Jean Pierre Spilmont

Citation :

Né en 1937 à Vendôme, Loir-et-Cher
Vit en Savoie

Outre son oeuvre poétique et romanesque, Jean-Pierre Spilmont est l'auteur de nombreuses dramatiques pour la radio et de pièces de théâtre.
Lauréat de la Fondation de France en 1984, il a reçu le Prix du Livre d'histoire de la Société des gens de lettres en 1986 pour "Jacques Balmat dit Mont-Blanc". Il a écrit un essai sur la Vallée des Merveilles et contribué à l'ouvrage collectif "Itinéraires littéraires en Lozère".
Boursier de l'Office Rhône-Alpes du livre en 1993, du ministère de la Culture, direction du Théâtre en 1994, et du Centre national du livre en 1998.
Depuis une vingtaine d'années, il écrit avec sensibilité, avec dépouillement, pour dire l'essentiel, pour communiquer, pour rencontrer.

-Sébastien-

Un roman (très court) dont j'aimerais vous parler. Je l'ai lu hier en peu de temps, il débute sur un face à face, celui d'un gamin et d'un homme, sans doute un responsable, froid et austère. On ne sait pas qui exactement, ni pourquoi il est là et lui non plus on dirait. On va juste entrer dans le mental de ce jeune garçon de 13 ans par sa voix et ses pensées, livrées telles quelles, de façon abrupte et terriblement poignante.

Citation :

J'ai peur.
Bourgoin se tait. Il me regarde. Il ne pose plus de questions. Il y a un long silence.
Je n'ai presque plus froid.J'ai peur.
C'est le silence qui me fait peur.
D'habitude,j'aime le silence parce que je me sens chez moi. A l'abri.
Je vois à nouveau le couteau à huîtres et le regard de Frémieux.
Je ferme les yeux.
Quand je les ouvre, Bourgoin n'a pas un sourire de loup. Ca me rassure un peu.

Rien de trop, juste la pensée de l'instant fulgurante, triste et meurtrie à telle point qu'elle nous prend à la gorge. Une pensée qui se heurte au monde des adultes qui ne le comprend pas ou ne cherche pas. Alors Sebastien se mure dans le silence qui reste son seul refuge, il évite les autres et se dit coupable, depuis toujours. Mais de quoi?

Ses questions tournent en boucle dans sa tête. Pourquoi tant de haine envers les faibles? pourquoi les forts se liguent toujours contre les mêmes? Pourquoi les bassesses et les lâchetés ? Au milieu de ce désert il y a quelques trouées, son copain Dubochel, sa jolie maîtresse, et surtout son grand père, infirme, et qu'il aime passionnément

Citation :

Grand-père m'attendait. Il me souriait en me tendant les bras. Je me suis précipité pour l'embrasser, si vite quej'ai failli renverser son fauteuil roulant. Il n'a pas cessé de sourire. Il m'a pris la main et l'a serrée dans les siennes.
C' est drôle comme ses mains me faisaient du bien. C'était rugueux. C'était rêche et presque râpeux. C'était énorme, avec de grosses veines bleues courant jusqu'aux poignets. Mais c'était chaud. Rassurant. Un jour, je m'étais dit que ces mains étaient un refuge. C'était comme si, d'un coup, elles gommaient mes peurs.

Un jour il apprend avec fierté qu'il a le droit de pousser sa chaise pour l'accompagner à Paris lors d' une rencontre d'Anciens d'Algérie. Ce jour là son monde de silence va changer...

Encore un roman troublant, peu bavard et très concentré, mais qui dit beaucoup. Ses phrases courtes frappent avec force et on reste bête, témoin de l'indifférence et de l'injustice des hommes, touchés au coeur par des vérités que l'on étouffe et une sorte de désespérance profonde face à la cruauté humaine.
Je n'ose en dire plus, c'est un livre fort. Une petite pépite dont on ne sort pas indemne.

Citation :

Ca s'est passé à l'intérieur. Invisible. Les larmes à l'intérieur, ça fait toujours plus de dégâts que celles qui sortent.

Ce roman m'intrigue je dois dire. Il a l'air d'être génial, Vous m'avez totalement convaincu moi qui ne connaissais absolument pas l'auteur. Je l'ajoute sur ma PAL.
Merci pour ce fil Aériale!

aériale a écrit:

Boursier de l'Office Rhône-Alpes du livre en 1993, du ministère de la Culture, direction du Théâtre en 1994, et du Centre national du livre en 1998.
Depuis une vingtaine d'années, il écrit avec sensibilité, avec dépouillement, pour dire l'essentiel, pour communiquer, pour rencontrer.

-Sébastien-

Aériale a écrit:

Un roman (très court) dont j'aimerais vous parler. Je l'ai lu hier en peu de temps, il débute sur un face à face, celui d'un gamin et d'un homme, sans doute un responsable, froid et austère. On ne sait pas qui exactement, ni pourquoi il est là et lui non plus on dirait. On va juste entrer dans le mental de ce jeune garçon de 13 ans par sa voix et ses pensées, livrées telles quelles, de façon abrupte et terriblement poignante.

[...]Encore un roman troublant, peu bavard et très concentré, mais qui dit beaucoup. Ses phrases courtes frappent avec force et on reste bête, témoin de l'indifférence et de l'injustice des hommes, touchés au coeur par des vérités que l'on étouffe et une sorte de désespérance profonde face à la cruauté humaine.
Je n'ose en dire plus, c'est un livre fort. Une petite pépite dont on ne sort pas indemne.

Je le commande!...

Oh vous me faites plaisir tous les deux
Vous devriez aimé, Gatsby aussi bien que Coline...Hâte de savoir!

C'est un texte fort que je verrais bien lu ou joué en public, comme je le disais à Coline, et qui m'a fait penser par certains côtés à Motobécane. Très poignant et très intériorisé dans les deux cas.

(D'ailleurs je vois que l'auteur écrit beaucoup pour le théatre)

Les extraits, et ce que tu en dis, m'accrochent indéniablement.

Oui et puis, l' éditeur, La Fosse aux ours, c' est une très bonne référence...

bix229 a écrit:

Oui et puis, l' éditeur, La Fosse aux ours, c' est une très bonne référence...

Oui, j'aime bien ce qu'ils éditent (Antoine Choplin entre autres) et l'ouvrage en lui-même est très soigné.
Mais cela me fait trop plaisir de vous le faire partager (ouais... j'ai vaincu mes bloquages...je vous le prête volontiers )

Qui le veut en prem's? Queenie, puis Gatsby (puisque Coline l'a déjà commandé?) Dites moi!

aériale a écrit:

bix229 a écrit:

Oui et puis, l' éditeur, La Fosse aux ours, c' est une très bonne référence...

Oui, j'aime bien ce qu'ils éditent (Antoine Choplin entre autres) et l'ouvrage en lui-même est très soigné.
Mais cela me fait trop plaisir de vous le faire partager (ouais... j'ai vaincu mes bloquages...je vous le prête volontiers )

Qui le veut en prem's? Queenie, puis Gatsby (puisque Coline l'a déjà commandé?) Dites moi!

Jveux bien être prem's !

Déjà commandé aussi, merci Aériale!

aériale a écrit:

-Sébastien-

Encore un roman troublant, peu bavard et très concentré, mais qui dit beaucoup. Ses phrases courtes frappent avec force et on reste bête, témoin de l'indifférence et de l'injustice des hommes, touchés au coeur par des vérités que l'on étouffe et une sorte de désespérance profonde face à la cruauté humaine.
Je n'ose en dire plus, c'est un livre fort. Une petite pépite dont on ne sort pas indemne.

Sébastien

"Je crois que c'est au début du mois de mai, cette année-là, que ç'a commencé à mal finir. »

Merci Aériale d’avoir attiré mon attention sur cet ouvrage!

Coup de cœur…Ou plutôt coup au cœur donné par ce court roman dont le narrateur, Sébastien, est un enfant…
Ses mots sont pudiques et simples…
On comprend assez vite que c’est dans un commissariat de Police qu’il tente de s’expliquer : on vient de le retrouver dans le métro, en fugue.

Sébastien est un enfant complètement meurtri par le désamour de ses parents. Ils n’eurent de cesse de vouloir se débarrasser de lui qui les encombre, les gêne, et leur fait honte à cause de son caractère spécial et de ses difficultés scolaires.
Sébastien faisait tache dans leur réussite de commerçants plutôt prospères.
Sans états d’âme, ils ont accepté qu’il soit retiré du système scolaire « normal » puis placé en pension aux Etangs, un joli nom pour désigner une institution spécialisée sévère .

"On n'avait qu'à se dire au revoir ici. Ils m'ont embrassé et souhaité bon courage, puis ils ont traversé le couloir sans se retourner. Je me suis assis sur le lit. J'ai pleuré puisque personne ne me voyait. "

A la pension, Sébastien, trop sensible à la souffrance des autres, se révolte et se déchaîne parfois, parce qu’il ne supporte pas que l’on s’attaque aux plus faibles… A Dubochel son seul ami par exemple…

Sébastien ne sort du pensionnat que pour rendre visite, durant les vacances et les week-ends, à ses grands-parents, des êtres bons. Chez eux, et surtout auprès de son grand-père, un vieil homme handicapé, Sébastien trouve l’affection que ne lui donnent pas ses parents. Ils se tiennent tous deux dans de longs silences tendres et complices :

"On ne s'était encore pas dit un mot. On s'était juste fait les gestes importants. "

Sébastien le taciturne, le silence c’est généralement son « abri »…
Dans le commissariat, il a froid, il a peur, mais il parle…Il le faut…
Au bout de son récit, lui donnant toute sa force, la chute du roman, inattendue et cruelle. (Surtout ne pas aller feuilleter les dernières pages…)
Je suis émue d' y repenser...J'en ai ai encore des frissons...

Merci à toi pour ton commentaire à chaud Coline

coline a écrit:

Je suis émue d' y repenser...J'en ai ai encore des frissons...

Et ça pour moi ça vaut beaucoup!

Spoiler:

aériale a écrit:

Spoiler:

Aucun pathos, non...C'est brut!...L'enfant qui se raconte n'est pas loquace...Pas un mot de trop pour tirer des larmes...Et c'est bien pour cela qu'il touche autant...
(d'ailleurs, c'est bien connu, quand on veut trop faire pleurer le lecteur ou le spectateur on finit par l'agacer... voire le faire rire)

Etrangement cela ne m'attire pas du tout. Peut être que d'autres commentaires font faire fondre mes réticences....

Sébastien

Aériale et Coline ont dit l'essentiel de l'histoire, et je suis entièrement d'accord avec elles.

Ce livre s'avale. Vite, et puis des phrases sur lesquelles on revient on s'attarde, qui râpent. Parce que Sébastien n'est pas un gentil (on dirait presque la naissance d'un monstre, en pensant au fil de Marko). Je n'ai pas eu de condescendance, de pitié pour lui. Non. J'ai fermé le poing, et j'avais envie qu'il cogne.
Il souffre, il ne le montre pas, et ne veut même pas en entendre parler.

Ses parents sont de belles ordures comme il en pullulent. Qui délaissent, qui laissent des traces, des blessures, dans lesquelles Sébastien refuse de s'enfoncer.

L'appel du sang qui recherche la pureté. En a besoin. S'accroche au fil ténu, un peu fantasmatique, du sauvetage, de l'espoir.

Mais la vie est crasse.
Sébastien ne s'en fout pas, il fait avec. Il se bat, pour être tranquille, avec une ombre de plus en plus envahissante qui vient lui faire grincer les os.


L'auteur n'en fait vraiment pas plus qu'il n'en faut. Et il serait peut-être facile de passer à côté de ce récit. Suffit d'avoir les paupières collées par les non-dits.

Un texte qui n'est pas anodin. Qui me donne à penser qu'il pourrait y avoir une suite.

Queenie, Coline et Aériale on suffisament résumé l'histoire pour que je vous en dise plus.

Merci Aériale pour cette lecture.
Je dois dire que j'ai tout de suite accroché à la lecture du résumé derrière.
Le style de Spilmont m'a charmé. Ces phrases courtes qui étaient comme des coups de marteaux mon notre esprit. Ces chapitres qui se finissent par le blanc de la page.
Un livre qui à chaque phrase m'a fait réfléchir avec un mélange de pitié, de révolte, de tristesse, de joie.

Un livre qui laisse perplexe, qui restera ma bibliothèque coups de coeur.