Persécution [Patrice Chéreau]

Persécution


Mais bon sang! Qu'est-ce que Chéreau a foutu avec ce film?! On dirait une caricature de son cinéma que j'aime pourtant tellement d'habitude... Tout m'a paru excessif, faux, artificiel, souvent mal joué (à part Romain Duris qui est exceptionnel et Charlotte qui arrive presque à émouvoir par instant). On sent la volonté d'aller au plus profond, au plus vrai des sentiments, au coeur de la tourmente névrotique de ses personnages. "Je t'aime mais je n'y arrive pas" "On s'aime mais on se détruit et il faudra se séparer...". Alors comme il faut bien essayer de comprendre pourquoi Daniel (Romain Duris) est si écorché vif, si impulsif, si méfiant, si prêt à fuir quand on approche et à s'approcher quand on s'éloigne... on a droit à une scène de "confession" où il raconte son histoire familiale. Et à ce stade je m'en fichais tellement que ça me paraissait de grosses ficelles sans chair, sans vie. Aucune émotion alors que tout le final tend à nous plonger dans la mélancolie de l'amour qui ne peut pas se vivre. Et il y a ce personnage de clochard passionné si mal joué par Anglade... Lui aussi n'a qu'une obsession mais restera sur le côté...

Alors il y a quand même de belles séquences. Des scènes de groupe assez virtuoses, des gros plans sans concession, une musique d'Eric Neveux avec des accords de guitare électrique qui rappelle un peu le climat de "Crash", de belles scènes d'intimité. Mais ça ne suffit pas et pas mal de gens quittent la salle. Je les comprends.

Reste un beau générique de fin grâce à la magnifique version de la chanson Mysteries of love (David Lynch/Badalamenti) par Antony and the Johnsons (encore lui après le film d'Honoré ou celui d'Isabelle Coixet notamment). Chéreau a toujours su bien choisir ses musiques et ce film n'échappe pas à la règle.

Encore de ces films dont on perçoit bien toutes les intentions mais que la réalisation n'arrive pas à faire vivre. Je suis resté totalement en dehors.

Antony: Mysteries of love

Et la version originale par Julie Cruise dans le film de Lynch: Blue Velvet

aériale a écrit:

Chéreau fatigue un peu quand il force l'introspection, il tombe vite dans l'excés.

C'est très vrai. Il semble tout prendre avec une extrême gravité et ses personnages sont toujours au bord du trop, de l'hystérie, de la complaisance, sous couvert de "vérité". Un cinéma de la névrose. Pourquoi pas! Ceux qui m'aiment prendront le train, Gabrielle ou surtout Intimité sont de très beaux films. Mais quand il appuie trop le trait comme ici ça devient risible et peu crédible. Le problème dans Persécution c'est qu'en plus beaucoup de scènes sonnent "faux". Alors qu'il est si bon quand il met en scène les autres (au théâtre ou à l'opéra).

Marko a écrit:

Persécution


Mais bon sang! Qu'est-ce que Chéreau a foutu avec ce film?!

Oui, bon, il y a un mérite à reconnaître au dernier Chéreau, c'est qu'il ne laissera personne indifférent. Pour ce qui me concerne, c'est l'agacement qui prédomine, avec un énorme sentiment d'inachevé. Persécution devrait d'ailleurs être écrit au pluriel, Anglade vs Duris, Duris vs Gainsbourg (deux relations traitées sans grande profondeur principalement la première) et surtout Duris vs Duris (car c'est bien de cela qu'il s'agit d'un type qui se rend la vie impossible en permanence. Faute de s'aimer suffisamment ?). Le début du film est superbe, pourtant, cette longue scène de métro, ces gros plans sur des visages hébétés, c'est du vrai cinéma qui prend aux tripes. Après, ça se gâte, trop de texte, pas assez d'image, des personnages sacrifiés (pauvre Hiam Abbas), et de temps à autres des fulgurances (l'accident de moto). Et puis la science du montage du cinéaste, quand même, qui rend la chose plus comestible...Mais Chéreau nous tient constamment à distance, trop d'intellect pas assez de chair, oh ! Allez, ceux qui l'aiment prendront le prochain train.

traversay a écrit:

Le début du film est superbe, pourtant, cette longue scène de métro, ces gros plans sur des visages hébétés, c'est du vrai cinéma qui prend aux tripes (...) et de temps à autres des fulgurances (l'accident de moto). Et puis la science du montage du cinéaste, quand même, qui rend la chose plus comestible...Mais Chéreau nous tient constamment à distance, trop d'intellect pas assez de chair, oh ! Allez, ceux qui l'aiment prendront le prochain train.

On a vu la même chose. Je n'aime pas beaucoup ce film malgré ces quelques rares beaux moments.

traversay a écrit:

Marko a écrit:

Persécution


Mais bon sang! Qu'est-ce que Chéreau a foutu avec ce film?!

Oui, bon, il y a un mérite à reconnaître au dernier Chéreau, c'est qu'il ne laissera personne indifférent. Pour ce qui me concerne, c'est l'agacement qui prédomine, avec un énorme sentiment d'inachevé. Persécution devrait d'ailleurs être écrit au pluriel, Anglade vs Duris, Duris vs Gainsbourg (deux relations traitées sans grande profondeur principalement la première) et surtout Duris vs Duris (car c'est bien de cela qu'il s'agit d'un type qui se rend la vie impossible en permanence. Faute de s'aimer suffisamment ?). Le début du film est superbe, pourtant, cette longue scène de métro, ces gros plans sur des visages hébétés, c'est du vrai cinéma qui prend aux tripes. Après, ça se gâte, trop de texte, pas assez d'image, des personnages sacrifiés (pauvre Hiam Abbas), et de temps à autres des fulgurances (l'accident de moto). Et puis la science du montage du cinéaste, quand même, qui rend la chose plus comestible...Mais Chéreau nous tient constamment à distance, trop d'intellect pas assez de chair, oh ! Allez, ceux qui l'aiment prendront le prochain train.

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Hiam Abbas si belle et si émouvante dans les Oliviers !

France a écrit:

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Hiam Abbas si belle et si émouvante dans les Oliviers !

Géniale oui! Mais alors là c'est le micro rôle sans intérêt (à part l'entendre parler en français).

Eh ben...
J'ai été soufflée par Persécution. Je ne dirais pas que c'est le film parfait, vous avez raison sur le jeu des acteurs un peu bancal parfois (Anglade, de toute façon, je ne l'ai jamais piffré), et des bouts de moments un peu trop... distants ?

Mais j'ai trouvé que le côté bavard à se prendre la tête pour des petits riens, et à penser des heures entières sur du vide, à faire des suppositions, et tout ça pour essayer de garder l'autre, de l'aspirer, de le retenir dans son univers, c'était EXACTEMENT ça ! Chéreau sait de quoi il parle. Et il parle. Parce que c'est quelque chose de très "intellectuel" l'obsession qui mène à la persécution. Et c'est ça le thème du film, non pas des histoires d'amour, des histoires de rencontres. Personne ne se rencontre vraiment, on est au moment où l'on veut que l'autre soit à soi, soit presque soi. Des moments de solitude, de colère, de haine, d'incompréhension.

Les dialogues entre Daniel et Sonia sont extraordinairement terribles ! On sent tout le vide qu'il y a entre eux. Même les moments où ils ne parlent pas d'ailleurs, où ils s'observent, se guettent, tentent de se voir eux en l'autre.

Par contre... Anglade gâche tout, il joue mal ce gars. Il est creux. Il est mou. Et en même temps, pas assez pour être mou et creux comme quelqu'un qui se remplit de l'autre.

Les scènes de bar sont incroyables : ces moments de foule où Daniel papillonne, tente de la jouer cool avec tout le monde, mais n'arrive pas à aller vers Sonia, vers Elle. Il joue le social, l'aimable, le dragueur, mais on sent qu'il la veut elle, et elle sans les autres. Parce qu'avec les autres, elle n'est pas sa Elle à lui. Elle est Autre.
Et c'est bordélique dans sa tête, comme dans ces bars.

Les couleurs sont extra.

Et ouais, Traversay a raison : la scène de l'accident de moto est top.

Par contre, j'ai un peu eu peur avec la scène du métro, jusqu'à la claque, la claque et la réaction : waou. Mais le Daniel qui va harceler la femme après, j'ai zu peur, j'ai trouvé ça de trop, les mots, là. Enfin.


C'est un film qui dit des trucs que je comprends.
Même avec ses imperfections, il est à voir.

Tu me donnerais presque envie de le revoir mais beaucoup de choses m'ont paru "trop" chez un cinéaste qui en fait déjà beaucoup d'habitude. Névroses et incompréhension de l'autre comme dans la vie tu as raison mais il y a trop d'artifices dans le film pour moi. Surtout les "explications" psychologisantes sur le trauma familial. Anglade est épouvantablement mauvais alors que je l'aime bien le plus souvent. On est quand même très loin de la force d'Intimité qui est peut-être son meilleur film. J'ai finalement vu une caricature de paranoïa et d'hystérie étirée en longueur.

Je n'ai pas vu Intimité (je sais j'ai tort).
Et j'avoue, l'explication familial a du me paraître inutile également car je l'ai complètement zappée (quelques jours à peine après avoir vu le film, c'est dire).
De là à dire caricature de la paranoïa et d'hystérie... on n'a pas vu le même film... ça me semblait au contraire très juste et justifié les moments de paranoïa (d'ailleurs j'appellerais même pas ça de la paranoïa), et l'hystérie... ben j'ai pas vu d'hystérie.

Les dialogues ! Bordel les dialogues sont extra !

Queenie a écrit:

et l'hystérie... ben j'ai pas vu d'hystérie.

L'hystérie elle est dans cette agitation permanente et ces fameuses "prises de tête" dont tu parles. On se rapproche, on s'éloigne, on se cogne puis on se calme et c'est reparti pour un tour. Hystérie pour théâtralisme, débordements émotionnels, exacerbation de la "souffrance" comme revendiquée... Ils sont à fleur de peau en permanence, écorchés vifs (surtout lui). On dirait que Chéreau a voulu mettre sur une scène de théâtre les passions humaines dans un condensé de névroses qui pour moi fait "trop", moins bien dosé que d'habitude. Théâtral plus que "vrai". Difficile d'expliquer pourquoi parfois un film fonctionne pour soi et pourquoi d'autres fois on ne voit que les excès et les artifices (la scène de la moto dont vous parlez avec Traversay par exemple).

Une critique qui fait écho à ce que j'ai ressenti en voyant le film: critikat
Je la cite non pas pour dire que je pense avoir "raison" mais pour mieux illustrer ce que je voulais exprimer sur le film.

Extraits:

Citation :

L’un des profonds manques de Persécution est l’absence de la nuance : si Chéreau avait décidé de nous livrer de façon brute son discours sur la peur d’aimer, il se serait sans doute moins noyé dans le chichi verbeux et la répétition.

Citation :

La violence des rapports humains qui caractérisaient souvent les personnages de Chéreau est ici dévoyée par les poses, les tics de Duris et de Daniel. Si parfois le réalisateur a su imposer une certaine tendresse dans l’hystérie (comme en témoigne le beau personnage de Valéria Bruni-Tedeschi dans Ceux qui m’aiment prendront le train), cette hystérie en devenait positive, car nue, réelle, sans fard. Dans Persécution, tout semble amplifié, faux, poseur, à tel point que l’on finit par se désintéresser totalement et de Daniel, et du film.

Le truc, c'est que pour moi "vos" critiques collent pas, parce que vous avez vu un film sur une histoire d'amour, et des envies d'être ensemble, la peur d'aimer ou d'être aimé... alors que moi j'ai vu un film sur l'obsession de l'amour, le narcissisme de vouloir l'autre, l'accaparer, qui passe forcément par une sorte de mise en valeur de soi, Daniel joue même sur ses défauts, pensant que c'est sa beauté, sa force. Il se met en scène. D'où le côté verbeux, parce qu'il faut qu'il s'entende, c'est à travers ses mots que leurs rapports existent vraiment, c'est là qu'ils prennent corps et réalité.
Dans le silence, y'a l'absence.

Après, c'est sur, c'est pas très bien amené, mais ce n'est pas dans la surenchère je trouve. Il aurait pu en faire des tonnes de plus en lourdeurs, et en trucs glauques. Alors que là, c'est de la tension tout le long.

Je vais le revoir! C'est quand même du Chéreau. Et toi fonce voir Intimité!