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| Jean-Antoine de Baïf | |
| | Auteur | Message |
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LacrimaD Plume timide
Messages : 11 Inscription le : 14/08/2010 Age : 30 Localisation : Reims
| Sujet: Jean-Antoine de Baïf Jeu 16 Sep 2010 - 23:06 | |
| Je suis en option Histoire des Arts, et je viens de découvrir un poète, Jean-Antoine de Baïf. J'aime assez, d'ailleurs c'est l'un des rares que j'aime.
La page wikipédia de Baïf : http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Antoine_de_Ba%C3%AFf C'est un auteur du 16e, dont ce n'est pas "le même français" qu'à notre époque (bien sûr c'est une langue vivante...)
Ces yeux ces yeux, doux larrons de mon ame
Ces yeux ces yeux, doux larrons de mon ame, M'ont eblouy de leur belle splendeur, Astres fataux qui de malheur ou d'heur Me vont comblant au plaisir de madame.
Au cueur d'hiver un printemps l'air embame Ou que tournez ilz fichent leur ardeur, Et quelque part qu'ilz baissent leur grandeur Fleurit un pré mieux odorant que bame.
Les chastes feuz de ces freres jumeaux Me retirant du naufrage des eaux Par leur clarté de sauveté m'asseurent :
En leur saint feu mon vivre est allumé, Mon vivre, las, qui sera consumé, Quand leur destin arrestera qu'ilz meurent.
Quelques autres poèmes : De Rose : http://www.mes-poemes.com/poemes.php?cat=103&idx=107&view=on Depuis qu'Amour ma poitrine recuit : http://www.mes-poemes.com/poemes.php?cat=103&idx=109&view=on
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| | | Sigismond Agilité postale
Messages : 875 Inscription le : 25/03/2013
| Sujet: Re: Jean-Antoine de Baïf Mer 7 Déc 2016 - 1:47 | |
| En effet LacrimaD, un grand érudit, ce Jean-Antoine de Baïf ! Imaginez une sommité à ce point pétrie du meilleur de la versification latine et grecque, qu'il poursuit un projet audacieux: faire des vers en français sur ces modèles-là, à une époque très effervescente en matière de codification, de mise en forme de la langue française (Baïf, qui fut un des poètes de La Pléïade, se mêla aussi de vouloir réformer la langue française !). Sans gageure sur le contenu du cours auquel a assisté LacrimaD, une nécessaire clef de lecture si vous envisagez des poèmes de Jean-Antoine de Baïf est de mise, attention, ce n'est que la clef du portail d'entrée, il reste bien d'autres serrures à ouvrir, mais temps, place et limite à la connaissance (pour ce qui me concerne) manqueront ! - Spoiler:
Partons d'une petite citation de Cicéron: - Citation :
- Il n'y a pas de rythme à ce qui est continu: dans les gouttes d'eau qui tombent nous pouvons, parce qu'il y a des intervalles entre elles, noter un rythme; dans le fleuve qui coule, nous ne le pouvons point.
Dans le latin (et même dans les langues antiques en général, je crois) c'est d'abord l'intensité des syllabes qui détermine l'inégalité, d'où procède le rythme. Les brèves en arrivent à se prononcer deux fois plus rapidement que les longues. La voilà, la discontinuité marquant rythme poétique. Ainsi la prosodie latine sera composée d'un nombre fixe de pieds (l'hexamètre reste le choix le plus prisé - voir Virgile, Horace ou Lucrèce en langue originale par exemple, Sullien si tu passes par là ?), mais de la combinaison de ces pieds on obtient un agencement poétique basé sur l'assortiment des longues et des brèves, appelé la quantité métrique. Ceci génère quelques obligations, pour prétendre atteindre à l'harmonie: * L'accent dit tonique se souligne - traduisez s'insiste- pour ce qui est des syllabes sur lesquels il porte. * Dans les mots de plusieurs syllabes, l'accent dit tonique, correspondant au son de voix le plus intense, tombe toujours sur la dernière, à condition que celle-ci ne soit pas un e muet, et, si ce dernier cas advient, alors elle tombe sur l'avant-dernière. * Pour ce qui est des monosyllabes (pronoms, etc...) ils sont un peu la réserve-issue de secours, en ce sens qu'ils gardent ou perdent l'accent tonique selon la prononciation accordée au mot qui suit ou précède. * (Par conséquent) au lieu du nombre fixe de syllabes, on compte le nombre fixe de pieds. * La césure ne consiste pas en un repos marqué au cours du vers (par exemple sur la sixième dans le cas d'un alexandrin à la française), mais dans le fait de placer au début du troisième pied une syllabe qui soit la dernière d'un mot dont le début est situé au pied précédent. * Au lieu que la fin du vers soit indiquée par la rime, elle l'est par l'emploi obligatoire, à la cinquième mesure, du pied de trois syllabes composé de d'une longue et de deux brèves nommé dactyle, et à la sixième, d'un pied de deux syllabes - un spondée, ni plus ni moins - de deux longues, ou bien un trochée formé d'une longue et d'une brève. Dès lors, le vers n'existe que reposant sur un certain nombre (un nombre certain ?) d'appuis. Là où le projet de Jean-Antoine de Baïf est grandiose, c'est de postuler que le vers français puisse s'épanouir dans un système aussi mesuré, métrique, avec des diphtongues, des sons, devenus complètement distincts des langues anciennes (que le français soit une langue dite latine ne fait pas tout !). Féru de musique, il laisse penser que le poète pouvait, voire peut-être devait être accompagné d'un instrument de musique (le luth, principalement), à la manière des trouvères et des troubadours, et surtout à la manière de l'accompagnement antique à la lyre. Ses vers sont en général à 15 syllabes, 7+8, ce qui lui paraît le mieux adapté à la musique. On trouve aussi des pièces variées, dont de fort beaux sonnets. Au reste, par jeu, amusez-vous à composer un poème à la Baïf, vous nous en direz des nouvelles, c'est extrêmement difficile, et cela vous fera sans doute apprécier un poème aussi exquis que La Rose, qui pourra sans doute rappeler à certains l'inspiration, voire deux ou trois caractéristiques de style, d'un grand ami de Baïf qu'était Ronsard.
La Rose Durant cette saison belle Du renouveau gracieux, Lorsque tout se renouvelle Plein d'amour delicieux, Ny par la peinte prérie, Ny sus la haye fleurie, Ny dans le plus beau jardin, Je ne voy fleur si exquise Que plus qu'elle je ne prise La rose au parfum divin.
Mais la blanche ne m'agrée, Blême de morte paleur, Ny la rouge colorée D'une sanglante couleur : L'une de blémeur malade Et l'autre de senteur fade, Ne plet au nés ny à l'oeil. Toutes les autres surpasse Celle qui vive compasse De ces deux un teint vermeil.
La rose incarnate est celle Où je pren plus de plaisir : Mais combien qu'elle soit telle Si la veu-je bien choisir. Car l'une prise en une heure, Et l'autre en l'autre est meilleure Au chois de nostre raison. Toute chose naist, define, Tantôt croist et puis decline Selon sa propre saison.
Je ne forceray la rose Qui cache, dans le giron D'un bouton etroit enclose, La beauté de son fleuron. Quelque impatient la cueille Devant que la fleur vermeille Montre son tresor ouvert ; Mon desir ne me transporte Si fort que celle j'emporte Qui ne sent rien que le verd.
- Spoiler:
Mais la voie suivie par Baïf était trop difficile, trop étroite, trop escarpée. Il eut, en son temps, un immense succès d'estime auprès de ses pairs, et je suis souvent étonné, en fréquentant parfois les rencontres de poésie, de constater qu'encore aujourd'hui, certains poètes très actuels, modernes, lui conservent encore toute cette aura, le placent haut dans les rangs des poètes francophones.
Alors certes, le vers français atteindra le meilleur de ce que la langue française a proposé par le biais d'un certain cadre, d'une certaine forme. S'il y a un ultime débat de haute tenue sur Parfum, avec ce point-là en sujet, je veux bien y participer. Tout en restant conscient que dès que l'on parle de forme, il s'agit, en général, pour les générations qui suivent celles qui ont fait atteindre au génie telle ou telle forme d'expression en vers de galvauder, ruiner, moquer, dépasser, bouter hors de, conchier, etc...
Parce que, voyez-vous, si ce débat n'est pas honnêtement tenu, autant renvoyer au cabinet de curiosités des rimes révolues l'Ode, la Ballade, le Rondel, le Rondeau, le Huitain, le Dizain, la Vilanelle, le Triolet, le Lai, le Virelai, le Chant Royal, la Tierce-Rime, la Glose, le Madrigal, et même -ça m'écorche le clavier de l'écrire, mais il le faut, le Sonnet, etc...
Et cela revient à ne considérer que le vers dit libre, vous savez ce que je pense de cette appellation, même si elle recouvre de somptueuses réalisations, mais un seul débat à la fois, si, au reste, nous sommes encore assez riches de temps pour nous en permettre un !
Je maintiens pourtant que la poésie, (l'art des vers, la prosodie) avec des époques de pointe et des périodes de disette, est le summum gustatif de ce qui peut se faire avec une langue -à cet égard, à mon humble avis, le XVIIIème français fut un désert comparé aux deux siècles précédents et aux deux siècles suivants, à une très notable exception près, André Chénier (à propos de ce dernier, et à l'instar de Théodore de Banville par exemple, le temps manquera pour l'ouverture de son fil).
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| | | Chamaco Zen littéraire
Messages : 4366 Inscription le : 10/03/2013 Age : 78 Localisation : là haut, vers Aix...
| Sujet: Re: Jean-Antoine de Baïf Mer 7 Déc 2016 - 11:25 | |
| - Spoiler:
Sigismond : "Je maintiens pourtant que la poésie, (l'art des vers, la prosodie) avec des époques de pointe et des périodes de disette, est le summum gustatif de ce qui peut se faire avec une langue -à cet égard, à mon humble avis, le XVIIIème français fut un désert comparé aux deux siècles précédents et aux deux siècles suivants, à une très notable exception près, André Chénier (à propos de ce dernier, et à l'instar de Théodore de Banville par exemple, le temps manquera pour l'ouverture de son fil)" ------------------------------------------ je partage ton avis, il convient cependant d'ajouter que la période a connu une histoire mouvementée entre la fin d'un règne de Louis XIV phagocitée par le personnage avec ensuite les prémices et le trouble de la Révolution guère propices à ce genre d'exercice.. Merci Sigismond .
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| Sujet: Re: Jean-Antoine de Baïf | |
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| | | | Jean-Antoine de Baïf | |
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