Lucian Freud [Exposition]

Reflection, 1985

« Ce regard bleu-gris, perdu dans le vague, est celui d’un homme de 63 ans contemplant sont succès avec un certain apaisement, mais quand même l’ombre d’un doute. En 1985, Lucian Freud est dans la force de l’âge et aux portes de la gloire. Sa première monographie est parue en 1982 et, dans deux ans, sa première rétrospective itinérante ira de Washington à Paris en passant par Berlin. Les épaules nues qui laissent deviner un torse avantageux, les cheveux grisonnants et ce visage incarné portent les marques du « style marbré » que Freud affirmera davantage sur toutes les chairs de ses portraits à venir. »

freud - Lucian Freud [Exposition] - Page 6 Painte11

Painter working, Reflection, 1993

« Huit ans après, la pose n’est plus guère impériale et plus du tout affectée. Au milieu d’un atelier au vide immense, traversé par les lames d’un parquet qui ressemble à une mare, Freud abandonne les cadrages compliqués dont il était coutumier. Nu de la tête aux pieds, simplement chaussé de ces pauvres godillots délacés, le peintre brandit faiblement ses outils, la palette et le couteau, semblant même vaciller sous le poids des ans ou de la tâche à accomplir. A moins que ce ne soit l’effet de cette touche grumeleuse, adoptée par l’artiste dans les années 1990 et qui commence à bourgeonner à la surface de la toile, rendant la chair plus décrépite, mais paradoxalement, aussi, plus transparente. »

freud - Lucian Freud [Exposition] - Page 6 Self-p10

Self-portrait, reflection, 2002

« A 80 ans, Lucian Freud fait plus que jamais corps avec la peinture. Vêtu de cette veste grise qu’il portait déjà à même la peau de l’autoportrait de 1965, il se confond peu à peu avec ce pan de tableau qui pourrait aussi bien être le mur barbouillé de l’atelier. En tout cas, ses taches brouillonnes et épaisses débordent sur les cheveux du peintre, rasent de près le cou et le foulard et reflètent même les rides, les plaques et les ombres du visage. Morceau d’abstraction, cet arrière-plan est alors aussi l’image brouillée, brouillonne et en tourbillon de l’artiste lui-même. Comme si, malgré la mine fatiguée du vieillard, quelque chose vibrait encore allègrement sous son crâne. »

freud - Lucian Freud [Exposition] - Page 6 The_pa11

The painter surprised by a naked admirer, 2004

“Dans cette composition ambiguë, l’artiste s’amuse à mettre en abyme le thème traditionnel du peintre et de son modèle. Mais, surprise, le tableau ébauché à droite est bel et bien celui que nous avons sous les yeux ; et non un portrait de la jeune femme assise aux pieds du maître. Lequel semble mimer l’acte de peindre plutôt que de peindre véritablement (il se tient bien trop loin de la table et bien trop près du modèle). En somme, l’artiste prend la pose. Et peut-être pose-t-il plus pour sa jeune admiratrice nue que pour lui-même. Cet autoportrait accompagné plante donc une situation rocambolesque. Lucian Freud, 85 ans, toujours fringuant, se dépeint en train d’être contemplé par son modèle. »

Sujet: Re: Lucian Freud [Exposition] Mar 6 Sep 2011 - 21:02

freud - Lucian Freud [Exposition] - Page 6 Large_11

Large interior, Paddington, 1968

« L’aura sui se dégage d’une personne est autant une part d’elle que sa chair. L’effet qu’ils produisent dans une pièce est aussi prégnant que leur couleur ou leur odeur. L’effet produit dans l’espace par deux individus peut être aussi différent que l’effet d’une bougie et d’une lumière électrique. Le peintre doit donc être autant conscient de l’environnement que de son sujet. C’est à travers l’observation et la perception de l’atmosphère qu’il peut apprécier le sentiment qu’il souhaite faire ressortir à travers sa peinture. »
Lucian Freud

Sujet: Re: Lucian Freud [Exposition] Mar 6 Sep 2011 - 21:10

freud - Lucian Freud [Exposition] - Page 6 Acacia10

Acacia, 1975

Sujet: Re: Lucian Freud [Exposition] Mar 6 Sep 2011 - 21:15

freud - Lucian Freud [Exposition] - Page 6 Large_12

Large interior, Notting Hill, 1998

« L’homme au premier plan lit. L’autre, au fond, allaite. Tout va bien dans le meilleur des mondes. C’est que l’essentiel, ici, réside dans le télescopage entre les différents espaces qui se suivent, mais aussi dans le passage abrupt entre le premier plan et le fond, l’ouverture sur l’extérieur. Bref, dans la complexité du dispositif, qui accentue le décalage de la peinture avec la réalité. »

Sujet: Re: Lucian Freud [Exposition] Dim 11 Sep 2011 - 21:05

freud - Lucian Freud [Exposition] - Page 6 Two_ir10

Two Irishmen in W11, 1984

« Double portrait effectué en atelier, s’évadant dans le paysage urbain londonien, Two Irishmen apparaît comme une œuvre emblématique du répertoire de Lucian Freud. Dans une pose quelque peu malaisée, les deux hommes transmettent la difficulté que Freud ressent dans la composition à plusieurs modèles à la fois, mais aussi leur propre embarras d’être là. Dans un souci grandissant d’une représentation vériste de la personnalité, Freud rend compte du moindre détail : le relief d’une cravate bordeaux ou la dorure du remontoir de la montre dissimulée sous la manche. Malgré la volonté de révéler au plus près leur fond intérieur, Freud avoue : « Je ne connaîtrai jamais ces personnes. » Pourtant, chaque infime coup de pinceau, chaque touche de pigment, donnant toute la matérialité des textures et toute la densité du grain de peau, connaît ces deux personnages. »

Sujet: Re: Lucian Freud [Exposition] Dim 11 Sep 2011 - 21:12

freud - Lucian Freud [Exposition] - Page 6 Standi10

Standing by the rags, 1988

« Plus qu’un nu, c’est la nudité que l’artiste exhibe ici. Nudité totale et brutale, désespoir de tout voyeuriste, car elle ne tolère aucun voile. Le peintre fait ressentir la vérité de ce corps nu, non par l’imitation parfaite de ses traits, mais en le différenciant de toute autre personne par une série d’ « accidents » gravés par le temps. Sans pathos ni sentiments, fascinant et révulsant, ce cadavre exquis, cette « Vierge aux chiffons », séparée du spectateur par l’espace de la toile, est à la fois intouchable et terriblement tangible. »

Sujet: Re: Lucian Freud [Exposition] Dim 11 Sep 2011 - 21:17

freud - Lucian Freud [Exposition] - Page 6 Two_me10

Two men in the studio, 1987

“Si je représente des gens dans un tableau, j’aime avoir l’impression qu’ils s’y sont endormis ou qu’ils ont joué des coudes pour y figurer. Ainsi, ils ne sont pas là pour rendre la peinture agréable à l’œil, ou plus plaisante, mais ils occupent l’espace du tableau et je les enregistre. »
Lucian Freud

Sujet: Re: Lucian Freud [Exposition] Dim 11 Sep 2011 - 21:23

freud - Lucian Freud [Exposition] - Page 6 Leigh_10

Leigh Under the skylight, 1994

« Ma conception du portrait provient de ma déception devant les portraits qui ressemblaient à des gens, mais n’étaient pas comme eux. […] Pour moi le tableau est la personne. »
Lucian Freud

Sujet: Re: Lucian Freud [Exposition] Dim 11 Sep 2011 - 21:29

freud - Lucian Freud [Exposition] - Page 6 Girl_i10

Girl in attic doorway, 1994

« Dans une culture dominée par la photographie, nous avons perdu la tension que le pouvoir de censure du modèle instaure dans le portrait peint. »
Lucian Freud

Sujet: Re: Lucian Freud [Exposition] Dim 11 Sep 2011 - 21:37

Les quelques nus que tu viens de poster montrent bien qu'il ne peint pas seulement des corps inesthétiques selon les critères dominants. Il en a finalement représenté autant que de genres physiques différents.

Sujet: Re: Lucian Freud [Exposition] Dim 11 Sep 2011 - 22:02

Tout à fait !

Si l'on connaît surtout de Lucian Freud ses nus les plus difformes, cela découle certainement d'un choix inconscient des spectateurs.
Je ne pense pas que Freud ait particulièrement cherché à choquer ou à montrer du grotesque et du monstrueux. Il a simplement voulu représenter ce qu'il voyait, et si la réalité est parfois monstrueuse, il ne cherche pas à l'embellir.

Sujet: Re: Lucian Freud [Exposition] Mar 13 Sep 2011 - 21:04

freud - Lucian Freud [Exposition] - Page 6 Naked_10

Naked portrait with red chair, 1999

“Il assistait à la toilette de son père […] et contemplait avec une stupeur mêlée de délices, les muscles du bras, les dégradations de couleurs de la peau nuancée de rose et de jaune, et le réseau bleuâtre des veines. »
Baudelaire, Le peintre de la vie moderne

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