Alfred Boudry est traducteur (James Flint, Nikki Gemmell et Jeff Noon); il est auteur et metteur en scène de théâtre...
mais surtout il est à l'origine de
La bibliothèque nomédienne, sorte d'ovni littéraire, écrit à plusieurs mains (avec les Gaillards d'avant), dans le cadre d'un atelier d'écriture bilingue et publié par les éditions de L'Atalante.
La Bibliothèque nomédienne est constituée de différents textes (écrits par des personnes différentes, mais la plupart sont de Boudry ou traduits par ses soins). Ces textes sont une compliation de tout ce qui a été conservé des écrits sur la Nomédie.
Qu'est-ce que la Nomédie, me direz-vous ? La Nomédie est un continent égaré, caché presqu'au milieu du Pacifique, il surgit et disparait au fil du temps qui passe. Rares sont ceux qui ont pu l'atteindre, plus rares encore ceux qui en sont revenus et leurs témoignages ont pratiquement tous disparus. Pourtant les rédacteurs de
La Bibliothèque Nomédienne cherchent et trouvent des traces du continent perdu dans des récits dont ils nous révèlent toute la substantifique moelle.
Ce livre est fulgurant. Il est à la fois, preuve vivante d'imagination fertile puisque chaque texte relate un épisode de la recherche de ce continent perdu et tout y passe : étude linguistique, étude des moeurs et coutumes des nomédiens, littérature fantastique et journal de voyage, essai sur la faune et la flore, extrait de carnets intimes... Le lecteur plonge dans l'univers de la Nomédie à travers des approches toutes différentes, toutes ludiques...
Les règles d'écriture sur la Nomédie étaient simples puisqu'elles répondaient à trois impératifs :
La Nomédie ne contient pas de ruines
Les Nomédiens ne pratiquent aucun rituel
Vous ne ferez pas de témoignages nomédiens directs
Les textes peuvent se lire à la suite ou dans le désordre, peu importe, mais par un jeu subtil de références discrètes, ils se renvoient les uns aux autres, stimulant ainsi l'imagination même du lecteur (et son sens du détail).
ce texte est également une réflexion passionnante et déroutante sur l'Homme Moderne, sur notre impossibilité à envisager une société sans classe, sans règle, ni faits religieux, une société dans laquelle il n'y aurait pas de chef, pas de clans, pas de rituels, une société dans laquelle la guerre n'existerait pas, où personne ne voudrait posséder, conquérir, gagner, où les échanges humains se feraient dans le respect de l'autre et au travers des sourires de bienvenu.
Car il s'agit bien d'une utopie dont nous parlent les auteurs de ce continent disparu, l'utopie d'un monde en paix, ouvert à l'étranger (tout en se protégeant de nos spéculateurs en s'immergeant quand bon lui semble), un monde sans règles (même pas grammaticales), un monde sans économie (ou en tout cas une économie sans désir du gain, basée sur l'échange et la satisfaction immédiate des désirs), un monde sans attaches (pas de propriété, pas de mariage, pas de patrons, ni d'employés).
Réjouissant, stimulant, inventif et tendu vers une réflexion rafraichissante,
La Bibliothèque nomédienne est un véritable bonheur de lecture, une épopée envahissante, une Bible reliant passé et avenir (découverte colonisatrice et retour à la nature...), une aventure à lui seul, dont je vous conseille vivement la lecture.