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| Gonçalo M. Tavares [Portugal] | |
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Auteur | Message |
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bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Re: Gonçalo M. Tavares [Portugal] Jeu 30 Déc 2010 - 20:37 | |
| Je crois avoir lu qu' Arabella et toi citiez les trois meilleurs romanciers portugais du 20e siècle.
Si ma mémoire est bonne, il faudrait rajouter José Cardoso Pires, mais il faudrait que je le lise à nouveau pour vérifier... Merci pour Tavares, j' ai noté aussi... | |
| | | eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Gonçalo M. Tavares [Portugal] Jeu 30 Déc 2010 - 20:59 | |
| - bix229 a écrit:
- Je crois avoir lu qu' Arabella et toi citiez les trois meilleurs romanciers portugais du 20e siècle.
Si ma mémoire est bonne, il faudrait rajouter José Cardoso Pires, mais il faudrait que je le lise à nouveau pour vérifier... Merci pour Tavares, j' ai noté aussi... Ah oui, j'avais feuilleté "De profundis, Valse lente"... Sinon, j'ai aussi Quand hurlent les loups (1958), d'Aquilino Ribeiro, qui se déroule pendant la dictature de Salazar, et qui est normalement très bien considéré au Portugal. | |
| | | kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
| Sujet: Re: Gonçalo M. Tavares [Portugal] Jeu 27 Jan 2011 - 14:09 | |
| Dans le nouveau Le Magazine Littéraireil y a un grand entretien avec Gonçalo M. Tavares (pas en ligne) | |
| | | Emmanuelle Caminade Envolée postale
Messages : 204 Inscription le : 06/11/2009 Age : 74 Localisation : Drôme provençale
| Sujet: Re: Gonçalo M. Tavares [Portugal] Dim 30 Jan 2011 - 20:13 | |
| Apprendre à prier à l'ère de la technique, traduction du portugais par Dominique Nédellec, Viviane Hamy , 368 p.C'est un livre puissant qui d'abord vous terrasse et s'impose de manière univoque, puis, subrepticement semble se dédoubler et se prêter à d'autres interprétations ( notamment car il aborde le monde à l'ère de la technique, de la mort de Dieu, mais aussi , de manière plus psychanalytique, semble marqué par l'absence du père ...) L'auteur y raconte la longue ascension et la chute brutale d'un homme programmé pour être fort. Un homme dénué de tout affect, une machine dont le comportement – ou plutôt le fonctionnement - s'apprécie en termes de compétence et non de morale. Et son roman explore les fondements du pouvoir avec une lucidité provocatrice, décapante et dérangeante, en suivant le parcours d'un héros monstrueux qui ne nous semble pas, pourtant, si étranger... Sur un ton froid et sec, précis et neutre, quasi clinique, il décrit "au scalpel" l'apprentissage, l'initiation du jeune Lenz, puis sa conquête de la «force», avec un vocabulaire le plus souvent technique ou guerrier. Il raconte avec une distance, un détachement qui introduit une dimension absurde. Et, à cette neutralité scientifique du récit, se superposent des titres de chapitres fantaisistes à l'humour décalé ou grinçant qui résonnent comme un commentaire ironique ou cynique... Le morcellement extrême des chapitres impulse une dynamique certaine qui s'essouffle un peu sur la fin de la première partie. Après, dans les deux dernières parties, tout va très vite, la situation s'inverse et le combat, d'offensif devient défensif. Mais le contraste entre le point culminant de la fin de la première partie et la brutalité de la chute aurait été, à mon sens, plus manifeste si la première partie n'avait été aussi surdimensionnée ( 250 pages quand même... ) Un livre marquant néanmoins , malgré ces quelques réserves. | |
| | | Emmanuelle Caminade Envolée postale
Messages : 204 Inscription le : 06/11/2009 Age : 74 Localisation : Drôme provençale
| Sujet: Re: Gonçalo M. Tavares [Portugal] Dim 30 Jan 2011 - 20:18 | |
| Un article intéressant reprenant beaucoup de réponses de l'auteur lors d'une interview :
http://edi.ti0n.net/2010/11/02/goncalo-m-tavares-apprendre-a-prier-a-l-ere-de-la-technique/ | |
| | | eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Gonçalo M. Tavares [Portugal] Dim 30 Jan 2011 - 20:57 | |
| - Emmanuelle Caminade a écrit:
- Un article intéressant reprenant beaucoup de réponses de l'auteur lors d'une interview :
http://edi.ti0n.net/2010/11/02/goncalo-m-tavares-apprendre-a-prier-a-l-ere-de-la-technique/ Merci pour ton lien, et pour ta critique ! | |
| | | Marie Zen littéraire
Messages : 9564 Inscription le : 26/02/2007 Localisation : Moorea
| Sujet: Re: Gonçalo M. Tavares [Portugal] Ven 18 Fév 2011 - 20:03 | |
| Apprendre à prier à l'heure de la technique Position dans le monde de Lenz Buchmann
traduit du portugais par Dominique Nédellec
Viviane Hamy
- Dans cette maison, la peur est illégale. C’était un des leitmotiv de Frederich Buchmann. Ajoutons que cette phrase fut déterminante pour Lenz- son père savait combien il importait de ne pas faire preuve d’inconséquence. Frederich punissait les manifestations de peur de ses deux fils en les enfermant à clé dans une pièce de la maison, la « prison », dont il avait obturé les fenêtres et qui ne contenait aucun meuble ni objet. En de rares occasions ( ais qui le marquèrent durablement), Lenz fut jeté en prison pour avoir commis l’illégalité d’afficher sa peur. Son frère Albert, en revanche, était constamment enfermé dans cet espace où se trouvait suspendue toute possibilité de jeu, en attaque comme en défense. C’était un espace absolument neutre, où la portée des gestes était annulée: tout mouvement devenait inuile et presque ridicule. Les murs n’étaient pas des surfaces stimulantes pour un humain et l’étaient moins encore si cet humain était un enfant. C’était un espace qui écrasait l’enfance- une masse énorme qui en écrasait une autre bien moins robuste. Il était impossible dans cet espace de penser en conformité avec son âge….
Pour la famile Buchmann, ce qui perturbait le plus le développement de la personnalité, c’était la peur. Frederic Buchmann disait: -On pourra formuler à votre encontre n’importe quelle accusation: vous pourrez vous rendre coupables de la pire des immoralités, être recherchés par la police ou par le diable en personne: je défendrai mes fils avec les armes dont je disposerai. Je ne me sentirai honteux que si un jour quelque un me rapporte que vous avez eu peur. Si cela devait se produire, inutile de chercher refuge ici: vous trouverez la porte close. C’est dans cette atmosphère que Lenz grandit et apprit à vivre. C’est ainsi qu’il se prépara, mûrit, développa ses forces
Genèse d’une personnalité.. Une seule, car..
Frederich Buchmann n’avait aucun doute: - J’ai un chien et un loup, lançait-il directement à ses fils. Et il n’allait pas jusqu’à leur dire, mais il y pensait souvent lorsqu’il sentait qu’il n’était plus capable de veiller très longtemps avec vigueur sur sa famille. Il pensait que ces deux personnalités compromettaient dès le départ la possibilité d’une alliance: le chien ne pourra pas protéger le le loup parce qu’il n’en a pas la force, et le loup ne protègera jamais le chien parce que cela n’est pas dans sa nature.
Exit le frère!
Et puis:
Car il faut dire ici que Lenz a toujours considéré de simples idées de son père sur le monde comme des déclarations définitives ,voire comme des ordres. Et Lenz aurait été plus enclin à déplacer le monde pour qu’il soit dans la position exacte indiquée par son père qu’à dire à ce dernier qu’il s’était trompé. Il savait bien quel sens avait un ordre. Un ordre peut avoir des conséquences positives ou négatives, mais cette question ne se pose que plus tard; ce qui importe, c’est l’énergie principale. Un ordre est simplement une phrase à laquelle il s’agit obéir , un bout de langage; et qui le reçoit doit, au péril de sa vie si nécessaire, lui donner une existence dans la réalité. Un ordre exprime la volonté de celui qui en sait plus et, ainsi, à un commandement doit donc correspondre un ensemble de mouvements visant à ce que le monde confirme la vision pénétrante de celui qui l’a émis. Chaque fois que l’on obéit intégralement à un ordre, la hiérarchie en place est confirmée et le cœur s’en trouve tranquillisé.
Peur et besoin de sécurité, voila les bases de l’éducation du jeune Lenz. Et les bases aussi , c’est normal, de la conduite de sa vie et de son rapport aux autres.
Au fur et à mesure que je relis ce roman pour en recopier des extraits , je me rends compte à quel point c’est un roman très brillant , intelligent , mais glaçant. Qui fait peur..Pas de par les actions décrites, on en a vu d’autres, mais par sa logique inéluctable que seule viendra perturber des éléments incontrolables eux, , la maladie et la mort. Logique qui fait que l’on rentre dans le raisonnement du personnage central, tout à fait dépourvu d’affects et de morale ,et qu’on finit par le comprendre et presque à le plaindre. Du moins moi.. La capacité d’emprise de ce genre d’individus est sans limites ( pas pour tous les autres, heureusement ) car ils sont constamment en équilibre , qu’ils justifient leurs modes opératoires par des arguments somme toute assez valables, et que c’est ainsi qu’ils arrivent à entraîner des foules qui se demandent après comment elles ont pu se faire manipuler , mis c’est trop tard. Comment? La peur, le besoin de sécurité et un discours logique , et voilà tout. C’est vrai que ni un chirurgien , ni un homme politique ne doivent avoir trop d’états d’âme s’ils veulent être à la hauteur de leur tâches. Ce ne sont pas des domaines ( ni des spécialités en ce qui concerne la chirurgie) qui sont choisis par hasard, mais dans les deux, le goût du pouvoir est nécessaire.Et le pouvoir permet tant de choses, qui, alloué à une personnalité limite, peut conduire absolument à n’importe quoi , tant en chirurgie qu’en politique. S’il n’existe pas bien sûr de barrières ( personnelles ou extérieures).
C’est un roman très découpé, ciselé en petits chapitres et sous-chapitres tous précédés de titres explicatifs qui accentuent la logique de la démonstration et de l’étude du raisonnement de Lenz et de sa conduite. Le récit est également mené sans affect aucun , avec une précision- surtout dans les détails physiques- d’entomologiste , et tout cela contribue à créer une atmosphère dont on ne ressort pas indemne. Un vrai cauchemar, ce roman, mais un très brillant cauchemar qui, là aussi, pourrait animer des heures de conversation tant il y aurait à dire!
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| | | kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
| Sujet: Re: Gonçalo M. Tavares [Portugal] Mer 9 Mar 2011 - 10:08 | |
| L'auteur va être présent lors du 11e Salon du livre et des cultures (ici) et pour cette occasion on va publier: Pedra - Pierre - SteenRecueil de poèmes en portugais, français, luxembourgeois je vais y jeter un oeil au livre.. bien que je ne sais pas si je vais trouver le temps d'aller le voir lui | |
| | | Aeriale Léoparde domestiquée
Messages : 18120 Inscription le : 01/02/2007
| Sujet: Re: Gonçalo M. Tavares [Portugal] Ven 24 Juin 2011 - 12:19 | |
| -Apprendre à prier à l'ère de la technique- - Marie a écrit:
- Un vrai cauchemar, ce roman, mais un très brillant cauchemar qui, là aussi, pourrait animer des heures de conversation tant il y aurait à dire!
Oh que oui! C'est une lecture exigeante mais facilitée par une construction aérée et de courts chapitres qui nous tiennent attentifs: L'histoire de Lenz Buchmann, chirurgien réputé dénué de sentiments, qui un jour décide de rentrer en politique pour asseoir son autorité et assouvir son obsession de parfaire le monde. Elevé à la dure par un père militaire, Lenz ne connait pas la faiblesse, ni la moindre écharde qui entraverait sa route. Pour lui tout est méthode, pouvoir, ordre. Tout s'acquiert par la volonté et la force conjuguées, les humains ne sont que troupeaux malléables unis par la peur et c'est justement par ce biais qu'il compte les dominer. Lenz est donc monstrueux, aucun affect ne semble le dévier de son but. La bibliothèque héritée de son père est sa colonne vertébrale, et les livres ne sont là que pour chasser les faiblards. Pour lui Dieu est mort, la technique l'a remplacé. Il ne se soumet ni ne craint personne, seul les fous ayant leurs propres lois le fascinent, ou les clochards pour ce qu'ils ont de servile et sur lesquels il peut expérimenter ses fantaisies. Mais peu à peu tout va basculer. Ce corps qu'il voit comme un élément de combat, à la solde de sa toute puissance, va se révolter et le prendre au piège. Je n'en dis pas plus car il y a décidément trop de choses dans ce roman-essai qui tient autant de la parabole que du constat clinique, celui d'une perversion portée à son apogée puis rattrapée cyniquement par le destin. C'est froid, sans concession, ça répugne autant que cela interpelle, mais on ne peut s'arrêter avant la chute qui remet tout en place. A lire au moins par curiosité, pour comprendre le mécanisme de ces dangereux manipulateurs qui peuvent, détachés de tout contexte sentimental, s'accaparer l'emprise d' esprits déroutés et ainsi manier les foules. Glaçant oui, c'est le mot! | |
| | | tom léo Sage de la littérature
Messages : 2698 Inscription le : 06/08/2008 Age : 61 Localisation : Bourgogne
| Sujet: Re: Gonçalo M. Tavares [Portugal] Ven 26 Aoû 2011 - 21:48 | |
| Des très beaux commentaires de tout le monde et je ne peux qu'ajouter de ma part aussi, que j'ai énormement apprécié ce roman! Certes glacial, voir distant, mais étrangement aussi si proche, n'est-ce pas. On n'aimerait pas y voir une description de notre societé, et pourtant... Sans vraiment situer l'jhistoire dans un pays ou un temps très précis, on peut sans trop de difficultés aussi transposer la présentation, l'analyse, le devenir d'une personne - ce Lenz Buchmann - à l'histoire d'un certain "type", d'une certaine attitude envers la vie, ses prochains, sa famille. Et ce genre de type - il me semble que cela manquait jusqu'alors dans nos analyses - est celui susceptible à devenir le grand manipulateur pas seulement sur un plan personnel, mais aussi dans un élargissement du rayon d'action, sur un plan politique et sociétale.
Oui, cela fait peur.
Mais c'est écrit si brillament que la lecture reste dans la mémoire. Sans aucun doute un échange sur la base d'un tel livre serait très riche.
Donc, de ma part aussi une très forte impression. Seule remarque "négative": certaines transitions (du gagnant vers la maladie, de la maladie vers la mort...) sont trop abruptes. On aurait pu décrire le processus plus prononcé?!
Dernière édition par tom léo le Ven 26 Aoû 2011 - 22:06, édité 1 fois | |
| | | eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Gonçalo M. Tavares [Portugal] Ven 26 Aoû 2011 - 21:55 | |
| - tom léo a écrit:
- Donc, de ma part aussi une très forte impression. Seule remarque "négative": certaines transitions (du gagnant vers la maladie, de la maladie vers la mort...) sont trop abruptes. On aurait pu décrire le processus plus prononcé?!
Des transitions abruptes pour coller avec la violence, peut-être ? (la forme, le fond, tout ça).
Dernière édition par eXPie le Ven 26 Aoû 2011 - 22:48, édité 1 fois | |
| | | tom léo Sage de la littérature
Messages : 2698 Inscription le : 06/08/2008 Age : 61 Localisation : Bourgogne
| Sujet: Re: Gonçalo M. Tavares [Portugal] Ven 26 Aoû 2011 - 22:09 | |
| - eXPie a écrit:
- tom léo a écrit:
- Donc, de ma part aussi une très forte impression. Seule remarque "négative": certaines transitions (du gagnant vers la maladie, de la maladie vers la mort...) sont trop abruptes. On aurait pu décrire le processus plus prononcé?!
Des transitions abruptes pour coller avec la violence, peut-être ? (la forme, le fond, tout ça). Oui, peut-être. Et éventuellement cela montre aussi l'extrême - pour jouer avec les mots - "faiblesse", l'état éphèmére de la violence, la force comme moyen. Quelle montée! Quelle chute!? (il fallait lire "sont" trop abruptes - j'ai changé) | |
| | | Arabella Sphinge incisive
Messages : 19316 Inscription le : 02/12/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Gonçalo M. Tavares [Portugal] Lun 5 Déc 2011 - 20:50 | |
| Apprendre à prier à l'heure de la technique Beaucoup de commentaires déjà sur ce livre, dans lequel nous suivons l'ascension et la chute de Lenz Buchmann. Dans un premier temps, tout lui réussit, ce qui confirme la vision qu'il a du monde, valide sa pertinence. Dans un deuxième temps, par un retour du balancier, tout s'inverse d'une certaine façon et lui revient à la figure, et il finit par tour perdre, et donc la réalité en quelque sorte lui donne tort. La force devient faiblesse, le gagnant perd tout. L'absence de sentiments rend tout échange impossible. On l'a dit c'est brillant, intelligent, original dans l'écriture et dans la façon de construire le livre. En même temps peut être malgré tout un peu mécanique dans ce système d'inversion, de programmation, les personnages manquent quand même un peu d'une certaine épaisseur et complexité. Mais ce n'est pas un roman psychologique, autre chose, et donc c'est quelque peu inévitable de perdre cette dimension compte tenu du parti pris de l'auteur. Qui a un talent certain. Un excellent livre. | |
| | | eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Gonçalo M. Tavares [Portugal] Lun 23 Jan 2012 - 20:27 | |
| Couverture : Paul Cerusier. Monsieur Walser et la forêt (O Senhor Walser, 2006). Traduit du portugais en 2011 par Dominique Nédellec. 47 pages. Dessins de Rachel Caiano. Editions Viviane Hamy. Ce coup-ci, les chapitres se suivent : c'est en fait une nouvelle. Monsieur Walser s'est fait construire la maison de ses rêves dans la forêt. Il est bien à l'écart de la ville, comme on peut le voir ci-dessous (il est tout en haut à gauche). - Citation :
- "Si, jusque-là, l'absence d'un espace confortable, clos, rien qu'à lui, avait été un obstacle insurmontable à la concrétisation de certaines invitations qu'il avait bien en tête depuis plusieurs années, comme déjà écrites ou verbalisées, désormais, alors qu'on sentait encore cette ostensible odeur de neuf provenant du bois, de la peinture sur les murs et même du bruit des machines nécessaires à sa vie domestique d'homme sans compagnie, mais qui malgré tout, cela va ce soi, s'alimente et salit les choses, désormais, donc, avec cette nouvelle maison, tout lui semblait possible. Pour Walser, la maison n'était pas seulement un lieu conquis par l'humanité sur la forêt, sur l'espace que les choses non humaines semblaient avoir décrété comme leur appartenant, c'était aussi un paysage idéal pour commencer à parler avec d'autres hommes - ce dont il ressentait le plus grand besoin." (page 10).
On a trois éléments : Walser est un homme qui voit loin, pour lui, un plan, c'est vraiment du long terme, tout comme les phrases qui prennent du temps pour s'écrire, qui posent tous les éléments avant de parvenir à la conclusion. Walser va attendre des années avant d'inviter une copine, en attendant que sa super maison soit prête. On peut penser qu'il n'est pas très sûr de lui et qu'il ne mise pas sur ses qualités propres, qu'il veut un cadre adéquat, ou bien encore - et c'est plus probable - que le cadre est un préalable non négociable, que tout plan a une étape 1 et une étape 2, et qu'il faut respecter l'ordre pour que tout se passe bien. Ensuite, son besoin d'humanité et de compagnie, Walser semble ne pouvoir le réaliser qu'en se retirant en pleine nature. Et, troisième point (on est bien chez Tavares), cette nature n'est pas quelque chose de positif, c'est une menace pour l'Homme, qui est en lutte contre la nature hostile. La technologie s'oppose à la nature, elle permet à l'Homme de la maîtriser, mais le combat est permanent. Au moindre instant d'inattention, elle va reprendre le dessus. Mais tout va bien. - Citation :
- "Comme Walser est content !" (page 15).
"Dans toute la maison, une odeur de neuf ! Un parquet en bois clair, bien verni, revêt le sol de l'ensemble des pièces, qui sont fort nombreuses, soit dit en passant. C'était excessif, sans aucun doute, mais comment blâmer celui qui s'enthousiasme tant de ses propres espoirs, qui met à profit un terrain dont personne ne veut pour bâtir sur la plus grande surface possible ?" (page 17). Quelle belle maison ! - Citation :
- "Dans la cuisine, Walser promène sa main curieuse sur les carreaux de faïence le long du mur. [...]
Il ouvre le robinet et sans utiliser de verre, en inclinant le cou comme lorsqu'il était enfant, il boit l'eau la plus délicieuse qu'il se rappelle avoir bue." (page 19) - Citation :
- "Mais, tout à coup, on sonne à la porte. Qui cela peut-il être ?" (page 22).
Bien sûr, les plans de Monsieur Walser ne vont pas aller exactement comme il le voudrait. Mais qu'importe, il a de grands projets ! C'est une petite nouvelle très sympathique, mais qui ne possède pas la fantaisie de Monsieur Valéry ou de Monsieur Calvino. On notera des illustrations curieuses... Soit Rachel Caiano, la dessinatrice, était vraiment pressée, soit c'est très signifiant : cette forme étrange, serait-ce le Mal qui menace la maison, qui pourrait y entrer par des interstices ? | |
| | | eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Gonçalo M. Tavares [Portugal] Sam 28 Jan 2012 - 21:39 | |
| couverture : George Grosz, Eclipse du soleil. 1926. Monsieur Brecht et le succès (O Senhor Brecht, 2004). Traduit du portugais en 2010 par Dominique Nédellec. 67 pages. Dessins de Rachel Caiano. Editions Viviane Hamy. "Bien que la salle fût pratiquement vide, monsieur Brecht commença à raconter ses histoires." (page 9). Suivent cinquante histoires, courtes ou très courtes - elles dépassent rarement une page -, souvent burlesques, qui illustrent par l'absurde, et souvent par un renversement de perspective, la stupidité du "Système", des hommes pris dans leur ensemble, de leur obéissance aveugle aux ordres. Et ceux qui portent un jugement bien carré sur le monde découvrent qu'il est un peu moins simple qu'ils ne le pensent. Voici quelques-unes de ces histoires, choisies parmi les plus courtes. - Citation :
- "Changements.
Elle avait été manucure dans un salon de coiffure. Après les grands changements qu'avait connus le pays, et mettant ainsi à profit son expérience professionnelle, elle faisait désormais partie de ce corps de fonctionnaires qui amputaient les doigts des criminels." (page 19).
"Panne. En raison d'un inexplicable court-circuit, c'est le fonctionnaire qui abaissa le levier qui fut électrocuté, et non le criminel qui se trouvait assis sur la chaise. Comme l'on n'était pas parvenu à réparer la panne, c'était désormais le fonctionnaire du gouvernement qui prenait place sur la chaise électrique, tandis que le criminel était chargé d'abaisser le levier mortel." (page 25)
"Trop tôt. Quand la guerre commença, les cartes n'étaient pas encore prêtes. Par inadvertance, l'armée tout entière - avec ses milliers de soldats, ses canons et ses tanks - s'engagea dans un cul-de-sac." (page 35)
"L'importance des philosophes. Le philosophe disait que seuls les hommes s'engageaient dans des entreprises d'importance, tandis que les animaux ne se consacraient qu'à des actions insignifiantes. C'est alors qu'un tigre arriva qui dévora le philosophe, corroborant ainsi à pleines dents la théorie susdite." (page 39)
"Le faussaire. Arriva le moment où un homme, qui avait passé sa vie à faire de faux tableaux, perdit la vue. C'était un vice : il se mit à falsifier des morceaux de musique. À la morgue, après son décès, on le confondit avec un autre." (page 54). Les dessins de Rachel Caiano sont astucieux : une foule de plus en plus nombreuse à chaque page. En tournant rapidement les pages du livre, on voit les gens venir vers nous, se masser. Normal : les histoires de Monsieur Brecht ont du succès ! Très bon livre. | |
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