Mishima Yukio

Quel plaisir de me replonger dans cette suite de La mer de la fertilité! Un début très proustien d'ailleurs avec des réflexions sur la mémoire et le rêve qui se confondent mais qui ont parfois plus de présence et de consistance  en nous que ce qui nous entoure ici et maintenant. J'aime énormément son écriture. On est à la fois dans des lieux géographiques très vivants et des espaces mentaux. Quel grand écrivain! Je vous tiendrai au courant à l'arrivée. Je suis malheureusement obligé de le tronçonner un peu à cause de la masse de boulot démente qui s'abat sur moi avec la reprise... Et il me tarde d'arriver au Temple de l'aube qui se passera à Bangkok (qui était évoqué à travers les princes siamois dans le premier volet).

Un tournoi de kendo entre des combattants en rouge et blanc devant le sanctuaire du "dieu sévère" d'Omiwa sous un soleil de plomb. Beauté du rituel, magnétisme du lieu, tension érotique dégagée par le jeune Isao Iinuma observé par Honda. Iinuma se révélant sous une cascade en pleine nature comme la potentielle réincarnation de Kiyoaki. On pourrait être dans Gohatto (Tabou) de Nagisa Oshima. Qu'est-ce que c'est bien ! Je continue...





Et du coup j'ai eu envie d'en savoir plus sur le Japon traditionnel, le shintoïsme, les arts martiaux (même si j'ai fait du judo, je ne sais rien de sa philosphie). Le numéro spécial de Géo fera l'affaire en attendant de me trouver un beau livre illustré.

N'hésite pas à continuer de nous faire part de tes découvertes, émerveillements sur le Japon ... Ca m'intéresse ...

GrandGousierGuerin a écrit:

N'hésite pas à continuer de nous faire part de tes découvertes, émerveillements sur le Japon ... Ca m'intéresse ...

On sent que Mishima aimait énormément les traditions de son pays. Il les décrit avec précision en les sublimant par une écriture d'une très grande force d'évocation. C'est une lecture jubilatoire et fascinante.

J'ai quand même trouvé le Dvd de Neige de printemps (Haru no yuki): ICI

(c'est pas mal du tout cdjapan !)

Marko a écrit:

J'ai quand même trouvé le Dvd de Neige de printemps (Haru no yuki):

C'est très dommage. Il n'y a même pas de sous-titre anglais.

Ariane SHOYUSKI a écrit:

Marko a écrit:

J'ai quand même trouvé le Dvd de Neige de printemps (Haru no yuki):

C'est très dommage. Il n'y a même pas de sous-titre anglais.

Pas grave je connais bien l'histoire maintenant et je veux voir comment ils l'ont illustrée.

si si apparemment ça se trouve. après les synchros des sous-titres avec les films c'est parfois fastidieux (souvenirs...) mais des fois ça se passe bien ou des fois on bidouille.

Ton enthousiasme donne envie de se replonger dans Mishima, Marko !
Neige de printemps est vraiment un roman bouleversant tant il met en lumière la complexité de sa personnalité. Fasciné et hanté par la destruction et la mort, il cherche avec obstination à transcender une beauté, à la figer dans un moment d'état de grâce, hors du temps. L'amour de Kiyoaki pour Satoko est voué à l'échec, mais les traces d'un bref épanouissement sont mémorables dans l'expression d'une urgence, d'une force sensible qui se consume dans sa folle intensité.

Et la suite est au même niveau. Je plane complètement. Il y a une scène hallucinante où Honda fusionne dans son esprit le tournoi de Kendo et la cérémonie des lis comme si principes masculin et féminin se confondaient dans un mouvement esthétique parfait.

Je viens de parcourir de nouveau le fil. Il faut que je refente Mishima. J'ai lu Après le banquet il y a deux ou trois ans, avec plaisir, mais sans passion non plus ; je suis restée extérieure au récit et n'ai pas partagé l'engouement de certains parfumés, même si ce fut une lecture agréable.

Plus récemment, le recueil  Dojoji et autres nouvelles m'a laissée mitigée. La première nouvelle, exaltant le sacrifice du "samouraï" qui entraîne sa femme dans la mort, m'a tout de même dérangée, tant cette fascination morbide m'est étrangère.  Les autres nouvelles m'avaient bien plu, par contre.

Je me demande donc quelle facette de Mishima sera celle qui me conviendra ; peut-être cette tétralogie dont le début t'enthousiasme tant, Marko ?

Oui je pense, Armor, parce que c'est vibrant, plastiquement impressionnant et c'est un hommage au japon traditionnel dont il restitue les fastes avec une plume magique. On sent que cette œuvre testamentaire cherche à faire revivre une époque en train de disparaître. Il y a une profonde mélancolie derrière cette beauté sidérante et je comprends maintenant qu'il s'agit probablement d'une forme de manifeste et de testament avant de se suicider.

J'en suis à quelques pages dans Le Pavillon d'Or. Comment dire ?  

C'est un coup de cœur. Cette ligne profondément tracée entre le personnage principal et le monde qui l'entoure me rappelle, en quelque sorte, Le Torrent d'Anne Hébert, sauf qu'au lieu d'être coupé du monde par une quelconque surdité, c'est son bégaiement qui l'empêche de ne faire qu'un avec le monde.

Et cette manière poétique exacerbée très particulière d'interpréter les choses, pas du tout présente chez les romanciers européens, ou en tout cas pas ceux qui me sont familiers. Par exemple :

Mishima Yukio a écrit:

Le clair de lune se déversait impitoyablement sur son front, ses yeux, l'arête du nez, les pommettes et ne faisait pourtant que baigner la face immobile. N'eût-elle eu qu'un infime tressaillement des paupières ou des lèvres, cet univers, qu'elle s'évertuait à refouler, se fût, à ce signal, engouffré en elle comme une cataracte.

Ouep.

Mais c'est un excellent premier contact avec la littératures asiatique, ça ! Je m'en réjouis.
Ce qui me frappe aussi souvent, chez les auteurs asiatiques, ce sont les métaphores. Les références ne sont pas les mêmes que les nôtres, forcément, et donnent lieu à de savoureuses découvertes pour le lecteur occidental. Lao She (dont je ne saurais trop te conseiller le magnifique "Quatre générations sous un même toit"), est maître en la matière.