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Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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Sujet: Re: Anton Tchekhov [Russie] Ven 13 Nov 2015 - 17:44
En fait, Tchekhov n' a jamais envisagé le récit de son séjour à Sakhaline comme une œuvre littéraire, mais plutôt comme un document. C' est pour cela qu' il a établi un système de fiches qui seront rapidement périmées. Il écoutaiit le récit de pauvres types, tels ce Iégor, plus malchanceux que délinquants.
En tout cas, ce séjour a changé Tchekhov. Il y a eu un avant et un après Sakhaline. Qu' est-ce qui l' a ainsi changé, il ne le dira pas. Et on peut quand meme dire qu' il a fait preuve de compassion et d' un grand courage, avant que le typhus ne le fasse partir.
Bédoulène Abeille bibliophile
Messages : 17270 Inscription le : 06/07/2007 Age : 79 Localisation : Provence
Sujet: Re: Anton Tchekhov [Russie] Ven 13 Nov 2015 - 22:23
à par Iégor, il n' a pas vraiment de dialogues, juste quelques paroles échangées, mais on sent combien ce séjour le touche, il lui est difficile d'assister à la séance du fouet (il sort), de voir dans quelle misère, quelle saleté vivent non seulement les bagnards, mais les paysans, les colons. Il ne pensait pas en effet écrire un livre, il avait d'ailleurs averti son ami et éditeur.
colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
Sujet: Re: Anton Tchekhov [Russie] Dim 15 Nov 2015 - 23:22
Je me souviens de ce livre dont l'expérience avait été évoquée et mise en scène dans le film Anton Tchekhov-1890 de René Fallet. Mais ça n'a pas l'air super folichon à lire...
Ariane SHOYUSKI Sage de la littérature
Messages : 2372 Inscription le : 17/04/2014
Sujet: Re: Anton Tchekhov [Russie] Lun 16 Nov 2015 - 0:24
Merci beaucoup Bédoulène pour ce commentaire sur L'île de Sakhaline. J'ai deux versions (en japonais et en français) depuis trèèès longtemps. Mais je n'ai pas encore aucune des deux. Pourtant j'adore Thekhov.
Bédoulène Abeille bibliophile
Messages : 17270 Inscription le : 06/07/2007 Age : 79 Localisation : Provence
Sujet: Re: Anton Tchekhov [Russie] Lun 16 Nov 2015 - 13:56
Ariane, il est teps alors !
Coli, c'est tout de même très interessant, faire une pause si sajènes, déciatines se mélangent, mais la composition des familles qui occupent les isbas ou autres constructions permet de mesurer la promiscuité, la pauvreté, bref toutes les dimensions sociales sur l'île.
et l'écriture est fluide, le ressenti d'ailleurs après quelques jours est meilleur et certainement plus juste. (j'espère que vous me comprenez)
shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
Sujet: Re: Anton Tchekhov [Russie] Lun 16 Nov 2015 - 14:32
Si je ne me trompe pas il s'agit de bonification et non de boniment ! c'est mieux !
eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
Sujet: Re: Anton Tchekhov [Russie] Dim 6 Mar 2016 - 11:02
A gauche, affiche du spectacle de la Comédie Française constitué des deux pièces : Le Chant du Cygne et l'Ours.
- Le Chant du Cygne (1886 ; Лебединая песня). Etude dramatique en un acte. 15 pages (dans l'édition Folio classique). Texte français de Genia Cannac et Georges Perros.
Citation :
"L'action se passe la nuit, après le spectacle, sur la scène d'un théâtre de second ordre." (page 518)
"À la suite d’une représentation, Vassili Vassiliévitch Svetlovidov, un vieil acteur comique, s'endort dans sa loge, ivre d’alcool. À son réveil, il découvre un théâtre vide et glacial [...] " (Maëlle Poesy, programme de la Comédie Française, page 9, voir http://www.comedie-francaise.fr/images/telechargements/programme_chantducygne1516.pdf ) Il se rend bientôt compte qu'il n'est pas tout seul, car le souffleur, Nikita Ivanytch, vit dans le théâtre. "Porté à la confidence au cœur de la nuit dans ce théâtre vide, Vassiliévitch lui parle de son passé et de sa carrière sans complaisance aucune, et son évocation le conduit à jouer quelques morceaux choisis des grands rôles du répertoire." (Maelle Poesy)
Citation :
"SVETLOVIDOV : Mais je suis un être vivant, Nikitouchka, ce n'est pas de l'eau, c'est du sang qui coule dans mes veines. [...] Et si tu m'avais vu, quel gaillard ! Beau, honnête, courageux, ardent. Mon Dieu, où tout cela est-il passé ? Et après, Nikitouchka, n'ai-je pas été un acteur magnifique ? [...] Où est-il, ce temps-là ? Mon Dieu ! Tout à l'heure, j'ai jeté un coup d'oeil dans cette fosse, et tout m'est revenu, tout. C'est cette fosse qui a englouti quarante-cinq années de la vie, et quelle vie ! En la regardant, je revois chaque détail, comme je vois le moindre trait de ton visage. L'enthousiasme de ma jeunesse, la foi,l'ardeur, l'amour ! Les femmes, Nikitouchka !
NIKITA Vassili Sassiliévitch, il est temps d'aller vous reposer." (pages 524-525)
L'acteur regrette sa jeunesse enfuie, fait la part des choses entre l'admiration qu'on lui a porté sur scène et la faible considération à laquelle il a eu droit en dehors, lui qui n'est qu'un acteur. Il récite des scènes de Pouchkine, Shakespeare et Griboïedov (c'est l'occasion, pour un acteur, de faire la démonstration de son talent, en passant d'un rôle à l'autre, en changeant de ton en un instant). Et puis c'est tout. Vu au Studio de la Comédie Française le 28 février 2015. La photo ci-dessous est reprise du programme.
Christophe Montenez et Gilles David dans Le Chant du cygne.
Il y a quelques bonnes idées de mise en scène, par exemple le souffleur qui ouvre et referme le réfrigérateur pour simuler les éclairs pendant une tirade de Svetlovidov (on notera que certains textes récités ont été changés par rapport à la pièce). Mais globalement, la représentation a manqué d'intensité. Peut-être était-ce un peu trop lent.
Le décor (qui n'est pas vide et glacial) est celui qui sera utilisé dans la petite pièce suivante, l'Ours, la musique de transition entre les deux pièces étant le très beau Keeper of the Flame, interprété par Nina Simone.
Dernière édition par eXPie le Lun 7 Mar 2016 - 8:18, édité 1 fois
eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
Sujet: Re: Anton Tchekhov [Russie] Dim 6 Mar 2016 - 11:03
L'Ours. (1888, Медведь). Plaisanterie en un acte. Texte français de Genia Cannac et Georges Perros. 35 pages chez Folio.
Keeper of the flame, c'est la musique qu'écoute en se morfondant Eléna Ivanovna Popova, une jeune veuve vêtue en grand deuil. L'action se passe dans un salon de sa propriété (dans la mise en scène de la Comédie Française, nous sommes dans la cuisine, ce qui renforce le caractère burlesque). Louka, le valet de chambre s'adresse à elle :
Citation :
"LOUKA : Ce n'est pas bien, madame... Vous finirez par dépérir... La femme de chambre et la cuisinière sont allées aux fraises, tout le monde est content, même le chat qui sait profiter de ce qui lui convient : il se promène dans la cour et attrape des oiseaux, mais vous, vous restez enfermée toute la sainte journée, comme une nonne ; vous ne prenez aucun plaisir. Enfin, c'est vrai ! Voilà bien un an que vous ne quittez plus la maison...
MADAME POPOVA Et je ne la quitterai plus jamais... À quoi bon ? ma vie est finie... Lui est dans la tombe, moi entre mes quatre murs. Nous sommes morts tous les deux." (page 537)
Déboule bientôt Smirnov, un propriétaire foncier "encore assez jeune", qui n'attendra pas longtemps avant de demander de la vodka pour soigner son mal de crâne. C'est lui, l'"ours" du titre : le bonhomme est un peu brut de fonderie.
Benjamin Lavernhe et Julie Sicard dans L’Ours. Mise en scène de Maëlle Poésy. (photo reprise du programme)
Citation :
"SMIRNOV Votre défunt époux, que j'avais l'honneur de connaître, me doit toujours deux traites de mille deux cents roubles. Demain je dois payer des intérêts à la banque agricole, c'est pourquoi je vous serais très reconnaissant, madame, de me verser cette somme aujourd'hui même. [...]
SMIRNOV Ce n'est pas après-demain qu'il me le faut, c'est tout de suite.
MADAME POPOVA Excusez-moi, mais c'est impossible.
SMIRNOV Et moi, il m'est impossible d'attendre jusque-là." (scène IV, page 542).
Smirnov se fait une triste idée des femmes, et c'est très drôle : l'homme sait aimer et être fidèle, alors que la femme, non.
Citation :
"SMIRNOV [...] Quand elle aime, elle ne sait que pleurnicher et geindre. Là où l'homme souffre et se sacrifie, elle se contente de faire froufrouter sa jupe et de mener son partenaire par le bout du nez... Vous-même, Madame, qui avez le malheur d’être une femme, vous connaissez par expérience la nature de vos semblables... Dites-moi donc franchement : avez-vous jamais rencontré une femme sincère, fidèle et constante ? Non, n’est-ce pas ? Il n’y a que les vieilles biques et les laiderons qui sont fidèles et constantes. Vous dénicherez plus facilement un chat à cornes ou bécasse blanche qu’une femme fidèle."
La dispute va prendre des proportions considérables....
C'est une pièce au sujet et aux apparences moins "profonds" que Le Chant du Cygne, mais qui fonctionne très bien. Les acteurs étaient très bons, c'était un vrai plaisir (on en oubliait même les vibrations des métros/RER que l'on perçoit au Studio de la Comédie française)
Dernière édition par eXPie le Lun 7 Mar 2016 - 8:18, édité 1 fois