanum furiosum seu lethale : toi tu t’endors Sous l’abrupt sommeil si long sans glas ni armes Ni épouse en sueur plus jamais ni rumeur d’incendie Ni Indienne à goût de cuir mais la mort ni troupeau de muscles Si revient le père à l’œil de mouflon ou d’aigle dans la montagne de l’âme étincelante Jamais rejointe où fulgure l’Image La carcasse desséchée du fauve dans la pure neige
Et toi la tête ouverte à l’air des morts Mâches-tu encore dans ta mort l’unique fiancée baie embuée D’éternité maintenant dans les fossés, les déserts Si loin de la cime Hemingway loin de l’air Loin de la balle qui a tué le père et de la balle qui a tué le fils Loin des rivages écumants de la mer et de l’isthme Où plonger ta tête endormie et furieuse Ô belladone mélancolie au torse du sage devenu fou Baie à son cou Nymphe, dans tes oraisons souviens-toi de tous mes péchés | |
| | | rivela Zen littéraire
Messages : 3875 Inscription le : 06/01/2009 Localisation : Entre lacs et montagnes
| Sujet: Re: Jacques Chessex Sam 21 Nov 2009 - 11:31 | |
| ÉLÉGIE DE MA MÈRE - Citation :
C’est presque toujours un chant d’oiseau Qui te fait venir Non l’oiseau des morts ou celui par qui la moquerie arrive
Mais l’oiseau de l’enfance, le premier Celui qui ne se laisse pas voir mais que nous devinons à sa voix
Et maintenant cette voix ne cesse d’appeler dans toutes les voix d’oiseaux que j’entends, mère À la forêt songeuse que tu connais Aux taillis du cimetière où j’apprends notre repos séparé Et bien plus profond dans mes os qui se sont formés en toi Et qui de toi gardent ce regret inguérissable
Mère, je ne veux pas qu’il soit dit que l’enfance est gaie Mais j’ai des souvenirs qui sont beaux Je ne veux pas que tu souffres de mon ingratitude Mais l’enfance n’est pas gaie avec ses attentes Ni par la suite avec le doute sur le possible Mère, je déteste l’incertain et l’attente Toute mon enfance j’ai attendu et je ne comprenais pas Que tu ne saches pas ma haine de ces circonstances
Mère aujourd’hui tu es vivante et je sais qu’un jour Abominablement je regretterai de ne t’avoir pas montré Que je t’aimais Comment être avec cette science et cet appel Qui sourd de l’ombre et trouve mon âme ?
Je sais que l’oiseau n’appelle pas, il parle innocemment Dans le secret ou la cloison C’est moi qui sens mon âme vibrer à ce que je trouve Comme un message de toi dans sa voix parfaite et détachée
Tu connais bien les oiseaux mère tu les nommes La mésange la fauvette le rouge-gorge J’entends ces noms je revois des scènes très anciennes
Par la fenêtre un jardin calme Une sente au bois où brillent les anémones L’étang noir avec les nénuphars qui luisent
Tu as dit l’oiseau Mère et le Paradis se noue dans ce nom Dans la voix simple et unique de l’oiseau Où parle ta voix, bleuit ton regard
O chante, mère Chante sans mots le chant de notre séparation et de ma peine
Chante le chant de l’enfant si ton destin voulait Que tu le laisses seul à la rive Oui chante ce destin et ses conséquences Sur notre double destin de mère et de fils J’étais dans toi à former mon squelette Et déjà mes pensées couraient par le monde Avides de se séparer de toi et de t’oublier J’étais dans toi j’ai fui et je ne t’ai pas oubliée C’est l’histoire que raconte l’oiseau À la cime de l’arbre ou dans l’obscur C’est notre histoire, mère Je le jure comme une histoire de vrai amour ÉLÉGIE DE MON PÈRE - Citation :
Ce matin je regarde monter la brume dans la couleur jaune des vallons Je songe avec l’oiseau dans l’air comme dans la mort Je songe à la musique enveloppée de brume dans les pentes J’écoute la voix de mon père dans mon corps
Ce matin je regarde le visage de mon père dans la brume dorée et jaune des collines J’écoute l’appel d’un unique oiseau à la cime de l’arbre encore emperlé de pluie Je vois le visage de mon père aux yeux de ciel de juillet et d’éclair métallique avant l’orage Son regard aigu et bon sur mes songes
Ce matin je descends dans l’écorce de l’arbre et dans la pierre Je ploie à la fraîcheur du vent dans la souple herbe Je marche dans cette herbe à côté de mon père Puis il s’arrête il approche un visage au front ridé et lisse Peut-être je touche ses yeux de prairie dans le ciel entre les nuages Peut-être j’entre dans le lac de verre de ces yeux Avec les arbres les nuages la cime des monts Peut-être je descends sous la terre du rocher avec ces yeux
Ce matin je ne sais plus si c’est toi qui parles ou si c’est moi Tellement fort et précise parle ta voix dans ma voix Je regarde un paysage d’ombre et d’air J’écoute en toi le passage de la rivière ô mon père Et le vent qui fait bouger tes cheveux pas encore blancs
Ce matin je marche dans l’herbe de jadis avec mon père Je rêve que je ne verrai jamais ses cheveux blancs Ni que j’entendrai la rivière dans le temps qui lui reste à vivre Ni cet automne qui vient de vallon en vallon avec le givre
Avec le chant de l’oiseau dans cet air jaune Ni l’appel au fond de son corps plus triste appel Que les voix de la forêt, des pentes, des vallons Plus triste et mélodieux appel que celui de mon cœur mortel Ô si tu dois être mort en moi si longtemps Jusqu’à ma mort peut-être si tu dois attendre ta vraie mort | |
| | | Maline Zen littéraire
Messages : 5239 Inscription le : 01/10/2009 Localisation : Entre la Spree et la Romandie
| Sujet: Re: Jacques Chessex Sam 21 Nov 2009 - 11:49 | |
| Merci pour ces poèmes. La mort du poète est source de se souvenir et puis la poésie vaudoise est peu connue, que ce soit en Suisse ou au-delà des frontières.
Ces poèmes de Chessex me rappellent sa prose, il sait si bien rendre compte des émotions simples. | |
| | | Babelle Zen littéraire
Messages : 5065 Inscription le : 14/02/2007 Localisation : FSB
| Sujet: Re: Jacques Chessex Sam 21 Nov 2009 - 19:09 | |
| J'ignorais que le romancier avait aussi publié des recueils de poésie. Merci pour ces extraits Rivela. | |
| | | | Jacques Chessex | |
|
Sujets similaires | |
|
| Permission de ce forum: | Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
| |
| |
| |
|