Lecture en commun - Joseph Kessel : Belle de jour

je poursuivrai ma lecture ce soir en rentrant

Hem, quand je dis Sandrine c'est Séverine évidemment...

Steven a écrit:

Kenavo, en principe je ne lis pas les préfaces non plus. Dans celle-là, j'ai trouvé intéressant que l'auteur se sente obligé de se justifier, de se défendre presque. Ca replace quand même le roman dans une époque.
Effectivement, le prologue semble être un fil rouge, qui tracera peut-être le comportement de Séverine dans le futur.

Ensuite, Kenavo, tu m'ouvres de nouvelles perspectives. Cette dernière phrase, je ne l'avais pas du tout lu comme ça, plutôt comme une certaine absence de passion charnelle dans le couple, pas une absence totale de rapports.
Il y a beaucoup de passion dans le couple, il me semble. Mimi a raison. Mais je la sens surtout de la part de Séverine, car Pierre quand il la regarde, voit les défauts de sa femme, même si il les aime. Elle le voit né sous le signe de l'harmonie et de la force.

Et elle, elle le voit parfait, plus beau qu'elle, brillant chirurgien etc, un petit dieu quoi. Cette admiration, ce fait de le mettre sur un piédestal, ce n'est pas un prétexte pour le tenir à distance et se refuser physiquement à lui ?
Je sens que ça va psychologiser sévère sur cette LC, pire que pour Stamm.

je dois rester au bureau jusqu'à 20.30hrs, le temps de faire quelques manip sur internet.. mais pas la possibilité de lire.. je vais le faire dès que je suis à la maison et revenir pour psychologiser

kenavo a écrit:

je dois rester au bureau jusqu'à 20.30hrs, le temps de faire quelques manip sur internet.. mais pas la possibilité de lire.. je vais le faire dès que je suis à la maison et revenir pour psychologiser

et bon courage pour le boulot.

Steven a écrit:

Cette dernière phrase, je ne l'avais pas du tout lu comme ça, plutôt comme une certaine absence de passion charnelle dans le couple, pas une absence totale de rapports.

la lecture du 2e chapitre me donne encore plus de conviction qu'il n'y a pas eu de rapport entre ces deux personnes.. et si, seulement une fois.. mal tourné et du coup ils ont laisse de côté

Steven a écrit:

Il y a beaucoup de passion dans le couple, il me semble.

moi je ne vois aucune "passion" dans le sens du terme: ils s'aiment comme s'ils s'aimaient eux-mêmes.. ils se voient projetés comme un miroir dans l'autre et se sentent probablement bien avec ce sentiment de sécurité ("sécurité confuse" Séverine dit au début du 2e chapitre).. mais de la passion, amour fou, vraiment sentir quelque chose de plus profond pour l'autre? Non..

Nezumi a écrit:

Pour l'instant je dois dire que je trouve le roman intéressant, mais je ne suis pas particulièrement transportée

peut-être pas transportée.. mais très intéressée pour voir la suite.. même si je prévois l'histoire avec ce Husson et me demande comment Kessel va mener une histoire avec autant d'indices que Séverine va tomber pour ce type

Nezumi a écrit:

Le prologue est glaçant bien entendu, avec l'évocation du viol de Séverine.

tu l'as perçu comme viol? je pensais plutôt à une "approche indécente"

Nezumi a écrit:

D'ailleurs on a l'impression que Sandrine apprécie l'état dans lequel la met la maladie ("une volupté sans visage"), qu'elle éprouve ensuite lors du baiser avec Husson. Quand on sait que la maladie est décrite dans des termes qui évoquent le masochisme "(elle) fut d'une violence extrême. Une semaine entière, la jeune femme, lacérée par des ventouses scarifiées, livrée aux morsures des sangsues, haleta sur les berges de la mort", on se dit que Sandrine va chercher son plaisir de façon étrange (et cela annonce la suite).
Une sensation trouble qui contraste à nouveau avec l'amour pur et maternel qu'elle éprouve pour son mari Pierre.
Je dirais que le roman est pour l'instant assez sage mais que des aspects plus malsains se font jour.

oui.. cette maladie qui est assez 'révélatrice', en tout cas comment elle la décrit/l'éprouve..
et puis ce nouveau refus quand Pierre veut la toucher et comme tu dis, ce sentiment de l'amour maternel.. rien à voir avec des sentiments et idées qu'elle éprouve envers Husson

et celui-là est aussi un petit rigolo - le moment qu'elle lui 'obéit' et elle se remet dans son lit, il lui dit: "vous étiez faites pour le mouvement"
QUEL mouvement fait-on si on est allongé



et le titre s'explique aussi pour moi.. en tout cas j'ai mon idée là dessus

kenavo a écrit:

la lecture du 2e chapitre me donne encore plus de conviction qu'il n'y a pas eu de rapport entre ces deux personnes.. et si, seulement une fois.. mal tourné et du coup ils ont laisse de côté

Je pense aussi comme toi. Comme si les personnages de Chesil Beach étaient restés ensemble ?

kenavo a écrit:

peut-être pas transportée.. mais très intéressée pour voir la suite.. même si je prévois l'histoire avec ce Husson et me demande comment Kessel va mener une histoire avec autant d'indices que Séverine va tomber pour ce type

kenavo a écrit:

et celui-là est aussi un petit rigolo - le moment qu'elle lui 'obéit' et elle se remet dans son lit, il lui dit: "vous étiez faites pour le mouvement"
QUEL mouvement fait-on si on est allongé

Brr, il est immonde cet Husson. Difficile de comprendre le trouble qu'il suscite chez Sandr Séverine. Ou plutot si, si on comprend qu'elle est attirée par ce qui la dégoute.

kenavo a écrit:

tu l'as perçu comme viol? je pensais plutôt à une "approche indécente"

C'est une impression, en lisant entre les lignes, comme s'il y avait une ellipse. Le fait qu'il la laisse comme morte, complètement tétanisée...

En tout cas le fait d'en parler me donne envie de retourner à ma lecture! C'est super pour ça, les LC!

Nezumi a écrit:

Comme si les personnages de Chesil Beach étaient restés ensemble ?

oui.. en effet.. un bel exemple..

Nezumi a écrit:

Brr, il est immonde cet Husson. Difficile de comprendre le trouble qu'il suscite chez Sandr Séverine. Ou plutot si, si on comprend qu'elle est attirée par ce qui la dégoute.

oui.. et en même temps je peux aussi comprendre, pas besoin d'aller chercher trop loin, je l'ai vécu dans ma jeunesse, le moment qu'on a "le parfait" à côté, "la sécurité", "le garant de tout bonheur".. une petite veine de masochisme bousille le tout en se penchant vers l'immode

Nezumi a écrit:

C'est une impression, en lisant entre les lignes, comme s'il y avait une ellipse. Le fait qu'il la laisse comme morte, complètement tétanisée...

oui.. cet aspect de mort peut en être un indice.. mais à cet âge je pense (et non, je le sais, j'ai eu à 9 ans une expérience similaire) seulement le fait d'être touché laisse tétanisée..

Nezumi a écrit:

En tout cas le fait d'en parler me donne envie de retourner à ma lecture! C'est super pour ça, les LC!

oui.. j'adore pour cela aussi.. j'aime les LC

Moi non plus je n'ai pas vu le prologue comme un viol à proprement parlé, mais plutôt comme des attouchements prononcés, ou pas , mais des attouchements, pas au delà en tout cas

kenavo a écrit:

Steven a écrit:

Cette dernière phrase, je ne l'avais pas du tout lu comme ça, plutôt comme une certaine absence de passion charnelle dans le couple, pas une absence totale de rapports.

la lecture du 2e chapitre me donne encore plus de conviction qu'il n'y a pas eu de rapport entre ces deux personnes.. et si, seulement une fois.. mal tourné et du coup ils ont laisse de côté

Il y a cette phrase dans le troisième chapitre qui me conforte dans mon avis : Ah Séverine, Séverine, si tu pouvais enfin ne plus m'accorder ton corps pour ma seule joie, mais la connaître toi-même et te perdre dans elle. Et un peu plus loin : Une fois encore elle se laissa prendre avec un sentiment maternel. Sans passer la lecture commune à débattre de ce point je pense qu'il y a du sexe entre eux, mais, pour aller dans ton sens, du sexe par pure convention, sans passion. Et Pierre n'est pas satisfait. Repensant à des maîtresses qu'il avait eues...
Le choix de la narration est surprenant. C'est un narrateur extérieur, mais on semble par moment être au plus près des pensées de Séverine. Le "je" conviendrait mieux par moment.

kenavo a écrit:

Steven a écrit:

Il y a beaucoup de passion dans le couple, il me semble.

moi je ne vois aucune "passion" dans le sens du terme: ils s'aiment comme s'ils s'aimaient eux-mêmes.. ils se voient projetés comme un miroir dans l'autre et se sentent probablement bien avec ce sentiment de sécurité ("sécurité confuse" Séverine dit au début du 2e chapitre).. mais de la passion, amour fou, vraiment sentir quelque chose de plus profond pour l'autre? Non..

Dans le chapitre un, la scène du traineau, le regard se Séverine sur Pierre, cette passion je la ressens. Dans les chapitres suivants, effectivement, c'est autre chose, comme une image de la passion, sans la profondeur qui va avec.

kenavo a écrit:

Nezumi a écrit:

Le prologue est glaçant bien entendu, avec l'évocation du viol de Séverine.

tu l'as perçu comme viol? je pensais plutôt à une "approche indécente"

L'auteur laisse une part d'interprétation assez large de ce passage. Je ne l'ai pas ressenti comme un viol physique, mais quand même pour un viol de l'enfance et de sa pureté.
Et je rejoins Nezumi, ce passage est glaçant.

Steven a écrit:

Il y a cette phrase dans le troisième chapitre qui me conforte dans mon avis

oui, je viens aussi de lire le 3e chapitre et j'ai vu..
mais comme tu dis, elle fait son "devoir" mais sans plus

Steven a écrit:

Le choix de la narration est surprenant. C'est un narrateur extérieur, mais on semble par moment être au plus près des pensées de Séverine. Le "je" conviendrait mieux par moment.

oui, en effet.. cela donne une certaine 'froideur' à Séverine.. surtout que j'éprouve ses décrits de sentiments envers son mari comme très rationnel, bien éloigné de toute vraie passion

Steven a écrit:

Dans le chapitre un, la scène du traineau, le regard se Séverine sur Pierre, cette passion je la ressens. Dans les chapitres suivants, effectivement, c'est autre chose, comme une image de la passion, sans la profondeur qui va avec.

en effet, cette scène du traineau est bien pour illustrer un court moment de passion envers son mari.. un moment où elle se laisse aller.. qu'elle a envie de ne pas maîtriser la situation..

Steven a écrit:

Et je rejoins Nezumi, ce passage est glaçant.

ah oui, n'importe ce qui s'est en effet vraiment fait, la scène est terrible..

Chapitres 3,4 et 5

j'ai décidé d'arrêter de faire la comparaison avec le film de Bunuel, car s'il suit (pour l'instant) assez fidèlement l'histoire, le ton en est très différent. Difficile de comprendre ce qui se cache derrière le beau masque glacé de Deneuve, alors que le roman de Kessel offre au contraire une analyse psychologique très fouillée du personnage de Séverine.

Chap.3
On apprend qu'il y a bien des relations sexuelles entre les deux époux, mais que Séverine se "dévoue" (ou selon le terme du texte "servir!") pour le plaisir de son mari et n'en a jamais éprouvé aucun, ce qui désole Pierre évidemment. (Dans le film il ne semble y avoir aucun contact physique à ce stade de l'histoire par contre)
On découvre son goût pour les choses saines, claires, droites et "normales", il semble en grande partie due à son éducation:
Elle se rappela que Pierre l'appelait parfois sa drogue. Elle ne comprenait pas l'ombre ténébreuse et puissante de ce mot, et ne l'aimait pas, tellement lui répugnait tout ce qui s'écartait de la santé, de la norme (p.34)


Chap.4
Séverine apprend de Renée qu'une de leurs amies moins riches, Henriette "fait des passes" dans une "maison de rendez-vous".
Cela, et l'épisode cauchemardesque de dédoublement devant le miroir, sert en fait de déclencheur et des "forces essentielles" jusque là tapies dans l' inconscient de Séverine se réveillent avec violence:
"Déjà il y avait communication entre le monde ordonné où elle avait toujours vécu et celui qui s'était ouvert en elle sous la poussée d'un instinct dont elle hésitait à mesurer le pouvoir. Déjà se pénétraient,se liaient, son personnage habituel et l'être qui se réveillait en elle avec toute la vigueur que donne un long sommeil." (p.55)
A partir de là, Séverine se met à fantasmer sur des hommes brutaux qui la suivent dans des impasses sordides, ce qui va l'amener à se rendre à la maison de passe dirigée par Mme Anaïs, qui l'"embauche" et la baptise Belle de jour, car elle ne travaillera que l'après-midi de 3 à 5 heures.

Chap5.
Séverine commence à vivre son fantasme avec le sentiment de s'avilir de plus en plus, mais aussi de trouver de la joie et du plaisir dans cet abaissement. D'abord en allant jusqu'à payer un inconnu sur les quais de la Seine pour qu'il la retrouve chez Mme Anaïs. Et puis en commençant à travailler chez Mme Anaïs et en découvrant, avec son premier client, les aspects sordides d'une profession qui n'a pas le charme sulfureux qu'elle imaginait.

Nezumi a écrit:

Chap5.
Séverine commence à vivre son fantasme avec le sentiment de s'avilir de plus en plus, mais aussi de trouver de la joie et du plaisir dans cet abaissement.

et ben, dans ces chapitres 4 et 5 Kessel arrive à m'emporter dans un endroit de l'histoire que je n'avais aucunement prévu! M'imaginons qu'on allait assister à une petite histoire avec cet Husson, il sort vraiment le 'grand tour'
Cet envie de s'abaisser à ce niveau m'est tellement étrange.. je peux à peine lui trouver des 'excuses'
Curieuse de voir comment elle va continuer dans ce fantasme


en ce qui concerne l'écriture.. cette distance est maintenue, bien qu'on la suit souvent de plus près, qu'on se trouve dans sa tête et près de ses sentiments.. mais c'est quand même comme une vue de hauteur..

Oui, l'attitude de Séverine devient tellement extrême qu'il est difficile (impossible pour moi en tous cas) d'arriver à la comprendre.
Ce qui me gêne dans cette histoire ce n'est pas le côté glauque, j'ai lu pire. Et puis "la grande-bourgeoise qui cherche des sensations fortes en s'encanaillant avec le prolo dans des endroits louches" c'est devenu un tel cliché... (peut-être à cause de ce livre d'ailleurs ?)

Ce qui me gêne donc c'est que tout ça soit présenté par l'auteur comme une sorte d'épanouissement, genre elle se libère de son côté oie blanche et de son carcan de moralité bourgeoise coincée, elle déborde de vie, elle devient enfin elle-même etc. Quasi positif quoi.
Ok elle s'épanouit dans le masochisme, elle en a le droit, mais tout ça ne semble pas vraiment émaner d'elle-même.
Cette façon de vivre sa sexualité semble résulter de l'agression qu'elle a subie enfant, elle a des fantasmes de violence, elle est attirée par des hommes d'apparence rude et brutale qui ressemblent étrangement au plombier pédophile, elle éprouve du plaisir en reproduisant des scènes de viol (et c'est encore plus manifeste dans le film). Là c'est vraiment très malsain.
Vous voyez ? A moins que je cerne mal l'intention de l'auteur ?

avant de parler du livre, faut quand même dire que tu as choisis un super avatar! Trop bon! Miss Cookiemonster devient Miss Quince Paste.. top

Nezumi a écrit:

Ce qui me gêne donc c'est que tout ça soit présenté par l'auteur comme une sorte d'épanouissement, genre elle se libère de son côté oie blanche et de son carcan de moralité bourgeoise coincée, elle déborde de vie, elle devient enfin elle-même etc. Quasi positif quoi.

je te suis dans cette vue et même si on peut se douter si de tels cas de femmes existent.. sa préface en dit autre chose.. donc.. je vais poursuivre le chemin de Séverine....