Jacques Chardonne

Chacun ses choix Bix. J'ai des amis norvégiens qui refusent de lire Knut Hamsun à cause de son attitude pro-nazi. Pourquoi pas.

Mais on peut aussi faire le choix de lire des livres pour leurs qualités littéraires et leur contenu en soi. Ce qui n'empêche pas de connaître les vies de leurs auteurs et de garder l'esprit critique.

A chacun de décider. Heureusement que nous vivons dans une société qui nous laisse ce choix.

En lisant la notice biographique de Chardonne, j'ai appris que c'est grâce à (entre autres) une déclaration de Jean Paulhan qu'il a pu bénéficier d'un non-lieu après la Libération - Paulhan lui-même qui ne doit qu'à Drieu la Rochelle de ne pas avoir été fusillé en 1941... Cette période n'a décidément rien de simple...

Aucune période n' est simple. Ni meme les choix qui nous engagent. A supposer qu' on croit aux choix et au libre arbitre.
Je pense qu' il est facile de penser après coup qu' on aurait été héros ou résistant. La réalité est plus mouvante, plus floue.
Mais il y a quand meme des éléments de morale qui peuvent au moins nous empecher de nous couvrir de honte en pactisant avec
les vainqueurs du jour. Les plus forts temporairement.
Apparemment ça n' a pas été le cas avec les écrivains français pendant l' Occupation. Ni meme de la population.
On est plutôt confondus quand on voit un film comme le Chagrin et la pitié.

On y voit aussi des individus ignobles, des résistants de la vingt cinquième heure, hurler à la mort contre des femmes accusées
de collaboration et les tondre ou tenter de les lyncher.

bix229 a écrit:

Mais il y a quand meme des éléments de morale qui peuvent au moins nous empecher de nous couvrir de honte en pactisant avec
les vainqueurs du jour. Les plus forts temporairement.

Je ne peux parler que de Drieu - c'est précisément sa morale, ses valeurs, ses convictions qui l'ont amené à vouloir confier la destinée de la France à une organisation politique qu'il jugeait plus compétente (ç'a été le nazisme, il a aussi beaucoup espéré du communisme à d'autres moments). Il ne voyait dans les cadres institutionnels de son pays qu'une décadence et une incurie insurmontables par les Français seuls.

Citation :

Oui, je suis un traître. Oui, j’ai été d’intelligence avec l’ennemi. J’ai apporté l’intelligence française à l’ennemi. Ce n’est pas ma faute si cet ennemi n’a pas été intelligent.

(peu avant sa première tentative de suicide en août 44).

Je ne défends pas la position qui a été la sienne, j'essaie juste d'expliquer en quoi la sincérité peut mener à se dévoyer. On oublie souvent que dans cette génération la participation à la Première guerre a conditionné un certain nombre de positions intellectuelles. J'ai malgré tout plus de respect pour Drieu qui s'est tué que pour d'autres qui se sont carapatés...

Dans tous les cas bix je respecte totalement ton point de vue et j'espère que tu jugeras avec indulgence ma petite pierre au débat.

Agnès a écrit:

ArturoBandini a écrit:

Ma réponse: je ne lis que les auteurs morts. )

Pour ma part, je dis "Un bon écrivain est un écrivain mort."

Je te pique la formule, plus élégante que la mienne, pour la prochaine occasion! Et je note Matzneff, que je ne connais pas.

Lu Matzneff à la fac, retenu seulement un défilé incessant de jeunes amants et de jeunes maîtresses (pardonne-moi, mais toutes qualifiées de "prises en con et en cul" - au bout de vingt-cinq, tu te dis que la vie sexuelle de cet homme a été d'une monotonie épouvantable )...

Agnès a écrit:

bix229 a écrit:

Mais il y a quand meme des éléments de morale qui peuvent au moins nous empecher de nous couvrir de honte en pactisant avec
les vainqueurs du jour. Les plus forts temporairement.

Je ne peux parler que de Drieu - c'est précisément sa morale, ses valeurs, ses convictions qui l'ont amené à vouloir confier la destinée de la France à une organisation politique qu'il jugeait plus compétente (ç'a été le nazisme, il a aussi beaucoup espéré du communisme à d'autres moments). Il ne voyait dans les cadres institutionnels de son pays qu'une décadence et une incurie insurmontables par les Français seuls.

Citation :

Oui, je suis un traître. Oui, j’ai été d’intelligence avec l’ennemi. J’ai apporté l’intelligence française à l’ennemi. Ce n’est pas ma faute si cet ennemi n’a pas été intelligent.

(peu avant sa première tentative de suicide en août 44).

Je ne défends pas la position qui a été la sienne, j'essaie juste d'expliquer en quoi la sincérité peut mener à se dévoyer. On oublie souvent que dans cette génération la participation à la Première guerre a conditionné un certain nombre de positions intellectuelles. J'ai malgré tout plus de respect pour Drieu qui s'est tué que pour d'autres qui se sont carapatés...

Dans tous les cas bix je respecte totalement ton point de vue et j'espère que tu jugeras avec indulgence ma petite pierre au débat.

Tout à fait ! Drieu était loin d' etre le pire. Loin de là. Et il s' est suicidé ce qui était un peu la conclusion logique d' un homme contradictoire
et qui s' est fourvoyé.
Mais Morand et Chardonne, Rebatet ! La Varende, Jouhandeau, Cocteau, Chateaubriant, La Varende,  Blond...
Quelle stature que celle d' un Bernanos en comparaison !

Désolé de mettre dix centimes dans le bastringue, mais:

bix229 a écrit:

Chateaubriant

François-René ?

Plutôt Alphonse de Châteaubriant j'imagine...

ArturoBandini a écrit:

Plutôt Alphonse de Châteaubriant j'imagine...

Oui, rien à voir avec l' autre. Il a fait partie de la légion anti bolchevik et il est mort en exil.

c'est toujours bien de savoir ce qu'on lit mais si on ne devait lire que des auteurs plus blancs que la neige en resterait-il tant que ça ?

en fait je suis embêté, c'est à la fois intéressant parce qu'on arrive chacun à se poser la question une fois de temps en temps et d'un autre côté on perd "le fil du fil" et je ne vois pas trop où je recollerai ça ailleurs, surtout que ça revient souvent... et sans que ça risque de dégénérer.

Une courte allusion au parcours de Chardonne comparé à celui de Drieu : http://www.lepoint.fr/livres/le-cas-drieu-la-rochelle-12-04-2012-1452016_37.php