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| Antoine Volodine | |
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Auteur | Message |
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shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
| Sujet: Re: Antoine Volodine Jeu 2 Mai 2013 - 11:16 | |
| je poursuis ma découverte de Volodine avec : Bardo or not BardoLe Bardo est un endroit où pendant 49 jours les morts errent avant d'être réincarnés ou d'obtenir la grâce de la Clarté ultime qui offre une fin définitive aux cycles des réincarnations. Antoine Volodine accompagne Schlumm le long de ses errances au sein du Bardo, un lama lui lit le Livre des morts mais il ne l'entend pas et il trouve une matrice pour se réincarner. Le même personnage revêtant différents avatars se retrouvent à chaque fois dans un endroit qu'il ne sait pas être le Bardo (paysage noir proche des visions de Beckett, compartiment de train, mine, désert où les pires visions de monstres viennent à la rencontre du personnage). Le livre égrène différentes situations avec la même âpreté et le même questionnement : que faire quand celui qui erre refuse d'écouter les conseils prodigués. Quelle est cette rébellion joueuse qui fait que le mort choisit immanquablement la renaissance ou l'enfouissement 'à vie' dans le Bardo plutôt que la Sublime Clarté ? Ce livre qui n'est pas tout à fait un roman, ni tout à fait autre chose me laisse un sentiment bizarre, inachevé, désincarné, comme si ces hommes perdus dans le Bardo se trouvaient inatteignables et souvent si déshumanisés qu'ils en sont froids, lointains, filandreux... Répons et leçons s'égrenèrent, impossibles à mémoriser et même à suivre. Le texte n'était pas vivant, il n'évoquait aucune expérience reconnaissable, il présentait une opacité totale qui décevait terriblement les auditeur, écrit Volodine et c'est au fond ce que j'éprouve un peu en refermant ce livre. Il y manque un tout petit quelque chose (un supplément d'âme ?) pour qu'il soit passionnant… J'ajoute que la lecture en parallèle de Mystiques et magiciens du Tibet d'Alexandra David-Néel m'a sans doute permis de comprendre un peu mieux où voulait en venir Volodine, mais que cela n'a pas totalement suffit à me rendre ce livre attachant. Mais ceux qui aiment les atmosphères beckettiennes y trouveront sans doute une matière nourrissante. | |
| | | shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
| Sujet: Re: Antoine Volodine Ven 27 Juin 2014 - 9:22 | |
| Biographie comparée de Jorian Murgrave
J'avoue que c'est avec pas mal d'excitation et aussi un petit peu peur que j'ai ouvert le premier livre publié par Antoine Volodine, que j'estime être l'un des auteurs français le plus innovant et le plus fascinant de notre époque. Le titre promettait déjà une lecture à plusieurs niveaux et un voyage dans un univers légèrement décalé. Et je n'ai pas été déçue. Pas déçue du tout. J'ai retrouvé dans ce premier opus tout ce qui fait le charme et le choc d'un écrivain obsessionnel et capable d'à peu près tous les renversements narratifs. L'obsession pour les paysages cauchemardesques et oniriques, les marches forcées dans des déserts de suie qui rappellent immanquablement Bardo or not Bardo, cette traversée surréaliste du purgatoire. Retrouver son obsession pour les personnages asociaux, dont on ne sait jamais s'ils sont morts ou vivants ( Dondog), humains ou extraterrestres (il semble en effet après une longue, minutieuse et mortelle enquête menée à la fois par une brigade de répression et par des hagiographes que Jorian Murgrave ne soit pas humain et même qu'il soit sur terre pour fomenter la révolution et la mort du genre humain). L'obsession pour les renversements de l'espace et du temps, sans que jamais le lecteur (comme le personnage) ne puisse savoir s'il évolue dans un rêve ou une réalité, un cauchemar ou une vie bien vécue, au point qu'il lui arrive ici aussi d'être tout à la fois la victime et son propre bourreau ( Le Port Intérieur). Obsession enfin (j'arrête mais la liste pourrait durer encore longtemps) pour la révolution ou plutôt pour le rêve d'une révolution qui laisse dans les mémoires, les corps et les villes en ruine, la marque indélébile de combats s'achevant en défaite. Alfred Kubin Mais l'histoire ? Ah oui l'histoire. Il s'agit donc de lire, compiler, étudier, défendre des textes composés par différents narrateurs et dont tous les chapitres ont trait à la personnalité ambivalente de Jorian Murgrave. L'homme (qui est plutôt un extraterrestre) est un dangereux agitateur, meurtrier, capable de mourir puis de renaître, de couper des têtes avec ses bras qui sont des pinces, de se servir de la rage, de la colère, de la bestialité de ceux qu'il combat pour y puiser de nouvelles forces, un être qui vit de ses rêves et dont les rêves sont des cauchemars. Un élève dressé pour tuer et répandre la haine et la révolte sur la terre. Un être dont on ne sait pas très bien s'il est cloporte (clin d'œil kafkaïen) ou moine armé, fourmi ou fou, extra ou intra terrestre car… quand on se représente une sphère comment savoir si on se trouve à l'intérieur ou à l'extérieur de cette rotondité, comment savoir où se situe la zone du jour et de la nuit quand il s'agit d'un crépuscule ? D'autant que les détracteurs de Murgrave vont tenter de pénétrer ses rêves pour le neutraliser car ils espèrent en le maintenant dans le rêve d'une perpétuelle agonie pouvoir l'anéantir. Odilon Redon Sublimant toutes les questions posées et qui peu à peu, à travers un récit somptueusement écrit et puissamment maîtrisé, vont trouver quelques sporadiques réponses, Antoine Volodine émet l'hypothèse que si le Mal engendre le Mal alors glisser un peu de Bien dans le monstre et il ne pourra que s'assagir. Cette idée rejoint celle qui charpente en quelque sorte l'ensemble de ce roman, idée que l'on retrouve dans de nombreux arts martiaux et qui consiste à user de l'énergie de l'assaillant pour créer en réaction une force suffisamment efficace pour réduire à néant toute action agressive (ce qui est le cas de l'aïkido)… Cette intuition mise au service d'un texte capable de se retourner sur lui-même pour puiser une force neuve en est l'accomplissement total. Eblouissant ! | |
| | | shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
| Sujet: Re: Antoine Volodine Ven 4 Juil 2014 - 11:45 | |
| Je continue avec : Un navire de nulle partTout commence avec une tortue de cent vingt ans qui après un tour du monde revient à Petrograd. Oui, Petrograd. Car la révolution permanente des Rouges n'a pas (encore) vacillée et Saint-Petersbourg est encore Petrograd. Mais pas exactement telle que nous la connaissons. A vous d'en juger : - Citation :
- Quai Koutouzov, de la terre bourbeuse jusqu'au mollet, et ensuite la Néva en flaques stagnantes, l'eau recouverte de kumudu, une couche de mousse sur laquelle personne ne s'aventure, à ne pas reconnaitre les endroits où l'on peut poser le pied et ceux qui vous engloutiraient sans un bruit ; et plus loin, au-delà de ce territoire réservé aux crocodiles, les moutonnements impénétrables de la selve, toutes les nuances de vert sous le ciel bas. La forteresse Pierre-et-Paul a été submergée depuis belle lurette sous les vagues énormes des lianes ; un monticule un peu plus gris, qui se détache à peine du reste.
Grâce à cette tortue le lecteur apprend peu à peu ce qu'il en est de cette ville encerclée par la jungle tropicale à cause de la malédiction lancée par les magiciens à la mort de Robur (clin d'œil à Jules Verne) et qui annonce la fin de la terre étouffée par la chaleur humide des tropiques. On retrouve ici avec un bonheur intact les délicieuses descriptions de lianes, de jungle et de ouistitis, d'humidité, de nénuphars, d'odeurs de pourriture, d'insectes et d'eunectes auxquelles Volodine nous a habitué. La ville est encore sous la surveillance de la Tcheka mais plus vraiment dirigée par le Grand Commissaire, ce dernier étant dans le coma, ce qui permet à d'obscures factions de chercher à gagner le pouvoir. Il y a enfin frère Müllow, un petit-bourgeois qui propage des rumeurs contre-révolutionnaires, tout en pratiquant la magie clandestine, qui a été assassiné et dont le meurtre est maquillé en suicide. L'enquête est confiée à l'inspecteur Kokoï, adepte des pratiques zen, en particulier en matière de zigouillage de mouches et autres coléoptères. - Citation :
- En cette époque d'interminable exacerbation des contradictions sociales, la virtuosité anti-mouches n'était pas une qualité négligeable. Kokoï dans ce domaine avait atteint un degré de rigueur technique dont il travaillait à présent le dépouillement zen, recherchant élégance et perfection dans la toute simplicité du geste. Il examinait sa paume ensanglantée, tachée du mauve et du vert des élytres ; à l'idée que son col de chemise et sa nuque étaient constellés d'antennes et de pattes mutilées, il tordait un peu les lèvres ; puis il s'essuyait les doigts sur un rebord de tiroir qui depuis des années recueillait l'hommage de ses raclures.
Accessoirement, interviennent le souvenir de Jane Austen (qui est le nom du bar dans lequel vivait le moine, mais également une statue et dont l'œuvre apparait en écho et transparence tout au long du roman) ou encore James Joyce sous les traits d'un drôle de Bloom, géant receveur des impôts, vivant dans un quartier détruit et irradié. On rencontre également Sayya jeune sorcière du désert qui a infiltré la Tcheka en couchant avec Mamoud et tout un tas d'évènements (une longue traversée en pirogue dans les rues inondées de la ville, le réveil du Grand Commissaire, un entrainement de kendo) qui réjouissent et font planer, sans oublier la touche si personnelle et intelligente de l'auteur quand il décrit ses personnages : - Citation :
- A première vue, l'évènement extraordinaire d'une convocation auprès du grand commissaire lui avait fait perdre ce qui d'ordinaire illuminait sa manière d'être, la toute conscience de son poids dérisoire : qu'on le veuille ou non, il avait une raideur presque solennelle sur le visage.
Personne n'échappe aux pièges retardés de l'enfance. En un mot on ne s'ennuie pas, en deux, l'écriture et l'inventivité de Volodine s'allient pour offrir au lecteur médusé une lecture à la fois spectaculaire et envoûtante. Seul bémol : la fin qui n'en est pas une et un livre qui ne se clôt pas sur la résolution de l'énigme, comme si tout cela n'avait pas d'importance, comme si le propos était ailleurs. Peut-être dans cette possible transmigration des consciences à travers les rêves ou la boule magique d'une bohémienne, la possibilité d'entrer dans les pensées, la vie, le corps d'un autre en passant par une armoire à vêtements, la possibilité d'un tyran qui serait autre chose que cela (bien plus empathique qu'un Staline finissant), la possibilité d'une contre-révolution qui finalement perdrait son aura au fil de la lecture, comme le duel inégal d'une révolution trahie contre une révolution impossible … Bref, si la fin laisse perplexe, il est donné au lecteur de poursuivre ad libitum le récit de Petrograd, ce qui au fond est assez élégant. Je me suis régalée. | |
| | | shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
| Sujet: Re: Antoine Volodine Mer 13 Aoû 2014 - 12:13 | |
| Je me sens un peu seule sur ce fil... Personne à la rescousse !?! Dreep ? Méphistophélès ?? Hamsterkiller ??? Bon je continue : Rituel du méprisUne créature est emprisonnée et torturée par de monstrueux gardiens. La nuit elle écrit son histoire. Elle raconte sa jeunesse sur une terre dévastée par la guerre et sur la manière dont son clan, les Feuhls ont réussi à s'adapter. Car c'est bien de cela dont il est question dans cet opus, qui tisse des liens avec les deux précédents, tout en conservant une totale autonomie. Comment survivre dans une contrée en guerre quand de conquérant on est devenu chassé ? Les ordres sont alors de se fondre dans les populations, tribus et clans de toute sorte et de procréer, vaille que vaille. L'enfant qui nous est présenté, semble être la résultante de ce mélange bigarré, il vit près d'une mère laborieuse et son père est mort. Du coup, il est régulièrement confié à des oncles qui lui apportent leurs connaissances. Comment manger une âme, aider au suicide ou encore voir mentalement alors qu'on ferme les yeux. Des savoirs qui vont servir à notre créature pour se sauver d'un monde complexe, violent, accablé et en guerre. Je retiens surtout de cet ouvrage le formidable passage de l'enfant chez le dernier oncle, dans un monde calciné, où les enfants aux yeux brûlés se servent de la télépathie pour pouvoir courir en évitant de tomber dans les flaques de goudron fumant dont ils ne se relèveraient pas. L'écriture de Volodine, toujours fascinante, toujours sidérante de beauté et de souffrance mêlée trouve ici une forme d'hypostase fulgurante. Une nouvelle rencontre fascinante dans un univers très proche des bédés fantaisy (Lanfeust...) où l'on croise d'étonnantes créatures sans jamais vraiment savoir où et dans quel espace-temps se déroule l'action. Pas forcément le plus abouti des livres de Volodine mais peut-être s'agit-il d'une bonne porte d'entrée dans son univers si particulier. J'ai hâte de lire Des enfers fabuleux qui clôt le cycle purement SF de l'auteur ! | |
| | | Dreep Sage de la littérature
Messages : 1435 Inscription le : 14/03/2014 Age : 32
| Sujet: Re: Antoine Volodine Lun 18 Aoû 2014 - 2:21 | |
| Songes de Mevlido
Antoine Volodine décrit un monde post-apocalyptique dans lequel il fait s'aventurer comme des pantins plusieurs personnages, et Mevlido. Des morts et des vivants, des morts-vivants. Un monde qui n'en finissait plus de changer et de se détériorer, de s'appauvrir.
Sur le papier, ça aurait pu me plaire. Dommage que le récit s'endort sur ses multiples distorsions et ses redondances, ses facilités. L'ennui commence à se manifester, l'indifférence suit, et le désir d'en finir au plus vite.
J'attendais quelque chose de plus équivoque. | |
| | | Arabella Sphinge incisive
Messages : 19316 Inscription le : 02/12/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Antoine Volodine Lun 18 Aoû 2014 - 7:48 | |
| Je n'ai pas pu le finir, Le songe de Mevlido, ce qui m'arrive rarement. Beaucoup d'ennui en effet pour moi aussi. Le sensation de tourner en rond. | |
| | | shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
| Sujet: Re: Antoine Volodine Jeu 11 Sep 2014 - 15:17 | |
| Des enfers fabuleuxStupéfiant et somptueux ! Le lecteur est à la fois transporté physiquement, géographiquement sur des terres étrangères dont les ardeurs et les rudesses surprennent et il découvre lentement au contact d'êtres étonnants, attachants, mutants des aventures légendaires, cruelles et bouleversantes. L'histoire est racontée par une narratrice, un peu chamane beaucoup sorcière dont on découvre assez tardivement le prénom : elle est Lilith… Bienvenue dans son enfer, celui du Grand Rivage glacé qu'elle remonte immensément pour un jour, une année ou bien un millénaire aborder le désert de Wook-wook dans lequel se tapit une lamaserie. A Woorakone, la lamaserie abrite des mutants et des moines, des prieurs, des passeurs de rêves, des recruteurs et des archivistes. Tous se servent des rêves pour parcourir les univers, les planètes, les étoiles. Et sur ses terres toutes différentes et toutes fabuleuses se trouvent des êtres qui vont permettre aux moines de voyager à travers l'espace stellaire. Pour se faire, ces êtres, ces mutants devront mourir dans les flammes et renaitre ailleurs. On croise sur ces terres des êtres vagissant, glapissant, hurlant, mordant, des rebelles se défendant de l'horreur de leur condition, se laissant recruter par les moines en espérant qu'ailleurs l'enfer y est moins dur. De ce grand voyage, de cette grande légende, tour à tour mystique, drôle, effrayante, effrénée, Antoine Volodine comme à son habitude raconte dans une langue inoubliable, d'une beauté renversante, les méandres, les illusions et les souffrances. Car toute vie se résume en deux mots : désarroi et douleur. Toute vie n'est que cela et l'attente d'enfers fabuleux, cette proposition faite au pire des hommes-oiseaux-mutants ou aux dérivés d'un kolkhoze expérimental dans lequel on trafique les corps et les esprits de trois petites filles sorties des flammes ! Tout est incroyablement immense et beau dans ce livre intense et fort. Sans doute faudrait-il commencer par ce livre (plus structuré, plus narratif, moins décalé que d'autres) pour entrer dans le monde somptueux de Volodine. Cet homme est un chaman ! | |
| | | shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
| Sujet: Re: Antoine Volodine Mar 28 Oct 2014 - 18:56 | |
| Lisbonne dernière marge
Lisbonne. Premier niveau de lecture. Ingrid Vogel et Kurt Wellenkind ressemblent à deux touristes amoureux visitant la ville. Mais Ingrid est une terroriste recherchée par la police secrète à laquelle appartient Kurt. Pourtant il l'aime et a décidé de la sauver en lui faisant changer d'identité et en la laissant embarquer sur un navire hollandais. Ils se sont donnés rendez-vous dans vingt ans. Il lui demande de ne pas faire parler d'elle pendant ce temps. Elle lui répond qu'elle compte écrire un livre qui racontera de manière déformée, falsifiée, non identifiable son histoire. Il lui dit combien cette idée est dangereuse et qu'elle risque d'attirer la police non seulement sur sa piste à elle mais également vers lui.
Une ville inconnue à l'époque d'une Renaissance qui n'est en rien comparable à celle du XVIème siècle. Second niveau de lecture. Nous sommes dans le livre qu'Ingrid rêve d'écrire. Un monde qui fait exploser les avatars et atomise les personnages. Ici il n'est plus question d'Ingrid ou de Kurt mais d'entité commune portant un nom générique et composé de plusieurs corps : Katarina Raspe, Eva Rollnik, Ingrid Schmitz ou encore Elise Dellwo sont plusieurs personnes réunies sous un même vocable. Que font-elles ? Elles publient leur recherche dans des revues spécialisées après avoir déposé les originaux aux archives des Ruches. Et parce que l'idée sous-jacente de tout le roman est que la littérature est éminemment subversive, elle conduit à la mort chaque groupe qui part à la recherche de l'origine de la Renaissance. En effet, les adultes y sont séparés des enfants, ils n'ont même aucun souvenir de leur enfance et savent seulement que les enfants vivent en communauté sous la surveillance d'instructeurs. De ses instructeurs filtrent par période les contes que les enfants se racontent oralement. C'est autour de cette littérature de l'enfance, des contes et de l'oralité que les groupes mentionnés plus haut cherchent à percer le mystère de leur existence adulte. Interrogeant toujours les fondements des sociétés totalitaires, où les polices ont toute liberté de meurtre, et alors même que les citoyens estiment vivre en toute liberté, que Volodine nous invite une nouvelle fois. Le roman se construit autour de fragments, d'extrait de revues, de souvenirs, d'enquête et d'exégèses (tout en restant extrêmement lisible, il faut le noter). C'est aussi à un questionnement sur l'enfance, sur l'héritage, sur le fondement de l'histoire que l'auteur nous convie : que reste-t-il en nous de l'imaginaire de l'enfance, quelle réminiscences enfantines construisent notre vie d'adulte, quelle part faisons-nous aux contes, aux mythes, aux rêves qui nous berçaient enfant ?
Et quelle liberté de paroles avons-nous dans un monde où l'information quoi qu'on en dise reste peu ou prou à la solde de ceux qui la produisent, l'éditent, la mettent en ligne ?
Eclatement du sujet, réflexion sur le 'je', atomisation de la forme narrative mais également de celui qui s'en fait le porte-parole, c'est à la fois un roman sur l'individu face au collectif, de la parole une et unique formulée par une masse et par la puissance de subversion des idées, des mots, de l'écrit et des cris.
Très bien même si j'avoue m'être un peu essoufflée sur la fin.
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| | | Bédoulène Abeille bibliophile
Messages : 17270 Inscription le : 06/07/2007 Age : 79 Localisation : Provence
| Sujet: Re: Antoine Volodine Ven 21 Nov 2014 - 21:44 | |
| Les anges mineurs
Dans quel monde sommes nous ? un monde absurde, où la vie est en extinction, un monde que le voyageur Khrili Gompo visite périodiquement pour rapporter des images qui en permettraient la connaissance.
A ce monde en perdition, abimé, flétri, à ces âmes miséreuses, à ces saisons déconstruites, de vieilles, très vieilles centenaires, bicentenaires et plus encore d’une maison de retraites, des grands-mères plus ou moins chamanes, ont envoyé « un sauveur » Will, le petit-fils que la direction leur refuse, mais que va créer Laetitia Scheidmann avec le soutien des autres aïeules.
« Elle occupa les mois suivants à ramasser dans les dortoirs des tombées de tissu et des boules de charpie, et, alors que la surveillance à son encontre s’était à nouveau relâchée, elle ordonna ses trouvailles, les compressa et les cousit ensemble au point de croix jusqu’à ce qu’un embryon fût obtenu. Elle le cacha à l’intérieur d’un oreiller et elle le confia aux sœurs Olmès, qui le mirent à mûrir sous la lune. »
Hélas Will réhabilitera le capitalisme, alors les grands-mères décideront de punir le traitre, elles veulent le fusiller, mais rien ne se passe logiquement dans ce monde, où les mouches ont droit de vote, les oiseaux des noms, où les anges ne sont d’aucun secours , ils passent.
Varvalia Lodenko espère qu’en écoutant son manifeste égalitaire, les pauvres gens décideront d’une insurrection qu’elle appelle, qu’elle soutient, pour corriger le tort causé par Will. Curieusement les "camps" que l'on devine dans un pays totalitaire, ne semblent pas un mauvais souvenir aux personnages, le nom de Communisme non plus.
Le temps qui est très généreux pour les aïeules est par contre compté, quelques minutes, à Khrili Gompo le voyageur dans les « plongées » qui l’occupent. .
Les aïeules centenaires devenues immortelles, car elles ne savent plus mourir, sont la mémoire de ce monde, mais la mémoire est trouée alors pour la retrouver Will va distraire les vieilles chamanes avec 49 narrats étranges qu’il compose.
Tous les personnages se croisent, se séparent, se reconnaissent, mais peu sont surs de leur identité, même le soleil, la lune, l’herbe mutent. L’espace temps est déréglé, les boussoles marchent à l’envers, mais les rêves s’ accomodent de toutes les particules de vie ou de mort.
J’ai cru que j’allais refermer le livre sans le lire, car les narrats comme les appelle l’auteur se détermine sur 2/3 pages le plus souvent et les nouvelles si courtes ce n’est pas ce que j’aime. Mais comme j’ai toujours du mal à un abandon j’ai persisté quelques pages et j’ai compris que ces narrats formaient une entité malgré une déstructuration totale, des non sens, de l’imaginaire débridé. Le rythme est rapide et l’écriture inventive dans la forme et le fond. C’est ma première rencontre avec l’auteur et c’était donc un bon moment de lecture.
Dernière édition par Bédoulène le Sam 22 Nov 2014 - 19:21, édité 3 fois | |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Re: Antoine Volodine Ven 21 Nov 2014 - 21:50 | |
| Bon, je vais peut etre lire Des anges mineurs... En demandant aux 500 autres -tous urgents !- d' attendre ! | |
| | | Bédoulène Abeille bibliophile
Messages : 17270 Inscription le : 06/07/2007 Age : 79 Localisation : Provence
| Sujet: Re: Antoine Volodine Ven 21 Nov 2014 - 22:00 | |
| oui j'aimerais avoir ton sentiment, car je peux m'être perdue dans ce monde déroutant, un peu effrayant aussi. | |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Re: Antoine Volodine Ven 21 Nov 2014 - 22:22 | |
| - Bédoulène a écrit:
- oui j'aimerais avoir ton sentiment, car je peux m'être perdue dans ce monde déroutant, un peu effrayant aussi.
Une femme perdue, toi, Bédou ?! Je crois qu' il vaut mieux demander à Shanidar... Elle vit déjà dans un univers post apocalyptique. Enfin, je suppose ! Moi, j' ai peur d' avoir peur ! | |
| | | topocl Abeille bibliophile
Messages : 11706 Inscription le : 12/02/2011
| Sujet: Re: Antoine Volodine Sam 22 Nov 2014 - 8:38 | |
| C'est très pessimiste, Bédoulène? | |
| | | Sullien Sage de la littérature
Messages : 1591 Inscription le : 23/10/2012
| Sujet: Re: Antoine Volodine Sam 22 Nov 2014 - 12:04 | |
| (je ne suis pas Bédoulène et je la laisse répondre, mais l'univers de Volodine est en effet très pessimiste parce que l'auteur est empreint d'humanisme et de tendresse pour une humanité perdue ; cependant, le pessimisme se résorbe dans une écriture très poétique et drolatique qui "fait passer la pilule") | |
| | | Bédoulène Abeille bibliophile
Messages : 17270 Inscription le : 06/07/2007 Age : 79 Localisation : Provence
| Sujet: Re: Antoine Volodine Sam 22 Nov 2014 - 14:24 | |
| comme le précise Sullien, la drôlerie fait tout passer, c'est touchant parfois aussi. Et même la pourriture peut être poèsie ! Je ne sais si c'est habituel chez cet auteur, mais les noms demandent à eux seuls d'avoir une bonne mémoire. j'ai oublié de mentionner l'irradiation de la terre par le nucléaire. pour une première rencontre c'est déroutant au début du livre, mais une fois passée la porte, imaginaire bien sur, j'ai trouvé de quoi me satisfaire. "N'accusez personne de ma vie" dixit un écrivain qui meurt | |
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| | | | Antoine Volodine | |
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