Xavier Giannoli

darkanny a écrit:

Rien que le sujet, ça me fait fuir

Ouais, mais je ne peux pas trop faire la difficile...
on s'est retrouvé dans la salle en appliquant la méthode du "moins pire" !

Superstar est inégal. De belles choses et aussi des excès qui agacent. Mais il y a une certaine intensité cauchemardesque et quelques personnages secondaires intéressants. Notamment ce travesti lucide et chaleureux. Cette rencontre amicale incongrue est un idée scénaristique très chouette.

Vu Marguerite.
Personne n'ose dire à Catherine Frot qu'elle chante faux. Et pourtant, elle ne fait pas les choses à moitié. Bande-annonce :


Elle se donne à fond à la musique et veut faire un "vrai concert"... son mari appréhende le moment où quelqu'un, un jour, lui dira la vérité.

Les acteurs sont quasiment tous excellent : Catherine Frot, bien sûr, mais aussi son mari (André Marcon), et le majordome Noir, Denis Mpunga, qui rappelle furieusement Stroheim dans Boulevard du Crépuscule. Il a une présence, une façon de faire pression sur les gens d'un regard ou en disant une simple phrase polie, c'est du grand art.
Et il y a d'autres personnages hors-normes...

Petite réserve sur un personnage de chanteuse jeune (outre la façon dont elle chante le fameux duo de Lakmé de façon parfaite sans aucune répétition), qui est peut-être moyennement bien exploité ; de plus l'actrice parle d'une façon qui fait beaucoup plus contemporaine qu'années 20. Mais bon, ça n'est pas très grave.

Donc : mélange de comédie, de drame, de belle musique massacrée...
J'ai beaucoup aimé.

Tu m'intrigues eXPie. C'est un film qui ne me donnait vraiment pas envie, et là tu me fais douter. Un autre avis serait le bienvenu.

La bande-annonce m'avait bien amusé, et je n'ai pas été déçu. Donc, je suppose que si toi, par contre, tu n'accroches pas à la bande-annonce, ça pourrait être plus problématique... On lire d'autres avis bientôt, sans doute !

J'aime beaucoup ce réalisateur et j'ai hâte d'aller le voir. A noter que Stephen Frears a lui aussi adapté cette histoire réelle avec Meryl Streep. On pourra les comparer.

Expie: est-il suggéré parmi d'autres lectures que cette histoire puisse se révéler être un canular (cette femme jouant volontairement l'ignorance de son absence de talent). J'avais lu un article en ce sens. J'imagine bien Giannoli entretenir l'ambiguïté comme dans ses films précédents. Mais la bande annonce semble aller davantage dans le sens d'un déséquilibre et d'un vrai drame.

Marko a écrit:

Expie: est-il suggéré parmi d'autres lectures que cette histoire puisse se révéler être un canular (cette femme jouant volontairement l'ignorance de son absence de talent). J'avais lu un article en ce sens. J'imagine bien Giannoli entretenir l'ambiguïté comme dans ses films précédents. Mais la bande annonce semble aller davantage dans le sens d'un déséquilibre et d'un vrai drame.

Je n'ai pas eu un instant l'impression que ça pouvait être un canular, ça me paraît complètement et totalement impossible. Déjà (en plus d'autres choses), ne serait-ce que le fait qu'elle chante faux des heures par jours pendant des années, ça indique que ce n'est pas un canular.

Arabella a écrit:

Tu m'intrigues eXPie. C'est un film qui ne me donnait vraiment pas envie, et là tu me fais douter. Un autre avis serait le bienvenu.

Arabella, ou l'art d'envoyer les autres au carton

Les commentaires étaient très positifs aussi au Masque, que je suis bien content de ne pas avoir écouté avant, parce qu'ils ont "spoilé" allègrement.

Pour le titre du film, Marguerite, je suppose que ça fait allusion au Faust de Gounod, l'air des bijoux de Marguerite, devenu très populaire grâce à la Castafiore.

eXPie a écrit:

Marko a écrit:

Expie: est-il suggéré parmi d'autres lectures que cette histoire puisse se révéler être un canular (cette femme jouant volontairement l'ignorance de son absence de talent). J'avais lu un article en ce sens. J'imagine bien Giannoli entretenir l'ambiguïté comme dans ses films précédents. Mais la bande annonce semble aller davantage dans le sens d'un déséquilibre et d'un vrai drame.

Je n'ai pas eu un instant l'impression que ça pouvait être un canular, ça me paraît complètement et totalement impossible. Déjà (en plus d'autres choses), ne serait-ce que le fait qu'elle chante faux des heures par jours pendant des années, ça indique que ce n'est pas un canular.

La réalité était peut être toute autre que la fiction. Le film n'en est de toute façon qu'une transposition. Il se peut que cette femme et ses proches aient imaginé un canular pour des raisons que je n'ai pas retenues mais qui pouvaient être lucratives ou autres. Je préfère imaginer que ce soit vrai. C'est bien plus étrange et perturbant.

Peut-on à ce point ne pas savoir qu'on chante faux? Ça paraît si peu probable.

Marko a écrit:

Peut-on à ce point ne pas savoir qu'on chante faux? Ça paraît si peu probable.

Son cas est pathologique, sans doute (désolé si le terme n'est pas bon). Elle veut tellement être chanteuse, se consacrer à cet Art...

Le cas historique "vrai" est Florence Foster Jenkins.
Extrait de Wikipedia :

Citation :

En dépit de son manque évident de sens musical, Florence Foster Jenkins est entièrement persuadée de son talent extraordinaire. Elle n'hésite pas à se comparer aux sopranos connues, telles Frieda Hempel et Luisa Tetrazzini. Elle considère les éclats de rire qui ne manquaient pas de se produire durant ses concerts, comme provenant de rivales rongées de « jalousie professionnelle ». Consciente des critiques, elle rétorquait : « Les gens pourront toujours dire que je ne sais pas chanter, mais personne ne pourra jamais dire que je n'ai pas chanté. »

Et, plus loin :

Citation :

Certains prétendent que les 32 ans de sa carrière de cantatrice sont un canular élaboré, ce qui semble en contradiction avec d'autres avis alléguant que sa mort, après le concert du Carnegie Hall, est le résultat de la dérision dont elle fut l'objet de la part des critiques. Quoi qu'il en soit, aucune de ces deux théories ne peut être prouvée. Tout indique que jusqu'à sa mort, Florence Foster Jenkins traversa toute sa vie d'artiste avec le même sentiment de plénitude heureuse et confiante.

On a de la chance (ou pas ?) d'avoir des enregistrements de Florence Foster Jenkins. Cela veut dire qu'elle s'est entendue...
Ecoutons-la dans l'air de la Reine de Nuit :

J'ai beaucoup aimé le film et je comprends mieux sa démarche et son point de vue. J'y reviens ce soir.

Marko a écrit:

J'ai beaucoup aimé le film et je comprends mieux sa démarche et son point de vue. J'y reviens ce soir.

Xavier Giannoli s'intéresse dans tous ses films à la frontière entre la vérité et le mensonge, aux masques que nous portons volontairement ou malgré nous, aux artifices qui créent du vrai, à la façon dont notre identité est façonnée par le regard des autres au-delà de ce que serait notre vérité propre… L'escroc de "A l'origine" finissait par accomplir une action quasi héroïque en dupant tout le monde avant de se découvrir une mission,  le quidam de Superstar sortait de l'ombre malgré lui sans avoir rien fait de particulier par un concours de circonstances absurdes...

Dans Marguerite, une femme qui chante faux vit dans l'illusion de la célébrité tout en devenant, malgré le scepticisme, la rapacité ou la moquerie des autres, une artiste singulière capable de remplir une salle de concert. Ce que montre le film c'est que tous ces gens qui gravitent autour d'elle sont aussi factices qu'elle. Ils s'inventent des personnages qu'ils ne sont pas ou paraissent autres qu'ils ne se révèlent à l'arrivée (c'est très proustien). Un mari infidèle et antipathique qui finalement témoigne à sa façon d'un amour douloureux et inquiet, un jeune artiste qui s'invente un accent exotique factice et se révolte contre tous les conformismes, un journaliste opportuniste qui se découvre une intégrité, un ténor de seconde zone qui s'improvise grand professeur de chant, un majordome noir protecteur qui semble être une sorte d'ange gardien mais qui n'est autre qu'un véritable Méphistophélès vampirisant une Marguerite sous son emprise…



De ces artifices naît une singularité qui les oppose au conservatisme ambiant et en fait paradoxalement de vrais artistes. Une façon de dire que ce qui façonne un artiste c'est la capacité d'un individu à s'inventer autre que ce qu'il est. A s'affranchir des codes sociaux et des idées reçues, à bluffer et à inventer. Marguerite est à sa façon une artiste géniale qui marque son temps par son grain de folie. Et le majordome méphistophélique l'a bien compris. Il la façonne et l'immortalise en la métamorphosant en héroïne tragique de sa propre vie.

Le film en lui-même est construit comme un opéra avec une intelligence et un rythme qui l'éloignent de la reconstitution académique de bien des films d'époque. Tous les personnage secondaires sont captivants et se transforment a fur et à mesure.

J'avais une réserve sur la dimension psychanalytique du film qui ferait du symptôme de son héroïne la conséquence d'une frustration sexuelle à la manière d'un cas d'hystérie. Mais je pense que Giannoli joue lui aussi à sa façon avec la réalité et le mythe de cette histoire "vraie" dont on ne peut savoir s'il s'agit d'un cas clinique ou d'un canular. Il joue la carte du mélodrame opératique en inventant une héroïne tragique là où se cache peut-être une autre simulatrice.  En ce qui me concerne je ne crois pas à la réalité du symptôme mais j'admire ce que Giannoli en fait.



Un film à voir et à revoir. Une très belle réussite.

eXPie a écrit:

Les commentaires étaient très positifs aussi au Masque, que je suis bien content de ne pas avoir écouté avant, parce qu'ils ont "spoilé" allègrement.

Pour le titre du film, Marguerite, je suppose que ça fait allusion au Faust de Gounod, l'air des bijoux de Marguerite, devenu très populaire grâce à la Castafiore.

C'est vrai qu'ils ont tendance à vraiment trop spoiler, mais c'est pas non plus très évident d'éclairer leur discours sans "illustrer" un peu.
Là où je ne leur pardonne pas c'est quand ils dévoilent la fin, et ils le font encore malgré les avertissements de J.Garcin, ahhhhhh les traîtres !!!